𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟏𝟔 : Perdre la face

 Arrivés en haut de la falaise, les adolescents se retrouvèrent face à un paysage blanc cristallin. Tout autour d'eux semblait avoir été plongé dans un hiver constant. En contrebas, une plaine bordait une vallée enneigée qui en allant vers l'ouest menait entre des chaînes de montagnes. À l'est, à plusieurs kilomètres de là, ils pouvaient apercevoir les premières habitations. Le temps était glacial. Le vent soufflait d'une telle force qu'il se faufilait à travers leurs vêtements, et que la poudre blanche à leur pied volait en tous sens, se mélangeant aux cristaux gelés qui tombaient du ciel.

Pendant un instant, ils pensèrent à retourner s'abriter dans le passage, là-bas ils étaient plus abrités du vent et il faisait moins froid. Pourtant, les trois amis entamèrent la descente en direction des maisons et s'engagèrent sur les chemins glissants.

Avançant à un rythme soutenu, il leur fallut marcher encore une bonne heure avant de pouvoir atteindre le village, frigorifiés et complètement trempés. Nevahe n'hésita pas à suivre Elya lorsque celle-ci entra dans une sorte de petit café aux murs couleur crème, Lisandre sur les talons. À leur entrée, une cloche tinta. Un jeune serveur aux cheveux blonds mi-long s'approcha du trio, tandis que Nevahe observait la pièce.

Elle était composée d'une quinzaine de tables en bois de cerisier et de sièges de même couleur rembourrés de coussin en velour rouge. Un comptoir était disposé sur la droite de l'entrée, derrière lequel le personnel s'activait à encaisser les commandes et les préparer, et rangait les verres et les tasses dans des étagères posées contre le mur. Une odeur de viennoiseries et de boissons fumantes se répandait dans l'air.

Nevahe remarqua ensuite les regards des quelques clients posés sur eux. Elle envia soudainement leurs habits, visiblement plus épais et beaucoup plus adaptés pour sortir sous un temps pareil. Reportant son attention sur ses propres vêtements qui gouttaient sur le sol, l'adolescente se dit qu'ils devaient avoir l'air de parfait étrangers à leurs yeux.

Relevant la tête, elle suivit ses deux amis jusqu'à une table pour quatre dans un coin du café. Lisandre et Elya s'installèrent l'un à côté de l'autre, tandis que Nevahe prenait place en face de son meilleur ami.

─ Vous souhaitez boire quelque chose ? demanda le jeune homme blond en leur désignant une carte sur la table.

─ Un thé à la vanille, s'il vous plaît, répondit Elya sans hésiter.

─ Un chocolat chaud, choisi Nevahe.

─ Pareil pour moi, ajouta Lisandre après avoir lancé un coup d'œil au menu.

Le serveur prit note et hocha la tête avant de s'éloigner.

Nevahe jeta un regard au travers de la vitre à sa droite, et fixa un instant le chemin enneigé par lequel ils étaient arrivés d'un air stressé, s'attendant presque à voir des hommes du Corbeau débarqué dans l'allée. Cela faisait un moment qu'ils n'en avaient pas aperçu et à vrai dire cela ne la rassurait pas vraiment. Sur ses gardes, Nevahe s'attendait à en voir débarquer d'un moment à l'autre. L'adolescente secoua la tête en se disant qu'elle ferait mieux de se détendre un peu le temps qu'ils avaient un peu de calme, bien qu'elle sentait que cela n'allait pas durer très longtemps.

Nevahe laissa un léger soupir lui échapper et reporta son attention sur ses amis. Tous deux se tenaient à peine à dix centimètres l'un de l'autre. Et, à en juger la position de leur bras, se tenaient la main, ce qui lui arracha un sourire.

Elle n'avait pas loupé leur échange deux jours plus tôt, sur le navire d'Elroth, avant de rejoindre leur couchette. Et de ce qu'elle voyait, tous les deux semblaient sur la même longueur d'onde.

Les adolescents avaient été servis quand la cloche sonna à nouveau. Leurs yeux se tournèrent vers l'entrée et rencontrècrent une femme d'une quarantaine d'années. Ses longs cheveux noirs étaient parsemés de flocons, ils retombaient sur ses épaules et encadrait un visage fin, faisant ressortir sa peau diaphane et son regard azur. Elle portait une longue robe violette où se dessinait de belles arabesques, ainsi qu'une veste noire assez épaisse.

À sa vue, Elya se leva de son siège pour se rapprocher un peu, entraînant Lisandre à sa suite.

Nevahe ne put s'empêcher de sourire d'un air amusé en croisant le regard de son meilleur ami dont les joues prirent une teinte rosée. Le jeune homme venait de se rendre compte qu'il n'avait toujours pas lâché la main d'Elya. Lisandre répondit à son amie par un sourire timide, un peu gêné, tandis que sa meilleure amie se levait pour le rejoindre.

À côté d'eux, le visage d'Elya s'illumina quand elle reconnut la nouvelle venue.

─ Kiya ! s'exclama-t-elle, heureuse de la voir.

La brune dans l'entrée se retourna vivement, l'air surprise, elle connaissait cette voix. Ses yeux se posèrent alors sur l'adolescente aux cheveux blancs et un grand sourire se dessina sur ses lèvres roses.

─ 'Lya ! répondit-elle d'une voix enjouée en se précipitant dans sa direction afin de la prendre dans ses bras.

Elya se détacha de Lisandre pour lui rendre son étreinte, ravie de retrouver celle qui avait veillé sur elle comme sur sa propre fille.

─ Ça faisait longtemps... murmura-t-elle en la relâchant.

La brune hocha légèrement la tête avant de porter son regard sur ses compagnons.

─ Vous devez être ses amis ? demanda-t-elle en attardant son attention sur le jeune homme qui se trouvait à moins de vingt centimètres de sa protégée.

─ Je te présente Lisandre et Nevahe, dit Elya avec un sourire.

─ Bonjour, la saluèrent les deux adolescents avec un léger signe de main.

Nevahe lança ensuite un coup d'œil vers la table avant de proposer à Kiya de se joindre à eux.

─ Pourquoi pas, acquiesça-t-elle en faisant signe à un serveur, on pourrait parler quelques minutes.

La brune se tourna vers Elya.

─ Tu dois avoir pleins de choses à raconter depuis le temps que tu es partie, dit-elle en s'installant en face de sa pupille.

─ Si tu savais... souffla la nephyris en repensant à ses derniers jours.

Curieuse, Kiya lui adressa un regard intrigué. Elya se lança alors dans le récit de la semaine, lui faisant part de leurs inquiétudes concernant le Corbeau et leur fuite.

─ En tout cas, personne n'est recherché dans le coin, les rassura tout de suite Kiya quand Elya aborda le sujet des affiches.

─ De toutes façons, même si c'était le cas, je crois qu'aucun de nous ici n'aurait été rapporté votre présence. Plus on est loin du Corbeau, mieux on se porte... Et je n'ai vu aucune trace de ses monstres dans le coin.

Kiya fronça légèrement les sourcils et réfléchit quelques secondes.

─ Et si, pour commencer, vous vous installiez tous les trois chez toi ? proposa-t-elle à Elya, on pourrait ensuite chercher une solution pour vous sortir de là. Je pourrais toujours veiller sur vous le temps que vous restez ici.

Les trois amis échangèrent un coup d'œil pour se concerter. Cela leur paraissait être un bon début, et puis il fallait qu'ils trouvent un plan, non seulement pour échapper au Corbeau, mais aussi pour sauver Iris. Ils ne pouvaient plus rester là sans rien faire, il fallait qu'ils trouvent le moyen d'avancer.

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Une bonne heure plus tard, le petit groupe avait quitté le café et les adolescents avaient suivi Kiya et Elya jusqu'à une maison mitoyenne en pierres grises, gelées par le froid. La femme brune les avait invités chez elle et tous les quatre se trouvaient à présent dans une bibliothèque. De nombreuses étagères remplies de livres recouvraient les murs et quatre fauteuils avaient été placés en cercle au centre de la pièce. Le sol était recouvert d'une moquette pourpre et la pièce était baignée dans une ambiance chaleureuse renforcée par des bougies.

─ Vous pouvez prendre ce que vous voulez, si quelque chose vous intéresse... , ou peut-être que vous trouverez des informations qui vous seront utiles, les informa Kiya, je reviens dans un instant.

─ D'accord.

Tandis que la brune s'éclipsait dans une autre pièce, Lisandre et Nevahe se dirigèrent chacun de leur côté vers les rangées de livres.

Le jeune homme laissa ses yeux glisser sur les différentes sortes et les différents titres avant de s'arrêter sur un livre d'armement. Portant machinalement sa main sur la garde du sabre qui pendait sur son flanc gauche, il se décida à prendre l'ouvrage. Après tout, il ne s'était jamais servi d'une telle arme. Mieux valait s'informer sur son utilisation et son maniement avant d'en avoir vraiment besoin et de ne pas savoir s'en servir du tout.

De son côté. Nevahe ne faisait que survoler les mots inscrits sur les volumes sans savoir au juste ce qu'elle cherchait. Peut-être pourrait-elle chercher des informations sur l'organisation du Corbeau ? Ou bien sur les différents pouvoirs qui existaient ? Cela lui paraissait être une bonne idée. La rouquine se dirigeait vers une étagère où une étiquette indiquait «Sorts» quand son regard s'arrêta sur une cheminée qui se trouvait entre deux bibliothèques.

Elle se mit alors à fixer la petite flamme qui ondulait innocemment. Un léger frisson lui parcourut le dos et lui donna la chair de poule. Nevahe senti sa respiration devenir saccadé, elle tenta de respirer un bon coup et de chasser les images qui essayaient de remonter à la surface de son esprit. Mais son souffle se bloqua dans sa gorge, elle ne parvenait pas à détacher les yeux de la cheminée.

La flamme se transforma alors en un feu brûlant et flamboyant. Le souvenir de son père passa comme un flash et les images se mirent à défiler en arrière jusqu'à la mort de sa mère. Figée par la peur et le sentiment d'impuissance, elle eut juste le temps de distinguer entre les flammes une silhouette qu'elle n'avait encore jamais vue, avant que le souvenir disparaisse aussi vite qu'il était apparu.

Elle reprit soudain conscience de la réalité et put enfin reprendre une respiration à peu près correcte. Nevahe se rendit compte ensuite que ses yeux la brûlaient, que quelqu'un lui parlait et exerçait une pression sur ses épaules bien qu'elle ne saisissait pas le sens des paroles.

Une main quitta une de ses épaules et Lisandre apparut en face d'elle. Ses doigts essuyèrent les larmes qui avaient coulé sur ses joues, puis le jeune homme la prit dans ses bras.

─ Ça va aller, murmura-t-il alors que la rousse se blottissait contre son torse en fermant les yeux pour se calmer. Tout va bien se passer, on va y arriver je te le promets.

Gardant les bras serrés autour de sa meilleure amie, Lisandre leva les yeux vers Elya qui, en face de lui, fixait Nevahe d'un air inquiet et peiné.

─ ... Il paiera pour tout ce qu'il a fait, finit par affirmer le jeune homme en repensant aux parents de son amie et à sa sœur.

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