Bad timing

Voici le premier texte de ce recueil !

Pour la petite histoire, c'est ce TikTok de MxCordelia qui m'a inspiré cette scène :

https://vm.tiktok.com/ZMLCjohpD/

Merci de votre fidélité et bonne lecture...

***

DRAGO

Sur le parvis de la grande église gothique, tout le gratin sorcier patiente.

Du moins, ceux qui ne croupissent pas à Azkaban.

Le parterre mêle sorciers de grandes familles au sang pur venues de toute l'Europe spécialement pour l'occasion, et sorciers de sang mêlé que Mère a tenu à inviter pour adoucir l'image des Malefoy et apaiser les vieilles rancoeurs.

Si la cérémonie est privée, des paparazzis trépignent au bout de l'allée - pour le plus grand plaisir non avoué de Mère. J'ignore pourquoi ils se sont donné la peine de se déplacer, ce n'est clairement pas le mariage arrangé le plus croustillant du moment.

Dans une des alcôves de l'église, Astoria peaufine les derniers détails de sa tenue.

Elle est sublime dans sa robe blanche cintrée, ciselée de dentelles délicates et parsemée de diamants. Ses cheveux blonds sont savamment remontés dans un chignon élaboré, ses pommettes diaphanes sont légèrement rehaussées par quelques touches de poudre. Sa soeur termine de souligner ses lèvres d'un rouge discret quand elle lève un regard incertain vers moi. Les mauvaises langues diront que ça porte malheur de voir la mariée avant l'autel, mais depuis l'entrebâillement de la porte, j'esquisse un sourire pour la rassurer.

Dans la cour de l'église, les invités profitent des doux rayons du soleil printanier en attendant l'heure de la cérémonie.

Amaury Greengrass me tapote l'épaule d'un geste paternel, Pansy m'offre une étreinte encourageante. Je livre des sourires polis et des poignées de main cordiales à celles et ceux qui se sont déplacés pour assister à cette union.

Dans le reflet d'une vitre, je replace une mèche rebelle derrière mon oreille, ajuste le col de ma veste, essaie de prendre un air un peu plus enthousiaste. Quand une pression se fait insistante sur ma cheville, je baisse les yeux pour remarquer un oiseau de papier enchanté qui me tapote le bas de la jambe. Une fois mon attention retenue, il s'éloigne dans un bruissement de papier, longe le parvis de l'église avant de disparaître à l'angle du bâtiment.

Je jette un oeil à la foule qui n'a rien vu et contourne l'église avec discrétion.

Dans l'ombre d'un des contreforts, Harry est planqué, à l'abri des regards.

Il est diablement craquant dans son costume mal ajusté. Il est toujours craquant, même avec son air renfrogné et sa barbe mal domptée, du genre beauté sauvage qui s'ignore.

Il jette un oeil derrière mon épaule avant de se renfoncer dans le recoin. Il cherche à se cacher des paparazzis, du regard des autres, du monde entier peut-être... Qu'est-ce que j'en sais ?

Après avoir été au cœur de l'attention du monde sorcier pendant toute son adolescence, il passe maintenant sa vie à se cacher.

Il me détaille sans discrétion de la tête aux pieds.

— T'es beau, il chuchote.

Je renifle et me redresse un peu. Mon costume blanc a été fabriqué sur mesure dans les tissus les plus chers du marché, chez un sorcier-tailleur d'Italie réputé pour son excellence. Évidemment que je suis canon ! On ne met pas autant de gallions dans un vêtement pour passer inaperçu.

Sauf que derrière ses mots, il y a tellement plus...

Il y a des nuits secrètes, des matins douloureux et des promesses jamais tenues.

Je sais que je devrais tourner les talons et aller retrouver Astoria devant l'autel, sauf que Harry tend soudain la main pour caresser mes doigts. Sa tendresse est infiniment douloureuse.

— Ne l'épouse pas.

Mon ventre se contracte à son contact, je crois avoir mal entendu son murmure.

— Quoi ?

— Ne l'épouse pas.

Je retire ma main et secoue la tête.

— Pourquoi ?

— Tu sais pourquoi...

— Bon sang, Harry, ne fais pas ça.

— Pourquoi pas ?

J'ai envie d'effacer son regard provocateur d'un coup de poing dans sa gueule d'ange. Ou de le plaquer contre la pierre pour lui voler un dernier baiser.

Il n'y a jamais eu de juste milieu entre nous.

C'est d'abord lui qui a chamboulé les règles du jeu en voulant me rendre ma baguette à la fin de la Guerre. Comme si ce geste pouvait effacer les horreurs qui nous collaient aux basques.

Puis, nos chemins se sont recroisés, au hasard des soirées où se retrouvaient nos amis communs, les batailles de maisons à présent oubliées.

Il s'est avéré moins agaçant qu'à Poudlard, plus amer et plus brisé aussi, il n'avait plus rien du garçon arrogant qui arpentait les couloirs de l'école.

Après quelques verres, on s'est rendu compte qu'on avait plus de points en commun qu'il n'y paraissait. Des traumas surtout.

Entre deux sarcasmes et quelques piques bien senties, c'est devenu étrangement facile de lui parler.

Il disait vouloir enterrer la hache de guerre entre nous, au lieu de ça, on a fini par baiser, c'était peut-être plus simple.

D'abord, des branlettes improvisées dans les toilettes glauques du bar, certainement par pur esprit de rébellion de l'ordre bien établi de nos vies respectives.

Puis, des baisers volés entre deux portes, juste pour lui soutirer des regards outrés.

Très vite, la baise rapide a été remplacée par de longues nuits d'ébats entre deux missions qu'il passait à l'étranger, comme une respiration indispensable.

Sans faire gaffe, nos rendez-vous sont devenus une addiction, un jeu interdit où ni lui ni moi n'avions pris conscience de ce qui se jouait vraiment.

Au fil des années, nos rencontres clandestines sont devenues une obsession malsaine où les sentiments se sont faufilés sans prévenir aux côtés du simple plaisir charnel.

Une rengaine secrète que j'aurais dû arrêter plus tôt.

Sauf que je n'y arrive pas.

Rester loin de lui a toujours été une épreuve difficile à vivre.

J'ai fini par découvrir que le posséder pour quelques heures seulement était une douleur encore plus insidieuse...

Quand la musique de l'orgue retentit dans la vieille église gothique, l'amertume forme une boule dans ma gorge.

Bon sang, je le déteste de l'aimer autant !

— Écoute, je suis passé après Ginny pendant des années. Je ne veux plus rester l'amant dans le placard, juste parce que tu n'es pas foutu de divorcer ! Je ne peux plus faire ça, Harry. Pas après avoir passé toutes ces années à t'aimer en secret. Je dois penser un peu à moi...

Ce connard se mord la lèvre en évitant mon regard.

Je me détourne parce que j'ai furieusement envie de le prendre dans mes bras.

Qu'est-ce qu'il s'imagine, bon sang ? Qu'on peut tout plaquer sans penser aux conséquences ? Fuir nos responsabilités et la réalité de notre situation merdique ?

S'il me retient, je sais pourtant que je flancherais.

Le frisson de nos rencontres interdites, la langueur tendre des matins où son corps chaud se presse contre le mien, sa bouche sur ma peau entre les draps défaits... je ne suis pas certain d'arriver à lui refuser.

Sauf que nous deux, ce n'est qu'une interminable impasse. Une relation impossible. Un foutu prétexte pour ne pas avancer !

L'alliance avec la famille d'Astoria m'offre une seconde chance que je me dois de saisir.

Qu'il ait le coeur piétiné, rien à foutre !

Qu'il se sente aussi minable que je l'ai été quand il a épousé sans m'en parler sa Weasley, et toute sa famille avec !

J'ai survécu, il y survivra.

Il n'y a qu'ainsi que je pourrais tourner la page sur cette improbable erreur de parcours qui me ramène toujours entre ses cuisses.

— Je dois y aller...

Il ne dit rien. Aucun argument à avancer. Il n'essaie même pas de me retenir, Merlin merci.

*

Dans l'église, les hauts plafonds ont été enchantés pour que les peintures anciennes s'animent lentement tandis que le pasteur débite son discours. Des cierges lévitent paresseusement le long des allées, des fleurs grimpantes déroulent leurs tiges le long des colonnes de marbre centenaires.

Devant l'autel, la main d'Astoria dans la mienne, je prononce mécaniquement les vœux que j'ai préparés.

Un coup d'œil vers l'audience sorcière me permet de lire de la fierté dans les yeux de ma Mère, cette union est telle qu'elle l'a souhaitée, luxueuse et raffinée. Je perçois également du soulagement dans le sourire d'Amaury Greengrass.

Quand vient son tour de prononcer ses vœux, Astoria semble plus détendue que dans l'alcôve, quelques minutes auparavant.

Son port de tête est distingué, elle est d'une beauté froide dans sa robe blanche toute en dentelle délicatement ciselée.

Et même si elle ne porte pas plus que moi cette alliance arrangée dans son coeur, elle a l'habitude de jouer avec les apparences. Elle aussi a été élevée chez les sang-purs. Alors, elle sourit quand je passe l'anneau délicat à son doigt.

Puis, quand le pasteur-sorcier prononce le charme nous liant pour le pire et le meilleur pour les années à venir, je me penche pour déposer un baiser chaste sur les lèvres.

Entre les rangs, les invités se lèvent et applaudissent le geste qui scelle notre union sorcière.

La suite de la cérémonie se tient dans les jardins luxuriants d'un grand domaine sorcier que Mère a réussi à obtenir pour l'occasion. Le banquet est aussi faste que délicieux, et les vins hors de prix importés de France et d'Italie ravissent les palais fins des connaisseurs.

Depuis la table d'honneur, je reconnais parmi les nombreux invités, les amis de Poudlard réunis autour d'une même table, quelques collègues de travail, des connaissances de mes parents venus de loin, et pas mal de têtes que je ne connais pas, mais que Mère a jugé bon d'inviter. À un moment de la soirée, je crois même reconnaître quelques têtes rousses que je déteste tant.

Je me ressers un verre de vin pour ignorer les sentiments qui s'agitent au creux de mon ventre, et je me concentre sur les mots d'Amaury Greengrass à mes côtés.

Et puis, après la première danse, le reste de la nuit n'est qu'un brouhaha de sons et de couleurs qui m'échappe.

*

Les derniers invités s'éparpillent au petit matin. Les plus sobres transplanent au bout du domaine, d'autres prennent des portoloins collectifs ou des véhicules magiques pour rejoindre Londres et Édimbourg.

Alors que nous regagnons la voiture qui nous ramènera au Manoir pour la nuit, je remarque Harry, assis à l'écart dans les jardins.

J'embrasse la main d'Astoria, la laisse monter dans la voiture en lui promettant de faire vite.

Sur le rebord de la fontaine, Harry a une mine affreuse et une bouteille vide pour seule compagne.

— Qu'est-ce que tu fiches encore là ?

Derrière ses binocles, ses pupilles sont troublées par l'alcool, et tout mon être me pousse à lui tendre la main.

Pour résister, je jette un oeil au bout de l'allée, où la voiture m'attend, mais Harry se redresse difficilement, il titube un peu et plante ses yeux trop verts au fond des miens.

— Les félicitations sont de rigueur, grince-t-il dans un sarcasme évident.

Son costume est froissé, sa cravate négligemment desserrée, sa chemise ouverte sur quelques boutons.

— Rentre décuver chez toi, Harry...

Quand il se penche soudain vers moi, je m'assure de ne pas attirer les regards, mais la pénombre des jardins nous offre une intimité relative.

— Je lui ai dit, lance-t-il, la voix est enrouée.

— De quoi est-ce que tu parles ?

— À Ginny. Pour nous.

Un frisson glacé me remonte l'échine.

Puis sans prévenir, il tend la main pour agripper le col de ma veste et me tire vers lui.

Ses lèvres sont dangereusement proches alors je me force de faire un pas en arrière, mais sa poigne est ferme.

— Est-ce que c'est trop tard, pour toi ? ose-t-il me lancer.

Une bouffée de colère me remonte dans la gorge.

Je sais pertinemment qu'il ne la quittera pas.

Au fil des années, il a toujours refusé de mettre des mots sur notre relation, il ne fera jamais rien pour écorner la parfaite image du Sauveur du Monde Sorcier.

Sa question, portée par les vapeurs d'alcool, est injuste.

Je suis soudain en colère contre lui et sa chemise ouverte qui laisse apparaître des bouts de peau que j'ai envie de caresser.

Je suis en colère contre ses déclarations absurdes qui arrivent trop tard.

Je suis en colère contre les sous-entendus qu'il balance qu'il n'a pourtant jamais daigné prononcer avant.

Et puis, je suis en colère contre moi et ma propre lâcheté qui préférons ignorer mon coeur qui bat douloureusement la chamade.

Je pose ma main sur la sienne, déglutis péniblement et le force à me lâcher.

— Rentre chez toi, Harry. Répare tes conneries de la soirée et continue ta petite vie parfaite loin de moi...

Tandis que je remonte l'allée pour rejoindre Astoria, l'amertume se fraie un passage jusqu'au bord de mes lèvres.

Je serre les dents et m'efforce de résister à la tentation de me retourner.

Maudit soit-il !
Maudit soit le temps qui n'a jamais été de notre côté, tout comme le monde entier qui s'est dressé entre nous depuis toujours !

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