|| Épilogue ||

Merry-go-round of life - howl's moving castle

De nombreux jours s'étaient écoulés depuis la bataille finale, celle qui avait remis les compteurs à zéro sur terre. La guerre avait pris fin cette nuit-là, et l'espoir vers un monde en paix avait triomphé. Enfin, on pouvait cesser de vivre au jour le jour. Enfin, on pouvait commencer à se projeter dans l'avenir. Enfin, ils enfin tous libres.

Mais à quel prix ?

Cette nouvelle perspective de paix avait certes tout pour plaire, mais nombreux étaient ce pour qui elle avait un gout amer. Les pertes avaient été considérables. Tant de vies avaient été sacrifiées qu'il était difficile, si ce n'est impossible, d'un jour réussir à les ignorer pour profiter. La violence et la mort côtoyée de trop près avait aussi emporté avec elles une part des vivants. Leurs séquelles ne guériraient jamais. Sans parler du royaume de Célestia, qui avait été complètement ravagé. La reconstruction mettrait du temps, beaucoup de temps, surtout après la mort de leur souverain, le roi William henry Turner, tué aux mains ennemies.

Mais surtout, elle. Elle n'était plus là non plus.

Les choses auraient dû se passer différemment. C'est ce que se disait Hayden Swan depuis l'instant même où elle était tombée dans ses bras. Et c'est ce qu'il se disait toujours, là, maintenant qu'il serrait la main de la jeune femme entre la sienne.

Pourquoi ? pourquoi elle ? N'en avait-elle pas déjà assez fait pour eux ? Le jeune Swan les détestait. Ils les détestaient d'agir ainsi alors qu'elle, elle qui s'était sacrifiée, ne le pourrait jamais.

Olivia n'était ni morte, ni en vie. Coincée entre deux, jamais son âme ne pourra trouver la paix. Et cela, Hayden ne le supportait pas.

Le jeune homme porta la main de Liv à son front. Il aurait tant voulu qu'elle ne soit pas si froide.

Depuis toujours, elle avait eu le chic pour se mettre dans des situations pas possibles. Et à chaque fois, à peine sortie d'une position difficile, elle répétait le même schéma pour d'autres qui n'auraient même pas accompli ne serait-ce que le quart pour elle. Combien de fois s'était-elle accrochée à lui ? Combien de fois avait-elle était là pour lui ? Trop de fois en comparaison avec ce qu'il avait pu faire pour elle. Mais bon, c'était Olivia après tout...

« -T'es vraiment une idiote, souffla-t-il alors qu'un sourire triste naquit sur ses lèvres.

-Je ne savais pas que t'étais le genre de gars à rester au chevet des gens. »

La porte de l'infirmerie de Nyxis venait de s'ouvrir sur Cléophée Turner. Depuis la destruction de Célestia, la reine Aria avait pris soins d'accueillir la sœur de sa meilleure amie au sein de son royaume. Et puis, elle ne voulait pas laisser Cléo seule en ces temps difficiles, pas après tout ce qui s'était passé.

Hayden lança un regard par-dessus son épaule.

« -Je pourrais dire la même chose de toi. Dans mes souvenirs, tu ne t'entendais pas très bien avec elle. »

Cléophée ne répondit pas. Elle s'approcha du lit de la malade avec précaution et s'assit en face du jeune Swan. Hayden remarqua les cernes et l'air épuisé de la cadette Turner, mais se retint de tout commentaire. Son état à lui ne devait pas être bien plus glorieux.

« -Lors de ma dernière conversation avec elle, Olivia m'a demandé de monter sur le trône de Célestia. Je crois...je crois qu'elle savait d'avance les risques qu'elle encourait.

-Et pourquoi tu me dis ça ? Coupa Hayden d'une voix un peu plus froide qu'il n'aurait voulu.

-Parce que je ne l'ai pas empêchée. »

Le jeune homme releva la tête et croisa les yeux verts de Cléo dont plusieurs larmes s'échappèrent. Ses doigts se tordaient nerveusement dans tous les sens alors que des soubresauts secouaient ses épaules.

« -Tu n'aurais de toute façon pas pu. »

Les paroles d'Hayden n'avaient pas vraiment pour but de rassurer Cléophée. Sa culpabilité, elle pouvait se la garder. Il en avait bien assez sur ses épaules comme cela. A ses yeux, il énonçait juste un simple fait.

« -Olivia n'est pas du genre à abandonner facilement, et j'en sais quelque chose. Le prend pas mal, mais ce n'est certainement pas toi qui l'aurais retenue. »

Le silence retomba. Plus un mot ne fut échangé. Mais cela ne dérangeait pas. Cléophée et Hayden avaient beau ne s'être jamais vraiment adressé la parole malgré leur lien fort avec Liv, ce silence convenait parfaitement.

C'était celui qui était le plus approprié pour que chacun puisse faire lui faire ses adieux.

Hayden ne sut pas si c'est parce que Cléophée venait de le faire, mais l'envie de déverser lui aussi ses regrets le démangeaient. Elle lui avait égoïstement imposé d'écouter, alors pourquoi ne pourrait-il pas le faire ? les mots glissèrent avec facilité hors de sa bouche, et jamais il n'avait trouvé se confier à une parfaite inconnue aussi facile.

« -J'avais promis que je lui ferais une demande décente quand je la reverrais. J'avais promis que je reviendrais en vie, et c'est que maintenant que je réalise que je ne le lui ait pas fait promettre également. »

Cléophée releva vivement la tête, ne s'attendant pas à ce que le jeune homme ne se livre ainsi à elle, et encore moins pour lui dire de telle chose. Son visage était si fermé et inexpressif que jamais Cléo n'aurait imaginé ce dernier parler si doucement des sentiments qu'il éprouvait. Un nouveau flot de larmes coula sur ses joues, et elle ne les retint pas.

« -Vous aurez tout le temps de le faire, les enfants. »

Cléophée et Hayden se retournèrent vers la porte de l'entrée qui venait de se refermer d'un même mouvement. Devant eux se tenait la reine Willow Price. Plus faible que jamais, mais bel et bien éveillée.

« -Ma-ma reine ? balbutia cléophée. Vo-vous...

-Il faut appeler une infermière, s'exclama Hayden en se levant brusquement. Vous ne devez pas vous lever, vous avez été inconscience pendant... »

D'un geste de la main, elle les interrompit tous les deux. Malgré la faiblesse qui se lisait dans chaque parcelle de son être, elle savait se montrer toujours gracieuse et imposer le respect par son aura même.

« -Il ne me reste pas beaucoup de temps, alors n'en perdons pas plus. »

La reine s'assit avec peine au chevet de la garde du corps de sa fille, là où se tenait précédemment Hayden. Elle se saisit de l'une de ses mains et ferma les yeux. Après quelques secondes, Willow laissa échapper un petit rire.

« -Tu as toujours été une battante, Olivia Turner. Ce que je m'apprête à faire est bien petit face à tout ce que tu as fait pour notre royaume et pour les Price, mais accepte mon présent.

-Que faites-vous ? demanda Cléophée confuse.

-Je vais échanger ma place avec celle d'Olivia, murmura faiblement la reine. Une âme de mortelle comme la mienne ne restera pas piégée bien longtemps.

-Non, c'est à moi de le faire. »

Cléophée venait de crier, les poings serrés alors que des larmes déformaient son visage.

« -C'est à moi de le faire, reprit-elle, pas à vous. J'ai bien plus à me faire pardonner.

-Non, s'écria Hayden à son tour. Olivia m'a déjà offert une seconde chance, c'est à moi que revient la tâche de la sortir de cette boucle infinie.

-Le royaume de Célestia à besoin de sa nouvelle reine pour le diriger, commenta Willow de sa voix aux intonations solennelles, tout comme le royaume de Noctaria aura besoin de son roi pour repartir d'un bon pied. Vos vies sont trop précieuses pour être sacrifiées.

-Même si vous n'êtes plus la reine officielle, commença Cléo, Aria a besoin de vous. Vous ne pouvez pas vous sacrifier comme cela.

-Prenez mon âme à la place.

-Tais-toi, Swan de malheur ! »

Pendant que les deux adolescents se battaient pour savoir qui se sacrifieraient, Willow avait déjà entreprit le rituel de magie blanche.

« -Je suis condamnée à mourir depuis la mort de May, avait-elle dit tandis que les yeux d'Olivia frémirent. Je suis honorée d'avoir pu tenir assez longtemps pour te sauver comme tu l'as fait pour nous. »

Hayden et Cléophée se turent. Leur regard se rivèrent sur les deux autres personnes présentes dans la pièce.

« -Tu es libre également, Olivia Tayugaa. »

Les poumons de la jeune femme, qui s'était vivement redressée dans le lit, se remplirent à nouveau d'air alors qu'elle inspira grandement. Et alors que son cœur se remit en marche, celui de Willow cessa de battre.

La vie l'avait à nouveau acceptée sous son aile.

***

C'est dans l'un des grands jardins du royaume de Noctaria qu'Olivia s'était réfugiée, à l'ombre d'un grand arbre de cerisier. La chaleur y était, et de loin, moins étouffante que dans le reste du pays. La jeune femme lisait tranquillement l'un de ses ouvrages, jetant de temps à autre un œil sur la petite blondinette qui courrait après les paons blancs.

« -Regarde maman ! s'exclama la petite en tenant dans ses bras un bébé paon. Je peux le garder, dis ?

-Doucement Leila, rigola Olivia en voyant l'air presque blasé de l'animal. Tu vas lui faire peur. »

Au même instant, un petit garçon aux cheveux noirs de jais dévala la pente pour venir rejoindre les deux filles, faisant fuir le paon aux grands dam de sa grande sœur.

« -Tay tu leur fais peur ! Bouda la blondinette.

-Coucou mon poussin, murmura Olivia en accueillant son fils entre ses bras. Papa n'est pas avec toi ? »

Le petit ne répondit pas, se contentant de pointer une direction du doigts. En haut de la colline, Hayden venait d'apparaitre, la petite dernière dans les bras. Ses cheveux étaient aussi noirs que ce de son père et de son frère, mais ses yeux étaient quant à eux aussi bleus que ceux de sa mère. Des trois enfants, c'était la seule qui avait hérité de la maitrise de l'eau, Leila et Tay ayant suivi les traces de leur père.

« -Allez, encouragea Liv en ébouriffant les cheveux de son fils. Va jouer avec ta sœur. »

A peine ses deux plus grands enfants partis, c'est son époux qui prit leur place sur le drap étendu dans l'herbe.

« -J'ose espérer que la reine Olivia Élisabeth Tayugaa Turner Swan ne nous en veux pas d'envahir son espace personnel ainsi. »

De l'ironie perçait dans la voix d'Hayden, mais le sourire qu'il affichait montrait qu'il n'en pensait pas mot.

« -Pour vous je pourrais faire une exception, répondit-elle en prenant le bébé dans ses bras. N'est-ce pas, Rose ? »

Une douce brise se mit à courir dans les longs cheveux d'Olivia. Quelques fleurs de cerisier tombèrent de l'arbre, virevoltant doucement au-dessus de la tête du couple.

« -Tu penses qu'ils sont heureux, de là où ils sont ? »

Hayden se tourna vers sa compagne dont les yeux étaient rivés vers le ciel.

« -Évidement. T'en pose des questions, idiote va. »

Olivia éclata de rire suite à la réplique d'Hayden. Il avait toujours eu le don de répondre d'une manière hautaine et ironique en toute circonstances. Cela l'avait jadis agacé, mais maintenant elle le voyait commune marque d'affection.

« -Et je suis sûr qu'ils sont tous très fiers de toi, ajouta-t-il d'un ton un peu plus sérieux. Ils te le diraient s'ils le pouvaient. »

Et comme pour donner raisons aux dires d'Hayden, une magnifique fleur de cerisier tomba au creux même de la main d'Olivia.

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