𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟐𝟏 : La guérisseuse d'Hënaga
Mahira entraîna Nevahe, Lisandre et Elya à sa suite, les guidant au travers de la montagne. Ils en sortirent quelques minutes plus tard pour se retrouver en pleine forêt. Un vent frais les accueillit, accompagné de l'odeur des pins et de l'humiditié mélangés aux effluves de la nature.
La chasseuse poursuivit son chemin et continua tout droit sans hésiter. Tandis que Mahira portait un regard attentif devant elle, aussi bien dans les arbres que dans les fourrés à l'affût de chaque bruit et chaque mouvement, le trio dû accélérer un peu pour rester à sa hauteur, leurs yeux alternant entre Mahira et le sol afin d'éviter de buter dans une racine, ou bien de marcher dans un trou.
S'enfonçant davantage dans la forêt, ils enjambèrent un mini cours d'eau et quittèrent le sentier pour s'engager dans une végétation plus dense. L'eïrham passa au travers de quelques buissons avant de se retourner pour vérifier que ses compagnons la suivaient toujours. Elle s'arrêta un instant après avoir constaté qu'elle les avait légèrement distancer et qu'ils se débrouillaient comme ils le pouvaient pour essayer de la rejoindre rapidement. Si Nevahe parvenait plutôt bien à suivre, Lisandre et Elya fermaient la marche.
À l'arrière du petit groupe, la nephyris avait du mal à garder le rythme et rester à la hauteur de ses camarades. Elle tenta de se dépêcher d'enjamber branches et arbrisseaux tout en se demandant s'ils n'auraient pas pu prendre un chemin plus simple. Après tout, elle savait se débrouiller en ville, s'en sortait bien aussi en mer et avait apprit à s'abriter en cas de tempête de neige. Mais la forêt, ça devait être une première. Elya fit une petite pause, le temps de souffler un peu et jeta un coup d'œil devant elle. Nevahe avait rejoint Mahira, et elle était presque au même niveau que Lisandre.
–On est presque arrivés, les informa Mahira pour les encourager.
Ravie de cette nouvelle, Elya repartie d'un pas plus rapide, remotivée et décidée à sortir de toute cette végétation. La journée avait été longue, et elle n'avait plus qu'une envie s'était de se poser quelque part où ils seraient un peu plus tranquille et de se reposer. La nephyris les avait presque rejoint lorsqu'elle se prit les pieds dans une branche posée en travers de son chemin qu'elle n'avait pas vu. Elya se sentit basculer en avant sans parvenir à se raccrocher à quoi que ce soit, quand un bras se glissa sous son ventre et la rattrapa pour l'aider à se relever.
–Merci, souffla-t-elle en relevant les yeux pour croiser le regard de Lisandre.
Le garçon lui adressa un sourire avant d'ajouter qu'il serait dommage qu'elle se blesse alors qu'ils étaient presque arrivés. Ils rattrapèrent ensuite Nevahe et Mahira, et suivirent la chasseuse qui s'engagea dans un petit sentier à moitié dissimulé par des fougères sur sa droite.
Cinq minutes après, les adolescents débouchèrent à l'orée d'une grande clairière dans laquelle se trouvaient plusieurs dizaines de tentes dignes de celles des vikings d'autrefois. Un peu à l'écart, à l'abri des arbres et plongées dans l'ombre, quelques cabanes en bois avaient été construites. En plein milieu de la clairière, des volutes de fumée provenant de plusieurs feux éteins s'élevaient au-dessus des tentes. Un seul d'entre eux, visiblement plus imposant, était encore allumé au centre du camp et projetait un halo de lumière sur les abris alentours.
Nevahe fut parcouru d'un frisson lorsque l'odeur de la fumée et des cendres lui parvint aux narines. Elle ferma les yeux un instant pour se concentrer sur l'instant présent et repousser les souvenirs de l'incendie qui tentaient de se frayer un chemin jusqu'à son esprit.
Comme il semblait que ses amis n'avaient rien remarqué, la rousse prit sur elle pour ne rien laisser paraître. Elle prit une inspiration et expira pour se se calmer puis continua d'observer les lieux.
Mis à part le crépitement des flammes, le chant des criquets et le hululement d'une chouette, pas un bruit ne venait troubler la nuit. La plupart des sources de lumière étaient éteintes et personne ne traînait dehors. Rien d'étonnant vu l'heure à laquelle ils arrivaient.
–Tout le monde à l'air de dormir. Je vais vous diriger vers une tente libre dans laquelle vous pourrez passer la nuit. On parlera du reste demain, leur indiqua Mahira en leur faisant signe de la suivre à travers le camp.
L'eïrham se faufila entre les tentes en faisant attention aux cordes qui les retenaient au sol et dirigea le trio au travers des différentes allées. Apercevant une faible lumière provenant de l'un des abris, la brune fit signe aux trois amis d'attendre un instant et entra. Elle échangea quelques mots avec une personne et ressorti avec une corbeille de fruits et de petits pains qu'elle tendit à Lisandre. Mahira l'observa attraper le tout d'une main. Un coup d'œil rapide lui permit de comprendre qu'il avait été blessé.
Ne faisant aucun commentaire, elle reprit son chemin et fini par s'arrêter devant l'un des abris situé ni trop proche du centre, ni en lisière de la clairière. Mahira se plaça devant l'entrée, souleva un pan de la toile et vérifia qu'il n'y avait personne. Elle se déplaça ensuite sur le côté afin de laisser le trio apercevoir l'intérieur de la tente.
Celle-ci semblait assez spacieuse pour accueillir trois ou quatre personnes si on se serrait assez. Des couvertures ainsi que quelques coussins en peau d'animaux qu'ils ne reconnaissèrent pas avaient été disposés sur le sol. Une lanterne s'alluma lorsque Mahira frappa une fois dans ses mains. Elle semblait renfermée une pierre magique qui se mit à briller et à projeter une lueur qui oscillait entre le rose et le jaune.
–Voilà ! s'exclama l'adolescente en leur adressant un sourire. S'il y a un problème ou que vous avez besoin de quelque chose, je suis juste là-bas.
La brune leur indiqua une tente située du côté du grand feu, proche d'un autre abris qui mesurait plus du double de la taille du sien qui paraissait déjà assez spacieux. Elle se tourna ensuite vers Lisandre.
–Quant à toi, vient avec moi. On va soigner cette brûlure.
–Comment tu... ? commença Lisandre en lui lançant un regard interrogatif.
La brune posa une main sur sa hanche et le dévisagea un instant.
–La corbeille, répondit-elle comme si c'était évident.
–Mais tout le monde dort, ça peut attendre demain...
Mahira secoua la tête et leva les yeux au ciel.
–Viens, on n'en aura pas pour longtemps.
Sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit, l'eïrham prit les devant afin qu'il la suive. Lisandre jeta un coup d'œil hésitant à Nevahe et Elya, il n'avait pas envie de réveiller quelqu'un juste pour une petite blessure. Les deux filles haussèrent les épaules. Nevahe s'avança pour récupérer le panier et lui indiqua de rejoindre Mahira. Après tout, elle devait savoir ce qu'elle faisait. Le jeune homme soupira et, tandis que ses amies entraient dans la tente, il marcha rapidement vers Mahira qui s'était arrêtée pour l'attendre.
L'eïrham le conduisit vers un des abris en bois qu'ils avaient pu apercevoir lorsqu'ils étaient arrivés. Rectangulaire, la cabane était légèrement surélevée. L'entrée était surmontée d'un porche, on y accédait par un petit escalier. Sur le côté gauche, on pouvait apercevoir une lumière filtrée par une fenêtre.
Mahira toqua à la porte et attendit d'entendre un « Entrez » avant d'enclencher la poignée. La brune tourna la tête vers Lisandre et pénétra à l'intérieur du petit chalet, suivie du jeune homme. À peine avaient-ils passé la porte qu'une femme retira ses lunettes de lecture de son nez, et releva la tête de son bureau.
–Ah c'est toi ! s'exclama-t-elle avec un petit sourire, que me vaut ta visite ?
–À vrai dire, ce n'est pas pour moi, répondit l'eïrham en se décalant légèrement pour que son interlocutrice distingue mieux son compagnon.
Le principal concerné était occupé à découvrir la pièce. Derrière le bureau de leur hôte, dans le coin, un escalier menait à un étage. À gauche de l'entrée se trouvaient une petite cuisine. En face d'eux, deux grandes étagères métalliques occupaient une partie du mur. Des fioles, des bocaux, des tubes de pommade et quelques plantes les occupaient ainsi qu'une dizaine de livres scientifiques. Sur le même mur, dans la deuxième partie de la cabane, deux armoires en bois et une commode surmontée d'un cadre photo et d'une cage pour animal avaient été poussées contre la paroi. Sur celle du fond, ainsi que sur le mur à leur droite, avait été installée une bibliothèque dont les ouvrages semblaient plus anciens au vu des reliures plus sophistiquées et aux allures de grimoire. Les étagères s'étalaient sur toute la longueur des deux murs et devaient rassembler quelques centaines de livres à elle deux.
–Alors comme ça, tu me ramènes un garçon ? s’intéressa la femme en se levant de sa chaise pour s'approcher d'elle.
–En fait, j'ai ramené trois personnes. Lisandre, et deux filles. Je te les présenterai si tu veux, précisa-t-elle en voyant le regard étonné que lui lançait sa compagne. Et puis, je t'arrêtes tout de suite, c'est pas ce que tu crois.
La femme avait une trentaine d'années, était plutôt petite de taille et portait un haut blanc et une veste marron, ainsi qu'un pantalon gris foncé avec des bottines noires. Elle possédait une chevelure blanche coupée au carré qui encadrait son visage en ovale et à la peau laiteuse. Ses yeux verts pétillaient d'intelligence et passaient tour à tour de Mahira à Lisandre.
–Ce n'est pas très prudent de ta part d'introduire des inconnus dans le camp. Surtout par les temps qui courent, l'apostropha-t-elle. On ne sait pas ce dont sont capable les gens...
Leur tournant le dos, Lisandre releva légèrement la tête et haussa un sourcil.
–Je sais, Neith, Mahira laissa planer un silence avant de reprendre. Mais ils avaient besoin d'aide et, si tu veux mon avis, c'est un peu plus compliqué que ça.
La femme hocha la tête, elle comprenait son point de vue.
–Je suis là, vous savez ? fit-il remarquer en pivotant vers elles. Et qu'est-ce que vous entendez par « pas très prudent par les temps qui courent » ? Vous avez des ennuis ? s'inquiéta-t-il en pensant à Nevahe et Elya qu'il avait laissé seules dans leur tente.
–Non, du moins pas encore. Nous sommes sur nos gardes. Le Corbeau a de nouveau frappé dans une ville à l'ouest du désert. Apparemment, il y a eu pas mal de dégâts. Les pauvres, eux qui ont déjà eu du mal à se relever de la Première Guerre...
–La Première Guerre... Vous parlez de celle avant l'ère Sölahrienne ? Celle qui a touché gravement plusieurs pays ? Vous pensez que le Corbeau cherche à finir ce qu'Idris Valderën avait commencé ? l'interrogea Lisandre, son visage s'assombrissant au fur et à mesure qu'il faisait des suppositions.
–Personnellement, je ne pense pas. Tous deux sont des personnes très différentes quand on y réfléchit bien. Il doit chercher autre chose. En revanche, je ne comprends pas pourquoi il est allé s'en prendre à eux... ajouta Neith, en frottant son index contre son menton, la mine perplexe. Mais, changeons de sujet. Dis-moi ce qui t'amène ici.
–Pas grand-chose... répondit Lisandre sous le regard noir de Mahira. Bon d'accord, j'ai été un peu brûlé.
À ses mots, il fit un geste pour montrer l'état de sa main à Neith. La femme lui fit signe d'approcher, et l'invita à s'asseoir sur une chaise proche de son bureau.
–Montre-moi ça.
Lisandre lui tendit sa main droite. Neith la saisit d'une main et l'observa un instant.
—Brûlée au premier degré... Ça ne date pas d'aujourd'hui, tu as de la chance que ça ne se soit pas infecté...
La femme toucha doucement sa paume, ce qui fit légèrement grimacer Lisandre qui tourna la tête du côté opposé de Mahira. Neith remarqua que sa peau était encore un peu chaude et enflée.
—Qui t'a fait ça ? le questionna-t-elle en tournant sa main et son poignet pour mieux l'observer.
Devant le regard interrogatif de Lisandre, Neith précisa :
—Je distingue des ondes magiques dans ta blessure, hors du sang humain coule dans tes veines. J'en déduis que tu n'as pas pu te faire ça tout seul.
Le jeune homme pinça les lèvres, hésita un instant avant de répondre. Elle était médecin, il n'avait aucun intérêt à dissimuler la vérité. D'autant plus que Neith ne lui avait pas caché ses réflexions concernant l'organisation. De toute manière il n'avait pas besoin de tout lui expliquer, juste ce qu'elle devait savoir suffirait.
—Une membre du Corbeau. On était chez une de mes amies lorsqu'on s'est fait attaquer par deux d'entre eux. C'est comme ça qu'on s'est retrouvés à fuir dans les montagnes, là où nous a trouvé Mahira.
La médecin lui lança un regard compatissant avant de pivoter en direction des étagères. Elle farfouilla un instant dans une boîte, puis revint vers lui avec une bande de sparadrap et un tube de pommade contre les brûlures.
—Tu gardes ça toute la nuit et demain matin si nécessaire, lui conseilla Neith tout en entourant doucement sa main d'un bandage, après lui avoir appliqué l'onguent. Ta peau devrait être comme neuve.
—Vous êtes sûre que ce sera assez de temps ? questionna Lisandre d'une voix douteuse en observant le pensement.
Le jeune homme leva vers elle un regard perplexe. Il se demandait si elle pensait vraiment que ça allait guérir aussi vite. Cela lui semblait impossible.
—Neith est la meilleure guérisseuse de la région et plus encore, lui assura Mahira. Crois-moi, elle sait ce qu'elle fait.
—Vous êtes guérisseuse ? répéta Lisandre un peu étonné en se relevant pour rejoindre l'eïrham.
—Guérisseuse, botaniste, gardienne de ces lieux et de ses ouvrages, fit-elle en écartant les bras pour désigner la pièce. Mais ce dernier point doit rester entre nous, d'accord?
—Compris, assura Lisandre en hochant la tête.
Neith lui sourit puis tourna la tête vers la fenêtre.
—Bon, ce n'est pas que je veuille vous mettre à la porte, mais il est tard et je pense qu'une bonne nuit de sommeil vous fera le plus grand bien. Surtout au vu de ce qu'il se prépare demain, ajouta Neith en faisant un clin d'œil à Mahira.
L'adolescente le lui rendit avec un grand sourire, apparemment ravie par l'idée que venait de mentionner la guérisseuse.
—Qu'est-ce qu'il y a de prévu demain ? s'intéressa Lisandre en se tournant vers Mahira.
—Tu verras en temps voulu. En attendant, dodo ! Allez viens, je te ramène à ta tente.
L'eïrham le saisit par le bras, le sourire aux lèvres et l'entraîna vivement vers la porte avant de le lâcher.
Juste devant la sortie, Mahira pivota vers Neith pour lui souhaiter bonne nuit, puis invita le jeune homme à la suivre. Lisandre lui emboîta le pas sans hésiter, pressé de retrouver ses amies, amusé par l'énergie et la bonne humeur que dégageait sa camarade.
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