|| Chapitre 8 ||

May papillonna des yeux. Des images de sa fuite, de la confirmation de la vision et de sa discussion avec sa Reine lui revinrent en mémoire. Le maître de la terre sursauta brusquement et se positionna prête à se défendre. Elle sentit qu'il lui manquait le poids du rubix contre sa hanche.Elle reconnut bien vite la calèche dans laquelle elle s'était abritée avec Leila...d'ailleurs où était-elle?

À pas de loup, May entrouvrit la porte priant pour que celle-ci ne grince pas. La lumière du jour pénétra violemment dans son abri ce qui lui fit plisser les yeux. Elle pencha légèrement sa tête du côté gauche guettant un potentiel danger.

«- Tu t'es enfin réveillée !»

May tourna la tête et découvrit le maître du feu assise à côté d'un petit feu de bois qu'elle l'aimantait régulièrement pour qu'il ne meure pas.

May sortit de la calèche et y vit deux magnifiques chevaux attelés. Elle reconnut sans peine son cheval qui lui avait été enlevé lors de sa capture. Puis son regard se perdit dans un décor inconnu, bien loin du port où elle avait perdu connaissance.

Elle se trouvait dans une petite clairière entourée de hauts chênes plus majestueux les uns des autres. Malgré leur grandeur, les rayons du soleil filtraient librement entre leurs feuillages. L'herbe légèrement jaunie par le début de l'automne était haute et seule les traces de la calèche la mettaient en désordre. Au loin, on entendait vaguement un chant d'oiseaux timide, sans doute le dernier avant que les feuillues automnales ne tombent.

«-Où sommes-nous ? Demanda May ayant fini son inspection.

-Tu t'es évanouie peu de temps après ta vision. J'ai profité de ce moment de confusion pour dérober deux chevaux, le tien et le mien. Ensuite j'ai prétendu être envoyée par Auxor pour chercher des prisonniers. Après quelques menaces ils m'ont laissée passer.»

May fronça les sourcils au fil de son récit. Même si elle avait une confiance quasi aveugle en cette femme si douce, quelque chose clochait à son goût. Elle était plus qu'étonnée de voir tout les risques que courrait son ex-ennemie.

Étonnée qu'elle accepte si bien l'idée d'être une traîtresse chez les maîtres du feu et une ennemie dans la lutte camp. Bien évidemment May avait l'intention de faire changer cela, Leila avait un bon fond.

«-Tu sais que tu crées beaucoup de risques en trahissant Auxor?

-J'en suis consciente, répliqua Leila. Je le fais pour Hayden.

-Hayden?

-Mon fils»

L'attention de May fut attirée par le petit garçon qui gazouillait joyeusement un peu plus loin. Attendrie, elle s'en approcha et commença à jouer avec tout en continuant son petit interrogatoire.

«-Hayden...ça sonne bien. Pourquoi n'est-il pas un maître du feu?

-Son père ne l'était pas, répondit Leila moins sûre d'elle dont le regard devint humide. Mais il aurait quand même dû en être un, cela ne se choisit pas.

-Qui est son père?

-Je suis désolée, je ne veux pas en parler...»
May se tut, comprenant qu'elle s'avançait dans une zone dangereuse. Elle en conclut qu'il serait plus sage d'interrompre la conversation ici.

«-Où sommes-nous? Demanda-t-elle finalement.

-A quelques kilomètres du port, mais j'ai perdu la carte.

-Mais nooon il y en a une juste ici, regarde!»

May se releva avec un regard mystérieux et s'en alla auprès d'un grand chêne. Elle posa sa paume sur l'écorce rugueuse et ferma les yeux. Quelques instants plus tard, une lueur verte irradiait de sa main. Son esprit entra en contact avec l'âme du chêne.

D'après les légendes des maîtres de la terre, c'était l'esprit de la forêt qui était la source de cette maîtrise. May réussit à déchiffrer les signaux que le chêne lui envoyait pour retrouver son chemin. La chaleur dans sa peau me se dissipa et elle ouvrit à nouveau ses yeux. La noiraude remercia silencieusement son ami et se retourna tout sourire vers le maître du feu bouche bée.

«-Tu n'as pas fini de m'entonner May.

-Tu t'y habitueras, mais je vais te dire quelque chose: je suis l'une des plus douées, presque autant que les sentinelles! »

Leila cligna des yeux plus éclata de rire devant l'air faussement hautain de la prophétesse.

«-Tu verras, répéta May essayant de calmer son fou rire. Tu auras tout le temps de t'habituer »

Le rire de Leila se brisa légèrement.
Était-ce une façon de dire qu'elle pourrait rester à Nyxis ? Au début, Leila voulait y laisser son fils dépourvu du lourd fardeau qu'est la maîtrise du feu. Tout ce qu'elle souhaitait était le bien de son fils. Son débat intérieur s'arrêta quand Hayden se mit à pleurer.

«-On devrait reprendre la route, constata l'archer. Il n'y a rien à manger ici et les gardes ou même les Noctis doivent être à nos trousses.

-Ton Rubix est là-bas, indiqua Leila»

May tourna la tête vers son arc et devina tout de suite que son Rubix devait préparer des piques acides: Tris allait lui faire passer un mauvais quart-heure. Pourquoi? Eh ben....

«-MAY, hurla Tris. ÇA FAIT AU MOINS QUATRE MINUTES ET CINQUANTE-SEPT SECONDES....

-Que tu m'as laissé ici comme une gardienne indigne d'un Rubix si puissant, compléta May d'une voix lasse connaissant déjà le refrain. »

Tris plissa son unique oeil furieuse. Elle ne répondit plus se promettant de faire regretter ses paroles impertinentes.

May savait qu'en tant que gardienne, cela ne devrait pas se produire. Mais en même temps, cela la touchait que Tris réagisse comme ça. La plupart des Rubix étaient turbulents et rêvaient de ce genre de situation pour s'échapper de leurs prisons en fusionnant avec le premier venu et semer le chaos. Une simple araignée pouvait faire office de salut pour s'évader de l'enveloppe qui l'emprisonnait. Cela ne demandait pas beaucoup d'efforts pour forcer un être si insignifiant de fusionner!

«-Nous devons nous débarrasser de cette calèche, avertit la gardienne. Les chevaux ne pourront plus la tirer par fatigue et la route est longue.

-Laisse, c'est pour moi!»

D'un mouvement un peu brusque le maître du feu enflamma le transport. De grandes nappes de fumée s'échappaient des flammes faisant crépiter le bois sombre.

May enfourcha sa monture suivie de près de Leila.

«-Qu'attendons-nous? Allons-y»

***

«-Lord, la prophétesse s'est échappée à l'aide d'un traitre dans nos rangs.»

Un éclair lumineux passa à la vitesse de la lumière et percuta le garde qui fut propulsé contre le mur de brique noire. A Noctaria Auxor, qui venait d'apprendre l'évasion de May, était entré dans une colère noire.
Il ne pouvait plus attendre et devait trouver l'enfant bleu.

Quand il avait ordonné à ses créatures favorites, qui n'étaient rien d'autre que les Noctis, d'attaquer Artesia. Il pensait avoir cordonné le meurtre de leur dirigeant le roi Gleen en même temps que le siège d'Artesia. Les espions qui avaient infiltré le château d'Artesia lui avaient annoncé, trop tard, que le Roi était parti au dernier moment pour le conseil de Célestia. L'attaque ne pouvait être repoussée et c'est ainsi que les Noctis prirent d'assaut Artesia, la ville marchande.

Mais au fond, Auxor était plus que déçu de n'avoir tué Gleen. Cela aurait fait un Roi en moins sur son chemin vers le pouvoir. Il avait néanmoins ordonné d'enfermer tous les villageois de Gleen, tuant ceux qui s'y opposaient fermement. Auxor voulait aussi se venger des villageois rebels. Il décida donc de leur faire construire, sur une île loin de toute civilisation, une prison. leur prison. N'est-ce pas diabolique ?

«-Que faites vous encore ici? Beugla Auxor. Retrouvez là ! Elle se dirige sans doute vers Nyxis, allez-y!

-Maître, parla un garde d'une voix assurée, des Noctis sont sur leurs tranches à l'heure où nous parlons.

-Bien, et qu'en est-il de l'enfant?

-Nous ne savons rien, aucun maître de l'eau n'a été trouvé et..

-LA LUNE,  s'écria une voix coupant le garde»

Les yeux sombres du Lord dérivèrent sur une pleine lune qui le narguait dans le ciel,  aussi bleu que la pierre de lune à laquelle il avait dérobé toute la magie il y a quelques années.

Malgré la pluie qui marquait la vitre, la lune était parfaitement visible. Le bleu inhabituel n'était rien d'autre que la confirmation que l'esprit de l'eau avait touché un enfant cette nuit-là; le maître de l'eau le plus puissant de tous les temps était de ce monde et Auxor était décidé à le lui faire regretter.

Rien ni personne ne lui arrachera son pouvoir, il se le promit.

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