𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟐𝟔 : La lettre


Accoudée à son bureau, son menton posé sur sa main, Neith relisait la lettre de Diana et la réponse qu'elle avait rédigé pour la énième fois. Elle enroula le papier en soupirant et le serra par un cordon.
Le fait de devoir lui annoncer la mort de Kiya l'attristait. Cette mauvaise nouvelle lui avait laissé un poids, et elle ne pouvait s'empêcher de penser à Diana qui allait sans doute ressentir la même chose.

Un battement d'ailes suivi d'un croassement lui fit relever la tête de son bureau. Zúko venait de se poser sur le dossier de sa chaise. L'örle lui donna un coup de bec réconfortant sur l'épaule et tendit une patte en avant. La guérisseuse comprit le message et lui confia sa lettre. À la fin de celle-ci, Neith écrivait à Diana qu'elle n'avait pas encore aperçu sa protégée, mais qu'elle était prête à lui apporter toute l'aide dont elle aurait besoin. Elle lui précisa les précautions que Thalion avait pris contre le Corbeau et, après plusieurs secondes d'hésitation, avait finit par lui confier la présence de Mara et de ses visions. Au vu de l'évolution de la situation, elle se tenait prête à plier bagages et partir elle-même à la recherche de la fille d'Arianna.

À peine eut-elle attaché le cordon autour de la patte de Zúko, l'oiseau s'envola par sa fenêtre laissée ouverte. Neith l'observa un instant s'éloigner, pensive, jusqu'à ce qu'une petite frimousse blanche vienne se glisser sous son bras. Un petit corps long et tout doux se faufila sur ses genoux.

─ Coucou toi, murmura-t-elle à l'adresse de l'animal, semblable à l'hermine, qui se blottit contre son ventre.

Pour toute réponse, l'ashela laissa échapper un léger couinement, tendit le cou et réclama quelques caresses, ce qui fit sourire sa propriétaire. Le petit animal sauta ensuite sur le bureau de Neith et se mit à la fixer de ses yeux bleus nuit.

Tout va bien ?

La guérisseuse hocha la tête, à la fois encore troublée et touchée par le ton soucieux qu'avait pris sa protégée, ainsi que par tout l'amour qu'elle pouvait lire dans ses prunelles.
Elle ne tenait pas à l'inquiéter.

L'ashela cligna des yeux, comme si elle avait compris pourquoi elle préférait ne pas en parler. Elle se déplaça alors sur le bureau et s'allongea près du bord sur le côté droit, puis avec sa queue, tapota le tiroir qui se trouvait sous elle.

Elle est toujours là ?

– Oui.

Neith fixa le compartiment d'un air pensif pendant plusieurs secondes. La guérisseuse prit le temps de trier les dernières informations, prit en compte les derniers événements et en tira une conclusion. Si elle ne trouvait pas la personne qu'elle cherchait dans les deux jours qui suivaient, elle partirait elle-même à sa rencontre. Elle ne pouvait plus se permettre de garder ce qu'elle avait pour elle.

❃❃❃❃❃

Toujours assis dans l'herbe, Nevahe et Lisandre virent Mahira et Elya approcher.

─ Est-ce que... Ça va mieux ? questionna l'eïrham, soucieuse.

─ Un peu. C'est dur à encaisser. Et savoir que je ne peux rien y faire est encore pire, soupira le jeune homme. J'aimerais tellement pouvoir aider ma sœur...

À présent assise près de lui, la nephyris prit sa main dans la sienne et la serra doucement.

─ On la fera sortir de là, lui assura-t-elle.

─ La seule solution c'est de trouver la ou les failles du Corbeau, constata Nevahe.

─ C'est pas vrai ! s'exclama Mahira avec un mouvement de bras exaspéré. On aurait dû commencer par là dès le départ !

Sa réflexion lui valut un regard interrogateur de la part de Nevahe qui l'encouragea silencieusement à continuer.

─ Je suis presque sûre que Neith détient des réponses dans sa bibliothèque !

─ Neith ? La guérisseuse ?

L'eïrham hocha la tête, visiblement pressée d'aller vérifier ses dires.

─ Qu'est-ce qu'on attend pour y aller ? questionna Lisandre en se relevant, décidé à agir.

❃❃❃❃❃

Il leur fallut une dizaine de minutes, le temps de parcourir le camp en sens inverse, pour arriver devant la cabane de la botaniste.
Mahira se chargea de signaler leur présence et toqua à la porte.
À peine eut-elle entendu un «Entrez» qu'elle poussa le battant et pénétra dans la demeure de son amie.
Le petit groupe trouva Neith penchée au-dessus de sa chaise, occupée à ranger des provisions dans un sac qui semblait déjà bien rempli.

─ Que puis-je pour vous ? demanda-t-elle sans même se retourner pour voir qui venait d'arriver.

─ Bonjour, c'est moi. On... Attends, qu'est-ce que tu fais ? Tu t'en vas ?

─ Oui. Enfin non, pas tout de suite. Pour le moment je me prépare seulement au cas où. Une urgence à régler. Ça risque d'être compliqué, expliqua Neith tout en ajoutant une trousse de secours et une petite lanterne à pierre lumineuse dans son sac.

La jeune femme effectua encore quelques aller-retour entre ses étagères, sa bibliothèque et son bureau d'une manière automatique, sans même leur adresser un regard. L'eïrham doutait même du fait que Neith ait remarqué qu'elle n'était pas seule.

Mahira fronça les sourcils, inquiète de la voir autant préoccupée. Les seules fois où elle avait vu la guérisseuse aussi tracassée et agitée étaient quand Mara avait ses visions et que celles-ci lui provoquaient des chocs violents, la laissant parfois dans un état proche du malaise.

─ Tu as une minute ? Est-ce que tu veux en parler ?

─ Oui, désolée. Non, ça va aller ne t'en fais pas. De quoi as-tu... Oh ! fit Neith en se retournant enfin vers eux.

Ses joues prirent une teinte rosée tandis qu'elle observait les nouveaux venus.

─ Bonjour, vraiment désolée. J'ai la tête un peu trop occupée ces derniers jours.

La guérisseuse reconnut Lisandre. Elle se souvenait l'avoir rencontré il y a trois jours, mais ne parvint pas à mettre de nom sur l'adolescente aux longs cheveux blancs à ses côtés.

— Je te présente Elya et...

─ Nevahe ? lâcha soudainement Neith d'un ton mi-hésitant, mi-surpris lorsque son regard se figea sur le visage de la rouquine.

❃❃❃❃❃

Surprise que la guérisseuse connaisse son nom, Nevahe haussa les sourcils et ouvrit la bouche, mais sur le coup, ne fut pas capable d'émettre un son. Comment était-ce possible ? Elle dévisagea la femme qui se tenait devant eux, essaya de se rappeler un lieu où elle aurait pu l'avoir rencontrée, mais n'y parvint pas. Nevahe se mordit la lèvre inférieure dans l'espoir que ça l'aiderait à retrouver quelque chose et fouilla dans ses souvenirs, rien.
Elle jeta un coup d'œil furtif à ses amis. Ils paraissaient aussi étonnés qu'elle.
Légèrement embarrassée par la situation, elle finit par lui poser la question qui lui brûlait les lèvres.

─ On...se connait ?

─ Suis-je bête ! Tu ne dois sûrement pas te souvenir de moi. Je suis une amie de Diana et était aussi une amie de ta mère. La dernière fois que je t'ai vu tu devais avoir trois ou quatre ans, mais... Qu'est-ce que tu lui ressembles !

Neith accompagna cette dernière phrase d'un sourire.

Pour une raison qu'elle ignorait, à la mention de sa mère, Nevahe sentit les larmes lui monter aux yeux. Envahit par la nostalgie et la tristesse, sa gorge se serra. Et puis quelque part, mélangée à d'autres émotions qu'elle ne parvenait pas à distinguer, elle sentit une pointe de soulagement. Neith connaissait ses parents.

Revoir l'adolescente l'avait elle aussi un peu chamboulée. Touchée et apercevant son trouble, la guérisseuse se rapprocha d'elle et écarta un peu les bras.

─ Je peux ?

Suite à un accord silencieux, la jeune femme prit Nevahe dans ses bras et la serra un instant contre elle.  Pendant quelques secondes, des souvenirs avec Arianna et Nevahe bébé lui revinrent en mémoire et manquèrent eux aussi de la faire pleurer. Les temps où elles étaient encore insouciantes lui manquait.
Mais elle tint bon et se sépara de l'adolescence avec un petit sourire.

Neith lorgna son sac, toujours sur sa chaise.

─ Je crois que je ne vais plus en avoir besoin, plus tout de suite tout du moins, annonça-t-elle. Je suppose que vous êtes déjà tous au courant de ce qu'il se prépare ?

— Plus ou moins, répondit Mahira, nous avons vu la vision de Mara. Ça n'annonçait rien de bon. L'organisation du Corbeau prend de l'ampleur. Il pourrait attaquer le camp n'importe quand.

Neith hocha la tête.

─ Nous venions vous voir pour savoir si vous aviez des informations sur le Corbeau, ajouta Lisandre, décidé à avoir des réponses.

─ J'ai peut-être de quoi vous aider. Mais avant il faut que je fasse quelque chose.

Neith se détourna d'eux, retourna à son bureau, décala des affaires qui pendaient à moitié, révélant une petite boule de poils qui se cachait derrière les vêtements. Sous le regard de l'ashela et des quatre amis, elle ouvrit son tiroir, en tira une enveloppe qu'elle posa afin de pouvoir ouvrir un double fond, et en sortit un livre assez épais qui intrigua le petit groupe. Elle l'ouvrit et, à la place des pages attendues, attrapa un petit paquet enroulé dans du tissu, d'un renfoncement.
Elle reposa l'ouvrage, reprit l'enveloppe et tendit le tout à Nevahe.

─ C'est une lettre pour toi. Ta mère me l'avait laissée.

Nevahe sentit son estomac se nouer. La main tremblante, elle prit la pochette en papier et le paquet.

─ Qu'est-ce qu'elle dit ? demanda l'adolescente, perplexe et légèrement angoissée par ce que la lettre pouvait contenir.

─ Aucune idée. Tu ferais peut-être mieux de t'asseoir, au cas où, ajouta-t-elle en lui ramenant une chaise.

Nevahe suivit volontiers son conseil, et posa le paquet sur ses genoux. Elle fixa un instant l'enveloppe dans ses mains. Elle n'était pas sûre d'être prête à l'ouvrir.

— Je vous la lis ? questionna Nevahe d'une voix incertaine, en levant les yeux vers Elya, Lisandre et Mahira.

— Tu n'es pas obligée.

─ Ok. Je vais la lire avant alors.

Prenant son courage à deux mains, Nevahe inspira à fond avant de décacheter l'enveloppe et de déplier la lettre.

Ma chérie,

Si tu lis cette lettre, c'est que ton père  et moi ne sommes sûrement plus à tes côtés et j'en suis désolée. Nous aurions tellement aimé te voir grandir et apprendre à te connaître davantage. Mais sache que de là où nous sommes, nous te soutenons et t'aimons d'un amour infini. Sache que nous sommes fière de toi et du chemin que tu as parcouru. Tout cela n'a pas dû être facile.

C'est aussi pour cela que je t'écris. J'ai laissé cette lettre entre de bonnes mains, pour deux raisons.
La première, Neith était une amie de confiance et c'était la mieux placée pour la garder à l'abri des regards indiscrets.
La deuxième, parce qu'il fallait que je te révèle deux choses importantes qui bouleverseront sans doute ta vision des choses et te feront sûrement tout remettre en question. Je n'ai jamais voulu t'en parler plus tôt, pour te protéger, mais cela a peut-être été une erreur de ma part.
Et tu auras le droit de m'en vouloir.

Tu as certainement découvert que tu n'étais pas une simple humaine et développé des dons. Je dois t'avouer que cela est de famille. Ton père et moi partagions certains de ces pouvoirs, à différents niveaux. Tu n'as sans doute jamais entendu parler de dons pareils, il y a une raison à cela mais je ne peux te les citer ici, au risque que ce message tombe entre de mauvaises mains. Mais je peux t'apporter une réponse.
Ma chérie, tu es comme nous. Tu es une Dräkana.
Et j'espère que tu parviendras à découvrir et à apprendre l'étendue de nos pouvoirs.

Mais ce n'est pas tout. Il faut que tu saches que tu n'es pas seule. Il y a d'autres Dräkana. Mais ils se cachent pour se protéger. Retrouve les. Ils t'aideront et pourront répondre à tes questions.

Je te laisse quelque chose, en espérant qu'il t'aidera à trouver ce que tu cherches.
Fais attention à toi. Le Corbeau n'est jamais très loin. Reste avec tes proches et prenez garde. Il vous faudra être fort ensemble pour parvenir à le renverser.

Ma princesse, je t'aime plus que tout au monde. Je t'embrasse très fort.

Maman

Une larme roula sur sa joue et s'écrasa sur le papier. Suivis de plusieurs autres qu'elle cacha à l'aide de ses mains. Elle eut chaud, puis froid. Nevahe sentit son estomac se retourner, ses lèvres trembler et le sang battre à ses tempes. Un mélange de peine, de tristesse, de colère, de mélancolie et de douleur l'assaillit. Le cœur au bord des lèvres, il lui fallut plusieurs minutes pour arriver à contrôler chaque émotion qui la traversait. Et autant de temps pour sentir la présence de ses amis qui, une main sur ses épaules ou son bras, tentaient de la soutenir et de la réconforter à force de paroles pour lui montrer qu'ils étaient là pour elle, même s'ils n'avaient pas pris connaissance du contenu de la lettre.

Au bout d'une dizaine de minutes, ses sanglots finirent par se calmer. Nevahe essuya ses yeux et ses joues. Murmura un faible merci à ses amis, et reporta son regard sur l'objet toujours emballé. Fébrile, elle souleva le tissu.
À l'intérieur, ses yeux se fixèrent sur un bijou qu'elle trouva magnifique. Accroché à un cordon noir, le pendentif était rond, de la taille de sa paume et épais de trois centimètres. Il était composé d'une gemme qu'elle ne connaissait pas. Une sorte de cristal en relief, bleu et aux reflets violets, entouré d'une pierre légère. Sur ce contour était inscrite une série de symboles qui lui était complètement inconnue.

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❧ Hello ! Voici le dernier chapitre que je publie ici, j'espère qu'il vous a plu. N'hésitez pas à me laisser votre avis ou si vous avez des conseils à me donner !

L'histoire n'est pas terminée, il est normalement prévu une trentaine de chapitres, peut-être un peu plus selon comment elle se développe :)

Je tenais à m'arrêter sur ce chapitre, car je pense qu'il aurait très bien pu marqué la fin de ce premier tome. Mais quelques aventures attendent encore Nevahe et ses amis avant que celui-ci ne se termine.

J'espère vraiment que l'histoire vous aura plu et qu'on aura peut-être l'occasion de se retrouver quand je partagerai la fin ^^

Merci à tous les lecteurs et pour tous vos retours ! Ils m'ont beaucoup aidé ❤️

Bonne journée/soirée selon l'heure à laquelle vous lirez ce message ♡

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