𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟐𝟑 : La Shaena
Le soleil avait amorcé sa descente dans le ciel lorsque Nevahe, Lisandre et Elya quittèrent leur tente. Après l'entrevue avec Thalion et Elaia, Mahira les avait raccompagnés au camp pour déjeuner et avait passé une partie de l'après-midi avec eux à discuter. Elle était partie il y a une heure seulement en leur indiquant qu'elle devait finir de se préparer pour la fête. C'était Ewen qui était venu les chercher, pressé que la soirée commence.
Dehors, des banderoles avaient été installées entre les arbres et les allées étaient éclairées par des torches. Des guitares et des percussions jouaient un air entraînant qui provenait du centre du camp, ainsi qu'une odeur alléchante. Les trois amis se laissèrent guider par Ewen qui avançait joyeusement en courant et marchant alternativement auprès d'eux. Le jeune garçon profita d'être en leur compagnie pour leur glisser quelques informations sur leur tradition.
- Nous fêtons la Shaena tous les ans, à la même période de l'année. Tout le village se rassemble pour célébrer le printemps, c'est l'occasion pour tout le monde de se rassembler et de s'amuser. C'est l'une de nos fêtes préférées, chaque personne peut participer ! ajouta le garçon tout sourire.
L'enthousiasme d'Ewen amusa Nevahe, il avait aussi hâte que sa sœur qu'ils découvrent leur coutume.
Arrivés dans l'allée centrale, Nevahe, Lisandre et Elya s'aperçurent que beaucoup de membres de la tribu étaient déjà présents et occupés à échanger autour d'un grand feu de joie et près de quelques buffets dressés sur des tables en bois recouvertes de tissus colorés pour l'occasion.
Nevahe avait cessé d'écouter le petit frère de Mahira. Elle était en train de se rassurer et de se promettre de ne pas s'approcher du feu lorsque une voix amusée lui parvint aux oreilles.
Une jeune femme s'était détachée de la foule et avait avancer de quelques pas dans leur direction.
- Ewen, cesse de t'agiter dans tous les sens et vient un peu par ici, l'appela Aïssa avec un sourire en coin. Laissons-les un peu tranquilles, d'accord ?
L'eïrham tendit un bras pour l'inciter à la rejoindre. Le garçon leur lança un léger coup d'oeil, hésita une seconde puis acquiesça avant de courir vers sa tante. Aïssa adressa un signe de la main au petit groupe, puis entraîna son neveu vers les tables couvertes de nourriture et de boisson.
Lisandre proposa aux filles de s'avancer un peu plus et tous les trois se mêlèrent à la foule. Ils s'approchèrent d'un groupe de jeunes musiciens, installés à une dizaine de mètres du feu et les écoutèrent jouer pendant quelques minutes. Certains jouaient du tambour, d'autres de la guitare, de la cithare ou de la flûte de pan. Le tout formait une musique festive et énergique aux airs de liberté et de nature.
Un moment plus tard, ils s'aperçurent que plusieurs membres de la tribu avaient quitté les buffets pour venir s'asseoir en cercle sur des rondins de bois autour du feu. Intrigués, les trois amis les rejoignirent et s'installèrent auprès des eïrhams. Se demandant ce qu'il se passait, ils essayèrent de distinguer Mahira parmi les personnes qui les entouraient, mais aucun des trois ne l'aperçut.
Le temps que tout le monde se rapproche, la musique avait changé. Elle s'était lentement arrêtée pour reprendre sur un air tribal à la fois bucolique, entraînant et solennel.
Nevahe vit sur sa gauche qu'il y avait du mouvement dans la foule. Les eïrhams s'écartaient sur les côtés afin de laisser un passage pour accéder au cercle. Elaia et Thalion apparurent au bout de l'allée. Le chef de la tribu était vêtu d'un costume bleu turquoise brodé d'or. Accrochée à son bras, sa femme portait une robe aux couleurs assorties qui la mettait en valeur. Tous deux affichaient une mine sereine et paraissaient ravis de se joindre aux leurs pour participer aux festivités. Ils s'avancèrent et prirent place un peu plus loin, sur la droite des trois amis, laissant une dizaine de jeunes femmes et de jeunes hommes arriver d'une démarche légère et gracieuse.
Nevahe admira pendant un instant les tenues des danseuses qui avaient revêtu des robes mi-longues brunes, rouges, roses ou bien jaunes, cintrées à la taille. Leurs compagnons, eux, portaient des bas et des vestes blanches, rouges, bruns ou noirs où se dessinaient parfois des motifs ors ou argentés.
Tous se répartirent autour du feu au rythme de la musique puis, lorsque celle-ci cessa, s'arrêtèrent chacun dans une posture différente, prêts à débuter une danse.
Comme l'agitation semblait provenir de derrière, Nevahe tourna la tête sur sa gauche pour tenter de distinguer la personne qui retenait l'attention de toute la tribu.
L'imitant, Elya et Lisandre aperçurent Mahira au bout de l'allée. La brune était habillée d'une robe fuchsia dont le buste et la jupe étaient asymétriques. Sa taille était marquée par une ceinture beige.
L'eïrham adressait un grand sourire aux personnes qui l'entouraient. Mahira commença à taper dans ses mains, la musique repartit et elle gagna le cercle d'un pas chaloupé, s'engageant dans une danse folklorique à la fois énergique, rythmée et élégante.
A peine eut-elle ouvert le bal, la petite troupe de danseurs se joignit à elle, déclarant officiellement que les festivités avaient commencé. Près d'eux, quelques membres de la tribu les imitèrent.
Devant tant de joie et de bonne humeur, Nevahe sourit en observant les familles et les amis qui se mêlaient aux danseurs. Elle reporta son regard sur ses amies, et vit Mahira attirer Elya à elle. La nephyris la suivit volontiers, se laissant emporter par la musique et son amie, l'air ravie.
Elle dansa quelques minutes avec Mahira, puis revint vers eux. Un sourire aux lèvres, Elya invita Lisandre à se joindre à elle. A la surprise de Nevahe, son meilleur ami accepta et prit la main qu'Elya lui tendait.
Restée assise, Nevahe s'étonna d'apprécier la chaleur réconfortante du feu, plusieurs mètres devant elle. Bien sûr, elle ne comptait pas s'en approcher. L'adolescente préférait rester là, sur le tronc qui lui servait de banc, à regarder et à apprécier de voir ses amis s'amuser. Elle était contente de les voir profiter de cette soirée.
- Je peux m'asseoir ? questionna une voix masculine sur sa droite.
Nevahe leva les yeux vers son interlocuteur et reconnu Thalion. Elle hocha la tête avant d'ajouter pensivement :
- Vous ne restez pas avec votre femme ?
Le chef de la tribu lui sourit et jeta un regard vers sa compagne.
- Je crois qu'elle a trouvé bonne compagnie.
Nevahe s'aperçut en effet qu'Elaia jouait avec plusieurs jeunes enfants qui riaient aux éclats.
- Et toi ? Tu ne vas pas t'amuser avec tes amis ? la questionna gentiment Thalion pour la taquiner.
Un peu embarrassée, Nevahe sentit ses joues s'empourprer.
- Euhm... Disons que je préfère... me tenir à l'écart du feu, avoua-t-elle faiblement.
- Je vois.
Thalion l'observa un instant, puis aperçut un peu plus loin un de ses veilleurs de nuit qui lui fit signe. Le chef lui répondit par un léger mouvement de main qui n'échappa pas à l'adolescente. Elle suivit son regard et reporta son attention sur Thalion avec un air interrogateur.
- Nous avons installé un champ de protection autour du camp, expliqua l'eïrham, il permet de dissimuler notre petite fête à de potentiels visiteurs.
A ses paroles, Nevahe sentit son corps se tendre brusquement. Y avait-t-il un problème ? Est-ce que le Corbeau avait été aperçu dans les environs ?
En quelques secondes , elle s'imagina que, peut-être, des membres du Corbeau s'étaient introduits dans le camp malgré le champ de protection, et qu'elle avait à nouveau mit tout le monde en danger.
Thalion remarqua son inquiétude, il ajouta d'une voix calme et posée :
- Tout va bien. La barrière fonctionne correctement, personne ne s'en est approché, et nos éclaireurs n'ont encore aperçu aucun individu dans les environs.
Nevahe soupira de soulagement et se rassura en se disant que le père de Mahira avait pris ses précautions.
L'eïrham laissa passer un silence, puis se leva pour repartir.
- Si tu tiens vraiment à rester là, tu devrais au moins aller te chercher quelque chose à manger. Aïssa a cuisiné quelques-unes de ses spécialités, autant en profiter, lui conseilla-t-il en esquissant un sourire.
- Peut-être après, accepta Nevahe.
Le chef de la tribu lui adressa un dernier hochement de tête avant de s'éloigner en lui souhaitant une bonne soirée.
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A quelques mètres à côté des tables servant de buffet, Neith observait les gens qui dansaient et s'amusaient. La guérisseuse pensait au fait que la Shaena était l'une des traditions qu'elle préférait chez les eïrhams pour son ambiance et sa convivialité.
Son regard se baladait au niveau des danseurs et près du feu, quand il s'arrêta un instant sur une adolescente assise qui lui tournait le dos. Un cri d'oiseau détourna son attention.
Neith leva les yeux vers le ciel nocturne et aperçut un örle au plumage bleu amorcer sa descente dans sa direction, toutes ailes déployées.
- Zúko ? prononça la botaniste en fronçant légèrement les sourcils, avant de tendre le bras pour recueillir l'animal.
A son appel, l'örle émit un nouveau cri avant de se poser délicatement sur son bras.
Intriguée par la venue de l'oiseau, Neith chercha directement à savoir s'il était porteur d'un message. Effectivement, un papier était accroché à l'une des pattes de Zúko. Alors qu'elle était en train de décrocher le mot, l'örle laissa entendre quelques sifflements plaintifs à l'adresse de la guérisseuse qui suspendit son geste. Le visage de Neith pâlit et ses yeux se voilèrent de tristesse.
- Je suis terriblement désolée, Zúko. ...Kiya ne méritait pas ça. L'örle siffla à nouveau. Bien sûr que tu peux rester, tu es ici chez toi si tu le souhaites.
Zúko la remercia en glissant sa tête contre son cou.
- Je peux ? demanda Neith en tendant à nouveau la main vers le message.
Après avoir reçu l'accord de l'oiseau, Neith finit de le détacher et déplia la feuille pour la lire :
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Chère Neith,
Je pense que le temps est venu et j'espère que tu pourras nous aider. Les temps sont devenus compliqués. Au dernière nouvelle, N. , la fille d'Aria était à Nëhima chez une de nos amies. Il se peut que tu la croises sur ta route. Si c'est le cas, j'espère vraiment que tu pourras lui apporter l'aide dont elle a besoin.
J'espère que tout va bien de ton côté. Envoie-moi Zúko pour me donner de tes nouvelles, ou si jamais tu as du nouveau.
Je pense à toi, à bientôt j'espère.
Diana
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A la fin de sa lecture, la guérisseuse marqua un temps d'arrêt, encore sous le choc que l'örle lui avait annoncé la mort de son amie et la confirmation que Diana lui avait apporté sans même sans douter. Il lui semblait avoir compris ce qu'il s'était passé à Nëhima, sans vraiment savoir comment cela était arrivé. Son cœur se serra encore davantage quand elle pensa qu'elle allait devoir mettre Diana au courant du décès de leur amie.
Neith relut une nouvelle fois le mot et releva la tête, pensive. Si le temps était venu d'agir, comme le disait Diana, il fallait qu'elle retrouve la fille. La guérisseuse réfléchit un instant aux possibilités qui s'offraient à elle, l'une d'elle s'affirma plus que les autres : si la fille d'Aria ne venait pas jusqu'ici, il fallait que ce soit elle qui aille vers elle.
Décidant qu'il était préférable de se préparer à cette idée, Neith remercia Zúko de lui avoir remit le message et fit demi-tour pour rentrer chez elle, afin de ranger le papier, ... et vérifier que tout était encore à sa place.
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Plus loin, de l'autre côté de la barrière, à l'orée du camp, personne ne remarqua que quelqu'un se dissimulait dans l'ombre des arbres. L'individu, perché dans un arbre depuis une bonne vingtaine de minutes, après avoir réussi à ne pas se faire repérer par les éclaireurs, attendit que les eïrhams chargés de la surveillance s'éloignent pour se déloger de sa cachette. Il fit quelques pas en avant dans l'idée de mieux distinguer la zone qui lui faisait face et s'arrêta. Il inspecta le camp d'un regard vif et scrutateur.
Au premier abord, il ne distingua que des tentes et des feux où les dernières braises semblaient avoir été laissées à l'abandon. Les lieux lui paraissaient vides et sans vie. Cependant une légère odeur de brûlé lui parvint aux narines et le poussa à redoubler sa concentration sur ses sens. Il lui fallut attendre plusieurs minutes, les yeux fixés sur le ciel, avant de pouvoir distinguer de la fumée au centre du camp, qui se dégageait dans l'atmosphère. Le jeune homme comprit alors qu'un champ de protection avait été érigé autour des lieux, dissimulant l'activité des habitants à qui n'essayait pas de voir au-delà de la barrière. Satisfait de ce qu'il avait découvert, il retourna dans l'obscurité de la forêt avec un léger sourire en coin.
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