𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟏𝟑 : Nëhima, ou La Cité des Glaces
Après une journée de navigation sur la mer de Soëor, les trois amis, accoudés au bord du bastingage, distinguèrent enfin les premières rives de la Cité des Glaces.
Ils avaient passé la nuit en compagnie de l'équipage d'Elroth, dans les couchettes encore inoccupées. Et ce qui les avait réveillés ce matin-là était l'océan. Particulièrement agité, ce dernier faisait tanguer le bateau et ralentissait sa progression. Les adolescents étaient alors sortis pour voir ce qu'il se passait dehors et s'étaient ensuite glissés entre les pirates afin de rejoindre la proue.
Le vent sifflait et soufflait fortement dans les voiles déployées par les marins qui se gonflaient sous sa puissance. Les vagues se jetaient violemment contre la coque du navire, projetant des gerbes d'eau salées qui venaient asperger la figure des passagers qui se tenaient un peu trop près du bord.
La main en visière pour se protéger de l'eau et ses cheveux blancs volant en tous sens dans son dos, Elya annonça :
─ On approche.
Avant qu'une vague un peu trop haute ne vienne claquer contre la coque et s'écraser à leurs pieds. Elya se recula d'un bond et évita le retour des flots. Moins chanceux, Nevahe et Lisandre se retrouvèrent en partie trempés.
Surprise, la rousse resta un instant immobile, la bouche ouverte par l'étonnement, hésitant entre rire ou râler. Lâchant un soupir, elle se contenta de repousser ses mèches de cheveux humides et de refermer ses bras autour d'elle, tentant de se réchauffer un peu malgré le tissu glacé collé contre sa peau.
─ La prochaine fois, rappelles-moi de prendre des vêtements plus épais, lança-t-elle à la nephyris.
Essayant en vain de se recoiffer, Lisandre hocha la tête tandis que l'adolescente leur souriait d'un air mi-amusé, mi-désolé.
─ J'espère que vous êtes prêts à affronter le vent et à vous mouiller les pieds, lâcha Elroth en surgissant derrière le trio, on va longer la rive et vous déposer un peu plus loin, là où les rochers seront moins aiguisés et où vous pourrez escalader pour rejoindre la terre ferme.
─ Escalader ? s'étonnèrent Lisandre et Nevahe.
─ Ne vous en faites pas, les falaises ne sont pas très hautes.
─ Génial... commenta Lisandre en tirant sur le bas de son t-shirt.
Il n'aimait pas particulièrement la hauteur et l'idée de jouer les acrobates au-dessus du vide ne l'enchantait pas vraiment.
Une quinzaine de minutes plus tard, le bateau fut stabilisé au plus près d'une plage gelée. Les trois amis distinguèrent alors les hauteurs désignées par le père d'Elya et promenèrent leurs regards sur le paysage blanc et gris qui s'offrait à eux. Plus bas, des rochers disposés ici et là faisaient surface au milieu des vagues.
Penchée au-dessus du bord, Nevahe frissonna. Elle ne savait pas si c'était à cause de la température, étonnamment froide pour un mois de juin, ou si l'idée de devoir reprendre la route la rendait de plus en plus nerveuse. Elle n'était jamais venue ici, alors maintenant qu'ils étaient arrivés, où allaient-ils aller ?
Dans son dos, Elroth posa une main sur l'épaule de sa fille et regarda tour à tour Lisandre et Nevahe.
─ C'est ici que nos chemins se séparent, commença le capitaine, bon courage pour la suite et surtout, faites attention à vous.
Elya se tourna vers son père et le serra dans ses bras.
─ Tu passeras le bonjour à Kiya, lui dit Elroth en lui rendant son étreinte.
─ Merci encore pour votre aide, le salua Lisandre.
Nevahe le remercia aussi avant que l'homme et son équipage ne les aident à descendre de l'embarcation.
Très vite, les trois amis se retrouvèrent sur les rochers à essayer de rejoindre la plage en les enjambant un par un, malgré leurs pieds mouillés et leurs chaussures glissants sur les cailloux balayés par les vagues.
Luttant contre le vent pour garder l'équilibre, Nevahe pestait, trempée jusqu'aux os, regrettant vraiment de ne pas avoir pensé à prendre des vêtements de rechange. Grelottante, elle prit quelques secondes pour faire une pause et leva les yeux devant elle. Plus loin, Elya semblait plutôt bien s'en sortir même si elle avait déjà dû évité deux ou trois chutes de justesse. À quelques mètres d'elle, son meilleur ami posait le pied sur un nouveau rocher, et dû se rattraper avec ses mains pour s'empêcher de glisser en arrière. Reportant son regard sur la plage de galets blancs, la rousse soupira en pensant qu'il restait bien trois cent mètres à franchir avant de pouvoir reposer un pied sur un sol stable.
Après plusieurs minutes d'efforts, tous les trois parvinrent finalement à rejoindre la grève.
Ils prirent quelques instants pour reprendre leur souffle, les yeux rivés sur les falaises qui s'étendaient devant eux.
─ On va vraiment devoir escalader ça ? fini par demander Lisandre d'un air un peu anxieux.
─ Faut croire... répondit Nevahe, qui aurait bien aimé avoir une échelle ou un escalier à disposition.
Elya observa la paroi, repéra des prises auxquelles ils pouvaient s'accrocher et remarqua sur la gauche un léger décalage au niveau de certaines pierres qui semblait former une sorte de corniche assez grande pour poser un pied et contourner le mur rocheux. En se déplaçant pour mieux voir, la jeune fille distingua une faille assez large pour laisser passer quelqu'un.
─ Attendez, dit Elya pour attirer leur attention.
Elle leur désigna la petite plateforme constituée de pierres et de terre, puis la faille.
─ Vous voyez ? Je pense que si on parvient à atteindre ce niveau, on débouchera sur un chemin qui devrait nous mener en haut.
Fixant l'endroit situé à sept mètres du sol, Lisandre hocha silencieusement la tête. Il préférait largement essayer d'atteindre cette faille que de gravir le double de hauteur.
─ Bien vu ! acquiesça Nevahe en adressant un sourire à son amie, ravie de gagner du temps et d'écourter cette ascension.
Elya lui répondit par un petit sourire et se dirigea vers la paroi. Faisant de même, Lisandre saisit une pierre et plaça son pied dans une encoche. Levant la tête, le jeune homme prit une inspiration.
─ Bon. Quand faut y aller, faut y aller.
Et il commença à grimper, bientôt suivi par les deux adolescentes.
─ Ça va là-haut ? s'exclama Nevahe, à trois mètres au-dessus du sol, les yeux levés vers ses amis et cramponnée de toutes ses forces aux prises qui la soutenaient.
Monter là-haut ne s'avérait pas être une tâche facile malgré leur facilité à trouver des points d'appuis. Le vent agité les plaquait contre la paroi et fouettait leur visage avant de s'engouffrer parfois dans les failles de la roche.
─ Ça va, répondit la nephyris, essoufflée par l'effort, tout en se déplaçant d'une pierre sur la gauche avant de tourner la tête du même côté afin d'apercevoir Lisandre. Tu t'en sors ?
─ Disons que ça pourrait aller mieux, marmonna son ami.
Des gouttes de sueur perlaient à son front et, le corps plaqué contre la roche, le garçon s'efforçait de rester calme et de ne pas regarder en bas. Les doigts crispés sur sa prise, il tendit la main gauche pour saisir une autre pierre. Tentant de respirer calmement, il continua l'effort que lui demandait cette ascension, les yeux rivés vers son objectif pour garder sa concentration.
Plusieurs minutes plus tard, Lisandre parvint enfin à atteindre la corniche indiquée plutôt par Elya. Plaçant un pied dessus, il entoura la paroi d'un bras et se maintint quelques instants en équilibre, penché sur le côté, pour voir à l'intérieur de la crevasse formée par la faille.
Tu avais raison, Elya, il y a bien un passage derrière ce mur, les informa le jeune homme.
Le garçon se tourna légèrement et échangea la position de ses pieds afin d'avoir assez d'élan pour les reposer de l'autre côté du vide. Une fois cette étape effectuée, Lisandre laissa échapper un soupir de soulagement, ravi de retrouver la terre ferme. Ne redoutant plus que la roche ne s'effondre sous ses pieds, il tendit la main à Elya pour l'aider à passer et fit de même lorsque Nevahe arriva à leur hauteur.
Enfin tous les trois réunis, ils se laissèrent quelques minutes afin de récupérer des forces et reprendre leur souffle. Se laissant glisser au sol pour s'asseoir, ils prirent le temps d'inspecter les lieux. La faille cachait en réalité une sorte de chemin étroit qui remontait vers le haut de la falaise, guidé par des parois constituées de terre sèche.
Essayant de contrôler ses tremblements dû au froid et ses vêtements imbibés d'eau, Nevahe leva les yeux vers le morceau de ciel gris presque blanc qui se détachait au-dessus d'eux. Elle allait reporter son regard ailleurs quand quelque chose de froid se déposa sur son visage. Elle porta un doigt sur sa joue et toucha la zone humide. C'était plus froid qu'une goûte de pluie. Curieuse, la rousse tendit la main paume vers le haut. De petites perles blanches se mirent peu à peu à tomber du ciel, et la rousse récolta bientôt de petits flocons de neige qui se mirent à grossir.
Nevahe se releva, imitée par ses amis.
─ Attends, il neige ? En plein mois de juin ? Comment c'est possible ? demanda-t-elle en se tournant vers Elya.
─ Les saisons n'existent pas vraiment ici. Avec les marées, les vents sont froids et se croisent, la température est toujours basse, c'est comme si on était en hiver toute l'année, explique Elya avec un grand sourire, et c'est ma saison préférée.
Elle jeta à son tour un coup d'œil vers le ciel.
─ Par contre, il va falloir trouver un abri et vite parce que là, c'est la tempête qui arrive. Et vu l'état dans lequel on est, ça m'étonnerait que rester dehors soit une bonne idée.
Lisandre baissa les yeux vers ses vêtements mouillés et sûrement pas adaptés à un temps de neige.
─ Et on va où ? demanda sa meilleure amie d'un ton dubitatif.
─ Chez moi, dit Elya avec un petit sourire.
Cela faisait un bon moment que l'adolescente n'avait pas mis les pieds dans son village natal. Se retrouver à nouveau dans sa maison allait sans doute lui rappeler des souvenirs.
Au-dessus d'eux, le ciel s'assombrit davantage et les flocons se firent plus épais. Des bourrasques de vent s'engouffrèrent dans la cavité par laquelle ils étaient passée, balayant la neige avec force. Maintenant frigorifiés, les trois amis prirent le chemin de la montée en courant, Nevahe et Lisandre suivant Elya sur les routes enneigées.
Arrivés au-dessus des falaises, les deux meilleurs amis découvrirent des paysages blancs à perte de vue. Plus loin, sur leur gauche se dessinaient plusieurs chaînes de montagnes grises. Sur leur droite, à quelques kilomètres encore, ils pouvaient deviner les limites des premiers villages. L'air, ici, était plus glacial encore que là où ils s'étaient abrités après l'escalade.
─ Bienvenus à Nëhima, ou la Cité des Glaces, annonca l'adolescente aux cheveux blancs.
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