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Comme prévu, iels se rendirent en Argentine. Ash eut l'impression d'être en vacances. Au début du séjour, iels passèrent des journées entières à visiter, ou manger dans meilleurs restaurants de la ville. Erik semblait vouloir se faire pardonner de l'avoir laissée seule si longtemps, et Ash en profitait sans se limiter. Elle était heureuse d'être là avec lui.
Mais la réalité la rattrapa bientôt, et Erik dut remettre le sujet de Shaw sur le tapis.
— Apparemment, il va faire très beau, demain, lança soudainement Ash sans lever les yeux du journal. Et si on allait à la plage ?
— À la plage ? s'esclaffa Erik depuis la salle de bains, d'où il rasait sa barbe. Pourquoi pas faire un pique-nique, tant qu'on y est.
— Oui, pourquoi pas ? répliqua la brune, sourcils froncés. Je ne suis pas contre l'idée.
Erik leva les yeux au ciel.
— Tu es adorable, railla-t-il.
— Pourquoi j'ai l'impression que tu te fous de ma gueule ? gronda son interlocutrice. Qu'est-ce que j'ai dit de mal ?
— Ash, réfléchis une seconde, fit l'autre en s'avançant vers elle. Rappelle-toi pourquoi tu es ici.
— Je sais très bien pourquoi nous sommes ici. Mais on peut aussi profiter d'être en voyage, non ? Ça fait des années que je suis coincée aux États-Unis.
Erik vint s'asseoir en face d'elle et posa une main sur sa jambe.
— Je sais que ça a été dur pour toi, reprit-il. Et je t'ai laissée respirer un peu durant ces trois premiers jours, parce que je sais que tu en avais besoin. Mais je ne peux perdre mon objectif de vue.
Ash ne répondit pas, la mine renfrognée. Le mutant glissa un doigt sous son menton, un rictus amusé au coin des lèvres.
— Arrête de bouder, railla-t-il. Je vais avoir besoin de toi.
— Comment ça ? questionna-t-elle.
— Il faut que tu couvres mes arrières. Et pour ça, j'aurais besoin de tes flammes.
Immédiatement, Ash secoua la tête de gauche à droite.
— Non. Hm-mh, appuya-t-elle. N'y pense même pas.
— Écoute-moi--
— Non ! Tu sais très bien que je suis dangereuse. Je refuse d'utiliser mes flammes.
— Oh, je t'en prie... soupira le mutant en se levant. Arrête de prendre cet air buté. Si tu ne veux pas comprendre...
— Je comprends, Erik ! défendit la brune.
— Alors pourquoi est-ce que tu me soutiens pas ?
— À chaque fois que j'use de ce... de cette malédiction, des gens meurent ! C'est un désastre, je n'ai aucun contrôle sur mes flammes, je--
— Ce sont des nazis, Ash, coupa Erik en roulant des yeux à nouveau. Ils ont assassiné bien plus de personnes que tu ne le pourra jamais.
— Ça n'a aucune importance !! répliqua la brune. Ce.. ce fléau fait de moi un danger ambulant ! Et si je te blessais sans le vouloir ?
— Ça n'arrivera pas, soutint le mutant. Je te le promets.
Ash plissa les yeux, le visage sombre.
— Ne fais pas de promesses que tu ne saurais tenir, cracha-t-elle. Je n'utiliserais pas mes flammes. Point final.
Erik soutint son regard durant de longues secondes. Puis, sans un mot, il attrapa sa veste et se dirigea vers la sortie.
— Où est-ce que tu vas ?! l'interpella Ash, fébrile.
La porte claqua violemment en guise de réponse. La mutante serra la mâchoire, incapable de faire le moindre mouvement. Ses yeux se remplirent de larmes.
Elle garda très peu de souvenirs de cette soirée là. Elle se souvint juste qu'elle l'avait passée à pleurer et à nettoyer ses plaies. À force d'enfoncer ses griffes dans ses bras, pour délocaliser la douleur insupportable de son cœur en train de se briser, elle finit par s'ouvrir la peau.
Machinalement, elle eut le réflexe de se rendre dans la salle de bains. Le sang perla dans le lavabo. Elle n'osa cependant affronter son reflet. Elle se détestait de se montrer aussi faible.
Elle s'allongea dans le lit simple qui lui avait été attribué, et garda les yeux grand ouverts dans le noir. Ses angoisses la maintinrent éveillée une bonne partie de la nuit. Et s'il ne revenait pas, cette fois ? Et si elle avait réellement tout gâché ?
Traçant le schéma mental de ce qu'elle allait bien pouvoir faire maintenant qu'il l'avait abandonnée, elle sursauta en entendant la porte s'ouvrir. Cependant, elle ne bougea pas d'un pouce et ferma rapidement les yeux. Son corps se raidit alors qu'Erik venait s'allonger juste derrière elle, l'entourant de ses bras. Il déposa plusieurs baisers à la naissance de sa nuque.
— Je suis désolé, murmura-t-il d'une voix à peine audible.
En guise de réponse, Ash noua ses doigts aux siens. Elle se sentit se détendre doucement. Le poids écrasant sa poitrine disparut également. Enfin, elle put s'endormir, sachant qu'Erik était toujours à ses côtés.
Cependant, sa gorge demeura nouée d'un sentiment qu'elle ne parvint pas à identifier, et qu'elle ignora purement et simplement.
Le lendemain, elle se réveilla seule dans la chambre. Le soleil filtrait à travers les volets, qu'elle s'empressa d'aller ouvrir pour aérer la pièce. Elle se rendit dans la salle de bains pour prendre une douche, suite à quoi elle enfila une chemise d'Erik par-dessus ses sous-vêtements. En passant devant la petite table dans le coin, elle remarqua un mot gribouillé sur un bout de papier. Elle reconnut l'écriture de son acolyte et se pencha pour regarder de plus près. C'était une adresse. Tout portait à croire que ça avait été laissé par hasard, mais Ash savait que ce n'était pas le cas. Elle pinça les lèvres, la mâchoire crispée, et déchira le papier pour le jeter à la poubelle.
Puis, elle alluma la télévision pour essayer de se changer les idées. En vain. Les yeux dans le vide, son cerveau fonctionnait à plein régime. Elle serra les poings en réalisant ce qu'elle était sur le point de faire. Tâchant de contenir la colère qu'elle ressentait contre Erik et elle-même, elle revêtit un pantalon et une veste par-dessus sa chemise, et se mit aussitôt en route. Bien qu'elle ait toujours l'adresse en tête, ses sens aiguisés de prédateur l'aidèrent à suivre la trace du mutant à l'odeur si particulière. Son visage fermé dissuada chaque personne qu'elle croisa de l'aborder.
Elle aperçut l'auberge de loin, et sentit l'angoisse venir obstruer sa gorge. Elle ralentit le pas, songeant le temps d'une seconde de faire demi-tour. Ou plus encore, de disparaître complètement. Mais la voix de son cœur l'emporta une nouvelle fois et ses jambes se remirent à marcher d'un pas rapide.
Elle passa bientôt le seuil du bâtiment. Une balle siffla près de son oreille. Son corps entier se tendit, prêt à répliquer. Elle croisa d'abord le regard satisfait d'Erik, avant de poser les yeux sur le propriétaire qui venait de tirer. Elle haussa un sourcil dans sa direction. Les mains tremblantes de l'homme témoignèrent de sa peur. Erik, lâchant le manche du poignard qu'il venait de planter dans la paume d'un nazi, laissa échapper un ricanement.
— Oh, mon pauvre... lança-t-il. Tu viens de signer ton arrêt de mort.
— Non, trancha Ash d'une voix ferme en s'avançant. Maintenant, ça suffit, Erik.
Ce dernier se tourna vers elle, bouche bée. Le regard de la brune était si dur qu'il ne sut réagir.
— ... Quoi ?
— J'ai dit, ça suffit. On y va.
Toujours silencieux, Erik se leva et vint lui faire face, la dominant de toute sa hauteur. Pourtant, Ash ne cilla pas.
— Tu me tournerais le dos ? siffla le mutant.
— Je suis juste en face de toi, répliqua-t-elle avec assurance. Je te regarde dans les yeux. Et je te dis : si tu tiens un minimum à nous, arrête cette folie.
Erik n'eut pas le temps de répliquer. Un second coup de feu partit de derrière lui. Poussée par un réflexe dû à son sixième sens, Ash s'interposa. La balle se logea dans son épaule. Erik la rattrapa avant qu'elle ne s'effondre au sol, et répliqua immédiatement en dirigeant le canon du pistolet sur la temps de l'homme qui venait de tirer. Ce dernier s'écroula dans un bruit sourd, suivi de près par les deux autres hommes présents dans la pièce. Enfin, Erik baissa les yeux vers son acolyte.
— Ash, regarde-moi !
Mais cette dernière ne réagissait plus. Ses yeux n'étaient plus que flammes ardentes, et son aura se mit rapidement à monter en température.
— Ash ! hurla Erik. Stop !
Elle ne l'entendait plus. L'esprit du dragon avait pris possession de son corps, bien décidé à la défendre contre ces menaces extérieures. Aussi, le maître du magnétisme fit en sorte de retirer la balle de son épaule grâce à son don, puis appuya sa main sur la plaie béante pour stopper l'hémorragie. La brune laissa échapper un grognement de douleur et s'appuya sur la table la plus proche, crispant sa main sur le bois vernis. Celui-ci prit feu à son contact. Erik observa l'incendie se développer sans pouvoir réagir.
— Ash, on doit sortir ! prévint-il. Reste avec moi, d'accord ??
Sans un mot de plus, il la traîna dehors, où la lumière du jour la fit revenir à elle. Haletante, elle se laissa tomber dans l'herbe au bout de quelques mètres, légèrement sonnée.
— On ne peut pas rester, Ash, pressa Erik en jetant un œil vers l'auberge, dont l'intérieur était en flammes.
La mutante, la main posée sur sa blessure, leva doucement les yeux vers lui. Elle ne voulait pas se retourner, et constater une fois de plus que le monde avait raison. Elle ne savait pas contrôler ses pouvoirs. Elle était bien trop dangereuse.
Doucement, Erik s'agenouilla devant elle, un large sourire aux lèvres.
— Tu es formidable, assura-t-il. Je le savais. Je savais que tu me réservais de belles surprises.
À ces mots, Ash fondit en larmes. Son acolyte la prit immédiatement dans ses bras, essayant de la réconforter, tout en fixant l'incendie qui ravagait le bâtiment duquel iels venaient de sortir.
— Formidable, il répéta dans un murmure, ignorant les bruyants sanglots de la brune.
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𝙄'𝙢 𝙖𝙛𝙧𝙖𝙞𝙙 𝙤𝙛 𝙖𝙡𝙡 𝙄 𝙖𝙢
𝙈𝙮 𝙢𝙞𝙣𝙙 𝙛𝙚𝙚𝙡𝙨 𝙡𝙞𝙠𝙚 𝙖 𝙛𝙤𝙧𝙚𝙞𝙜𝙣 𝙡𝙖𝙣𝙙
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