Chapitre 11 : Des tensions électriques
- Basil, avec ta mère nous avons décidés que si tu divorces tu perdras ton droit à la succession et ce sera ton frère le futur roi.
Nous sommes tous médusés par cette déclaration officielle. Nous nous attendions à tout sauf ça. C'est comme s'il l'obligeait à rester marié malgré ses sentiments disparus. N'importe qui de censé trouverai ça absurde.
- Pardon ?! s'exclame le prince. C'est n'importe quoi !
- Considère ceci comme un challenge. Tu dois trouver un remède à ce qui vous a drogué ainsi qu'un le coupable, sinon tu perds ton statut de prince héritier.
Basil lance des regards d'alerte à Léo qui s'empresse d'intervenir pour lui sauver la mise.
- Majesté, nous ne savons même pas si un remède est possible. Il est peut-être condamné à ne jamais retrouver la mémoire.
- Qu'il en soit ainsi. Vous avez un an.
- Après s'il ne divorce pas, il n'y aura aucun problème de succession. chuchote Anatole persuadé que nous allons tomber amoureux l'un de l'autre.
- Vous essayez clairement à me brider à un mariage que je ne souhaite pas poursuivre. crache Basil en s'avançant vers eux.
Alors que le roi allait s'exprimer, la reine le coupe en se levant, ne quittant pas des yeux le regard enragé de son fils.
- Basil, ce sont nos conditions suite à ton serment. Il y a deux mois, tu m'as juré aimer Louisa qu'importe ce qu'il vous arriverait. Tu ne t'en souviens peut-être pas mais ce sont tes mots et toi-même tu sais que tu ne fais jamais de promesses en l'air.
- Mais la situation n'est pas la même ! Je ne me souviens même plus d'elle.
La reine a un rictus malicieux qu'elle ne cache pas à sa progéniture. Du couple, on dirait clairement qu'elle est la plus maléfique des deux.
- Il est temps pour toi de me prouver que tu es capable de franchir tous les obstacles qui se dressent devant toi. fit-elle mine de ne pas l'avoir entendu.
Basil serre les dents et quitte la salle du trône furieux suivit de son majordome. Je m'incline pour saluer le roi et la reine une dernière fois et nous partons avec Anatole. Une fois sortie de la salle je soupire soulagée que les choses n'aient pas tourné au vinaigre, du moins pour moi. Le stress redescend et je courbe le dos pour laisser échapper toute la pression qu'avaient le roi et la reine sur moi. Mon majordome esquisse un sourire et me tapote l'épaule.
- Ca s'est bien passé.
- Fais chier ! Pourquoi fallait-il que ça tombe sur moi ?! hurle Basil à l'autre bout du couloir.
Entendant ses cris enragés, nous nous précipitons vers lui. Un fracas de verre résonne et nous remarquons des éclats de verre qui arrivent à nos pieds. Anatole m'arrête en en passant son bras devant moi. Basil se tient devant moi les poings serrés tandis que Léo contemple les conséquences de sa rage et ignore l'eau qui est à ses pieds. Son regard est aussi sombre que la nuit, il a envie de tout détruire sur son passage.
- Basil, calmez-vous ! Nous allons trouver un remède.
- Je m'en fou de ça ! C'est ce mariage qui m'emmerde !
Il me remarque et me lance ce regard haineux qui me terrifie, je pourrai presque mourir à cause de ses yeux révolvers. Je n'ose même pas prononcer un mot, je sais que dans n'importe quel cas je suis l'origine de sa colère.
- Tout ça c'est à cause de toi ! aboye-t-il en me pointant du doigt.
Je fais un pas en arrière, le regard perdu. Je ne sais pas où regarder. Il m'effraye. Il pourrait me tuer s'il le voulait. Je n'ai aucune idée de comment réagir. Même les hommes ivres de la taverne en colère ne me terrifient pas autant. Peut-être parce que je sais précisément que c'est contre moi que son courroux s'abat.
- Basil ! Ne pointez pas du doigt !
- Si tu n'étais jamais arrivée au château je ne t'aurai jamais rencontré et rien de tout ça ne serait arrivé ! A cause de toi je n'ai même plus le droit de divorcer si je veux devenir le futur roi ! Tous ces efforts détruits à cause d'une femme ! Une paysanne qui ne vaut rien ! Disparais de ma vue !
Je suis médusée, je n'ai même pas la force d'être énervé à cause de ses propos. Je suis juste figée sur place, tétanisée, impossible de reculer pour lui échapper. Je sens mon thorax se comprimer et mon cœur battre à une vitesse fulgurante. Mes doigts me picotent et j'ai presque l'impression qui sont en train de geler.
- Louisa, nous devrions y aller. suggère Anatole en m'emmenant avec lui.
Nous sortons par le jardin et rejoignons le bassin à poissons où je m'étais isolée plus tôt dans la journée. Il me laisse m'installer sur un banc qui était non loin et s'accroupie devant moi. Son sourire compatissant ne m'aide pas pour autant à me remettre de mes émotions. Un jour il est indifférent, un autre il fait le singe pour des bananes, puis il m'enlace par simple caprice et maintenant il me déteste. Il n'y a aucune logique dans son comportement. Serait-il bipolaire ? Ou juste bien trop compliqué pour moi ?
- Ne vous inquiétez pas Louisa, ça lui passera.
- Peut-être, mais il a vraiment l'air de me haïr.
Cédric les rejoint dans le jardin sans crier garde et s'assoit à côté de moi, le bras passant autour de mes épaules.
- Ne te fais pas trop de soucis à propos de ça ! Le grand Cédric va te donner le conseil du siècle !
- Lequel ?
Il sourit narquoisement et s'approche plus près de moi pour me parler doucement dans le creux de l'oreille. Anatole roule les yeux en constatant notre proximité qui déplairait à Basil mais ne dit rien cette fois-ci. À quoi bon essayer de maintenir les formes si le principal intéressé se fou de moi.
- Vraiment ? Tu penses vraiment que ça peut fonctionner ? demandé-je à Cédric après avoir entendu ses dires.
Il lève le pouce en l'air et me fait un clin d'œil complice.
- J'en suis sûr à 100 pourcents ! Il va s'énerver et va forcément essayer de briser la glace. Quant à toi, tu devras arrêter au moment opportun.
- Je ne suis pas certaine que cela soit une bonne idée.
Il me tapote dans le dos comme pour essayer de me convaincre.
- Eh, c'est mon frère tout de même, je sais de qui je parle.
Je finis par accepter sa proposition et il s'éloigne en m'ébouriffant les cheveux. Anatole soupire longuement, il semble savoir de quoi nous venions de parler mais a tout de même des doutes sur cette méthode.
- Louisa, cette méthode . . .
- Je vais voir ce que ça donne. Ne t'en fais pas pour moi.
* * *
Mon majordome reste près des marches qui montent dans le jet privé du prince, il me fait un signe de la main que je rends en retour puis je rentre à l'intérieur, foulant le sol en velours soigneusement aspiré pour qu'aucune poussière ne subsiste. Mon « mari » est déjà installé sur l'un des sièges qui fait face à une table qui supporte la faible masse de son ordinateur portable. Léo me fait signe de m'installer à côté, je l'ignore et m'assois plus loin, de sorte à ne pas croiser leurs regards. Ceintures attachées, portes verrouillées, désarmements des toboggans, vérification de la porte opposée, tout est vérifié avec minutie. Sans doute à cause de notre récent accident. L'avion décolle et le pilote déclare que nous n'avons que deux heures de vol. C'est vraiment court comparé au trajet entre Aprent et Mastaquîle, mais cela n'enlève rien au stress qui me crispe sur mon fauteuil. J'ai déjà vécu un crash, donc en vivre un second serait une horreur. Heureusement, j'ai à peine vu le temps s'écouler. Entre les explications et plannings qu'énoncent Léo et les clapotis des doigts de Basil qui s'abattent sur son clavier, le temps semble passer si vite.
Nous atterrissons sans encombre et mon corps arrive enfin à se détendre lorsque le véhicule s'arrête. Léo s'approche de moi avec un verre d'eau, ayant remarqué que j'avais pas mal sué. Je le remercie et bois cul sec le verre. Fiou ! Ça fait du bien ! Basil quitte sa place sans me lancer un seul regard et part en premier. Son majordome qui est plus avenant attend que je sorte avant lui avant de laisser l'appareil vide.
Les nombreux projecteurs qui éclairent la piste d'atterrissage me font mal aux yeux tant ils sont éblouissants. L'obscurité de la nuit ne nous atteint pas, et la sécurité est renforcée à cause de notre arrivé. Nous entrons dans l'hôtel luxueux où nous allons séjourner pendant plusieurs jours et nuits. Un réceptionniste nous rejoint avec une expression très professionnelle, ayant pour but de nous faire passer un agréable séjour.
- Bienvenue à l'hôtel Grand Galery Majestés. Veuillez me suivre jusqu'à votre suite.
Basil joue la carte du prince bienveillant en le remerciant pour l'accueil, en complimentant l'hôtel, et pleins d'autres choses sans intérêt avant que nous le suivions jusqu'à notre « suite ». Nous entrons dans un ascenseur qui descend depuis le toit jusqu'à l'étage 50. La cabine d'ascenseur est composée de parois imitant la pierre taillée aux motifs de corne d'abondance, de forêt, d'animaux sylvestres, et ainsi qu'un miroir mural pour les demoiselles qui veulent se repoudrer le nez en cas de besoin. Quant au couloir qui mène à notre chambre, on peut constater que l'établissement porte bien son nom. « Grand Galery ». Les murs sont tapissés avec des motifs de lys dorés sur un blanc étincelant, et le sol est recouvert d'un carrelage traversé par des veinures noires imitant le marbre. Les portes sont encadrées par des arches de béton creusées par de nombreuses rainures et néons sont dissimulés par des lierres artificielles qui donnent un aspect plus naturel au couloir.
Nous arrivons devant la porte 5023 et il nous donne deux clefs avant de nous saluer une dernière fois très respectueusement. Le majordome de Basil ouvre la porte et nous fait passer devant lui.
Je pourrai très bien m'éterniser pendant des heures pour décrire l'incroyable suite où je vais dormir tout comme je l'ai fait pour le couloir. Mais ce ne serait que me répéter car celle-ci est le reflet ce dernier. Les mêmes décorations, les mêmes couleurs, le même thème. J'ajouterai que les meubles sont taillés dans un élégant bois de bouleau, la vaisselle et les éléments de la salle de bain sont en porcelaine, et que toutes les poignées de portes et fenêtre sont d'une teinte similaire à l'or. Somptueux et luxueux sont les adjectifs qui siéent le mieux à cet endroit qui se sépare en trois pièces aussi grandes les unes que les autres. La salle de bain, la chambre et la pièce à vivre qui fait office de cuisine, de salon et de salle à manger.
- Basil, Louisa, puis-je vous préparer de quoi diner ce soir ?
- Oui s'il te plait. accepté-je en me posant dans l'un des canapés du salon.
Basil m'imite et pose sur la table basse son ordinateur. L'installation l'oblige à courber le dos et ses yeux brillent à cause du reflet de l'écran. Il faut vraiment que j'arrête de l'observer. Je sais bien qu'il est beau, mais il ne faut pas que je succombe à son charme. Son beau minois n'est qu'un piège qui dissimule son caractère de cochon.
Pendant la préparation du repas, Léo trouve un instant pour venir me voir. Intriguée, je lève les yeux, et ses mains me tendent un téléphone portable. Celui-ci ressemble beaucoup plus à celui de de Basil plus qu'à celui de Nick. Un écran géant qui s'allume juste en l'inclinant vers moi. Mais comment je fais pour le faire fonctionner s'il n'y a pas de boutons ? Le majordome lit dans mes pensées et jète un rapide coup d'œil à sa préparation culinaire avant de devenir pour quelques instant mon professeur particulier en smartphone.
- Ceci est votre téléphone. Vous l'aviez fait tomber lors de votre mariage donc nous avions dû le faire réparer. Pour l'ouvrir il faut que vous appliquiez votre pouce un bas de l'écran afin qu'il reconnaisse votre empreinte digitale et déroule le menu principal.
Je m'exécute et l'écran change pour afficher cette fois-ci le « menu principal ». Il affiche de nombreux petits carrés avec chacun des dessins différents. Mon professeur m'explique qu'il y a un appareil photo, un calendrier qui est directement actualisé par les deux jumeaux qui gèrent notre emploi du temps, une application qui montre l'actualité du monde entier, d'autre qui peuvent contacter par appel ou « SMS » n'importe quelle personne qui est dans mes contacts.
- « L'appareil photo » sert à quoi ?
- C'est comme une peinture qui capture l'instant présent sans avoir besoin d'un peintre. Regardez . . . il pointe l'objectif vers Basil qui remarque qu'on le regarde.
- Ouah ! C'est exactement ce qu'on voit !
- Léo arrête ça. grogne Basil.
- Et ensuite vous appuyez sur ce rond blanc là pour pouvoir prendre la photo. Attention à ne pas bouger. ignore-t-il en exécutant ses explications.
La photo s'enregistre et bascule en bas à gauche de l'écran. Nous cliquons dessus et je peux à nouveau voir la photo qui vient d'être prise. Mes yeux s'émerveillent devant cette technologie dont j'ignorais l'existence. Je savais que les riches avaient accès a bien des choses, mais ça, c'est bel et bien un cadeau du ciel.
- Et ensuite vous pourrez les regarder les unes après les autres en glissant votre doigt de droite à gauche comme ceci. finit-il en me montrant exemple.
Lorsqu'il fait défiler les images les unes après les autres, beaucoup de choses s'affichent sans jamais me rappeler quoique ce soit. Comme la première fois où Anatole nous a montré ses clichés, mon visage a beau être présent, cette fille que je vois là n'est pas moi. Du moins je n'en ai pas le sentiment.
- Je vous laisse continuer de regarder pendant que je finis le repas.
Il retourne à la cuisine tandis que je m'installe plus confortablement dans le fond du canapé. Mon doigt fait glisser les photos une à une. Je prends souvent des photos du jardin, c'est vrai qu'il est beau. Cependant, une autre grande partie des photos sont prises à l'insu de Basil. Pendant qu'il dort, pendant qu'il travaille, pendant qu'il mange, pendant ses audiences . . . Je devais vraiment être folle de lui pour prendre plus de photos de lui que de moi. Et quand ce n'était pas juste lui, c'était nous deux avec caché parmi elles une ou deux où je suis avec Anatole.
Parmi elles, je remarque des photos particulières qui bougent. Comme si au lieu de capturer un instant elles capturaient un moment. Il semblerait que j'ai découvert cette fonctionnalité le jour de mon mariage. Mon téléphone a dû être confié à quelqu'un car à l'évidence, ce n'est pas moi qui aie filmé puisque je suis dessus et de loin. Mon mariage . . . Ne sachant pas comment augmenter ou baisser le volume, tout le monde pouvait entendre mon visionnage.
« - Sa Majesté Basil Havelton, voulez-vous prendre pour épouse Louisa Peule ici présente ? »
Les deux hommes de la pièce se tourne vers moi, l'un d'eux sourit nostalgiquement tandis que l'autre fronce les sourcils grincheusement.
- Que de bons souvenirs. souffle Léo en qui dresse nos assiettes.
- Arrête cette vidéo immédiatement. ordonne Basil en replongeant dans son écran géant.
Je l'ignore et me concentre sur la vidéo.
« - Oui je le veux.
- Louisa Peule, voulez-vous prendre pour époux sa Majesté Basil Havelton ici présent ?
- Oui je le veux. »
Les applaudissements résonnent de plus bel au travers de mon smartphone et les regards de tueurs de Basil se font plus persistant.
- Je t'ai dit de fermer ça immédiatement.
Je ne dis rien.
« - Vous pouvez embrasser la mariée. »
C'est étrange comme sentiment mais . . . La joie de ces deux personnes, même si je n'ai pas l'impression que c'est nous, elle est si communicative que je me sens heureuse pour eux. J'ai même l'impression qu'il me dit oui à moi. Certes ce fut le cas, et techniquement je l'ai réellement vécu donc cette joie est la mienne. Mais aussi, je ne peux m'empêcher d'être triste. J'ai l'air si heureuse . . . Alors pourquoi ai-je tout oublié ? Pourquoi je ne m'en souviens pas ? Ce bonheur qui est mien a disparu contre ma volonté. C'est frustrant . . .
Sans regarder le clou du spectacle ― Le baiser ―, je plaque le téléphone sur la table et vais m'installer à table où Léo avait disposé nos couverts et assiettes. J'entends encore le son des applaudissements. Ça en devient presque insupportable. Basil se lève, éteint mon téléphone par je ne sais quel stratagème et me rejoint, face à moi. Ce silence qui contraste avec l'excitation de l'audience filmée me soulage.
- Je t'avais dit d'arrêter la vidéo, pourquoi tu ne m'as pas écouté ? me réprimande-t-il.
Les couverts s'entrechoquent et je porte à ma bouche une bouchée du bœuf préparé par notre cuistot du soir. Je ne prends pas la peine de répondre. C'est inutile. Et puis, c'est ce que m'a conseillé Cédric. « Ne lui parle pas. Même s'il te l'ordonne, même s'il te hurle dessus. Ne dis rien jusqu'à ce qu'il déclare forfait. » Est-ce que Basil va réellement abandonner cette guerre où il est le seul à communiquer ?
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