|| Chapitre 27 ||

Just friends - keshi

Olivia Turner naviguait tranquillement sur le lac d'un turquoise lumineux. L'eau, que la barque fendait silencieusement sur son passage, était si claire qu'on pouvait y voir parfaitement le fond. Liv apercevait sans difficulté la vie sous-marine qui évoluait paisiblement, ne se préoccupant pas le moins du monde de sa présence. Deux carpes argentées et translucides, semblables à des esprits, nageaient autour de la barque, comme si elles accompagnaient la blonde vers l'ile qui se découpait au loin. Plus elle s'approchait, plus elle y distinguait clairement de nombreux rochers qui entouraient l'ile principale. Or, elle n'arrivait pas à identifier la nature de cette forme ronde en son centre. Liv se pencha par dessus le bord, observant son. Reflet. Cela lui faisait tout drôle de se voir sans le croissant de lune bleu sur le front. Elle frôla timidement de ses doigts la surface de cette étendue d'eau, à nouveau émerveillée par la beauté des lieux. Des algues fluorescentes tapissaient le fond du lac et dansaient au gré des courants. Elles étaient à l'origine de cette teinte pour le moins originale et lumineuse qui éclairait doucement cette gigantesque cave souterraine.

Alors que cette douce traversée touchait à sa fin, le joli archer remercia mentalement la Dame des Ombres pour son aide. Elle avait permis à la blonde d'entrer dans cet endroit mystérieux en emprisonnant son ombre dans cette minuscule fiole de verre, sans compter le fait qu'elle lui a également directement donné celle d'Hayden. Mais son geste ne s'arrêtait pas là : l'esprit de la lune avait gentiment offert son précieux chapeau afin qu'elle puisse disposer d'un moyen sur de traverser ce lac en toute sécurité. Le maître de l'eau se sentait profondément reconnaissante envers la Dame des Ombres. Les nombreuses légendes à son sujet avaient peint une description très juste de cet esprit, aussi sage que bienveillant.

« -Et dire qu'à un moment, on croyait qu'elle essayait de voler les ombres des habitants du pays de la glace, se remémora-t-elle en soupirant. Balivernes. »

Les deux carpes firent brusquement demi-tour quand ils s'approchèrent de l'ilot, comme effrayé par l'aura qui s'en dégageait. La demoiselle ressentait elle aussi un certain froid l'envahir. Ce qui se trouvait contrastait fortement avec le climat calme et paisible qui régnait ici. Elle ne savait pas si c'était son imagination qui lui jouait des tours, mais elle avait l'impression que même les algues fluorescentes se faisaient moins présente, rendant l'eau moins brillante qu'à la côte. La barque ralentit peu à peu la cadence quand elle parvint au premier récif. Liv comprit qu'elle devait continuer sa progression par ces propres moyens. Elle se rendit compte que tous les rochers formaient une sorte de chemin dirigés vers l'arbre, sans doute pour lui permettre d'atteindre son objectif. Olivia souffla, priant pour que cette épreuve soit la dernière ligne droite vers la fin de son expédition dans le monde des esprits.

A la seconde ou le maître de l'eau posa son pied sur le premier rocher, la barque vibra dans son dos et se reprit sa forme initiale. Le chapeau de la dame des ombres vit se poser gracieusement sur la tête de l'archer qui se hâta en quelques sauts d'attendre l'ile principale. Liv leva les yeux et prit enfin le temps d'observer les lieux. Cette fameuse forme ronde était en fait les milliers de branches d'un arbre, faites de fines lianes qui flottaient dans les airs. Elles avaient l'air fait entièrement d'un Crystal opaque. Même si elle ne le voyait pas, Olivia devinait un tronc dissimulé jalousement sous cette masse de lianes vivantes. Et avant que la jeune femme n'ait pu amorcer un pas de plus, les lianes vinrent doucement à sa rencontrer, comme pour vérifier qu'il ne s'agissait pas d'un intrus. Liv se tendit, arrêtant de respirer quelques instants quand elle fut entourée par ces fils de Crystal qui la jaugeaient avec rigueur. Puis, la jugeant sans danger au vu du chapeau de la dame des ombres, les branches de l'arbres s'éloignèrent. Enfin, la base de l'arbre fut révélée aux yeux de la Turner. Un tronc gigantesque se torsadait d'une étrange façon sous ce manteau de fils, laissant une sorte de fente en son centre. Olivia s'approcha du passage et constata que ce dernier semblait descendre dans une obscurité qui contrastait furieusement avec la lumière qui régnait en ces lieux. Devait-elle vraiment emprunter ce passage qui s'enfonçait dès les sombres entrailles de ce monde ? l'aura glaciale qui s'en dégageait lui hurlait de faire demi-tour. Alors qu'elle hésitait, quelque chose qu'elle n'avait pas venu venir se produisit.

« -Olivia ? »

La concernée sentit une douce chaleur étreindre son cœur à l'entente de cette voix. Aussi Grave et lente que dans ses souvenirs. Comme un doux murmure, cette douce raisonna à nouveau aux creux de son oreille. Un frison la parcourut.

« -Viens, je t'attends, juste ici. Ou est-tu ?

-Ha...Hayden ? »

Elle lança un dernier coup d'œil derrière elle et s'aperçut que les branches de l'arbre avaient déjà refermé le passage. La seule issue qui lui restait se trouvait juste devant ses yeux. Mettant de côté ses aprioris, la jolie blonde s'engagea dans le passage.

« -ça va le faire, murmura la garde du corps pour se donner du courage tout en retirant le chapeau pour l'attacher à son cou. »

A mesure qu'elle descendait le long couloir, Liv laissa ses pensées vagabonder. Elle prenait gentiment conscience qu'elle touchait du bout des doigts son objectif. Elle ne voulait pas crier victoire trop vite, mais une part d'elle se trouvait déjà dans cet état d'esprit. Mais au lieu de se préoccuper de la façon dont elle allait retrouver Nox, l'esprit de la jeune femme appréhendait tout autre chose...

Jamais elle n'aurait imaginé que la mort d'Hayden Swan la toucherait autant. Je t'aime Olivia, merci. Ces derniers mots qu'il avait prononcé avant que la vie ne le quitte tournaient encore dans son esprit. Ces mots auxquels il n'avait jamais eu la chance d'avoir une réponse en retour. Au bord de la mort, son dernier souci avait été de lui ouvrir son cœur. Il aurait pu s'inquiéter de la douleur ou de la mort. Il aurait pu s'inquiéter de ce qui adviendrait de Nox, ses amis, du royaume, de la guerre. Mais non. Hayden avait dédié ses derniers mots à son amour. Son amour pour elle. Quand elle repensait à leur parcours, Liv se demandait toujours à quel moment était-elle tombé amoureuse de lui. A quel instant son caractère froid et antipathique avait eu raison d'elle ? à quel instant s'était-elle rendu compte qu'ils se ressemblaient bien plus qu'elle ne voulait l'accepter ? l'Olivia du passé n'aurait jamais eu la force d'accomplir ne serait-ce qu'un quart de tout cela. Était-ce parce que leur amour n'avait pas eu le temps de croitre qu'elle disposait aujourd'hui d'une deuxième chance ? ou alors, était-ce parce qu'il était si fort qu'il lui donnait encore la force et l'espoir de se battre pour lui ? Au final, elle non plus n'avait pas obtenu de réponses.

« -Qui va là, tonna soudain une voix rauque. »

La blonde faillit hurler de peur. Une effrayante créature se tenait devant-elle, d'apparence aussi laide que dangereuse. La jeune femme n'osait détourner les yeux sur autre chose que cette tête hideuse qui la fixait. La créature semblait très peu ravie de la voir, et elle se mis à tourner autour de l'intruse, l'entourant sans la toucher de son corps de reptile froid et écailleux. Il voulait l'effrayer, et malgré le dégout que le monstre lui procurait, Olivia se força à reprendre contenance.

« -Les esprits n'ont rien à faire ici, retourne d'où tu viens.

-Je ne suis pas un esprit, se défendit le maître de l'eau. Je suis une humaine.

-Une humaine dis-tu ? ricana le monstre en penchant sa tête sur le côté. Ces stupides créatures marquées par l'égoïsme et l'avarice ne peuvent pas atteindre ce monde avec le poids de leurs vils défauts en eux. »

Olivia resta bouche bée quelques instants, ne sachant quoi dire. Sa main se posa sur sa ceinture, frôlant la fiole contenant son ombre. Liv sentit son cœur s'emballer quand elle comprit enfin : ce n'était pas l'ombre de son corps à proprement parlé qui se trouvait dans cette fiole, mais celle de son âme. L'ombre était une métaphore pour cette partie « sombre » qui les constituaient, ce qui en faisait des humains.

« -Aucun esprit n'a le droit de venir ici, répéta le monstre froidement. Alors va-t'en avant que je ne change d'avis sur ton compte.

-Non, je n'irais nulle part. »

Sans crier care, une langue rêche et fourchue sortit de l'horrible bouche du monstre et, en un éclair, lécha la joue la blonde qui dut se faire violence pour ne pas crier. La créature s'éloigna doucement, la surprise marquant ses traits durs.

« -Tu ne mentais donc pas, petite humaine. Mais cela une change rien. Il est temps pour toi de revenir d'où tu viens. »

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