18

Elle revoyait tout. Son subconscient renvoyait toutes les images dont ses yeux avaient pu témoigner ce jour-là. Elle ressentait jusqu'à la colère qui avait déclenché cette catastrophe. Les flammes qui s'étaient échappées de ses mains, allant frapper les vieilles tablettes de pierre exposées dans la salle des artefacts où elle s'était réfugiée. Les caractères à moitié effacés qui s'étaient soudainement illuminés, se reflétant dans ses yeux sombres. La terreur qu'elle avait ressenti en voyant ce qu'elle avait causé. Puis, la douleur. Cette brûlure dans sa poitrine, si forte qu'elle en était insupportable, même pour elle.

Elle se réveilla en hurlant, la peau luisante de sueur. Ses membres tremblaient. Elle posa un regard agité autour d'elle, avant de reconnaître les meubles de sa chambre. Sa respiration fébrile se calma peu à peu, jusqu'à ce que sa porte s'ouvre brusquement.

— Ash ?!

Elle reconnut immédiatement la voix de son amie, et se redressa un peu plus.

— Jean... pria-t-elle, la voix tremblante.

La rousse s'approcha d'un pas précipité et grimpa sur le lit, la rejoignant à quatre pattes. Elle accueillit la dragonne dans ses bras, malgré la chaleur qui s'émanait d'elle, la serra contre son cœur, caressant tendrement ses cheveux de jais. Ash s'accrocha à elle comme à une bouée de sauvetage.

— Tout va bien... murmura la télékinésiste à son oreille. Je suis là, maintenant. Tu n'as plus rien à craindre.

Dans son étreinte rassurante, la brune parvint à se détendre. Jean dégagea les mèches humides de son visage pâle.

— Encore tes cauchemars ? demanda-t-elle dans un murmure.

Ash acquiesça silencieusement. Elle inspira profondément, et vida ses poumons dans un long soupir. Un nuage de fumée s'échappa de ses narines.

— Je donnerais n'importe quoi pour que ces souvenirs disparaissent... souffla-t-elle, visiblement épuisée.

Jean fit la moue et se plongea dans une courte réflexion.

— C'est quelque chose qui pourrait se faire, déclara-t-elle ensuite.

La brune leva les yeux vers elle, interloquée.

— Vraiment ? questionna-t-elle, pleine d'espoir.

Je ne te promets rien, sourit la télépathe en prenant ses mains. Mais je peux essayer de les enfermer dans une partie de ta tête, et d'en bloquer l'accès. Ils ne disparaîtront pas éternellement, mais ils ne referont pas surface tant que je ne les libérerais pas.

Ash resta silencieuse, considérant sérieusement l'idée.

— Je ne le ferais que si tu es sûre de toi, reprit Jean.

— Oui, affirma la dragonne, les sourcils froncés, plongeant son regard dans celui de son amie. Je veux que tu le fasses. S'il te plaît.

La rousse hocha la tête.

— D'accord.

Ash se blottit de nouveau contre elle.

— Tu me promets de ne jamais partir sans moi ? demanda-t-elle doucement.

Jean passa ses bras autour d'elle, et embrasse le haut de sa tête.

— Je te le promets.

« JEAN ! JEAN, NE FAIS PAS ÇA ! JE T'EN SUPPLIE, RESTE AVEC NOUS ! »

« Je suis désolée. »

« Merci pour tout. »

« Merci à toi. »

« Ash... Je ne suis jamais partie. »

Ash ouvrit les yeux. Sa chambre était plongée dans le noir. Doucement, elle se redressa. Elle réalisa que quelques larmes brûlantes avaient roulées sur ses joues. Elle les essuya d'un revers de main, et poussa un long soupir. Ce n'était qu'un rêve, se dit-elle.

À ses côtés, Logan dormait toujours. La dragonne esquissa un sourire en le voyant ainsi apaisé. C'était si rare. Animée d'un élan d'affection, elle caressa tendrement sa joue. Mais le mutant se tendit immédiatement, et saisit brutalement son poignet. Ses yeux croisèrent ceux de sa compagne, qui lui offrit un sourire rassurant.

— Ce n'est que moi, murmura-t-elle.

Logan soupira de soulagement, relâchant doucement son bras.

— Fais gaffe, prévint-il cependant. Je veux pas que tu te prennes un mauvais coup.

— Ne t'inquiète pas, répondit-elle en glissant ses doigts dans les siens. Tu ne peux pas me faire mal.

Elle porta sa main à ses lèvres, et déposa un baiser sur ses phalanges. Le mutant esquissa un léger rictus crispé.

— Pourquoi t'es réveillée ? lui demanda-t-il reposant leurs mains sur son torse, caressant du pouce la peau de la brune.

— J'ai fait un mauvais rêve, confia-t-elle sans rien laisser paraître. Rien de bien méchant... Je vais aller prendre l'air cinq minutes.

— Tu veux que je t'accompagne ? proposa Logan.

— Non, dit-elle en se penchant pour l'embrasser. Rendors-toi.

— Ok, murmura-t-il contre ses lèvres, refermant les yeux.

Ash détacha ses doigts des siens et se leva sans faire de bruit. Elle enfila sa robe de chambre et quitta la pièce sur la pointe des pieds. Traversant les couloirs jusqu'à la porte d'entrée, elle sentit son cœur se serrer en passant devant la chambre de sa défunte amie. Mais elle ne s'attarda pas, et se dirigea directement vers le parc.

La nuit était calme. Cela laissa à la mutante tout le loisir de se plonger dans ses pensées. Les images de son rêve repassaient en boucle devant ses yeux. Mais une phrase en particulier résonnait dans sa tête.

« Ash... Je ne suis jamais partie. »

Elle avait reconnu sans difficulté la voix de Jean. Cependant, elle se demandait ce que ça signifiait. Ce n'était pas quelque chose qu'elle avait pu lui dire de son vivant, comme les autres phrases qu'elle avait entendu avant de se réveiller soudainement. Elle avait l'étrange impression que son subconscient essayait de lui faire passer un message. Mais pourquoi à travers Jean ? Pourquoi à travers ces vieux souvenirs qu'elle pensait bien enfouis ?

Elle avait beau retourner la situation dans tous les sens, aucune réponse sensée ne lui venait à l'esprit. Elle pensa qu'il vaudrait mieux en parler à Charles le plus tôt possible. Résignée, elle inspira profondément et retourna se coucher. Elle se rendormit difficilement, blottie contre Logan, la tête embrumée par toutes ces pensées parasites.

Lorsque vint l'heure de se lever, l'homme aux griffes de métal hésita à réveiller sa compagne, qui semblait être profondément plongée dans le sommeil. Finalement, il eut le temps de réfléchir pendant son passage dans la salle de bains, et décida de la laisser dormir quelques heures de plus. Retrouvant le Professeur dans son bureau, il lui expliqua les événements de la nuit. Ce dernier afficha un air préoccupé, et promit d'aller voir Ash dans la matinée. Logan fut satisfait de cette réponse, et retrouva Storm pour le début des cours.

Juste avant le déjeuner, Charles se rendit dans la chambre de son ancienne élève, qui venait seulement de se lever. Plantée devant son armoire, elle semblait choisir une tenue pour la journée.

— Tu devrais mettre ta jupe. Tu sais, celle qui te va si bien.

Ash sourit sans se retourner.

— Avec quel haut ?

— ... Ton chemisier fleuri ? proposa le télépathe. Les températures commencent à se rechauffer.

Elle fit mine de réfléchir, une moue songeuse au coin des lèvres, et finit par saisir les vêtements en question.

— Tu as raison.

Elle se tourna enfin vers son mentor.

— Bonjour, mon ange, fit ce dernier avec tendresse.

— Bonjour, répondit-elle en venant l'embrasser. Désolée d'avoir tardé, ce matin.

— Nuit difficile ? questionna le Professeur.

Ash se détourna en haussant les épaules avec nonchalance.

— J'imagine que tu es déjà au courant de tout.

— À vrai dire, Logan vient de m'en informer, expliqua-t-il, avançant dans la pièce. Tes cauchemars recommencent ? Les mêmes qu'avant ?

La mutante soupira, affaissant ses épaules, et s'assit doucement sur son lit.

— Non, c'est... Ils sont légèrement différents, répondit-elle. Cette fois, c'était un souvenir. J'ai rêvé que je faisais ce cauchemar, celui où... où j'ai déclenché cette malédiction. Puis, je me suis réveillée en sursaut, mais cela faisait toujours partie de mon rêve. Ensuite, Jean est arrivée et j'ai revu la discussion que nous avions eu à propos d'enfermer mes souvenirs. Puis, j'ai eu quelques flashs du jour où elle nous a quitté... Et juste avant de me réveiller, je l'ai entendue me parler. Mais ce n'était plus la Jean de mon rêve.

— Qu'est-ce qu'elle a dit ? questionna Charles, les sourcils froncés.

— « Je ne suis jamais partie. »

Le visage du télépathe s'assombrit.

— J- Je n'ai pas très bien compris... reprit Ash, la voix tremblante. Mais... ce n'est qu'un rêve, n'est-ce pas ?

Le Professeur secoua doucement la tête, l'air soucieux.

— Je n'en suis pas si sûr, Ash. Je ne suis pas étonné que tes vieux souvenirs te reviennent, étant donné que la personne qui les a enfermé n'est plus... mais nous ne pouvons pas mettre le reste de côté.

Ash plongea ses yeux dans les siens, abattue.

— Qu'est-ce ça signifie, alors ? demanda-t-elle du bout des lèvres.

Le mutant inspira longuement.

— Je n'en sais rien, soupira-t-il finalement. Nous n'avons pas assez d'éléments pour tirer de conclusion maintenant... Mais si tu as de nouveaux rêves de ce genre, n'hésite pas à m'en informer. Nous trouverons la réponse à ces questions, je te le promets.

La brune lui offrit un maigre sourire.

— Merci, Charles.

Il posa une main réconfortante sur la sienne, et lui rendit son sourire.

Finalement, Ash se prépara à affronter le reste de la journée et rejoignit ses collègues dans le réfectoire. Logan parut soulagé de la voir ainsi détendue. Ils échangèrent un regard complice qui passa inaperçu aux yeux de tous•tes.

Une seule personne manquait à l'appel. Depuis l'incident, Scott avait tendance à s'isoler, érigeant d'épaisses murailles autour de lui, forgées par le deuil. Il y avait eu une période de mieux, mais il avait fini par replonger. Il ne sortait presque plus de sa chambre. Cela avait le don de crisper Ash, dont le propre deuil avait longtemps assombri le quotidien. Maintenant qu'elle revoyait la surface, elle avait du mal à supporter que d'autres continuent de se noyer sous ses pieds. Mais pour le moment, elle prenait sur elle, usant de toute la patience dont elle pouvait faire preuve.

Durant le repas, plusieurs de ses élèves la questionnèrent sur son absence du matin. Elle leur répondit simplement qu'elle ne se s'était pas sentie très bien, mais que tout allait mieux maintenant. L'air rassuré sur leurs visages gonfla son cœur de tendresse.

Elle mangea en face de son compagnon, dont le pied venait sans cesse malencontreusement rencontrer le sien. Bien qu'elle ait deviné le sous-entendu, Logan ignorait chacun de ses regards appuyés. Ash sentit la frustration monter progressivement. N'y tenant plus, elle finit par déplier sa jambe et plaça son pied juste au niveau de son entrecuisse. Le mutant eut un mouvement de recul, qui alerta ses voisins. Il leva les yeux vers la brune, la mâchoire serrée, et croisa son regard brûlant. Satisfaite, Ash se détourna comme s'il ne s'était rien passé. Si elle avait pu entendre les pensées de Logan en ce moment même, elle aurait probablement rougi jusqu'à la racine de ses cheveux. Cependant, il n'y avait pas besoin de pouvoirs télépathiques pour ressentir la tension qui venait de monter entre eux. C'était ça qu'elle aimait, dans leur relation. Malgré les jours qui passaient, l'électricité qui les les attirait l'un vers l'autre était aussi forte qu'au premier jour.

Après le repas, iels disposaient tous•tes d'une petite demi-heure avant la reprise. Logan et Ash surent exactement comment la mettre à profit, et ne s'embêtèrent même pas à retirer leurs vêtements alors qu'iels basculèrent ensemble sur le bureau de l'enseignante.

Cette dernière eut besoin d'un moment pour reprendre ses esprits, et faillit arriver en retard au cours qu'elle donnait. Celui-ci se déroula sans encombres, malgré quelques fortes têtes qui décidèrent de faire les malin•es. Ash frôla la colère, mais n'en eut finalement pas eu besoin. Il était rare que ses élèves la poussent à bout. Iels l'avaient vue une ou deux fois être réellement furieuse, et n'avaient pas vraiment envie de retenter l'expérience. Puis, à la fin de l'heure, l'ambiance se détendit légèrement. Certain•es en profitèrent pour poser quelques questions à leur enseignante.

— Quand est-ce qu'il revient, le professeur Cyclope ?

Ash se raidit, mal à l'aise.

— Je ne sais pas, Theresa, répondit-elle sincèrement. Ce ne sera pas pour tout de suite, je le crains.

— Il sera remplacé par le Professeur Logan ? questionna Kitty Pryde.

— Oui, sûrement.

— Définitivement ?

La mutante fronça les sourcils, s'imaginant une seconde Logan se lancer dans une carrière d'enseignant.

— Non, il y a peu de chances, répondit-elle avec un léger rictus narquois. Quoi que, on ne sait jamais...

Elle mit fin à son cours, et rassembla ses affaires. Elle prit ensuite le chemin de son bureau. Dans les couloirs, elle croisa Scott, vêtu de sa veste en cuir, portant un sac sur son dos. Le voir la surprit légèrement.

— Oh, Scott ! s'exclama-t-elle avec enthousiasme. Où vas-tu ?

— Nulle part qui te concerne, répondit-il sèchement.

Ash fronça les sourcils, refroidie par son attitude.

— Eh, c'est quoi ton problème ? l'interpella-t-elle avant qu'il ne s'éloigne trop.

Il s'arrêta, et se tourna vers elle.

— Mon problème ? C'est que tu te mêles de ce qui ne te regarde pas, répliqua-t-il, le visage crispé.

— Je ne t'ai rien dit de mal, se défendit l'enseignante, irritée. Ce n'est pas parce que Jean te manque que tu es obligé de passer tes nerfs sur moi.

Elle regretta immédiatement ces paroles. Même sans voir ses yeux, elle pouvait deviner la douleur qui les habitait désormais.

— C'est pas ce que je voulais dire... se reprit-elle, le visage sombre. Excuse-moi. C'est juste... Ça fait deux ans, maintenant. Il est peut-être temps de passer à autre chose, tu ne crois pas ?

Scott la regarda longuement, les muscles tendus. Ash appréhendit sa réaction.

— Tu sais quoi ? finit-il par dire en s'approchant d'elle. Tu n'as pas besoin de faire semblant. Je sais que tu ne te soucies absolument pas de moi, tu ne t'en es jamais souciée.

— Je te demande pardon ? s'offusqua la dragonne, les yeux flamboyants.

— C'est la vérité, soutint Cyclope, la mâchoire serrée. Derrière tes airs altruistes, tu es la reine des égoïstes. Il n'y a que tes petits problèmes qui comptent. Et Jean... elle a été bien trop gentille avec toi.

Ash sentit son nez la piquer alors que les larmes lui montaient aux yeux.

— T'es qu'un imbécile, Scott, cracha-t-elle, amère. Tu ne sais rien de moi, rien de ce que j'ai pu traverser !! Et tu es l'égoïste dans cette histoire si tu penses que tu es le seul à avoir été affecté par sa mort !

— Arrête de me parler d'elle ! gronda Scott entre ses dents.

— Alors, quoi ?! s'écria la brune. Il ne s'agit donc pas d'elle ??

Scott secoua la tête, exacerbé, et s'éloigna à grands pas. Ash poussa un profond soupir, évacuant un nuage de fumée par ses narines, et se détourna à son tour.

tensions dans la villa

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