Chapitre 5 : Une île déserte

Pour une raison que j'ignore complètement je me retrouve dans ses bras, enlacée très étroitement. Dans un premier temps j'étais figée par la surprise, l'homme qui pas plus tard que ce matin me traitait de pute ou prostitué me prend dans ses bras. N'y a-t-il rien de plus déconcertant ? Pourquoi fait-il ça ? Je n'en sais rien du tout. Je ne suis pas dans sa tête et je doute que quelqu'un ait déjà réussi à sonder son esprit. La seule chose que j'ai envie de faire c'est de le repousser d'un coup et de lui hurler :"Mais qu'est-ce qui te prend ?!". Mais mon corps refuse d'obéir à mon envie, il reste blotti contre lui comme si nous étions amants. Il me relâche d'un coup comme s'il revenait à la réalité. Ses yeux son aussi écarquillés que les miens. À l'évidence je ne suis pas la seule surprise par cette soudaine étreinte.

- Désolé, je ne sais pas ce qui m'a prit d'un coup.

Je sèche mes joues humide et secoue la tête signe que ce n'est pas bien grave. Ça me fait bizarre de le dire en sachant que je parle de Basil, mais je n'ai pas trouvé ça désagréable, loin de là. Au contraire, je m'y sentais en sécurité. Cependant, ça, je ne le lui avouerai jamais. Je fais volte-face pour retourner dans ma chambre, le coeur encore chamboulé par tout ça.

- Pourquoi ne m'as-tu pas repoussé ? me demanda-t-il d'une voix rauque.

Je m'arrête au milieu des escaliers en colimaçon, de profil à lui et cherche mes mots. J'ai l'impression que je dois lui répondre.

- Je n'en avais pas envie.

Je poursuis mon ascension pendant que lui retourne dans sa chambre. Ce soir-là je n'ai pas réussi à fermer l'oeil de la nuit.

* * *

Le lendemain matin, sans savoir pourquoi, je me sentais affreusement seule. Si, en fait je sais pourquoi, mon coeur le sait mais mon esprit ne veut pas l'accepter. Basil. Après ce qui c'était passé la veille au soir, impossible de passer l'éponge là-dessus. Je descends au rez-de-chaussée assez mal réveillée et y retrouve Anatole devant les fourneaux. Il me sourit et m'amène un peignoir rapidement. Je m'installe au bar et pousse un long soupir qui interpelle le majordome.

- Avez-vous mal dormi cette nuit Louisa ?

- Ce n'était pas vraiment la meilleure nuit de ma vie.

- Un bon petit déjeuner arrangera tout. Des oeufs brouillés ?

J'accepte et le regarde cuisiner en me remettant en boucle dans ma tête cette étreinte chaleureuse. Basil nous rejoint peut de temps après. Nos regards se croisent et je me sens rougir en repensant à "ça". Il semble se l'être également remémoré car nous détournons tous deux nos yeux. Je ne peux pas le regarder en face, impossible.Impossible de lui adresser un mot ou de lui lancer un regard. C'est bien trop embarrassant !

- Léo est déjà parti ? demande Basil en s'adressant à Anatole.

- Oui, il se trouve que les analyses sont plus complexe que prévu donc il est rentré le premier pour pouvoir vous donner les résultats à votre retour.

- Quand partons-nous ?

Il nous sert deux assiettes avec le sourire.
Juste après le petit-déjeuner.

* * *

Nous nous installons dans le jet, spacieux, aux sièges crème aux différents arrangement. Certains sont placés comme des banquettes le long des hublots, d'autres comme des sièges classiques d'avions. Le pilote nous accueil et nous laisse prendre place confortablement. Bien évidement je ne me mets ni en face de lui, ni à côté de lui. Mais Anatole nous rappel que une fois rentrés au pays nous devrons nous comporter comme un couple de jeunes mariés "fou amoureux" pour garder une bonne image de la famille royale. Il n'a pas tort.

Je prends une grande inspiration lorsque l'avion se met à avancer puis a accélérer jusqu'à nous faire vibrer puis enfin décoller du sol. Sans compter ce que j'ai oublié, c'est la première fois que je prends l'avion. L'altitude ne me fait pas peur, je n'ai pas le vertige heureusement, cependant j'ai de nombreuses appréhensions concernant le vol. Des crashs d'avions il y en a peu, mais ils sont mortels, je ne veux surtout pas qu'on finisse écrabouillé et brulé parmi des débris ou même noyé au fin fond de l'océan.

- Tout vas bien Louisa ? s'inquiète An' en me voyant changer de couleur.

Je secoue la tête nerveusement. Mentir ne servirai à rien d'autre que de l'inquiéter plus qu'il ne l'est déjà.

- Voulez-vous que j'aille chercher un verre d'eau ?

J'acquiesce embarrassée et il se lève pour s'éloigner à l'arrière du jet. Je jette un coup d'oeil timidement vers Basil qui étudie et remplie de la paperasse que Léo lui avait laissé. Il a l'air si sérieux lorsqu'il est concentré. Il dégage un certain charisme que personne ne peut ignorer. Il doit sans doute avoir beaucoup de prétendantes. La moi d'avant en faisait sans doute partie, sinon je ne serai pas devenu sa femme. "Sa femme", dit comme ça, ça me fait bizarre. Je suis mariée à quelqu'un que je connais à peine, et en plus cette personne est un prince. Il n'y a rien de plus improbable pour une fille de paysan comme moi.

- J'ai quelque chose sur le visage ? questionne Basil désagréablement.

Mes joues rougissent immédiatement et je tourne la tête en bredouillant quelques mots.

- Non, ce n'est rien. Tout va bien.

Anatole revient et me donne le verre que j'avale d'une traite. Suite à ça, la fatigue me pousse à prendre le sommeil dont je n'avais pas bénéficié cette nuit, me plongeant dans des rêves plus farfelus les uns que les autres.

* * *

Sans raison lié à mon rêve, je me réveille brusquement me sentant secouée dans tous les sens. Je lève mes yeux pour voir mon majordome me secouer de toutes ses forces. Son visage empreint de peur et de panique pour une raison que j'ignore totalement.

- Louisa ! Réveillez-vous !

- Que, qu'y a-t-il ?

- Vous devez quitter l'avion immédiatement.

Je me redresse et essaye de rester debout sur mes jambes engourdies. J'enfile
rapidement un parachute qu'Anatole me tend et écoute ses brèves explications. J'intègre simplement où il faut tirer pour déployer le parachute à cause de la panique. J'arrive à peine à voir plus loin que lui. Basil et le pilote ne sont que des ombres floues dans mon champ de vision. Impossible de réfléchir à autre chose que ma survie. Mon majordome me pousse par derrière vers la porte de l'avion. Je manque de tourner de l'oeil lorsque je vois le vide bleu sous moi. Finalement je fais un pas en arrière et secoue la tête.

- Je ne pense pas que je vais pouvoir sauter.

- Si vous devez atterrir essayé de le faire sur cette petite île là-bas. déclare-t-il en pointant du doigt un endroit rempli de végétation en plein milieu de l'océan.

Mes jambes tremblent de peur, plus je regarde en dehors de l'avion, plus je suis pétrifiée. Anatole me hurle une nouvelle fois de sauter comme si ma vie en dépendait et voyant que j'ai déconnecté de la réalité, il prend l'initiative de lui-même.

- Désolé Louisa. souffle-t-il dans mon oreille pour accéder à ma conscience enfouie.

Ses mains me bousculent, je perds l'équilibre et tombe en avant pour me retrouver dans ce vide bleu. L'air me défigure, les bourrasques de vent me bousculent dans tous les sens et mes yeux commencent à pleurer. Est-ce à cause de ce vent qui déshumidifie mes yeux lorsqu'ils sont trop longtemps ouverts ou ma peur qui me domine entièrement. Je vois à peine l'île que m'avait indiqué An' plus tôt. Je cherche sur moi la poignée permettant le déploiement du parachute et tire d'un coup sec. La toile du parachute se déploie d'un coup derrière moi et je me sens retenue d'un coup en arrière. Je ne sais pas comment manipuler un parachute, c'est la panique. Je tire sur des poignées aléatoirement et je dérive de ma direction initiale. Quelqu'un arrive juste à côté de moi et me hurle « droite » et « gauche » en pointant mes poignées. C'est Basil qui poursuit sa chute libre sans encore déployer son parachute. Mon coeur bat à 100 à l'heure. Je panique, pour moi qui suis une inconnue dans le domaine du parachutisme et pour Basil qui rejoint la terre plus rapidement la terre sans parachute déployé. Arrivé une certaine hauteur il tire enfin sur la poignée et descend lentement dans l'eau tout comme moi qui ait enfin compris comme me diriger un minimum. Je retire le sac sur mon d'eau, sors du parachute qui m'avait totalement engloutit sous lui et lève les yeux au ciel en voyant l'avion piquer le nez vers le bas et enfin plonger dans l'eau. Je scrute le ciel a la recherche de d'autres parachutes comme ceux d'Anatole et du commandant de bord mais rien hormis un ciel bleu bien dégagé se montre à moi. J'avance lourdement jusqu'à la plage qui est à quelques brasses d'où je suis et m'effondre sur le sable blanc où Basil s'était déjà assis pensif.

- Tu penses qu'ils ont survécus ? demandé-je naïvement.

- Les chances sont faibles. dit-il stoïque.

- Tu penses qu'on va survivre ?

- Les chances sont faibles. répète-t-il.

Sa réponse sans quelconque réaction paniquée, triste ou inquiète commence a m'énerver. C'est ce genre d'attitude que je n'apprécie pas. Nous n'avons pas d'atomes crochus, et notre passé commun n'était sans doute qu'une farce sans queue ni tête. Nous ne sommes rien d'autre que des inconnus, perdus sur une île au milieu de l'océan, sans personne pour nous venir en aide. Désolant comme situation. . .

Je tente une dernière approche pour voir s'il reste toujours de marbre :

- Préparons de quoi alerter que nous sommes sur l'île. Si un avions passe il sauront que nous sommes là.

- Fais ce qui te chante.

Je me lève en colère à cause de son attitude inexpressive et m'apprête à le frapper. Mais au final, ma main n'atteint pas sa joue. Peut être suis-je trop faible pour le gifler comme je l'avais fait la veille. Mais, même ce mouvement hostile ne l'a pas fait bouger d'un poil. Quelque chose ne va pas. À l'évidence, il n'est pas dans son état habituel. Je m'accroupie en face de lui et le contemple intriguée. Je ne sais pas si je dois intervenir dans ses pensées. Je ne sais pas si je dois l'interroger ou ne rien dire. Je ne sais rien de lui. Néanmoins, comme toujours, quelque chose au fond de moi me pousse à avancer vers lui, à faire attention à lui, à prendre soin de lui.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Aucune réponse. En temps normal, je ne serai pas allé plus loin dans mes interrogations. Je me serai installée plus loin et j'aurai poursuivit mes activités. Mais là non. Je continue de lui parler, sans attendre de réponse particulière. Son silence me convient, ce qui n'est pas normal si j'étais restée celle qui ne le connaissait pas. Je le rassure, sur notre situation de naufragés, sur notre entourage, sur notre survie. Je réussi par je ne sais quel miracle à le déplacer à l'ombre, de peur que nous attrapions une insolation. Son mutisme ne me gêne toujours pas. Sa montre water-proof m'affiche l'heure. Il est midi passé et mon ventre ne manque pas de me le faire remarquer.

- Je ne mérite que de mourir ici. dit-il enfin.

Je suis surprise qu'il me parle soudainement, mais je suis aussi soulagée qu'il ne soit pas devenu muet suite à cet accident —psychologiquement si vous voyez ce que je veux dire—.

- Pourquoi dis-tu ça ?

- Je suis un prince égoïste qui ne prête pas attention a son peuple. Tu avais raison la dernière fois. Je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez, je juge a la première impression et je rejette à la première occasion. Cela n'est pas digne d'un prince.

Je plisse les lèvres, perplexe par sa réflexion. Il n'a pas tout à fait tord, mais approuver ce qu'il vient de dire n'est pas correct de ma part. Cependant, c'est impossible pour moi de le contredire ! Je ne sais pas quoi faire.

- Te remettre en question est signe que tu peux être un bon roi. dis-je en me tournant vers lui.

Il hausse les sourcils et se tourne à son tour vers moi.

- Tu n'es pas obligée de me dire ça parce que je suis un prince, il baisse la tête. À la limite, je préférais quand tu étais franche et bruyante.

- Je n'ai jamais cessé d'être franche.

- Tu mens.

- Non. Même si tu étais différent avant notre mariage, tu n'en restes pas moins le prince Basil. Personne ne peut te remplacer. Tu es unique.

- Foutaise.

- Tu es capable d'évoluer pour plaire à la femme que tu aimes. Tu es capable d'évoluer pour convenir aux besoins de ton peuple. Tu es un prince, un homme capable de tout.

- Pourquoi me dis-tu tout ça ?! hurle-t-il.

Je sursaute quand je l'entends me hurler dessus. Je sais que je suis casse couille, mais là, je sais que c'est plus que nécéssaire pour que ça lui rentre dans le crâne. Je ne l'apprécie pas, mais son peuple a appris à l'aimer d'après ce que j'ai compris. Je ne peux pas le laisser se dévaloriser ainsi et reperdre la confiance de son pays.

- Pour que tu ne perdes pas espoir.

Il marque une pause et détourne le regard vaincu mais trop fier tout de même.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu ne m'aimes même pas. Nous ne sommes pas le couple qu'Anatole et Léo décrivent. Je ne suis plus la personne dont ils parlent.

Il me fatigue, à la limite il m'emmerde avec sa pseudo dépression. Je me relève, dépoussière mes fesses du peu de sable qui a pu s'accrocher à ma tenue et m'éloigne en direction de la forêt.

- Mais, où tu vas ? me demande-t-il en élevant la voix pour que je puisse l'entendre.

À ce que je peux entendre, il ne s'attendait pas à ce que je m'éloigne. Mais moi je ne compte pas rester avec lui devant la mer en me tournant les pouces à attendre les secours. Efficacité.

- Fais-ce que tu veux, moi je vais me chercher à manger et un abri pour dormir.

Je continue d'avancer et entre dans cette forêt tropicale aux bruits et senteurs inconnues. Je reconnais deux-trois plantes çà et là, des oiseaux ressemblent à ceux de mon village, bien qu'ils soient peu. Une chose est sur, c'est que c'est le même ciel. À mesure que je marche dans la forêt sur un chemin non-tracé je trouve des arbres fruitiers. Certains, je suis certaine qu'il sont comestibles, tandis que d'autres aux formes improbables me laissent douter de leur consistance. Un vent frais dégage une mèche qui s'était posé sur mon visage, et la senteur des fleurs sauvages m'apaisent. Pas de villa superficielle, pas de château gigantesque, juste la nature à son état pur.

Sur mon trajet forestier, je trouve une source, une très belle source. Celle que l'on peut trouver sur les cartes postales. Avec des arbres qui la décorent de partout. Une falaise d'où chute une cascade limpide et agitée. Des rochers blancs et gris entourant cette source d'eau ainsi que quelques arbustes qui se fraient un chemin dans les galets pour rejoindre le soleil éclatant. Tout était magnifique. Même les poissons qui nageaient dans l'eau étaient beau, et bien évidement appétissant. Impossible de retenir mon instinct de carnivore. J'aime la viande ! Mais bon, pour le moment je n'ai rien pour chasser. Il me faut déjà me relaxer dans cette eau paisible.

Je me déshabille et dépose mes vêtements sur un arbuste assez solide pour que le poids de mes habits ne cassent pas ses branches. Une fois complètement nue, je m'avance lentement vers l'eau. Mes pieds se mouillent et frissonnent au contacte de cette eau froide. Ce n'est pas un bon bain chaud c'est sur. Mais le soleil qui rayonne au-dessus de moi réchauffe mes épaules et mon corps et m'invite a me baigner dans l'eau fraiche et à apprécier ses chaleureux rayons.

Mon corps est maintenant complètement immergé dans la source. Je plonge ma tête dans l'eau et ressors les cheveux humides. Mes yeux se tournent vers l'endroit où se fini la cascade. J'ai toujours voulu me baigner dessous. De loin je peux voir des rochers où j'aurai pied. Super. L'idée ne fait pas plus d'un tour dans ma tête et je me dirige vers la cascade. L'eau coule sur mon corps avec puissance, j'ai même l'impression qu'elle me masse les épaules. C'est froid, mais je m'y habitue rapidement.

Je retourne au centre du bassin et flotte sur le dos en observant le ciel bleu où les nuages avançaient à tout vitesse. Soudain, des craquements de brindilles et des bruissements de feuillent se font entendre dans une zone ciblée pas loin de l'endroit où je me baigne. Je me redresse sur mes gardes et plisse les yeux pour tenter de mieux percevoir ce qui se trouve là-bas. L'inquiétude, voire même la peur commencent à monter en moi.

- Basil ? je demande incertaine.

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