|| Chapitre 57 ||

So cold - Ben Cocks

L'histoire de Leila Swan
Partie 21/28
Tout va bien, maman.

« -C'est vrai, ce que l'on raconte ? »

Le cœur de Leila se serra douloureusement dans sa poitrine à cette question. Elle s'en voulait d'avoir mis autant de temps avant d'oser venir se présenter à elle. Son deuil suite à la mort tragique et brusque de quatre membres de sa famille l'avait beaucoup affecté. Les jours lui paraissaient tous plus sombres les uns que les autres. Comme si elle s'enfonçait dans un tunnel sans jamais en voir la sortie.

« -Oui, mère, souffla-t-elle en osant croiser son regard. »

Leila voulait hurler. Elle aurait voulu dire à sa mère, couchée sur le grand lit aux draps aussi pâles que son visage, qu'elle était désolée. Désolée d'avoir laissé un mois s'écouler depuis l'accident de voiture. Mais elle n'arrivait pas à parler. Les mots ne voulaient pas sortir.

« -Et moi qui ne pensais pas ressentir à nouveau de peine égale à celle de la perte de mon fils ainé, se lamenta Grace alors qu'une larme silencieuse coula sur sa joue. »

La brune n'avait jamais vu sa mère exprimer si vivement ses émotions. Elle qui l'avait toujours connue douce et souriante aurait pu douter de son identité à cet instant précis. Leila ne l'avait jamais vu pleurer. Enfaite, pour être exacte, elle n'avait même jamais vu Grace dans un état aussi déplorable. Sauf que maintenant, Leila n'était plus un enfant ignorant auquel on pouvait cacher de telles choses. La douleur silencieuse des larmes de sa mères avaient tout leur sens dans son esprit. Et cela la terrifiait encore plus, de voir le dernier de ses piliers s'effondrer ainsi devant elle. Égoïstement, Leila aurait voulu que sa mère la serre dans ses bras pour la consoler de tout ce qu'elle avait dû endurer, comme quand elle n'était qu'une petite fille. Elle aurait voulu pleurer elle aussi, mais elle ne pouvait plus se le permettre. Elle devait se montrer forte, au moins une fois, pour celle qu'elle tenait en si haute considération.

« -Ne te sens pas si coupable, souffla Grace en prenant la main de sa fille dans la sienne. Ne le sois pas, mon enfant, jamais. »

Leila releva la tête, les yeux brillants. Elle se demanda quelques secondes comment sa mère pouvait avoir lu en elle si facilement. La réponse fut immédiate dans son esprit. C'était justement parce qu'elle était sa mère qu'elle savait. Les mères savaient toujours tout.

« -C'est moi qui devrais me sentir coupable, continua la duchesse d'une voix presque éteinte. J'aurais voulu être présente pour toi lors de ce deuil, et au lieu de cela je vais aussi te causer de la tristesse.

-Ne dites pas cela, mère...

-Je regrette de n'avoir pu rencontrer ce petit avant de partir. »

Le cœur de Leila s'affola dans sa poitrine. Il pulsait fort. Très fort. Sa main libre se glissa automatiquement sur son ventre alors qu'elle répliqua.

« -Ce n'est plus qu'une question de semaines.

-Mon corps ne supportera jamais cette attente, Leila.

-Ne dites pas cela, répliqua la brune alors que les larmes qu'elles retenaient se firent plus nombreuses dans ses yeux.

-Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais je ne peux pas partir ainsi. Il y a certaines choses que tu dois savoir. »

Sans qu'elle ne le sache vraiment comment, trois parchemins atterrirent dans les mains de la jeune femme. Elle les observa, interdite devant les trois sceaux qui les marquaient.

« -Je n'aurais jamais la force de tout t'expliquer, souffla Grace alors qu'une quinte de toux la coupa. Voici donc les parchemins qui renferment toute la vérité au sujet de la famille Whiteley.

-La vérité ? mais je croyais que...que...

-Qu'un Whiteley ne ment jamais ? termina mécaniquement Grace. Je le croyais aussi avant d'en devenir une, Leila. Mais en occupant une telle place au sein de la société, de telles volontés n'ont pas leur place.

-Pourquoi vouloir me dire maintenant ce que vous m'avez caché toute ses années ? »

Si Leila n'était pas autant abasourdie par les paroles de sa mère, son ton aurait été accusateur sans aucun doute. Tout cela n'avait pas de sens. Elle qui avait toujours mise en si haute estime la famille Whiteley ne pouvait concevoir que l'image qu'elle s'en était faite n'était qu'un tissu de mensonges.

« -Le poids des remords est devenu trop lourd pour l'être fragile que je suis devenue.

-Et à quoi dois-je m'attendre en lisant ces lettres ? demanda Leila alors que ses yeux se posèrent sur les parchemins.

-L'un d'eux concerne directement la famille Whiteley... »

Leila observa le parchemin d'un œil grave. Le sceau qui le scellait ne permettait aucun doute quant à la véracité des propos tenus. Il s'agissait de documents officiels et strictement confidentiels. Enfin, après réflexion, tous semblaient appartenir à cette catégorie ci.

« -...le second renferme une copie des rapports effectués par l'unité scientifique de la serre de verre.

-Je suis déjà au courant de tout, coupa Leila. Je sais ce que c'est moi qui ai détruit la serre de verre et infligé cette cicatrice sur Daphné.

-Co-comment l'as-tu su ? tu étais si jeune, tu ne pouvais t'en souvenir.

-Je me suis toujours demandé pourquoi mes ainés me haïssaient tant. Et puis, quand j'ai un jour surpris un bout de conversation entre Arthur et Antonella, j'ai compris que ce n'était pas de la haine, mais de la peur. Ils avaient peur, parce que ma maitrise du feu était incontrôlable. »

Leila refusa de croiser le regard de sa mère. Elle ne voulait pas savoir ce qu'elle pensait à ce moment précis.

« -L'enfant que je porte n'est pas voulu, il s'agit juste pour moi de la garantie que jamais Cole n'apprenne ce qui s'est passé, ce jour-là. »

C'était la première fois qu'elle avouait à quelqu'un son lourd secret. Jamais elle n'avait flanché. Jamais. Mais là, elle ne pouvait tout simplement plus tout garder pour elle. Mais après tout, si Grace voulait lui révéler par égoïsme une vérité qui balayerait toute ses certitudes juste pour dissiper ses remords, Leila pouvait bien se permettre de lui partager un peu de son propre poison, non ? et maintenant qu'elle avait commencé, la jeune femme eut de la peine à s'empêcher de crier ses quatre vérités au dernier membre de la famille Whiteley.

« -Je ressens toute la rancœur que tu portes en toi, murmura avec regret Grace Whiteley. Je réalise aujourd'hui que Thomas et moins auront dû faire des choix différents à ton sujet. Cela me peine d'avoir été témoin du malheur qui s'est abattu sur cette famille alors que j'aurais dû être la première à périr. Je suis désolée d'avoir été une si mauvaise mère pour toi, Leila. »

La maitre du feu ne répondit pas. Elle ne savait pas quoi dire, ni quoi faire. Tant de choses se bousculaient dans sa tête, dans un désordre infernal. Grace prit une grande inspiration, décidée d'aller jusqu'au bout de ce qu'elle s'était promis. La duchesse reporta son attention sur les parchemins entre les mains de sa fille, et plus particulièrement sur le dernier rouleau.

« -Il s'agit d'une lettre écrite à la main par Antonella.

-Antonella ?

-C'est elle qui s'est chargée de subtiliser les deux documents précédents, murmura Grace avec presque un sourire nostalgique. Tu sais comment était ta sœur, toujours à fourrer son nez là ou il ne le faut pas. Je ne pensais pas un jour lui être reconnaissante pour cela.

-Mais je ne comprends pas, s'exclama Leila en secouant la tête. Pourquoi m'a-t-elle pas envoyé directement cette lettre ?

-Antonella avait pour projet initial de te donner en main propre cette lettre ainsi que les deux parchemins qu'elle avait volé le soir de l'accident. Pour une raison qui m'échappe, elle a finalement changé d'avis.

-Comment se fait-il que tout cela vous ait été remis ? »

De l'hésitation passa dans les yeux pourtant si ternes de la duchesse. Leila vit le combat intérieur que la conscience de Grace se livrait jusqu'au moment où elle ferma les yeux.

« -Autant faire les choses bien, maintenant que tout cela est sur le point d'éclater.

-Je vous écoute.

-Le jour de l'accident de voiture, trois personne est morte sur le coup. Mais je pense que je ne t'apprends rien, n'est-ce pas ? mais, connais-tu l'identité de ces trois-là ? »

Leila sentit la bile lui monter à la gorge en resongeant à la première phrase de la duchesse, quand elle était entrée dans la chambre. Elle avait feint de ne pas savoir grand-chose, alors qu'en réalité, grâce semblait bien mieux informée que Leila ne le saurait jamais. Et même si la jeune femme soupçonnait la noble d'omettre certains détails, elle ne broncha pas.

« -C'est Antonella qui n'est pas morte tout de suite, souffla Grace d'une voix bien trop calme. Ses jambes ont été sectionnées sur le coup, mais elle était encore en vie. Alors, souffrant le martyr et se vidant de son sang, elle n'avait que peu de temps pour agir. Elle a sans doute dû se trainer comme elle a pu jusqu'à la première boite aux lettres de la rue pour y poster la boite qui renfermait ces trois parchemins. Voilà comment je suis venue à les obtenir, Leila. »

L'esprit de Leila refusait d'intégrer ce que qui se passait. Elle imagina avec horreur la douleur et la peur que sa sœur avait dû ressentir alors que les précieuses minutes qui la séparaient de la mort s'amenuisaient. Un frisson la parcourut, seule réaction que son corps affichait réellement. Le reste état tout engourdi alors que tout devint flou autour d'elle.

« -Leila...mon enfant, écoute-moi... »

Les yeux écarquillés, Leila observa le visage de sa mère qui s'était penchée vers elle. Et elle...souriait ? oui, elle souriait. Pourquoi souriait-elle ? la jeune femme vit les lèvres remuer, mais aucun son n'en sorti distinctement. Qu'essayait-elle de lui dire ? aucun mot qui sortait de sa bouche ne l'atteignait. Leila ne comprenait rien. Elle ne sut si des secondes ou des minutes s'écoulèrent par la suite, plus rien n'avait de sens.

La pression de la main de Grace contre la sienne se fit de moins en moins forte jusqu'à ce qu'elles se délient. Cela eut pour effet de ramener la jolie brune à la réalité. Tremblante, elle se releva tant bien que mal pour venir fermer les paupières de la duchesse qu'elle ne verrait plus jamais s'illuminer.

« -Tout va bien, souffla Leila alors que les larmes dévalèrent ses joues. Tu peux enfin reposer en paix, Maman. »

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