𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟐𝟓 : Mara

 
Tous les quatre s'étaient assis dans l'herbe, près du lac et émettaient des hypothèses ou cherchaient des solutions, mais ne parvenaient qu'à se poser davantage de questions et revenaient toujours au même point. Pourquoi le chef du Corbeau voulait absolument retrouver Nevahe ?

L'adolescente elle-même ne parvenait pas à comprendre. Il ne lui restait rien. Rien de sa vie à Lonyris ni de ses parents. Tout ce qu'elle avait hérité d'eux, c'était leur don. Et même sur ses pouvoirs, elle n'avait aucune réponse. Pourquoi ses parents ne les avaient jamais mentionnés ? Qu'est-ce qu'ils étaient au juste ? Y avait-il d'autres personnes comme eux, comme elle ? Ou étaient-ils seuls ?
Pourquoi ils ne lui avaient rien dit ? Elle était quand même en droit de savoir !

Nevahe fut arrachée à ses pensées par des bruits de pas qui accouraient dans leur direction. Le son interpella ses amis qui coupèrent net leur conversation pour relever la tête en sa direction.
─ Mahira ! s'exclama une voix féminine essoufflée.
Au ton alerte qu'avait pris la jeune fille, la concernée sauta vivement sur ses pieds.
─ Anthéa ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

Tandis que la nouvelle venue prenait le temps de les rejoindre et de reprendre son souffle, les mains posées sur ses genoux, Nevahe se permit de la dévisager.

Anthéa devait avoir douze ans. De taille moyenne, elle possédait une silhouette fine et élancée. De visage, elle avait les mêmes traits que Mahira, en plus jeune. Les seules différences étaient qu'elle avait la peau mate, des cheveux bruns un peu ondulés qui lui arrivaient aux épaules, et des yeux couleur chocolat.

La jeune fille releva enfin la tête vers sa sœur qui attendait sa réponse, avec le même regard interrogateur qu'avaient pris ses amis.
─ C'est Mara. Elle a une nouvelle vision.
L'eïrham n'attendit pas d'autre explication. Sans se soucier de savoir qui suivait ou non, elle partit en courant.
Nevahe, Lisandre et Elya se lancèrent à sa poursuite sans se poser davantage de question. Anthéa sur leurs talons.

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Nevahe suivi Mahira jusqu'au centre du camp et pénétra dans la grande tente, suivit par Lisandre et Elya. Mahira et Anthéa les guidèrent jusqu'à la pièce du fond dissimulée par deux tissus bruns foncés épais posés comme des rideaux. Tous les cinq s'engouffrèrent entre les voiles pour rentrer dans une chambre simplement aménagée d'une couchette, une penderie, trois chaises et un bureau qui servait aussi de table. Une lanterne semblable à celle qu'ils avaient dans leur tente éclairait la pièce.

Thalion et Elaia se tenaient au centre, debout. Une femme d'une trentaine d'années se tenait à leur côté. Celle-ci gardait son regard fixé au sol, tandis qu'Elaia avait posé une main sur son bras comme pour la soutenir.

Les parents de Mahira levèrent à peine les yeux vers eux, préoccupés par l'état de leur compagne qui se mit à trembler.

À sa vue, Nevahe cru que la femme était malade. Sa peau claire était blafarde comme si elle venait de voir un fantôme. Ou comme si elle avait approché la Mort. Ses cheveux noirs au carré et ses vêtements de la même couleur faisaient davantage ressortir sa blancheur, et sa fine corpulence lui donnait un air fragile.

Tandis qu'Elaia lui murmurait des paroles apaisantes, la femme releva vivement la tête. Ses yeux sombres virèrent au violet et soudain, la lumière s'éteignit, les plongeant dans le noir.

Sans comprendre ce qu'il se passait et ce qui leur arrivait, Nevahe, Lisandre et Elya furent percutés par une force qui leur passa au travers, provoquant un courant d'air. Une seconde après, des filaments rouges lumineux se mirent à former des images dans l'espace autour d'eux. Des flammes crépitèrent un instant avant de laisser place à un château taille réduite à moitié démoli. Il s'effaça au profit d'une tour, puis d'un couloir. Et enfin d'une cellule. Derrière les barreaux, les contours d'une jeune femme commencèrent à se dessiner, suivit d'un homme qui lui serrait le bras.

Lisandre, autant que Nevahe et les autres, ressentit comme une décharge électrique dans son corps. Un mélange de douleur, de pression, de peur et d'impuissance s'abattit sur lui, lui coupant le souffle. Chacune des perceptions étant aussi fortes les unes que les autres.

Au milieu de tous ces sentiments qui n'étaient pas les siens, un mauvais pressentiment fit son cœur se serrer. Son ventre se noua alors que l'image de sa sœur prises entre les serres du Corbeau venait hanter son esprit.

Dans la chambre en toile, les lignes s'effacèrent au profit d'un tout autre lieu, emportant toutes les sensations afin de laisser place à un vide qui leur parut étrange en comparaison à la violence de leurs ressentis précédents.

Cette fois, un paysage plus abstrait, représenté par vagues, se dessina. Des formes indistinctes semblables à un groupe de personnes s'avançaient, amenant avec lui un air pesant. Un sentiment de haine le traversa ainsi qu'un désir de faire couler le sang que personne dans cette pièce n'avait jamais ressenti. Le chemin que le groupe empruntait se dissipa pour venir représenter la lisière du camp vu de la forêt.

Ce fut la dernière vision de Mara. Toutes les lignes rouges lumineuses disparurent. La lanterne se ralluma comme si rien ne s'était passé, chassant brusquement l'obscurité.

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Nevahe se frotta les yeux pour se réhabituer à la lumière. Étrangement essoufflée, son cœur battait encore la chamade dans sa poitrine en réponse aux premières visions intenses. Son regard chercha directement à savoir comment allaient les autres.

Elya était dans le même état qu'elle. Lisandre était tout aussi essoufflé, comme Mahira, Anthéa et leurs parents, mais affichait un air troublé. Il lui suffit de croiser son regard pour deviner ce qui le tracassait et cela lui serra l'estomac.
Thalion avait froncé les sourcils. Il s'inquiétait sûrement pour les siens.

De son côté, Mara s'éloigna rapidement d'Elaia, qui s'inquiétait pour elle, afin de se précipiter vers son bureau, ignorant les signes de fatigue et les sensations que lui avaient laissé ses visions. Elle ouvrit un tiroir et saisit une feuille et un stylo plume. Elle écrivit rapidement quelques mots et tendit la feuille à Lisandre.

Ce dernier fut étonné par son geste, ne comprenant pas pourquoi Mara ne donnait pas le papier à Elaia ou à Thalion. Comme elle insistait pour qu'il le prenne, il finit par le saisir.

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Elle est comme moi.
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Nevahe le vit froncer les sourcils à son tour.

─ Comment ça, elle est comme toi ? Comment tu...

Mara lui reprit la feuille des mains et entreprit de griffonné quelque chose au dos.

─ Mara est une ayiari, leur glissa Mahira comme explication. Les ayiari ont des visions qui leur permettent de voir le passé, le présent et l'avenir. D'abord humains, ils tiennent leur pouvoir des Syh'liari, les créatures des légendes, qui seraient à l'origine de la création du monde. Ce que vous venez de voir, c'était sa propre version de l'apparition de ses visions. Chaque ayiari en a une différente, la seule chose qu'ils ont en commun à ce moment-là, c'est leur yeux qui deviennent violets.

─ Comment tu sais tout ça ? s'exclama Lisandre, surpris.

Et dire qu'il pensait qu'il ne saurait jamais ce qu'était, ou d'où venait les dons de sa sœur... voilà que Mahira avait la réponse à leurs questions.

─ Les recherches. Nous l'avons découvert il y a quelques mois. Mes parents étant les dirigeants de la tribu, ma famille à accès à des livres anciens d'environ un millénaire voir plus. Certains sont écrits dans un dialecte qui nous était jusque là inconnu... Lorsqu'il s'est avéré que Mara avait la capacité de les lire. Ça l'a surprise aussi au début. Avant d'essayer de les lire, elle n'avait jamais entendu ou lu cette langue. C'est elle qui nous a donc informé de ce que contenait les livres. Comme elle est muette, ça a été un peu long.

L'ayiari tendit de nouveau la feuille à Lisandre.

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Pendant la vision, deux liens se sont créés. Le premier entre elle et moi,où j'ai ressenti une connexion. Je crois qu'on a établi une sorte de contact. Le deuxième, entre elle et toi. Je ne sais pas comment l'expliquer, peut-être était-ce dû au fait que tu étais présent dans la pièce ?
En tout cas, elle a besoin de toi. J'espère que tu parviendras à l'aider.
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Lisandre hocha la tête sans savoir quoi dire. Perturbé par tout ce qu'il venait d'apprendre.

─ Un lien... répéta Nevahe en lisant par-dessus son épaule. Est-ce que ça signifie que les ayiari sont connectés entre eux ?

─ C'est possible, acquiesça Mahira. Ils ne doivent pas être nombreux, enfin c'est ce que nous pensons. À part Mara, nous n'en connaissons pas d'autres dans le coin. Surtout que leur existence est souvent gardée secrète, pour leur bien. Si des personnes mal intentionnées étaient au courant de leur don, cela serait dangereux pour eux. Leur vision les affaibli, et en avoir des trop rapprochés peut mettre leur santé, voir leur vie en jeu.

Nevahe vit le visage de son meilleur ami pâlir de plus en plus.
La gorge de Lisandre se serra au fur et à mesure des paroles de l'eïrham. Il retourna le papier entre ses doigts, relut la simple phrase marquée sur le recto et le tendit face à Mahira.

─ Ma sœur en est une. Je viens de l'apprendre. En même temps que vous.

Mahira blêmit à son tour, pétrifiée par l'inquiétude. Elle resta muette, sans savoir quoi lui répondre, abasourdie par la nouvelle  et ce que cela signifiait.

Lisandre sentait son cœur battre trop fort dans sa cage thoracique. Il avait les mains moites et avait chaud. Un peu trop chaud.

─ Je crois que... Je vais aller dehors...

─ Attends, je viens avec toi.

Nevahe le rattrapa et l'accompagna hors de la tente.

À l'extérieur, Lisandre garda le silence et avança entre les abris en quête d'un endroit plus calme qui les amena sur le chemin menant au lac. Là seulement, il se laissa tomber dans l'herbe.
Assailli par le stress, la peur, la colère et l'inquiétude, le jeune homme se prit la tête entre les mains.

─ Putin, Iris, qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?

Un sanglot remonta dans sa gorge et il se cacha le visage pour pleurer.
Silencieusement, Nevahe s'assit à quelques centimètres de lui. Le cœur serré par les émotions, elle passa un bras autour de son meilleur ami et le fit basculer contre elle.

Lisandre prit plusieurs inspirations pour essayer de se calmer. Au bout de plusieurs minutes, il releva la tête vers sa meilleure amie, les yeux encore embués.

─ Nevahe ?

─ Oui ?

─ Comment va-t-on faire ? Nous sommes à l'opposé d'elle, à plus d'un millier de kilomètres. Comment va-t-on faire pour la sortir de là ?

Nevahe n'en n'avait aucune idée. Elle avait beau y penser depuis la vision de Mara, elle ne savait pas comment retourner à Lonyris et sauver Iris sans les jeter dans la gueule du loup. Et pourtant, elle aurait aimé pouvoir réagir plus que tout, et tous les sortir de ce guêpier.

─ Je ne sais pas, avoua-t-elle à mi-voix, mais on finira par trouver. Je te le promets.

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Hey ! Finalement, le dernier chapitre que je publierai ici sera le suivant :)
Je publierai peut-être la fin de l'histoire quand j'aurai fini de l'écrire et que ma mère l'aura lu, elle tient beaucoup à être là première à la lire lorsqu'elle sera fini 😆😊

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