Chapitre 10 : Des proches en or
La porte se ferme derrière nous et la personne qui m'avait secourue ou kidnappée soupir, épuisé par cette course au travers des ruelles discrètes. Le garçon dont je n'avais vu que le dos jusqu'à présent se tourne vers moi avec un large sourire. Face à ce visage familier, je ne peux m'empêcher de faire de même et de lui sauter dans les bras. La joie et la nostalgie me submergent comme un cyclone en été.
- Nick !
Il me réceptionne avec brio et me fait tourner autour de lui.
- Comme c'est bon de te revoir Lou !
Nick est mon ami d'enfance et bien évidement mon meilleur ami. Issue d'une famille aussi pauvre que la mienne, il n'a pas eu la chance d'avoir des parents en bonne santé et tous deux ont dépéris lors d'une virulente épidémie. Il était très jeune à cette époque, tout comme moi d'ailleurs. Nous l'avons accueilli de nombreuses fois à la maison pour que la solitude ne le hante pas, et très jeune il a dû travailler pour pouvoir vivre sans notre aide. Nick a toujours eu de bons conseils à m'offrir grâce à son expérience de la dure réalité. Si je ne le considérais pas comme un grand frère, peut être qu'à l'heure actuelle j'aurai déjà fondé une famille avec lui.
Il me repose à terre et nous nous asseyons à la table de sa petite cuisine. Sa maison n'est pas la même qu'avant. Pourquoi a-t-il dû déménager ? Serait-ce lié à l'incendie de la taverne dont m'avait parlé Anatole. Il est vrai qu'il vivait juste à côté. Peut être que sa maison a prit feu.
- Alors cette nuit de noce ? Pourquoi aviez-vous dû l'écourter ?
Je hausse les épaules et fais semblant de rien.
- Je ne me sentais pas bien, j'ai dû attraper un virus ou je ne sais quoi. Donc nous avons décidé de la reporter à une autre fois.
Je n'avais jamais menti avec une telle aisance, même à Nick. Mais c'est nécessaire, je n'ai pas le droit de lui expliquer ma perte de mémoire. Ni que mon amour pour Basil n'est qu'une vaste mise en scène.
- J'espère que tu vas mieux maintenant. À l'avenir, viens au village avec ton majordome, ce sera plu sur que de venir seule.
- À l'origine, j'étais avec lui. Mais nous nous sommes perdus.
Il fait mine d'être fier.
- Heureusement que j'étais dans les parages !
Je hoche la tête et explique la raison de ma venue.
- Je pars ce soir pour Phileps, c'est pour cela que je voulais vous voir, toi et ma famille avant mon départ.
- Je vois je vois ! Je vais leur envoyer un message pour leur dire de venir.
Il sort un téléphone portable de sa poche. L'écran est minuscule et il y a beaucoup de boutons sur lesquels il appuie plusieurs fois. Le voir avec un tel appareil me surprend tellement que je ne peux pas m'empêcher de lui poser la question.
- Tu as un téléphone ?
Il m'envoie un regard interrogé comme s'il ne comprenait pas l'origine de ma question.
- Evidement, je l'ai depuis l'année dernière depuis que le prince Basil a fait commercialiser à petit prix des téléphones dans tout le pays.
Je déglutis lorsque je me rends compte de mon erreur. C'est quelque chose que je suis sensée déjà savoir. J'aimerai en savoir plus sur pourquoi des personnes lambdas comme Nick ou ma famille ont un portable et non juste les riches. Mais je ne peux pas lui demander, cela serait beaucoup trop suspect. C'est donc une question que je dois garder pour Anatole. Ça me rappelle que je n'en ai pas, ce qui est étrange. Je suis tout de même la femme du prince.
- Oui c'est vrai ! Ça me fait toujours aussi bizarre de vous voir avec un téléphone alors qu'avant on n'en avait pas. dis-je en rigolant, embarrassée.
- Ayris a dit qu'elle arrivait. déclare-t-il en me montrant son téléphone.
Ayris est ma sœur cadette, d'ailleurs, elle est mon unique sœur. Nous avons toujours eu une relation fusionnelle. Elle passe énormément de temps à mes côtés depuis que nous sommes toutes petites. Un peu comme un caneton qui suis sa mère. Nous nous sommes sœurs, meilleures amies, confidentes, âmes sœurs même. Il est impossible de nous détester étant donner que nous sommes toujours sur la même longueur d'onde. Comparé à moi, elle tient plus de ma mère, le visage, les yeux verts, ses cheveux blonds, le portrait craché de celle-ci. Tandis que moi, c'est mon père qui m'a offert la plupart de ses gènes, et sans doute son caractère.
Après quelques minutes à parler de trivialités tout en dissimulant le fait que la plupart des choses dont il me parle ne me disent rien du tout, la porte d'entrée s'ouvre en grand et ma sœurette fait son apparition.
- Lou ! Viens me faire un gros câlin !
Je me lève de ma chaise et ouvre les bras pour l'accueillir comme il se doit. Elle me serre fort dans ses bras comme si elle voulait m'étouffer. Je lui rends la pareille en grognant comme un animal. Nous finissons par rire de plus belle en nous séparant.
- Comment va notre jeune mariée ?
- Très bien Ayris.
- J'espère que le prince te traite bien ! Sinon il va m'entendre !
Je lui tapote l'épaule et rigole en entendant ses dires. Mon rire pourrait presque sonner faux. Je suis si heureuse de la revoir après toutes mes péripéties, mais l'idée de ne pas pouvoir lui raconter mon malheur m'attriste. Je dois même mentir à ma sœur . . . Qu'est-ce que c'est frustrant.
- Ahahah ! Attention, tu risquerais la peine de mort si tu lui manques de respect.
- Bin voyons, qu'il essaye. Ce n'est pas parce qu'il a conquis le cœur de ma sœur qu'il va pouvoir s'attirer mes faveurs.
Elle lance un regard discret à Nick comme pour surveiller qu'il n'allait pas intervenir ou s'immiscer dans nos affaires et s'approche de mon oreille.
- Sinon, il est comment au lit le prince ? chuchote-t-elle.
J'écarquille les yeux et rougis comme un fard de voiture. C'est vrai que je suis censé être sa femme donc coucher avec lui . . . Oh mon dieu ! Rien que d'y penser . . . ! C'est obscène ! Je sais que je lui dis tout mais là ! Un, c'est beaucoup trop intime ; et deux, je n'en ai aucun souvenir. Je ne sais pas du tout comment improviser. Il faut que je maintienne la complicité que nous avons, je ne peux pas la mettre à l'écart, ce serait trop suspect. Mais en même temps . . . Nous n'avons jamais rien fait avec Basil depuis que nous nous sommes réveillés sur Mastaqîle. Impossible de me prononcer sur ses talents au lit.
- Que . . . Ayris voyons. . . Je te raconterai ça plus tard quand il n'y aura pas Nick dans les parages.
- Ok ! s'esclaffe-t-elle amusée par ma réaction pudique.
- Louisa ! Je me suis fait un sang d'encre pour vous ! s'exclame Anatole qui débarque dans l'entrée essoufflé.
Je me retourne vers lui et il me rejoint presque en colère. Je n'aime pas du tout cette expression. Souvent, quand quelqu'un d'infiniment gentil se met en colère, ce n'est jamais bon signe.
- Je suis désolée An', je me suis perdue et Nick m'a aidé à m'extirper de la foule.
- Louisa, le fait que vous vous excusiez ne change rien au fait que vous êtes en danger à chaque fois que vous quittez le palais.
- En danger ?
Je fais volte-face vers mes proches qui baissent la tête comme s'ils étaient tous sur la même longueur d'onde sauf moi. Anatole semble se rappeler que je n'ai aucun souvenir de ces dernières années et qu'il faut me l'expliquer subtilement.
- Rappelez-vous qu'il y a les « Rats des chênes » qui cherchent à évincer la royauté de chaque pays. Ils sont contre la monarchie et veulent y mettre fin, même par la violence si besoin.
- Oui mais Aprent est un pays qui prospère, où les citoyens sont respectés, pourquoi chercher à nous faire disparaître alors qu'on prend soin d'eux ?
Il croise les bras et laisse ma sœur poursuivre à sa place.
- Parce que ce n'est pas le cas de tous les royaumes. Certains pays souffrent à cause des gouvernants qui abusent de leur pouvoir. La famine, les dettes, les taxes, la maladie, ce n'est pas notre cas, mais certains le vivent de l'autre côté de l'océan.
- La seule exception c'est Phileps qui est une république. C'est le pays qui représente la neutralité entre tous les royaumes. Ajoute Nick.
Mon visage s'assombrit, difficile d'être joyeux quand on sait que des personnes en veulent à notre vie. Donc en mon « absence », un groupe antiroyaliste s'est formé pour tenter de mettre fin à toutes royautés confondues. Ce qui expliquerai que . . .
- Il est possible que le crash d'avion soit criminel et non accidentel. déclare mon majordome.
- Sérieusement ?! hurle Ayris qui ne s'attendait pas le moins du monde à une telle déclaration.
Anatole hoche la tête sans en dire plus de peur d'avoir des oreilles indiscrètes qui trainent dans les parages.
- Ouah c'est ouf ça . . . Ma sœur a échappé à une attaque terroriste . . .
- Il n'y a pas de quoi en faire tout un plat Ayris. Soupiré-je en m'asseyant sur la chaise où j'étais plus tôt.
Elle tape du pied et me regarde avec des yeux pleins d'étoiles. On dirait presque qu'elle m'idolâtre.
- Justement si ! Ma sœur est une simple villageoise qui a conquis le cœur de Basil, prince impassible. Elle s'est mariée avec l'homme le plus convoité du monde et est la cible d'un groupe d'anti-royaliste. On se croirait dans un roman !
- Je pense que je me serai passé de la dernière partie.
- Et cerise sur le gâteau, elle a un majordome trop canon !
Anatole détourne le regarde, embarrassé par ce compliment inattendu. Un rictus s'affiche sur mes lèvres quand je le vois réagir de la sorte. Un majordome peut donc être embarrassé. Cela peut amener à des situations cocasses.
- Tu es une « cerise sur le gâteau » Anatole. Me moqué-je amusée.
Ayris lance une nouvelle fois des coups d'œil discrets vers Nick. Ça fait deux fois tout de même . . . Ne me dites pas que . . .
Je lui fais signe de s'approcher et je lui chuchote deux-trois mots à mon tour.
- Dis-moi, tu ne serais pas amoureuse de Nick ?
Elle sursaute et cache son visage pour dissimuler le fait qu'elle rougissait. J'ai mis dans le mille ! J'espère que cette discussion n'a jamais eu lieu par le passé, histoire de ne pas demander quelque chose que j'ai déjà remarqué avant.
- Shhhh ! Il est juste ici ! réplique-t-elle aussi discrètement qu'elle le pouvait.
Cependant la discrétion n'est pas son fort et Nick remarque rapidement qu'on parle de lui. Il se lève et s'approche de nous. Un bras autour des épaules de ma cadette, une main sur la mienne, il nous sourit avec son charmant sourire de bourreau des coeurs. Pourtant il sait que ça ne marche pas que moi, en plus je suis mariée. Mais Ayris doit sans doute être en train de décéder mentalement. Je peux déjà apercevoir de la fumée sortir de ses oreilles et ses pommettes prendre une teinte plus rose.
- On parle de moi ici ?
- Toujours, ta beauté nous éblouis comme d'habitude. Affirmé-je.
Il se penche vers moi et me dépose un baiser sur la joue.
- Ne me complimente pas trop Lou, je risque de te croquer. Blague-t-il.
- Je ne te laisserai pas faire, je te rappelle que je suis une femme mariée maintenant.
« Je suis une femme mariée », que c'est embarrassant à dire maintenant ! La proximité entre mon meilleur ami et moi n'échappe pas à Anatole, et cela semble même l'embêter. Il fait un pas vers nous en sourit à mon ami. Mais il semblerait que son sourire soit plus diabolique que poli.
- Nick, veuillez vous abstenir de ce genre d'attitude envers Louisa. Cela risque de ne pas plaire à son Altesse.
Il se décale de moi en levant les mains innocemment.
- Ce n'était pas mon intention.
- Anatole, tu n'as pas à faire jouer le chaperon. Nick et moi avons toujours été proches, mais il n'y a jamais rien eu d'ambigu entre nous.
Nick hoche la tête de manière exagéré pour qu'Anatole descende de ses grands chevaux. Ce derniers hausse les épaules et scrute sa montre.
- D'accord. Louisa, il va falloir que l'on rentre au château. On vient de m'informer que vous avez une entrevue avec le roi dans peu de temps.
Je ne peux m'empêcher de faire la moue et de regarder tristement ma sœur et mon « frère ». Je ne pensais pas que j'allais devoir les quitter si tôt. Je viens à peine d'arriver. . . Mais je n'ai pas le droit de faire attendre le roi.
- D'accord. Laisse-moi au moins leur dire au revoir.
Il accepte gentiment et sort de la bâtisse pour nous laisser seuls. Je prends dans mes bras mes deux êtres chers. Les revoir redonne un boost incroyable. J'ai l'impression de pouvoir surmonter n'importe quelle épreuve avec eux comme soutient.
- La prochaine fois, viens à la maison pour manger. Les parents seront ravis de te revoir. me suggère Ayris en m'embrassant sur la joue.
- Eh ! Toi t'as le droit de lui faire un bisou mais pas moi ? demande outré le seul garçon de la maison.
- C'est parce que toi tu es un garçon.
Il ignore les remarques d'Ayris et Anatole et m'embrasse tout de même sur l'autre joue.
- Allez va-t'en, il ne faut pas faire attendre son Altesse royale plus longtemps.
Je leur rends leurs embrassades et leur souris joyeusement. Leur joie de vivre fait plaisir à voir, et je suis soulagée qu'ils n'aient pas tant que ça changé malgré la dernière fois où je les ai vu ― D'après mes souvenirs ―
* * *
La salle du trône est sans aucun doute la pièce la grande du palais royal. Des colonnes sculptées avec de nombreuses biches et cerfs, symboles d'Aprent, le tout doré avec des feuilles d'or soigneusement appliquées. Un long tapis en velours bleu traverse la salle de l'entrée jusqu'au couple royal, avec des grandes sur la longueur, on aurait dit que les motifs dorés du tapis s'étendaient plus loin sur le carrelage marbré. Les immenses vitraux sont aussi beaux que colorés, rivalisant aisément avec les plus beaux vitraux des cathédrales du monde. Mais tout ceci n'est rien comparé aux pièces maitresses de ce lieu extraordinaire : Les trônes du roi et de la reine. Ils sont si grands qu'ils pourraient toucher le plafond. Sculptés dans du cèdre, travaillé avec minutie par les meilleurs artisans du monde, capitonnés avec des saphirs plus brillants que le soleil. Pour couronner le tout, la présence du roi et de la reine donne le plus beau tableau royal que n'importe quel peintre de renom aimerait coucher sur une toile. Habillés d'une manière très extravagante, leur cape ou traine tombent le long des trois marches qui élèvent leur trône. Les gardes sont tous postés au garde à vous de parte et d'autre du tapis, l'air grave, l'arme à feux accrochés à leur ceinture.
Basil et Léo sont également présent, à l'évidence, cette audience ne m'est pas exclusivement destiné, il faut qu'il soit là lui aussi. Les deux frères jumeaux s'agenouillent devant les dirigeants de ce pays et avec Basil nous les imitons sans nous faire attendre. Le roi nous salut et nous ordonne de nous relever. Sa voix est douce et bienveillante ce qui contraste avec con visage âgé et grave.
- J'ai appris par Léo que vous êtes devenus amnésique. C'est tragique. Vous qui êtes battus pour faire reconnaître votre couple, vous ne vous en souvenez même plus.
- Nous comptons divorcer dans un an conformément à la loi de nos ancêtres. déclara Basil de but en blanc.
- Basil ! réprimande discrètement Léo.
Le roi ne semble pas surpris. Il réfléchit à cette déclaration tout en caressant sa longue barbe.
- Je comprends bien ta situation mon fils, mais ce genre de pensée est précipité. D'autant plus que d'après ce que m'a dit Léo, tu n'es plus aussi ouvert qu'avant. Je comprends que tes sentiments ont disparus mais tout de même, tu devrais y réfléchir plus mûrement. Louisa est la première femme qui a réellement influencé tes actes, tes choix et qui a fait chavirer ton cœur. Je ne pense pas que cela soit une simple coïncidence mais plutôt que vous étiez réellement destinés l'un à l'autre.
Basil sert les dents en écoutant cette semi-réprimande et ces conseils. Ne pas avoir prit la bonne décision d'amblais semble le frustrer.
- Oui père, j'y réfléchirai avec soin.
- Quant à toi Louisa,...
Je lève les yeux vers lui, je suis tellement stressée de parler au roi qu'on pourrait presque croire que je suis au garde à vous à l'instar de ses gardes. Il me sourit chaleureusement et dépose sa main sur celle de sa femme qui a un regard aussi doux que le sien.
- Oui ?
- S'il te plait, prend soin de mon fils. Il n'est pas facile à vivre, mais je sais que toi tu as réussi à faire ce qu'aucune femme n'avait réussi avant toi.
J'accepte sa demande et m'incline respectueusement. La reine se penche à l'oreille de son mari et lui chuchote quelque chose. Nous n'entendons pas, mais à l'expression du roi, on peut comprendre que c'est inattendu et surtout que surtout ça a l'air de le contrarier. Après quelques échanges le roi acquiesce et redirige son attention vers nous qui attendons à quelle sauce nous allons être mangés.
- Basil, avec ta mère nous avons décidés que si tu divorces tu perdras ton droit à la succession et ce sera ton frère le futur roi.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top