𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟐 : Le Corbeau
Nevahe eut juste le temps de voir Diana se précipiter devant elle, sans comprendre ce qu'il se passait. La jeune femme se plaça face à l'adolescente et tendit ses bras de chaque côté en signe de protection.
Une latte de bois heurtant durement son dos, Diana retint un gémissement de douleur et manqua de tomber en avant sous le choc.
La jeune fille réagit alors avec rapidité et soutint Diana en passant son bras en-dessous de ses épaules. Elle jeta un rapide coup d'œil aux débris qui jonchaient le sol, et releva les yeux vers ce qu'il restait de la porte. Les deux hommes étaient rentrés. La brute qui venait d'exploser la porte d'entrée souriait d'un air satisfait tandis que l'homme élégant avait le regard fixé sur elle.
L'étincelle qui brilla dans ses prunelles fit naître un sentiment de colère. Nevahe fronça les sourcils et adressa un regard noir aux deux intrus. De quel droit se permettaient-ils de forcer le passage ?
S'assurant que Diana gardait un minimum d'équilibre, elle se baissa et se saisit rapidement d'un morceau de bois pointu, avant de passer devant elle.
─ N'avancez pas, les menaça-t-elle d'une voix légèrement tremblotante, le bras tendu.
─ Tu crois nous faire peur, petite ? la questionna l'homme aux cheveux argentés en ricanant.
Affolée par le ton de sa voix, qui ne présageait rien de bon, Nevahe tentait tant bien que mal de calmer les battements désordonnés de son cœur.
─ Je n'ai pas peur de vous, affirma-t-elle tout en cherchant à s'en convaincre elle-même.
L'homme pencha la tête de côté, un sourire mauvais plaqué sur son visage.
─ Tu en es sûre ?
Pendant une seconde, l'adolescente le compara à un fou, avant de se rendre compte que, vu sous cet angle, il avait l'air d'un psychopathe. Dans les deux cas, il faisait peur à voir.
─ Écoutez, je ne sais pas ce que vous nous voulez, mais vous n'êtes pas les bienvenus alors sortez d'ici.
─ Tut, tut, tut, je crois que tu n'as pas bien compris. Nous ne voulons rien de cette femme, expliqua-t-il en désignant Diana d'un signe de tête. Par contre, toi, tu pourrais nous être utile.
L'homme tendit la main vers elle et avança d'un pas.
L'adolescente eut un mouvement de recul et percuta légèrement l'épaule de Diana. La jeune femme se mit à son niveau et posa une main sur son bras. Nevahe se sentit un peu rassurée quand elle vit que Diana se tenait debout à côté d'elle, et qu'elle semblait aller mieux.
─ Je vous interdis de la toucher. C'est bien clair ? grogna Diana en serrant les dents.
─ Je pense que vous n'avez toujours pas saisi, dit l'homme d'une voix froide. La fille vient avec nous. Qu'elle le veuille ou non et ça compte aussi pour vous.
─ Ça c'est ce qu'on va voir... marmonna Diana, bien décidée à protéger l'adolescente coûte que coûte.
Nevahe, sachant que sa tutrice n'était pas capable de se métamorphoser comme une partie des orëgahniens, attendait la suite avec étonnement. Elle ne se faisait pas d'illusion, à moins de créer une diversion assez grande, elles ne pourraient jamais s'échapper. Pourtant, Diana semblait avoir plus d'un tour dans son sac.
La brune attrapa le morceau de bois qu'elle tenait avec une vitesse stupéfiante et le balança vers les deux hommes. Profitant de leur moment d'inattention, elle saisit la plus grosse latte de bois qui venait et courut dans leur direction. Elle leur asséna un grand coup dans les côtes avant de les frapper aux jambes. Le colosse vacilla en arrière en peinant à reprendre sa respiration tandis que l'autre se retrouvait à terre, sonné.
Diana lâcha son bout de bois et fit demi-tour. Prenant Nevahe par le bras, elle la poussa en avant, vers la porte de la cuisine qui menait au jardin et qui rejoignait l'allée d'accès. L'adolescente s'empressa d'avancer. Alors même qu'elle atteignait la porte, un bruit la fit se retourner. L'homme imposant avait repris ses esprits et avançait doucement, mais sûrement, dans leur direction.
Derrière elle, sa tutrice s'empressa de réagir. Elle prit la chaise la plus proche et la lui balança avec force. Le colosse porta ses mains devant lui alors même que le meuble le percutait de plein fouet, le faisant tomber au sol avec fracas.
─ Viens. Ne restons pas ici, lui intima Diana en ouvrant la porte et en l'entraînant derrière elle.
Elles traversèrent le jardin en courant et rejoignirent la rue principale. Sans s'occuper de ce qu'il se passait derrière elles, Nevahe et Diana empruntèrent les grandes rues d'un commun accord. Se mêler aux gens était le meilleur moyen de semer leurs éventuels poursuivants. Lorsqu'elles s'aperçurent qu'elles avaient atteint le centre-ville de Mendje, elles arrêtèrent leur course. Essoufflées, elles se reculèrent un peu dans l'ombre et jetèrent quand même un regard derrière elles. Les deux hommes ne les avaient pas suivies.
Après quelques minutes, Nevahe demanda :
─ Comment tu as su ?
─ Qu'ils faisaient partis du Corbeau ? C'est assez simple. Ils avaient de petits médaillons de couleur noir argenté à l'effigie de cet oiseau dissimulé à moitié par leur veste.
─ Il faut croire qu'ils sont assez stupides pour ne pas avoir pensé à les retirer, constata-t-elle d'une voix pensive.
Diana hocha la tête et se tourna vers les allées marchandes qui s'étalaient devant elles. Elle regarda à droite, puis à gauche et soudain, lâcha :
─ Regarde qui voilà !
Nevahe leva la tête vers elle et croisa ses yeux pétillants. Intriguée, elle se retourna dans la même direction. Elle aperçut alors une silhouette familière. Ses dernières inquiétudes se dissipèrent peu à peu quand elle reconnut Lisandre.
Nevahe esquissa un léger sourire, soulagée de le voir et s'avança pour le serrer dans ses bras.
─ Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Je t'ai connue plus enjouée que ça, s'inquiéta un peu le jeune homme qui avait l'habitude de la voir arriver en courant et avec un grand sourire.
Nevahe garda un instant le silence et, après quelques secondes passées entre ses bras protecteurs, se recula doucement et leva la tête vers son meilleur ami.
─ Tu ne peux pas savoir à quel point je suis contente de te revoir, lui répondit-elle.
─ Je t'ai tant manqué ? demanda le jeune homme en rigolant pour tenter de l'apaiser, tu sais qu'on s'est vu il y a quatre jours ?
L'adolescente lâcha un petit rire et secoua la tête, ce qui fit sourire Lisandre.
─ Non, plus sérieusement, tu ne devineras jamais ce qu'il vient de se passer, dit-elle en reprenant un air sérieux avant de poser un regard interrogatif sur son ami, d'ailleurs que faisais-tu ici ? Tu n'es pas avec ta sœur ?
Nevahe pencha un peu la tête sur le côté, s'attendant à trouver Iris, l'aînée du garçon, derrière lui.
─ Non, j'avais une course à faire et elle a voulu rester à la maison. De toute manière je n'ai pas trouvé ce qu'il me fallait... Mais tu disais qu'il venait de se passer quelque chose ? Rien de grave j'espère ? demanda son meilleur ami un peu anxieux en voyant l'air préoccupé que prenait l'adolescente.
Ses yeux brun foncé vinrent alors se poser sur ceux de son amie de manière interrogative. Nevahe prit donc soin de lui raconter leur accrochage avec les deux hommes sans oublier le moindre détail.
L'adolescente vit le regard sombre du jeune homme passer de l'inquiétude à l'appréhension, puis de l'appréhension à la colère, avant de revenir à l'inquiétude.
─ Et tu dis qu'ils te cherchaient ? la questionna-t-il avec étonnement.
Nevahe hocha la tête.
─ Qu'est-ce qu'ils peuvent bien te vouloir ? Ils ne te connaissent même pas.
─ Je n'en sais rien. Pourtant, ils avaient l'air bien renseignés, affirma son amie.
─ Étrange. Et Diana a réussi à les assommer ? s'étonna-t-il.
─ Une vraie combattante. Tu aurais dû la voir ! répondit Nevahe.
─ Tu exagères, ce n'étaient que deux, trois techniques... mais merci, la contredit Diana avec gentillesse.
La jeune femme sortit alors de son coin d'ombre et se rapprocha d'eux.
─ Oh ! Bonjour Madame, s'exclama Lisandre en l'apercevant, je ne vous avais pas vu.
Un peu confus, le jeune homme passa une main gênée dans ses cheveux bruns, déplaçant quelques bouclettes qui retombèrent sur le front.
─ Ce n'est rien, lui sourit-elle, cela faisait un moment que je ne t'avais pas vu, tu as encore grandi, non ?
─ Un peu, répondit Lisandre en lâchant un petit rire.
Le garçon étant à côté de Nevahe, Diana put facilement remarquer qu'il la dépassait à présent d'une tête. Un sourire attendri étira les lèvres de la jeune femme quand celle-ci se souvint d'un moment au parc en leur compagnie. gés respectivement de cinq et six ans, Nevahe et Lisandre jouaient aux aventuriers dans un grand bac à sable. Peu de temps après leur jeu avait fini par se terminer dans l'herbe, au milieu de rires et de cabrioles.
Aussi loin qu'elle s'en souvienne, ces deux-là avaient toujours été fourrés ensemble. Ils s'étaient rencontrés assez jeunes, grâce à l'amitié que partageaient leurs mères, et ils avaient vite tissé des liens assez forts entre eux. Ils avaient fait les quatre cents coups ensemble et leurs parents et elle-même avaient même eu le droit à bon nombre de blagues.
Malgré les années passées, ils ne s'étaient jamais lâchés. Même malgré l'attaque qui s'était produite au château, quand certains habitants de Lonyris avaient pris la fuite. En effet, lorsque Diana était partie avec Nevahe, elles avaient retrouvé Lisandre et sa famille dans la foule qui se préparait à quitter la ville. C'était une chance pour eux, quand elle y pensait. S'ils ne s'étaient pas croisés ce soir-là, ils ne seraient jamais partis ensemble et ils auraient sûrement été séparés.
Ces dernières pensées finirent par la ramener à la réalité et Diana perdit toute trace de sourire.
─ On ne devrait pas rester là, ce n'est pas prudent.
Sa protégée hocha la tête d'un air grave et jeta un regard derrière elle pour vérifier que personne ne les avait rejoints entre temps.
─ Mais où veux-tu qu'on aille ?
─ Pas à la maison, pas tout de suite du moins. Partez en direction du port, il y a assez de monde là-bas pour que vous puissiez vous fondre dans la masse.
─ Attends, tu ne viens pas avec nous ? demanda Nevahe en fronçant les sourcils d'un air inquiet.
─ Je veux m'assurer que personne ne soit resté à la maison, je vous rejoins après.
─ Je ne crois pas que...
─ Je serai prudente, la coupa sa tutrice, et toi, Lisandre, fait attention à elle, d'accord ? Je suis certaine que ces hommes doivent encore être dans les parages...
─ Bien sûr, affirma vivement Lisandre avant d'entraîner son amie à sa suite, sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit.
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