★ Chapitre 53 ★
« Mais qu'est-ce qu'il est en train de faire ? », je me demande bêtement.
Je lis lentement les mots alignés pour être sûre que je ne rêve pas :
Laisse-moi vingt minutes et j'arrive au coin !
Je n'en reviens pas. Nash, la dernière personne à qui j'aurai pu faire appel vient à mon aide sans que je ne le lui ai demandé. J'avoue que je ne comprends pas très bien. De plus, il est censé fêter Noël avec Shawn donc la question qui passe en boucle dans mon esprit est : comment se fait-il que Nash peut quitter un réveillon alors que Shawn en est incapable, tout en précisent qu'ils fêtent Noël ensemble ?
Je soupire et ne réponds rien à Nash. C'est mieux comme ça, je pense. Enfin... À ce moment-là, je me sens vraiment abandonnée mais j'essaie de m'accrocher de toutes mes forces au fait que Nash ait pu changer envers moi. Je m'accroche à cette idée comme si c'était la seule bouée de sauvetage qui m'empêchait de couler.
Pendant ces vingts minutes, je passe mon temps à pleurer, à crier, à cogner dans les murs en bétons et à parler toute seule comme une folle. Je suis un cas désespérer alors, je n'ai rien à perdre quitte à me faire mettre en asile psychiatrique.
Lorsque la colère est enfin passée, je me mets à tourner en rond mais finalement je m'écroule par terre, sans force. J'ai envie de fumer. Vraiment. Juste pour me déstresser. Mais j'ai oublié mon paquet et mon briquet. Je sers les poings de frustration jusqu'à ce que mes jointures soient blanches et mes paumes rouges de la marque de mes ongles. C'est à ce moment-là que Nash décide de se pointer au coin. Lorsqu'il voit mon état, il accourt tout de suite vers moi, le visage paniqué. Il a tellement l'air sincère ! Mais je n'ai pas la force de le repousser ou quoique ce soit.
- Elsa ! Oh mon Dieu mais dans quel état tu es ? Qu'est-ce qui s'est passé nom de Dieu !
- Je... J'ai...
Mais les mots se bloquent dans ma gorge. Alors je fais ce que je sais faire de mieux, pleurer. Il me prend machinalement dans ses bras et me frotte amicalement le dos.
- Je comprendrai que tu ne veuilles pas m'en parler. Après tout, c'est tout à fait compréhensible. Donc, je ne t'en voudrais pas mais, si tu as besoin de faire part à quelqu'un de ta tristesse actuelle, je suis là, prêt à t'écouter.
Je hoche la tête. J'aimerai tellement tout lui dire et qu'il garde ça pour lui, ou qu'il m'aide, ce serait tellement plus simple mais non. La vie a transformé les gens en hypocrite et en manipulateur, on ne sait plus à qui se fier. Qu'est-ce qui ne me dit pas qu'il ira peut être tout balancer une fois que je lui aurait tout raconté ?
« Tu réfléchis trop ! me reproche ma conscience. Tu me donnes le tournis à force ».
- Mon père est porté disparu, je lâche d'un coup.
Mes yeux se plantent avec crainte dans le bleu des siens. J'ignore ce qu'il va me dire.
- Ton père est porté disparu ? Je suppose qu'il travaille sur le terrain ? En tant que militaire ou journaliste ? me questionne-t-il en attrapant doucement une de mes mains glacées.
Le contact de nos mains me fait ressentir une sensation bizarre. Il y a quelques jours à peine, nous étions les pires ennemis, aujourd'hui je suis en train de me confier à lui. Mais où va le monde ?
- Il est militaire, depuis que je suis toute petite, même bien avant ma naissance et celle de Laura. Je ne l'ai pas revu depuis des années... Il me manque tellement !
Je fonds en larmes lorsqu'il me prend encore une fois dans ses bras.
- Je sais ce que c'est que d'être loin d'une personne qu'on aime mais... Tu dois absolument te rattacher à l'idée qu'il est encore vivant. Après tout, il est porté disparu, pas mort. Sèche tes larmes Elsa, tu es plus belle sans...
Il arrive à me dénicher un sourire et je hoche la tête en essuyant mes larmes. Mais la douleur qui me tiraille la poitrine ne part pas. Elle reste là, à me lacérer la chair jusqu'au sang. Mais je ne dis rien, je garde ça pour moi, pour le moment.
Je propose une place sous ma couverture à Nash et il l'accepte avec plaisir. J'ai tellement besoin d'affection en ce moment que je me blottis dans ses bras même si j'ai conscience que c'est complètement débile. Mais il ne dit rien. Il se contente simplement de passer son bras autour de mes épaules.
- Comment tu as fait pour venir ici ? je demande. Shawn n'a même pas pu...
Un petit sourire se dessine au coin de ses lèvres et il dit, tout en regardant l'océan devant nous :
- Je suis plutôt futé et je sais me débrouiller quand je le veux.
- Soit plus explicite s'il te plait, je lui fais remarquer.
Il se recale contre le mur avant de continuer :
- Le téléphone de Shawn a sonné plusieurs fois avant que mes parents ne l'invitent à décrocher. Il était dans une pièce adjacente au salon et de là où j'étais, je pouvais entendre des bribes de conversations. Lorsqu'il est revenu, il avait le visage blême et j'étais maintenant sûr que c'était toi de l'autre côté du combiné. Je lui ai alors demandé qui c'était et il m'a répondu que c'était sa cousine qui voulait lui souhaiter un joyeux Noël.
Il soupire fortement avant de reprendre :
- Je pense qu'il m'a menti parce que nous sommes censés nous détester et qu'en temps normal j'en aurai rien à faire de tes problèmes. Ce qui n'est plus le cas, je te rassure.
Il ressert son étreinte et poursuit :
- Je savais alors qu'il y a avait un problème mais que Shawn ne pouvait pas te venir en aide. Alors, j'ai trouvé un plan. J'ai fait mine que je voulais aller aux toilettes, pendant ce temps j'ai enfoncé mes deux doigts dans ma bouche pour me faire vomir et dès que je suis revenu, tout mon repas a été expulsé de mon corps. J'ai mimé que j'étais malade et dès que je suis entré dans ma chambre pour dormir car la soirée était fini pour moi, je suis parti en prenant soin de fermer la porte à clef. Et voilà le travail !
À la fin de son récit, ma bouche s'entrouvre légèrement.
- Tu as fait tout ça pour moi ? je demande ébahie.
Je n'en reviens pas. Nash s'est donné tout ce mal pour me venir en aide. Les rôles sont en train de s'inverser en ce moment même.
Au lieu de répondre à ma question, Nash me sert encore plus fort contre lui et remet notre couverture en place.
- Mais... Comment savais-tu que je me trouvais ici ?
- Tu... Enfin... Avant, il y a quelques semaines, Shawn m'avait dit que ce coin, c'était tout pour toi et, lorsque tu m'as retrouvée l'autre fois, je savais que tu viendrais aussi ici si tu étais mal.
Je laisse tomber ma tête sur son épaule musclée.
- Merci Nash. Merci...
Nous restons alors là, tous les deux, sans un mot, à contempler l'étendue de l'océan. J'ignore combien de temps il se passe mais, au bout d'un moment, Nash se décolle de moi et se lève. Je l'interroge alors du regard, le visage éclairé par la lueur de la Lune.
- Il faut que je rentre Elsa... Mon mensonge ne tiendra pas si je ne me trouve pas dans mon lit, même la porte fermée.
- Je comprends, ne t'inquiète pas. Encore merci pour ce que tu as fait Nash...
- Je te raccompagne chez toi, Elsa ? me propose-y-il gentiment en passant sa main dans ses cheveux.
Je secoue la tête, bien décidée à rester ici.
- Non, je vais rester au coin. Je rentrerai demain, je n'ai pas envie d'affronter tous les regards de ma famille. Je n'en ai pas du tout envie...
- Je comprends... Reste sage alors et ne fais pas de conneries ! Bisous Elsa.
Il se baisse pour embrasser ma joue et je me précipite pour lui demander :
- Nash ? Est-ce que tu n'aurais pas de cigarettes et un briquet s'il te plaît ? J'ai vraiment besoin de fumer.
- Je regrette Elsa mais je ne fume plus depuis des années. Ce n'est qu'occasionnellement...
Je hoche alors la tête et il s'en va, son ombre disparaissant au fil de ses pas. Quant à moi, je me rallonge là où je me trouvais et décide de prendre à nouveau mon téléphone dans mon sac. Lorsque je le déverrouille, je m'aperçois que j'ai une trentaine d'appels manqués. De ma mère, de ma sœur, de certains membres de ma famille et de Cameron. Je vois qu'ils paniquent tous dans leurs messages et je décide d'en envoyer un à tous les membres de ma famille en leur expliquant que je vais bien et que je rentrerai sûrement dans la journée. Je remarque alors qu'il est bientôt quatre heures du matin et je décide de m'endormir pour oublier tout le mal que m'a procuré cette affreuse journée...
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