27. Promesse tenue

          

Je me réveille dans une pièce étrange. Je sens une présence, pourtant il n'y a personne. Je regarde autour de moi. Esteban n'est pas là. Le lit n'est plus le même et les couvertures sont élimés et rappeuses. Les murs sont gris et fissurés. Tout à coup je percute et je me redresse dans un bond. Je suis dans la cellule de Clark. Une peur glaçante s'empare de mon corps et je suis terrifiée.

Je n'arrive pas à me relever. Mes poignets et mes chevilles sont emprisonnés dans des lanières accrochées au lit.

-Au secours! Hurlé-je à plein poumons. Esteban!

-Esteban, vraiment? Me répond une voix. Tu crois qu'il va venir te sauver?

Je suffoque en entendant cette voix. C'est impossible.

Je me tourne et tombe face à Tom. Non. C'est impossible.

-Qu'est-ce-que... Que... Tu...

-Ouais je sais. Je suis censé être mort.

Je le détaille. Ses yeux verts ne sont plus rieurs. Il paraît froid, distant. Ce n'est pas celui que j'ai connu.

Il s'avance vers moi et j'ai un mouvement de recul. Il vérifie que mes lanières ne sont pas défaites.

-Harry ne va pas tarder.

Un frisson dévale dans mon dos.

-Quoi?

-Ne t'inquiète pas. Tu auras une mort rapide. Propre. J'ai insisté pour que tu souffres le moins possible.

Je suis incapable de former la moindre pensée cohérente. Je ne comprends rien. Je sais juste que je suis terrifiée au point d'être à deux doigts de hurler et de pleurer.

-Je... Je ne... comprends pas.

Tom pose sa main sur ma joue.

-De quoi Abby? Je t'avais prévenu. Esteban ne t'as jamais mérité. Tu ne récoltes que ce que tu as semé.

-Je...

Mais tout à coup, Tom plaque un couteau sous ma gorge. Je sens le froid de la lame sur ma peau.

-Je suis mort pour toi. Et tu n'as même pas la décence de penser à moi.

-Je pense tout le temps à toi, bredouillé-je.

-Tu mens. Tu ne penses qu'à Esteban.

Il appuie le couteau et la lame entame ma peau, déclenchant une vive douleur. Je me mets à crier. La lame appuie plus fort et je me débats en criant plus fort. Non, non, non... Pas comme ça... Pas...

-Abby!

Je me redresse d'un bond dans un sursaut et ouvre des yeux paniqués. Mon cœur menace de sortir de ma poitrine et je n'arrive plus à respirer. Je pose les mains sur ma gorge en suffoquant. Je ne sens rien. Je retire mes mains pour les regarder: je ne saigne pas.

Ce n'était pas réel. Je ferme les yeux en me le répétant: ce n'était pas réel. Un soulagement m'emplit mais ne parvient pas à me calmer. J'essaie de prendre une inspiration sans succès.

Quand je distingue le visage d'Esteban, je me jette dans ses bras en sanglotant.

-Tu es là... Tu... bredouillé-je en me cramponnant à lui.

Je manque d'air. Le couteau est toujours posé sur ma peau et me coupe la respiration. Sans lâcher les épaules d'Esteban, je me force à respirer lentement, jusqu'à ce que la sensation cesse. Je frissonne malgré le fait que je sois en nage.

Ses mains me caressent le dos mais je sens qu'elles tremblent.

Je ferme les yeux. J'ai dû lui faire peur. J'espère que je n'ai pas crié dans mon sommeil.

-Tout va bien. Chuchote-t-il en décrivant des ronds dans mon dos avec le plat de sa main.

Il me lâche seulement quand je ne pleure plus. Je m'essuie les yeux et recule pour voir les traits de son visage dans le noir.

-Ça va. C'était juste... un cauchemar.

-Qu'est-ce-que c'était? Tu... Tu te débattais et tu pleurais. Je n'arrivais pas à te sortir de ce rêve.

Je frissonne à nouveau.

-Tom. Il n'était pas normal. En fait, il était comme Harry.

Je me recouche mais les battements désordonnés de mon cœur m'incite à la panique. Je me remets à trembler.

-C'était... ça paraissait tellement réel. C'était horrible.

Esteban m'attire contre lui.

-Respire. Tout va bien. Il n'y a que moi ici.

Je hoche la tête en posant les mains sur ses épaules. Je ne veux surtout pas perdre le contact de sa peau.

-Essaie de te rendormir. Murmure-t-il. Il ne nous reste plus beaucoup de temps.

Je passe le reste de la nuit à somnoler, craignant que les fantômes reviennent dans mes rêves. Au petit matin, deux coups frappés doucement à la porte me font me redresser vivement. Je me tourne vers Esteban. Entortillé dans les draps, il dort encore. Il paraît si paisible ainsi et est si beau. N'ayant pas le courage de le réveiller tout de suite, je m'extirpe de ses bras, me lève et vais ouvrir. C'est Sean.

-Salut, chuchote-t-il. Vous êtes prêts?

-On arrive.

Après avoir réveillé Esteban et s'être habillé en quelques secondes, nous rejoignons tout le monde dans le salon. Chaque membre de la famille d'Esteban porte un gros sac à dos dans lequel ils ont dû mettre leurs affaires personnelles les plus précieuses.

-Bon. Tout le monde est prêt? Demande Sean.

Tout le monde acquiesce mais c'est la petite Ana qui s'avance vers lui et lui prends la main pour déclarer:

-Je suis prête.

Alors que tout le monde commence à passer pas de la porte, je rejoins Sean et Esteban qui sont restés un peu en arrière.

-Je dois aller voir quelqu'un. Je peux vous rejoindre quelque part?

Je tente d'éviter le regard d'Esteban. Celui de Sean est stupéfait. Il n'a pas le temps de répondre car Esteban m'attrape le bras et me force à le regarder.

-De qui tu parles?

Je baisse les yeux.

-La mère de Luna.

Il ne dit rien pendant quelques secondes mais je sens toute la contrariété qui s'émane de son corps.

-Tu... Ok, soupire-t-il. Je viens avec toi.

-Non! Tu ne peux pas. Elle me l'a demandé à moi.

-Et moi, je me fous royalement de ce qu'elle a demandé. Je viens avec toi.

-Esteban, s'il-te-plaît. Je ne suis pas une petite chose fragile. Je suis capable d'aller voir sa mère comme une grande.

Il fronce les sourcils. Ses yeux noirs sont en colère.

-Tu ne connais pas sa mère. Elle est cinglée. Elle est totalement incontrôlable.

-Je sais... ce qu'elle est.

Je repense à la courte période que j'ai passé chez Luna. À sa haine pour sa mère. Aux bruits que j'entendais. Il secoue la tête.

-Tu ne sais rien du tout. Elle n'est pas seulement une prostituée. Cette femme est une sorcière. Elle ferait n'importe quoi pour quelques pièces. Je... Bon sang Abby! Je viens avec toi. Ce n'est pas une proposition.

Plus que ma fierté, c'est ma confiance en moi qui est blessée. J'ai surmonté bien pire que ça. Pourquoi ne me fait-il pas confiance?

-Et moi, je ne veux pas de toi. Je te dis non.

-Abby...

-Allez, ça suffit, interviens Sean.

Il dit quelque chose à l'oreille d'Esteban et celui-ci ne répond rien. Il est si tendu que j'ai l'impression qu'il va exploser. Il ne me regarde même plus. Sean me tend un pistolet.

-Vas-y mais sois prudente. Et dépêche-toi.

Je le remercie du regard et m'empresse de cacher l'arme dans mon jean. Juste avant que je ne file, Sean m'attrape le bras.

-Rejoins-nous au port. Tu n'as qu'une heure. Si tu n'es pas là, nous partirons sans toi. Il est hors-de-question que je mette en danger la vie de sept personnes pour la mère de Luna.

J'acquiesce et pars en courant. 


Je retrouve sans problème la maison de Luna. Absolument rien n'a changé. La petite lanterne rouge est toujours là, sur la porte. Je retiens un soupir de soulagement quand je constate qu'elle est éteinte. Je m'approche de l'entrée et tape à la porte. Pendant de longues secondes, aucun bruit ne me parvient. Après tout, il n'est que cinq heures du matin. Elle dort probablement. Puis une voix traînante me crie:

-J'arrive!

Je grimace. J'aimerais mieux ne pas me faire remarquer. La porte s'ouvre devant une femme d'une trentaine d'année. Ses cheveux noirs comme l'ébène sont tout ébouriffés. Elle est grande, mince et belle mais son visage est bien trop ridé pour son âge. On dirait qu'elle a vécu des centaines de vies. Elle ne porte qu'une immense chemise déboutonnée jusqu'à son nombril. Je me force à la regarder dans les yeux.

-Qui es-tu? Me demande-t-elle d'une voix grave.

-Je... je suis une amie de votre fille.

Elle me dévisage un long instant et j'ai l'impression qu'elle va me claquer la porte au nez. Mais elle s'écarte et me propose:

-Entre.

Je la suis dans le salon vieillot et aux murs jaunâtre. C'est pire depuis la dernière fois où j'y suis allée. Je suppose que Luna rangeait derrière sa mère. Des bouteilles d'alcool et des vieux mégots jonchent le sol de la maison. La lumière qui diffuse l'ampoule qui éclaire la pièce tressaute et en levant les yeux, je remarque que le verre est fendu. Un parfum capiteux et sensuel emplit l'air. Toute la maison respire la débauche.

Elle m'emmène dans la cuisine et tire une chaise pour s'asseoir. Elle s'allume une cigarette puis commence à mettre en marche une vieille cafetière.

-Tu veux un café?

-Euh, non merci.

Elle se sert une immense tasse tout en fumant.

-Qu'est-ce-que tu es venue me dire?

-Luna m'a demandé de vous dire qu'elle allait bien.

Ses grands yeux me fixent sans afficher la moindre émotion. Elle me fiche la chair de poule.

-Pourquoi n'est-elle pas venue me le dire elle-même?

Je déglutis difficilement.

-Elle... est très loin maintenant. À des kilomètres d'ici.

-Vraiment? Demande-elle en déposant les cendres de sa cigarette à même la table. Elle est sur Newearth?

-Non. Plus loin.

Son regard est curieux mais elle ne dit rien. Après quelques secondes, elle pousse un long soupir.

-Cette gamine ne m'aura causé que des ennuis.

Je ne réponds pas. J'ai l'impression d'entendre Ben. À en croire ces adultes soi-disant responsables, nous sommes la cause de tous leurs malheurs. Eux on fait tout ce qu'ils pouvaient. Quelle blague!

-Tu sais, continue-t-elle, j'ai eu Luna à 15 ans.

Devant mon air abasourdi, elle rit.

-Je sais, c'est jeune. Je n'ai toujours aucune idée de qui est son père... Je ne savais absolument pas quoi faire de ce petit bébé qui pleurait tout le temps. Je la détestais! Et puis j'ai essayé d'en faire une bonne personne. J'ai essayé qu'elle devienne meilleure que moi.

Elle boit une gorgée de son café et je remarque toutes les cicatrices à l'intérieur de ses poignets. Plus que le dégoût, j'éprouve de la pitié pour cette femme. La vie ne l'a pas épargnée.

-Tu dois me trouver répugnante, reprend-t-elle. Comment tu t'appelles au fait?

-Abby.

-Et bien, Abby, je te jure que j'ai tout fait pour que Luna soit heureuse. Mais ces hommes étaient toujours derrière moi. Ils le sont encore. Ils tirent les ficelles et ne me laisse pas une seconde de répit... Ils me dévorent... Ils me...

Ses yeux s'écarquillent et sa poitrine se soulève de façon désordonnée. Je tremble de tous mes membres. Que vient-il de se passer? Cette femme est folle, Esteban avait raison. Et moi, je ne l'ai pas écouté.

-Je... Je crois que je devrais y aller.

Elle m'intime d'un geste de me rasseoir. Devant son regard noir, j'obéis. Un pas lourd se fait entendre. Un homme grassouillet entre dans la cuisine. Il ne me remarque même pas et attrape la mère de Luna qu'il embrasse goulûment. Je détourne le regard, écœurée.

-Déjà levée? Tu es bien matinale... susurre-t-il.

Puis il semble me remarquer et me détaille d'une façon lubrique que je hais. Je me recroqueville sur moi-même.

-Qui c'est?

-Elle s'appelle Abby, répond la mère de Luna en tirant à nouveau sur sa clope.

-Mmh, marmonne le gars.

-Au fait Abby, est-ce-que ma fille est toujours avec ce beau jeune homme? Esteban?

-Non, dis-je sèchement en baissant les yeux.

-Dommage. C'est un bon garçon, tu sais? Il est vraiment bien. J'ai essayé de coucher avec lui mais il n'a pas voulu.

Cette fois-ci, je me lève en serrant les poings.

-Je vais vraiment y aller.

-Restes-ici.

Sa voix est dure et sans appel. Mais je ne me laisse pas avoir. Je tourne les talons. J'ai déjà passé bien trop de temps ici.

-Steven, rattrapes là, ordonne-t-elle.

Les grosses mains velues de l'homme grassouillet se posent sur mes épaules et je frémis d'horreur.

-Lâchez-moi.

La femme rit mais ce n'est plus le même rire. À présent, elle paraît complètement démente.

-Tu crois que je suis stupide, petite Abby? Tu es recherchée par tout le pays. Je ne raterai jamais une occasion pareille. Steven, enfermes-là quelque part, j'appelle les flics.

Le dit-Steven me sourit de toutes ses dents jaunes.

-Bien-sûr qu'on va t'enfermer.

Je n'hésite pas une seconde de plus. Je me débats et sors le pistolet que m'a donné Sean.

Et je tire.






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10 000 pardons pour cette absence... je suis vraiment sincère, je suis tellement désolée ! 😔😔

J'ai eu plein de choses ces derniers temps : des concours pour mes études , un énorme stress, plus d'inspiration puis un téléphone cassé et des vacances a l'étranger (plus de moyens d'aller sur Wattpad).
Je suis vraiment vraiment désolée et j'espère que malgré tout ça vous voulez quand même bien continuer à lire mon histoire ... je la finirais promis. Mais j'ai besoin de temps. En attendant voici la suite.
Je n'ai pas oublié Wattpad, promis. Je suis de retour ❤️

Encore désolée...

Séléna.

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