|| Chapitre 45||

Heather - Conan Gray

L'histoire de Leila Swan
Partie 9/ ?
Sentiments

« -Je voulais te dire que... »

Les yeux clairs de Cole ne lâchèrent pas celui de la jeune fille un instant, comme happé par son regard sombre. Une part de lui aurait voulu qu'il attende une meilleure occasion pour faire sa déclaration. Après tout, ils se trouvaient quand même dans une fontaine d'un parc désert, dans une position des plus compromettantes. Ce n'était de loin pas comment le jeune garçon avait imaginé la fin de cette sortie. Qu'allait-il raconter à ses amis le lendemain, quand ces derniers voudraient savoir comment s'était passé cette soirée ? cependant, une autre part de lui ne pouvait plus attendre. Il voulait lui dire. Et le moment complice qu'ils venaient de partager lui donnait une opportunité en or d'aborder le sujet.

« -je voulais... »

Le temps autour des deux jeunes gens semblait suspendu. Le cri des oies sauvages se faisait de plus en plus lointain alors que les battements de son propre cœur résonnaient bruyamment dans sa cage thoracique. Cela en devenait presque douloureux. Le blond se demanda si elle l'avait entendu, elle aussi. Probablement non, mais Cole ne put s'empêcher de penser que si la jeune femme venait à effacer les quelques malheureux centimètres qui les séparaient, elle sentirait son cœur battre contre elle. Se rendait-elle seulement compte de l'effet qu'elle avait sur lui ? son cœur était littéralement en train de battre la chamade parce qu'elle était là, devant lui. Peut-être aussi parce qu'il était un peu gêné de leur proximité soudaine, mais surtout parce qu'elle, Leila Whiteley, était là. Avec lui.

« -...te dire... »

La voix de Cole se fit soudain hésitante. Son cœur à elle, battait-il aussi vite que le sien à ce moment ? et surtout, battait-il à cause de lui ou de leur proximité ? pour la première fois, le maître du feu envisageait sérieusement qu'elle le rejette. Avant cet instant, il n'avait jamais été aussi proche de lui révéler ses sentiments. Il ne s'était donc jamais vraiment embêté avec cette possibilité. Cole n'avait jamais vraiment laissé paraitre ouvertement son béguin pour Leila. Sa personnalité extravertie et son habilité pour cacher la vérité avaient été d'excellent alliés pour bâtir cette carapace autour de ses vrais sentiments. Et maintenant que la situation se concrétisait, il ne pouvait empêcher une certaine crainte de lui tordre l'estomac. Et si Leila le voyait vraiment que comme un ami ?

« -...te dire que... »

Cole repris discrètement son souffle, remarquant qu'il avait cessé de respirer. L'odeur fruité de la jeune fille lui parvint, affolant encore plus ses sens. Quel idiot il faisait ! heureusement qu'il savait se contrôler un minimum pour ne rien laisser paraitre. Le gascon se ressaisit soudain. Il avait assez fait durer cet instant, il allait le dire. Cole ouvrit la bouche, déterminé à tout déballer.

« -Et vous, cria au loin un gardien mécontent, ce qui eut pour effet de couper le garçon dans son élan. Les baignades sont interdites ! »

Pop. La bulle autour d'eux venait de se briser et la réalité repris place. L'expression de Leila devint affolée alors qu'elle s'éloigna de lui, reprenant appui sur ses jambes. L'amoureux transi cligna plusieurs fois des yeux, surpris. Venait-on vraiment de l'interrompre dans son élan encore une fois ?

« -Sérieusement ? grinça-t-il entre ses dents tout aussi mécontentes que l'homme qui marchait à grade enjambée dans leur direction. On ne peut pas être tranquille deux secondes ici.

-Cole, il faut partir, vite ! »

Le garçon soupira, profondément ennuyé. Néanmoins l'expression folle de rage de l'individu qui se rapprochait d'eux le motiva à se relever. Hors de question de finir au poste, surtout après une foirée soldée d'un échec.

« -Quelle vie de merde, ronchonna-t-il.

-Ton sac, cria la voix de sa douce alors qu'il venait à peine d'enjamber le rebord de la fontaine. Attrape.

-Eh, restez ici bande de vauriens ! hurla l'homme en se mettant à courir veux eux.

-ça commence à sentir le roussi, commenta Cole avec sarcasme. Quelle plaie ce garde, il court aussi vite que mon oncle sénile avec sa taille de nain.

-On n'a pas le temps pour tes remarques idiotes ! s'impatienta la Whiteley qui venait de faire passer son sac par-dessus son épaule. »

Un sourire espiègle prit place sur le visage du bond en imaginant le grand et respectable duc Whiteley venir chercher sa fille au poste de police. Quel scénario comique. Son sourire fana quand il pensa à la sanction que son propre père lui infligerait après être venu le chercher. Scenario bien moins comique.

« -Il à l'air d'un fou furieux ce nabot. Viens, on se taille. »

Sans perdre un instant, Cole se saisit de la main de Leila et se mit à courir, l'entrainant à sa suite. Leurs chaussures gorgées d'eau laissaient de grosses flaques derrière eux alors que leurs vêtements trempés restreignaient leurs mouvements. Sans parler de ces fichus sacs qui pesaient trois tonnes. Leila courrait certes vite, mais pas assez à son gout.

« -Passe-moi ton sac, ordonna l'ainé en tendant sa main libre vers elle. Je vais le porter. »

Leila s'exécuta sans rechigner. Elle ne lâcha pas la main de son ami pour autant. Ainsi plus légère, elle eut moins de mal à suivre la cadence imposée par Cole. Ils entendirent encore leur poursuivant râler dans leur dos, mécontent. Mais cela ne les fit pas ralentir pour autant.

« -Arrêtez-vous ! cria le garde qui se trouvait de plus en plus proche. Attendez un peu que je vous attrape ! »

Quand ils traversèrent les grilles du parc, encore trempés jusqu'aux os, les deux jeunes ne s'arrêtèrent pas pour autant de courir dans les rues du royaume. Certains passent les dévisageaient, curieux ou surpris de voir deux étudient dans cet état, alors que d'autres affichaient des sourires nostalgiques à leur égards. Cole et Leila donnaient l'impression d'un jeune couple pris la main dans le sac, à fuir ainsi compétemment hilare, et les mains liées dans tout le royaume. Sans parler de ces regards intenses qu'ils se lançaient à chaque fois que leurs regards se croisaient.

« -Attend...Cole...j'en peux plus ! »

Leila avait eu de la peine à parler, la voix entrecoupée par ses rires et sa respiration saccadée. Au détour d'une rue, jugeant avoir semé le trouble-fête, ils s'arrêtèrent enfin pour reprendre leur souffle et se désaltérer à un petit point d'eau. Leurs vêtements étaient toujours un peu mouillés, et ils grelottaient presque à cause de la brise qui soufflait gentiment dans les rues du royaume depuis que le soleil était définitivement parti. Les mains sur les genoux, le blond reprenait lui aussi péniblement son souffle. Les deux sacs pensaient bien leur poids. Maintenant débarrassé de ce poids, il se sentait plus léger. Du coin de l'œil, il observa sa camarade retirer la broche qui maintenait jusqu'à lors son chignon en place. Enfin, ce qu'il en restait après toute cette agitation. Elle glissa le bijou de famille dans sa poche et entrepris d'essorer sa longue chevelure noire et soyeuse. Cole n'avait pas loupé une miette de la scène, hypnotisé par ses gestes. Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu'il l'avait vue les cheveux ainsi lâchés, elle qui les nouait toujours derrière sa tête en un chignon strict. Un autre détail attira son attention : Leila ne s'était jamais séparée de sa broche. Pour avoir passé autant de temps à ses côtés, le jeune homme pouvait affirmer n'avoir jamais vu sa camarade sans elle. Il s'agissait d'un bijou précieux de la famille Whiteley qui se transmettait de génération à génération. La broche représentait naturellement l'emblème des Whiteley, 9 plumes de paon mises en éventail. Elle avait un aspect simple mais pourtant des plus raffinés. Un simple coup d'œil suffisait pour affirmer la préciosité de ce bijou, finement sculptée dans de l'or aussi blanc que les plumes de leurs paons.

Cole détourna rapidement le regard par peur d'être pris en flagrant délit par la jeune fille. Elle n'apprécierait pas d'être reluquée ainsi. Et lui, il n'appréciait pas ce début de sourire d'idiot transi sur son propre visage.

« -Dis, tu allais me dire quoi tout à l'heure, Cole ? »

Le blond sentit son cœur s'emballer à nouveau. Une troisième tentative s'offrait à lui, enfin ! la Whiteley venait de lui tendre involontairement une perche, il fallait qu'il la saisisse ! Son objectif initial revint au triple galop, obnubilant à nouveau son esprit tout entier. Cette fois, ce serait la bonne ! Le jeune homme se répéta mentalement quelques phrases d'encouragement afin de dissiper sa nervosité, puis il se redressa avec une moue étrangement sérieuse et concentrée. Il ne remarqua pas le sourire espiègle pourtant que peu dissimulé de la jeune fille. Cole ne réalisa pas non plus qu'il se trouvait juste derrière une fontaine. Et surtout, il avait oublié deux choses capitaux :

La première, c'était la sorte de promesse qu'elle lui avait soufflé au creux de l'oreille il y a de cela une demi-heure : « un Whiteley n'abandonne jamais ». La seconde, c'était que Leila faisait justement partie de cette famille et que le garçon aurait dû se souvenir que « un Whiteley ne ment jamais ».

« -Lei... »

Ça, il ne s'y attendait pas. Vraiment pas. Cette fois, Cole fut le seul à tomber dans l'eau quand Leila le poussa à nouveau. Évidemment, cette gamine insolente ne pouvait pas s'arrêter sur un échec. Il aurait dû le prévoir. Mécontent, il regarda la jeune fille s'approcher de lui pour se saisir de son sac, en riant comme une folle.

« -Leila ! je vais te... »

Cole écarquilla les yeux, stupéfait. Et avant qu'il n'ait le temps d'assimiler ce qui venait de se passer, Leila s'était déjà éloignée aussi vite qu'elle s'était approchée, et la légère pression sur ses lèvres avait disparu. Le jeune homme n'en revenait pas. La fille dont il était raide dingue venait-t-elle vraiment de l'embrasser ? ce pourrait-t-il qu'elle aussi... ?

« -Moi aussi, souffla-t-elle en guise de réponse comme si elle avait lu dans ses pensées. A plus tard, Cole. »

Il la regarda s'éloigner, toujours assis dans la fontaine et à nouveau trempé jusqu'aux os. Ses joues rougirent doucement dans la pénombre alors qu'une joie inexplicable explosa dans son ventre. Un sourire béat prit place sur son visage et il ne fit rien pour l'en empêcher.

« -Je suis amoureux. »

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