Chapitre 2
Je repris ce que j'étais en train de faire, serrant les poings, prenant sur moi pour ne pas foutre un coup à ce gamin braillard au passage. J'étais sur le point de passer le pas de la porte lorsque j'entendis le rire de Senji.
- Vous êtes vraiment qu'une bande de lavettes, vous avez peur de tout ! Tout le monde tue des gens dans cette prison ! S'exclama-t-il alors.
Je me stoppais à mon tour et le regardais, surprise. Il n'avait réellement pas peur de moi ? Il ne me voyait pas comme un monstre meurtrier ? Il me regarda, puis me fit encore un sourire.
- Tout ce que je vois, c'est une fille de taille modeste qui sait se battre, c'est tout, conclut-il.
Je me figeais à ses mots, si surprenants pour moi à entendre. Si surprenant que quelques secondes me furent nécessaire pour percuter qu'il les avait vraiment prononcés. Mais un détail me fit réagir.
- Ma taille modeste t'emmerde ! M'emportais-je, le poing vers lui, ne supportant pas les réflexions sur mes 1m62.
Ganta qui avait arrêté de trembler poussa un cri de stupeur, tandis que Senji affichait une mine relativement surprise, se demandant sûrement pourquoi j'en faisais tant à cause de ma taille, en attrapant mon poing au passage sans aucune difficulté.
Je soupirais de nouveau, et me retournais vers la porte, pestant de frustration.
- T'as qu'à avoir peur de moi, comme tout le monde, dis-je le regard sombre.
- Senji Kiyomasa n'a peur de personne, ahah !, répondit-il du tac au tac. Et Ganta... Commença-t-il avant de le soulever par sa combinaison pour le mettre devant moi. Excuse-toi, ordonna-t-il fermement.
- Hein ? Laissais-je échappé en le regardant faire, alors que le gamin le dévisageait, ahurit.
- On ne dit pas à une fille que c'est un « monstre », abruti, fit-il d'une voix sévère en le forçant à s'incliner devant moi. Surtout lorsqu'on ne la connaît pas.
Le garçon fit quelques autres tentatives infructueuses pour se justifier, mais Senji finit par lui lancer un regard qui même moi ne m'aurait pas laissé de marbre. D'ailleurs, le gamin n'en fût que plus terrorisé.
J'étais passée à deux doigts de perdre mes moyens devant cette scène irréaliste, mais heureusement, je m'étais reprise à temps. Gardant cette position d'intouchable, les bras croisés et le regard froid, j'haussais simplement un sourcil.
Mais Senji reposa son regard ébène sur moi avant de appuyer à nouveau sa main sur la tête de l'enfant.
- Pardonnez-moi, Mademoiselle Wendel ! S'exclama alors le gamin qui tremblait encore comme une feuille.
Je regardais alors Senji dans les yeux, sans rien dire. Son regard d'encre et le mien magenta se croisèrent sans qu'aucun des deux ne dévie. Il garda ce regard sérieux, comme pour prouver qu'il ne se foutait pas de moi. Essayait-il de m'approcher de cette manière ? Parce que tout le monde me qualifiait de sauvage ou de monstre ?
Après tout, je ne pouvais pas dire ls contredire.
J'entaillais ma main gauche comme la première fois pour dégainer à nouveau mon katana de sang à une vitesse ahurissante. Une vitesse qu'il ne pouvait visiblement pas suivre. La lame arriva à exactement un millimètre de la gorge du gamin.
- Dans quel but veux-tu devenir fort ? Un deadman incapable de suivre mes mouvements devrait déjà être mort.
Il déglutit, et Senji croisa à son tour les bras. Son regard avait changé. Changé dans le sens où il m'observait, intéressé par cette réaction, attendant visiblement la suite.
- Je... Je veux devenir fort pour pouvoir protéger les personnes qui me sont chères ! Je ne veux plus jamais être faible... Plus jamais !
Il avait sorti ces mots en pleurant à chaudes larmes Malgré moi, je ne pus réprimer une mine surprise. Comment était-ce possible... ?
Mon regard s'assombrit et je reculais. Les deux me regardèrent, intrigués.
- T'as du boulot, Senji.
Il afficha un visage légèrement surpris. Puis, après un court silence, le rire de l'homme aux cheveux de jais éclata.
- Ouais, je sais ! Mais comme t'as pu le comprendre, ce p'tit gars est intéressant, n'est-ce pas ?
Le concerné essuya ses yeux sans rien dire, tandis que j'acquiesçais à la question du brun.
- Ah et une dernière chose, « Ganta »...
Il se stoppa net à l'entente de son prénom.
- Ne prononce plus jamais mon nom, c'est clair ?
Je lui lançais un regard noir, détestant entendre ce mot du plus profond de mon être. Il ne fît que hocher la tête de haut en bas en tremblotant.
J'étais donc sur le point de refaire disparaitre mon arme quand Senji me stoppa.
- Attends, garde ton arme ! S'exclama-t-il soudainement. Je n'en ai pas pour longtemps avec lui, ça te dirait de t'entraîner aussi ?
- Pardon ? Fis-je étonnée.
Il passa à côté de moi, le sourire aux lèvres.
- C'est que peu sont capables d'être des oiseaux rapides ici.
Il n'ajouta rien et pris un bonbon antidote avant de l'attacher à une ficelle, se mettant à côté de Ganta. Il lui expliqua que s'il le touchait, il serait devenu plus fort, alors que même en sautant, il ne pourrait pas le toucher.
Quant à moi, je me mis sur le côté, me rasseyant sur un banc et gardant donc mon arme de sang active. Il savait que ça prenait plus d'énergie pour la matérialiser plusieurs fois de suite, et donc voulait m'épargner une troisième fois.
Mais ses mots m'avaient plus qu'intrigué. Je pensais effectivement être la plus rapide ici, puisque c'était ce que j'avais le plus développé pour survivre. Mais lorsque je vis enfin Senji à l'œuvre, esquivant les tirs de balles de sang du gamin, les mains dans les poches, je ne pus décrocher mes yeux de lui.
Ses mouvements étaient incroyables, si souples et si rapides. Je n'avais jamais vu quelqu'un m'égaler sur ce terrain, et pourtant. Ce Senji Kiyomasa semblait pouvoir me défier en combat équitable, chose qui ne m'était encore jamais arrivée.
Ce fut lorsque la friandise immonde explosa en une multitude de fragments que je réalisais que ça faisait bien dix minutes que je le fixais. Enfin, il ne semblait pas l'avoir remarqué, lui, concentré comme il l'était. Mais il me lança un regard en coin lorsque Ganta, tout content, s'était rapproché de lui en courant.
- Voilà, c'est bien, dorénavant on peut dire que tu maîtrises ton « Ganta Gun ». Maintenant va te coucher, c'est à mon tour de m'entraîner sérieusement. Ça pourrait être dangereux, fit-il, un sourire particulier aux lèvres.
- Comme si tu pouvais te donner à fond ici, se moqua le gamin.
Il mit un bras sur ses épaules et se baissa, dos à moi, pour lui murmurer quelque chose.
- Ganta. Je crois que j'ai enfin trouvé quelqu'un qui pourra me suivre, déclara-t-il avant de se redresser, et de planter ses yeux dans les miens.
Je baissais la tête, un sourire en coin apparaissant en l'entendant. Je me levais, reprenant arme en main.
- Je vois que nous sommes sur la même longueur d'ondes, Senji Kiyomasa.
Nous affichions le même sourire. Le sourire de ceux qui n'avaient jamais eux l'occasion de croiser le fer avec quelqu'un de son envergure. Quelqu'un contre qui nous pouvions véritablement combattre à fond.
Ganta, effrayé devant nos auras assoiffées de défi, partit à toutes jambes. Ne me retenant plus, je lui sautais littéralement dessus, ma lame de sang contre lui. J'y allais sérieusement même en sachant qu'à chaque fois, mon temps était compté. Mais je ne pouvais tout simplement plus me contenir.
Il était si spécial.
Nous échangeâmes alors nos coups tous plus rapides les uns que les autres. Entre esquives et contre-attaques, aucun n'arrivait à toucher l'autre et la salle d'entrainement commençait à ressembler à un champ de bataille.
Mais c'était ce qu'était ce monde, ce qu'était cette prison. Une guerre, ni plus ni moins, où chacun écrasait l'autre pour survivre.
Les minutes défilèrent, mais une douleur à la poitrine me rappela bien que le combat pourtant purement amical durait depuis trop longtemps. Beaucoup trop longtemps.
Il me coinça contre un des murs de la salle, et mes mouvements furent légèrement ralentis à cause de cette maudite douleur. Ce qui me valut de me recevoir la lame de sang de Senji juste en-dessous de ma gorge et de faire disparaitre ma lame puisque je l'avais lâché. Un si léger ralentissement était donc vraisemblablement fatal face à lui.
J'aurais pu vraiment y passer, cette fois. Je ne respirais plus normalement, un goût de sang avait envahi ma bouche et la sueur perlait sur ma peau. Mais ce fut lorsque je posais les yeux sur mon adversaire que je compris que pour lui non plus, ça n'avait pas été une promenade de santé.
Il dématérialisa son arme et s'éloigna un peu.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Fit-il sérieusement.
Je détournais le regard.
- Rien... Je n'avais simplement jamais combattu au maximum de ma vitesse jusqu'à maintenant, avouais-je toujours sans le regarder.
Il soupira avant de reprendre son souffle.
- Eh ben, si je peux te dire un truc... Moi non plus. J'espère qu'on pourra se refaire des combats de ce genre. Je ne m'étais focalisé que sur la musculation jusque là puisque je n'avais jamais rencontré quelqu'un comme toi. Mais maintenant que c'est fait, j'aimerais bien continuer, souri-t-il en me regardant, trempé de sueur.
Enfin je l'étais moi aussi, faut dire. Je glissais un doigt en dessous de mon haut pour me faire de l'air en soupirant, épuisée.
- Tu crois que je laisserais filer un gars capable de suivre ma vitesse ? T'es dingue, fis-je avec un léger rire.
Il détourna le regard, les joues un peu rouges. Je regardais mon haut et ne compris pas tout de suite que c'était le léger décolleté, un peu approfondi par mon geste qui le fit se mettre dans cet état. Je passais alors à côté de lui pour rejoindre ma chambre.
- T'es vraiment pas banal comme gars, déclarais-je en signe de salutation.
- Je te retourne le compliment. Bonne nuit Lassia, répondit-il le plus naturellement du monde.
Je ne fis qu'un sourire en coin avant de m'éclipser. Qu'est-ce qu'un gars comme lui foutait ici ? Ça n'avait vraiment aucun sens.
Après cette rencontre peu banale, nous nous étions revus, comme convenu. Enfin, c'était toujours pour des entraînements, à croire que Senji ne pensait qu'à ça. Mais ça ne me faisait pas de mal, il fallait bien l'avouer. Les semaines s'écoulèrent dans un quotidien nouveau. Combats, entraînements, discussions... J'avais remarqué que Senji s'habituait petit à petit à ma présence, car s'il avait bien un point faible, c'était les relations avec les personnes de sexe féminin. Pourtant, je n'étais pas ce qu'on pouvait appeler de plus « féminine ». Un vrai garçon manqué même. Mais c'était comme ça que j'étais, et ça me convenait. Ce n'était pas comme si je cherchais à accomplir quoi que ce soit avec lui. C'était un bon partenaire de combat, ni plus ni moins, avec lequel j'appréciais passer un peu de temps. Le seul ici qui pouvait me comprendre, je crois.
Alors que j'étais sur le chemin pour aller justement à sa rencontre à l'endroit habituel, j'entendis l'annonce de mon prochain combat dans le haut-parleur. Mais je ne prêtais pas attention à l'annonce entière, seulement à l'heure. Je devais aller combattre dans peu de temps.
Je soupirais et décidais d'aller le saluer tout de même. Une fois les pieds mis dans la pièce qui était reconstruite après chacun de nos entrainements, je vis Senji, de dos, enfiler son long manteau noir. Il allait quelque part ?
- Yo, Kiyomasa, fis-je simplement.
Il se retourna et arqua un sourcil.
- Salut Lassia, qu'est-ce qui te prends de m'appeler par mon nom de famille tout à coup ? Demanda-t-il étonné et un brin mécontent aussi.
J'esquissais un sourire en coin.
- Simple envie. Et puis dans ce pays, ça ne se fait pas de s'appeler par son prénom lorsqu'on ne se connait pas, je me trompe ?
Il arqua légèrement un sourcil.
- Tu l'as fait la première fois qu'on s'est vu, alors c'est plutôt bizarre de m'appeler comme ça maintenant. Tu crois pas, Wend--
Je le stoppais net alors qu'il avait un sourire malicieux collé au visage.
- C'est bon c'est bon, fis-je blasée. De toute façon faut que j'y aille. A plus, « Senji ».
Je repartis comme j'étais venue. Maintenant que j'y pensais, j'ignorais pourquoi j'avais tant tenu à aller le voir malgré mon combat qui approchait. Et pourquoi j'avais eu envie de le taquiner soudainement.
Pourquoi ? Je crois que j'en avais eu tout simplement envie, en fait.
Mais ce qui me parut étrange, ce fut l'absence de salutations de la part du brun. En réalité, je ne l'avais pas vu me regarder partir, le regard bas.
Tout ce que j'avais entendu, ce fut un bruit sourd venant de la salle, comme si quelqu'un venait de faire tomber quelque chose. Ou bien... de cogner quelque chose ?
Je m'arrêtais et regardais un peu en arrière, tournant la tête vers le couloir menant à la salle. C'était lui ? Après tout, je ne le connaissais que depuis quelques semaines, mais les points communs que nous avions me laissaient croire que nous étions proches.
Peut-être n'était-ce que pure illusion, au final.
Je repris ma marche, pensive à mon tour. J'avais un combat contre un deadman, seulement malgré toute mon expérience, celui-là je ne l'avais jamais combattu. Enfin, ça se réglerait rapidement, comme d'habitude, concluais-je intérieurement.
Quelques minutes s'écoulèrent durant lesquelles je parcourais les couloirs de la prison souterraine. Je me mettais mentalement en condition. Je ne savais pas à quoi m'attendre, contrairement à Senji, je ne prêtais jamais attention à mes adversaires, ni aux autres. De potentielles victimes que j'aurais fini par tuer s'il le fallait. Mais peut-être que mon erreur serait là.
Je me mis une claque mentale. Peu importait mon adversaire, je l'abattrai. C'était ce que je m'étais toujours dit, ce que je m'étais promis. Je ne perdrai plus jamais. C'était hors de question.
C'était déterminée que j'entrais dans la salle de combat sombre et métallique dès que les portes de fer s'entrouvrirent. Cette salle était immense, que ce soit en hauteur ou en largeur. Un espace spécialement conçu pour combattre. Non, pour tuer.
Les projecteurs s'allumèrent au bout de quelques secondes, un par un. Sur moi et sur mon adversaire, avant de faire globalement toute la salle.
Je ne le regardais même pas. Ils n'avaient pas encore donné le top départ, cependant, je fis déjà apparaître mon arme. Ma lame de sang qui en avait fait couler à flot.
Afin de sortir toujours victorieuse de mes combats. Je ne pouvais pas mourir. C'était impossible. La défaite ou la mort n'était pas une option pour moi. Je devais vivre, et je devais gagner. Pas pour moi, non. Mais je devais continuer de vivre, car c'était uniquement de cette manière que je pouvais assumer mes actes.
Le repos de la mort ne m'était tout simplement pas permis.
Je relevais lentement les yeux vers mon adversaire, qui n'avait pas dit mot. Mais je crus de plus en plus à une illusion à mesure que je remontais le regard.
Ces vêtements.
Cette peau halée.
Ces cheveux en pics.
Ce visage, ce tatouage.
Il n'y avait qu'une personne que je ne voulais pas affronter, que je ne voulais plus affronter ici, et ça devait être lui !
- Senji... Kiyomasa !
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