|| Chapitre 58||

It's not fair, I found love

L'histoire de Leila Swan
Partie 22/28
Raison de vivre

Et maintenant ?

C'était la question qui tournait inlassablement dans la tête de Leila Swan, au bord de l'inconscience. Que faire maintenant qu'elle avait tout perdu ? maintenant que plus rien n'avait d'importance ?

Depuis sa plus tendre enfance, alors qu'elle n'était qu'une gamine, Leila se souvenait avoir toujours été mise à l'écart. Ceux qu'elle considérait comme sa famille semblaient la rejeter sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi. Qu'avait-elle fait pour mériter cette solitude qu'avait été la sienne durant son enfance ? peut-être qu'elle n'était tout simplement pas méritante de leur amour ? c'est ce que la petite fille qu'elle était avait intégré. Il fallait qu'elle devienne une meilleure version d'elle-même. Il fallait qu'elle fasse plus d'efforts pour se surpasser, pour devenir digne d'être la fille et la sœur qu'ils méritaient. Elle se l'était promis. Elle s'améliorerait.

Au nom des Whiteley.

Pourquoi ses parents ne lui avaient pas accordé un tuteur ? pourquoi l'envoyaient-ils dans une école, comme n'importe quel enfant du peule le ferait ? savaient-ils seulement à quel point cela lui mettrait des bâtons dans les roues pour la suite ? oui, bien sûr qu'ils le savaient. Leila en était persuadée. Voulaient-ils encore l'éloigner des sommets ? la garder dans l'ombre ? elle allait leur montrer qu'ils se trompaient. Leila leur avait promis de devenir quelqu'un de digne, et elle n'avait pas l'intention de revenir sur sa promesse. S'il le fallait, elle était prête à travailler dix fois plus pour rattraper ses ainés. Et un jour, ses parents pourraient la voir comme leur égal.

Au nom des Whiteley.

Elle s'était battue bec et ongle pour obtenir le papier rouge, mais cela n'avait pas suffi pour que ses parents la tiennent en considération. Ils n'avaient même pas daigné à la féliciter. N'était-ce donc pas suffisant ? évidemment, elle partait avec un bon train de retard face à ses ainés au brillant avenir. Mais eux, ils avaient eu la chance d'avoir un tremplin sur lequel se propulser dans les hauteurs. Ils voulaient la mettre encore à l'épreuve ? Leila acceptait. Elle acceptait, parce qu'elle savait qu'un jour, elle réussirait à obtenir l'approbation de sa famille sur sa personne. Il fallait juste qu'elle s'accroche, juste encore un peu.

Au nom des Whiteley.

Pourquoi elle n'y arrivait pas ? après tous ses efforts, rien n'avait changé. Strictement rien. Leila voyait ses ainés continuer d'avancer dans la lumière, alors qu'elle restait désespérément dans l'ombre. Si elle pensait devenir quelqu'un comme ça, Leila savait qu'elle n'y parviendrait jamais. Et si enfaite, elle était réellement le problème ? et si enfaite, elle ne s'était pas donnée assez pour satisfaire ses parents ? oui, c'était sans doute cela. C'était forcément cela. Comment pouvait-elle prétendre vouloir qu'on la reconnaisse à une valeur qui n'était pas la sienne ? Cole était devenu bras droit du roi. Même lui avait mieux réussi qu'elle. Sauf que lui, il n'avait pas de concurrence, ni un nom aussi dur à porter. Alors, il ne lui en voudrait pas si elle se servait un peu de lui comme tremplin, n'est ce pas ? non, bien sûr que non. Cole était le seul à la soutenir dans sa quête. C'était le seul à être là pour elle, et cela depuis le début. Si seulement sa vraie famille la voyait aussi ainsi. La jeune femme savait qu'elle touchait au but, bientôt, elle pourrait enfin faire honneur à ses ainés. Elle était prête à tout...

Au nom des Whiteley.

Mais au nom de quoi voulait-elle s'attacher, maintenant ? A peine avait-elle frôlé le bonheur longtemps recherché que tout s'était effondré autour d'elle. Aujourd'hui, plus aucun membre de sa famille s'était à ses côtés. Toutes ses années à courir derrière des gens qui ont disparu avant qu'elle n'ait pu savourer le fruit de ses efforts. Elle n'avait plus de famille, plus d'attaches. Mais en fait, en avait-elle vraiment eu, une fois dans sa vie ? Cole avait été là pour elle. C'était le seul qui lui était resté fidèle, le seul qui lui avait offert ce sentiment de réconfort que sa famille avait été incapable de lui offrir. Le seul qui avait vraiment compté...

« -Ma reine, restez-avec nous ! »

Rester ? et pour qui au juste ? un cri de douleur traversa les lèvres de Leila alors que de la sueur coulait à nouveau sur son front. Et qu'est-ce qui lui prenait, à soudain ressasser toute sa vie ? Et surtout, pourquoi diable son esprit tentait encore de défendre tous ces hypocrites ?

C'est vrai, après tout, elle n'avait pas encore digéré la vérité. Celle qu'on lui avait caché depuis ce jour-là, dans la serre de verre. Son cœur tentait désespérément de se rattacher à ses souvenirs mensongers plutôt que d'accepter que les Whiteley eussent menti. Ils lui avaient menti, ils avaient triché, ils l'ont forcé à faire et penser des choses que jamais une enfant n'aurait dû. Personne n'avait été juste avec elle. Personne n'avait été sincère, pas même Cole. Et maintenant, Leila se retrouvait seule à souffrir, amputée d'une famille pour laquelle elle avait sacrifié sa vie. Et si la souffrance psychique ne l'aurait pas empêché de sombrer de l'inconscience, la douleur physique en avait décidé autrement.

« -Ma reine, tenez bon, vous y êtes presque. »

C'est vrai, il restait encore ce bébé. Ce bébé qu'elle avait accepté de porter, pas par amour, mais à cause de sa soif de pouvoir. Elle avait accepté uniquement par égoïsme. Certes elle avait voulu que Cole puisse réussir dans ses recherches, mais elle avait avant tout accepter pour deux autres raisons bien moins louables : priver Cole d'une vérité qui les aurait fait se séparer et gravir les échelons pour devenir une personne digne de sa famille. C'est amer qu'elle resongea à ce que son sacrifice lui avait apporté. Elle avait perdu Cole, et sa famille n'était plus là pour qu'elle ne soit digne. Et en prime, il y avait cet enfant qu'elle n'avait jamais pris en considération un seul instant.

Leila réalisait que maintenant à quel point tous ses choix avaient été irrationnels. A commencer par cette envie maladie de reconnaissance qui l'avait menée à se lamenter de la perte de gens qui ne lui avaient causé que du tort. Leila secoua la tête. Non, ils avaient quand même partagé de bons moments. Et les derniers mots de sa mère avaient semblé si sincères. Une larme perla sur sa joue. Sa mère. La seule qui avait réellement essayé de la protéger. Et pourtant, la seule dont elle n'arrivait plus à retrouver les derniers mots. Bordel, qu'est-ce que sa mère avait bien pu lui dire, ce jour-là, avant de périr dans ses bras ? s'en souviendrait-elle un jour ? La jeune femme reprit une grande inspiration pour dissiper ce brouillard de pensées. Elle était fatiguée de se battre avec son passé, il était tant d'en finir.

« -Félicitations, ma reine, c'est un garçon. »

Leila n'avait pas prévu cela. Après neuf mois à ne pas considérer et enfant comme un être humain, la jeune femme ne pensait pas ressentir cela. A aucun moment, elle n'avait songé au fait qu'elle puisse s'attacher à cet enfant, son enfant, dès le premier regard. Et elle s'attendait encore moins à ressentir une telle envie de le protéger. Quand elle le vit, dormir dans ses bras, elle fut incapable de lui rester indifférente. Une larme coula sur la joue de Leila alors qu'elle réalisa. Elle réalisa qu'encore une foi, elle s'était trompée.

Elle qui avait passé sa vie à souffrir des choix de sa famille s'apprêtait à faire la même chose avec ce bébé. Elle l'avait condamné à la mort alors qu'il venait à peine de venir à la vie. Et s'il ne périssait pas, Leila venait de faire d'un être humain la prochaine arme de guerre du royaume de Noctaria. Sans qu'elle ne sache pourquoi, la jeune femme ressentait un besoin violent de protéger ce petit. Elle le voulait, du plus profond de son cœur.

Et alors que cette pensée la traversa, une chose inespérée se produisit. Le visage souriant de Grace apparut devant ses yeux. Et cette fois-ci, Leila comprit parfaitement les mots qu'elle prononçait. Une larme coula sur sa joue alors qu'une joie inexprimable explosa dans son cœur. Elle se souvenait. Leila se souvenait.

« Je suis fière de la personne que tu es devenue, avait murmuré la duchesse de son dernier souffle alors qu'un sourire prit place sur ses lèvres. Tu sauras être une bonne mère pour l'enfant que tu portes. Le seul membre de ta famille qui mérite réellement tous tes efforts, c'est lui. Aime-le et protège le mieux que je n'ai su le faire pour toi, Leila. »

Sa famille, c'était lui et seulement lui. Ce tout petit bébé, fragile et innocent. Leila se promit de ne laisser personne le blesser.

« -Bienvenue au monde, souffla-t-elle en embrassant son petit front. Maman t'aime. »

Quand son fils lui fut arraché quelques minutes plus tard, Leila sentit au fond d'elle qu'elle était vraiment prête à tout pour le protéger. Tant qu'elle serait de ce monde, elle ne laisserait personne s'en prendre à lui. Sa nouvelle raison de vivre n'était plus un idéal, mais portait désormais un nom : Hayden Swan.

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