Nevahe se réveilla en sursaut, le cœur tambourinant dans sa poitrine. Encore ce cauchemar. Allait-il la suivre encore longtemps ?

Elle resta allongée un moment, les mains crispées sur sa couverture, les yeux fixés au plafond, attendant que les dernières traces laissées par ce mauvais rêve s'estompent. Elle se tourna ensuite sur le côté pour apercevoir le matelas sur lequel dormait son meilleur ami, s'attendant à le trouver encore endormi, mais le découvrit étonnement vide.

Elle attendit quelques secondes avant de repenser à Elya, et rejeta sa couette pour sortir de son lit. L'adolescente se dirigea vers son armoire et choisit des vêtements à la hâte avant de quitter sa chambre. Une fois dans le couloir, elle constata que la chambre d'ami était ouverte et qu'Elya n'y était plus. Nevahe fronça légèrement les sourcils, se demandant pourquoi personne ne l'avait réveillée si tout le monde était levé. Elle dévala ensuite les escaliers et, voyant sa tutrice dans la cuisine, alla l'embrasser sur la joue. N'apercevant ni son meilleur ami, ni Elya, elle questionna Diana pour savoir où ils étaient passés.

─ Lisandre a tenu à repasser chez lui pour voir sa sœur, il m'a dit qu'il revenait après. Quant à Elya, je n'en ai aucune idée. Elle était partie avant même que je ne sois levée.

Nevahe prit un air à la fois étonné et interrogateur, se demandant pourquoi la nephyris était partie si tôt et si elle comptait revenir. Comme elle ne leur avait pas parlé de sortie la veille, elle finit par hausser les épaules et s'éclipsa dans la salle de bain.

Une quinzaine de minutes plus tard, Nevahe ressortait de la pièce, vêtue d'un pantalon gris foncé et d'un haut noir assorti à ses bottines, prête à entamer une nouvelle journée.

Attablée devant son petit déjeuné, elle repensa à la discussion qu'elle avait eue avec Diana hier, l'adolescente avait décidé de mettre ses nouveaux pouvoirs à l'épreuve. Nevahe voulait savoir si elle était capable de faire réapparaître les globes orange chargés d'électricité de la veille, sans créer davantage de dégâts dans la maisonnette.

En y repensant, l'adolescente jeta un coup d'œil en direction de l'ancienne porte d'entrée. Diana en avait façonné une nouvelle comme elle pouvait avec des planches et panneaux de bois en attendant d'en racheter une nouvelle.

Nevahe soupira. En une journée, il s'en était passé des choses... Et ce n'était pas comme ça qu'elle avait prévu ce début de semaine.

Elle se leva pour débarrasser sa table et revint pensivement s'asseoir sur sa chaise. Nevahe voulait recréer ces globes étranges. Seulement elle ne savait absolument pas comment elle allait s'y prendre. Nevahe se rappela alors le flux d'énergie qui l'avait poussé à agir, cette force qui lui était venue d'au plus profond d'elle-même. C'était ça, la solution, il fallait qu'elle fasse revenir cette énergie. Elle posa ses mains sur la table, paumes vers le haut. Nevahe fixa alors son regard sur ses mains et se concentra sur les sensations qui s'étaient propagées dans son corps afin de les faire renaître. Elle attendit plusieurs minutes, espérant que quelque chose se produise, mais rien ne se passa.

Un peu déçue, elle tenta de les faire apparaître d'une autre manière. Fermant les yeux, elle imagina se former une boule d'énergie. Focalisée sur cette image, elle pensa à la sensation de chaleur qui s'en dégageait et se répandait jusque dans ses bras et ses doigts.

─ Qu'est-ce que tu... Oh ! s'exclama Diana à côté d'elle.

La voix de sa tutrice la fit brusquement sursauter. Déconcentrée, Nevahe eut juste le temps de voir deux petits globes orange exploser en fumée.

Bouche bée et les yeux écarquillés par l'étonnement, l'adolescente observa un instant ses mains vides, avant de tourner la tête vers Diana, l'air à la fois ravie et gênée.

─ Tu as vu ça ? finit-t-elle par demander, la voix enjouée.

Diana l'observa un instant, elle ne pensait pas que l'adolescente essaierait d'apprendre à contrôler ses pouvoirs aussi vite et ne savait pas trop comment réagir. Elle se contenta de hocher la tête, un léger sourire accroché aux lèvres.

La jeune femme était curieuse, est-ce que Nevahe aurait réussi, si elle ne l'avait pas prise par surprise ?

─ Réessaye pour voir ?

L'adolescente remit ses mains en place et recommença sa représentation mentale. Gardant les yeux ouverts cette fois-ci, elle se concentra davantage pour réussir et parvint à faire apparaître des globes de la taille d'une balle de ping-pong. Nevahe les observa grandir peu à peu et se retrouva vite avec deux boules orange aussi grandes que celles de la veille.

Elle ressentit de légers picotements avant qu'elles n'explosent à leur tour.

Nevahe allait retenter sa chance lorsque la porte, en face d'elle, s'ouvrit brusquement sur son meilleur ami.

Essoufflé, ses cheveux bruns en bataille, Lisandre tentait de reprendre son souffle. Le visage tendu par l'anxiété, il avait l'air complètement paniqué.

─ J'ai un gros problème, finit-il par lâcher d'une voix tendue.

******

Lisandre se mit à faire les cent pas dans la pièce, sans rien ajouter à propos de ce qui le tracassait. Nevahe le suivait du regard, inquiète de voir son meilleur ami dans un état pareil. Elle ne l'avait jamais vu aussi chamboulé.

─ Qu'est-ce qu'il s'est passé ? lui demanda-t-elle d'une voix soucieuse, incapable de garder le silence plus longtemps.

Le jeune homme s'arrêta et passa une main nerveuse dans ses cheveux en bataille, ne sachant pas par où commencer.

─ Elle... elle a disparu !

─ Quoi ? s'exclama l'adolescente, qu'est-ce qui a disparu ?

─ Iris ! Je ne sais pas ce qu'il s'est passé...

─ Comment ça, elle a disparu ? Qu'est-ce que tu racontes ?

─ Tu es sûre qu'elle n'est pas sortie ? le questionna Diana.

─ Non, justement...

─ Justement, quoi ? l'interrogea Nevahe en fronçant les sourcils, ne comprenant pas où il voulait en venir.

Un peu inquiète à cause de son attitude, Diana s'avança vers lui et posa une main sur son épaule dans un geste qui se voulait apaisant.

─ Et si tu t'asseyais pour nous expliquer ça ? lui proposa-t-elle d'une voix calme, en le poussant légèrement vers une chaise.

─ D'accord... acquiesça Lisandre.

─ Tu es sûre que ta sœur a disparu ? s'enquit Nevahe, elle peut être simplement sortie...

─ Non. Elle me laisse toujours un mot quand elle quitte la maison avant moi.

─ Tu ne l'as pas vue de la matinée ?

Son meilleur ami secoua vivement la tête.

─ Quand suis arrivé là-bas à huit heures, il n'y avait personne ni dans la cuisine, ni dans le salon, et aucun bruit non plus dans la maison... Je me suis simplement dit qu'elle dormait encore, elle est assez fatiguée en ce moment. Alors j'ai passé toute la matinée à m'occuper en faisant des allers-retours entre le jardin et la maison, pour voir si elle s'était levée. À dix heures, toujours personne. Pourtant tu sais aussi bien que moi qu'Iris est une lève tôt, même quand elle est crevée. Je suis donc allé jusqu'à sa chambre pour voir si tout allait bien. J'ai frappé à sa porte et j'ai attendu, mais comme aucune réponse ne venait, je me suis décidé à entrer... je ne m'attendais certainement pas à ça... lui annonça-t-il de manière assez rapide.

─ Tu ne t'attendais pas à quoi ? le pressa l'adolescente, à qui cette histoire ne disait rien de bon.

─ Si tu avais vu ça ! Sa couverture gisait par terre, à moitié en boule au milieu de ses oreillers et de ses bouquins. Et sa fenêtre était grande ouverte Je n'ai jamais vu sa chambre dans un état pareil ! Et tu sais aussi bien que moi qu'Iris ne laisse jamais rien traîner. Surtout quand il s'agit de ses affaires. On aurait dit que quelqu'un était entré par effraction. D'ailleurs, j'ai trouvé ça qui traînait au sol... Je suis quasiment sûr de ne jamais l'avoir vu avant.

Lisandre fouilla un instant dans sa poche de pantalon avant de refermer sa main sur un petit objet qu'il tendit à Nevahe.

Son amie, inquiète par ce qu'il venait de lui décrire, réceptionna sa trouvaille au creux de sa paume.

Tendue, Nevahe sentie son cœur louper un battement lorsqu'elle reconnut le médaillon argenté en forme d'oiseau aux ailes déployées. Comprenant exactement ce qu'il s'était passé, elle fixa un instant le petit corbeau métallique qu'elle tenait, le ventre noué par le stress et la peur.

D'une main tremblante, elle le prit entre ses doigts et le posa dans la main de sa tutrice, qui n'avait rien perdu de l'échange.

─ Euh, Lisandre ? Ça, c'est un des médaillons du Corbeau, l'informa Nevahe d'une voix blanche.

*****

Le teint livide, Lisandre se figea. Il lui fallut plusieurs minutes avant de décrocher son regard de l'objet que Diana avait reposé sur la table.

─ Attendez... C'est le Corbeau qui a enlevé ma sœur ?

Nevahe et Diana se jetèrent un coup d'œil soucieux et hochèrent silencieusement la tête, ne sachant pas du tout quoi lui répondre ni comment réagir face à cette situation.

─ Mais pourquoi ? Qu'est-ce qu'ils lui veulent ? demanda le jeune homme en se prenant la tête entre les mains.

Complètement décontenancé, Lisandre ne savait plus du tout quoi faire. Il ne parvenait pas à comprendre ce qui avait poussé le Corbeau à faire cela. Est-ce qu'il savait pour ses visions ? À tous les coups, c'était à cause de ça... Mais, comment aurait-il pu être au courant ? Iris avait toujours fait attention, elle se tenait loin des gens et n'avait jamais effrayé personne quant à ce qu'elle aurait pu voir. Elle préférait d'ailleurs rester à l'écart, à la maison, au cas où une vision surgisse sans prévenir. Ce n'était pas possible... À moins qu'ils ne soient surveillés ?

Lisandre releva brusquement la tête. Il observa rapidement chaque fenêtre pour vérifier qu'il n'y est personne. Un peu rassuré de constater que rien ne semblait anormal aux alentours de la maison, il leva ses yeux bruns vers les deux femmes et déclara :

─ Il faut qu'on fasse quelque chose !

─ On est d'accord, acquiesça Nevahe.

─ Mais quoi ? leur fit remarquer Diana en croisant les bras.

─ Tu as raison... concéda l'adolescente, on ne peut pas débarquer comme-ça chez le Corbeau. Ce serait se jeter dans la gueule du loup.

─ Et on fait quoi alors ? On ne va quand même pas laisser Iris se débrouiller toute seule ? On ne sait pas ce qu'ils lui veulent, ni comment elle va !

─ Il va nous falloir un plan, répondit son amie.

Lisandre n'eut pas le temps de leur montrer son accord. Une nouvelle fois, la porte s'ouvrit brusquement.

Effrayée par le bruit soudain, Diana sursauta vivement et se tourna vers l'entrée.

─ Ça dérangerait quelqu'un de frapper avant d'entrer ? Nous ne sommes pas dans un moulin ici ! ne put s'empêcher de s'écrier la jeune femme, le cœur battant.

─ Désolée... murmura une voix féminine presque inaudible.

Les deux adolescents levèrent la tête vers la nouvelle venue, un peu étonné de la voir ici.

─ Ah Elya ! fit Diana en apercevant l'adolescente, où étais-tu ?

Celle-ci, essoufflée par sa course, secoua la tête et agita la feuille enroulée qu'elle tenait à bout de bras.

─ Je... je crois qu'il y a un gros problème, annonça-t-elle d'une voix saccadée, tout en déroulant le papier.

À la vue de l'affiche, Nevahe, Lisandre et Diana se figèrent. Un silence absolu s'installa dans la pièce. Pendant quelques minutes, Nevahe fixa son portrait sans pouvoir réagir.

─ Voilà qui ne va pas arranger les choses... marmonna-t-elle.

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