25. La rumeur


Tout est exactement comme la première fois. Les gens qui rient. Les enfants qui jouent. L'odeur du pain qui vient de sortir du four et les marchands qui crient leurs prix dans les ruelles.

Shana observe tout, les yeux écarquillés. Je me rapproche d'Esteban qui glisse un bras autour de mes épaules. Il a l'air encore plus stressé que moi.

-OK, bon. Dit Sean en nous attirant tous les trois dans un recoin. On ne va pas tout de suite chez nous. D'abord on repend des rumeurs. On parle, on joue. On s'occupe de ce quartier mais on s'arrête bien avant d'arriver à la Tour. C'est trop dangereux. Dans une heure, on se retrouve ici. Ça marche?

Nous hochons la tête.

-Shana vient avec moi. Elle ne connait rien. Les amoureux, vous restez ensemble. C'est partit. N'oubliez pas, on est discrets et sur nos gardes. Vérifiez constamment vos arrières.

Je lui souris.

-Tu ferais un bon leader, dis-moi.

Il m'adresse un clin d'œil.

-J'ai plein de talents cachés.

-Sean. Intervient Esteban avec un ton de mise en garde.

-Roh, ça va! On ne peut plus rigoler?

Esteban secoue la tête en souriant.

-Allez, on y va. Lance-t-il en m'éloignant de son ami.

Il nous éloigne des rues bondées de monde pour d'autres, un peu plus calme. Je l'arrête, une minute.

-On doit faire quoi exactement?

-Je pensais à rentrer dans un commerce et arriver à sympathiser avec les commerçants. M'explique-t-il.

-J'ai peut-être une idée. Si tu faisais comme si tu cherchais à acheter quelque chose dans le magasin et moi aussi, mais quelque chose autour du comptoir. Et là, j'essaie de parler avec le vendeur et je tente de lancer le sujet de conversation.

Esteban acquiesce.

-Super. Et après, je passe à la caisse et je paie tout en rajoutant une petite couche.

Il lève sa main et je tape dedans en souriant.

-Regarde l'épicerie là-bas. Ça te dit? Me demande-t-il.

Il me montre un petit commerce au coin d'une ruelle déserte. Il a l'air d'être vide et poussiéreux.

Je hoche la tête. Il faut bien se lancer.

Nous entrons dans la boutique, main dans la main. Mon cœur bat légèrement plus vite que la normale.

Un carillon sonne au moment où je pousse la porte et une femme aux cheveux grisonnants sort de derrière son comptoir.

-Bonjour! S'exclame Esteban.

-Bonjour. Marmonne-t-elle, sans nous lâcher du regard, un peu perdue face à tant d'enthousiasme.

-Je vais chercher l'eau. Choisis un truc qui te plaît. Dit-il avant de m'embrasser rapidement.

Je lui souris, moi aussi un peu chamboulée face à cet enthousiasme que je n'ai pas l'habitude de voir chez lui. Il joue vraiment mieux que moi la comédie.

Soudain, il m'attrape par la taille et me murmure quelque chose à l'oreille qui me fait rougir jusqu'au blanc des yeux. Je le fixe du regard, rendue muette et il part dans les rayons en riant doucement, après m'avoir fait un clin d'œil.

Je reste quelques secondes plantée là, avant de me retourner vers la vendeuse qui me regarde d'un air complice.

J'évite son regard, carrément mal à l'aise, et là ce n'est plus du cinéma. Je me tourne vers les bijoux, mimant m'y intéresser en espérant que la teinte de mes joues va s'atténuer.

Puis, je me rappelle de notre mission. Je ne dois pas me déconcentrer. Je relève la tête et repère une ribambelle de porte-clefs juste à côté de la caisse. Je m'y rends et feins d'en choisir un. Je suis à présent seulement séparée de la commerçante par son comptoir.

Celle-ci pose ses coudes dessus pour se pencher vers moi.

-Alors, ça fait longtemps que vous êtes ensemble?

Je relève la tête et souris d'un air un peu niais. Ou en tout cas, que j'espère ainsi.

-Officiellement, ça fait presque un mois. Mais ça a commencé bien avant.

Elle hoche la tête d'un ton un peu rêveur.

-Vous respirez l'amour. Et vous avez bien raison. Ah, ça me rappelle ma jeunesse... Elle est bien loin, maintenant. Ajoute-t-elle avec un petit rire.

Je lui souris en retour et cette fois, ce n'est pas feint. Sa gentillesse me met du baume au cœur.

-Mais non. Vous n'êtes pas vieille!

-Oh ma puce, le monde d'aujourd'hui nous fait vieillir beaucoup plus vite.

Elle me tend une perche que je suis obligée de saisir. La voilà mon occasion et en plus, servie sur un plateau d'argent.

J'hésite un instant et me lance:

-Vous avez entendu les rumeurs?

Elle fronce ses sourcils.

-Quelles rumeurs?

-Sur la rébellion. Apparemment, ça gronde en secret. Autant ici que sur Newearth. Les gens en ont marre et veulent tout renverser.

La femme écarquille les yeux devant mes propos. J'ai toute son attention.

-Es-tu sûre de ce que tu avances ma petite?

- En tout cas, je n'arrête pas d'en entendre parler. Il paraît que certaines personnes ici communiquent avec Newearth et qu'ils veulent se liguer ensemble contre les deux gouvernements.

Elle hésite un instant avant de lâcher:

-C'est une bonne idée.

Je l'encourage du regard.

-Je ne connais pas Newearth mais je sais que les gens vivent des choses abominables là-bas. Continue-t-elle. Ici, c'est censé être la démocratie. Mais c'est faux. William Clark n'est pas non plus un bon dirigeant.

-Je suis d'accord avec vous. Personne n'en parle, mais tout le monde a entendu parler des tortures. Et c'est sans parler de ce qui se passe dans les quartiers pauvres.

-Abby?

Esteban surgit derrière moi et pose quelques bricoles sur le comptoir.

-Tu as choisi un porte clef?

Puis, faisant semblant de se rendre compte qu'il a coupé une conversation, il ajoute:

-Pardon. J'ai interrompu quelque chose.

Je hausse les épaules.

-Je parlais de ces rumeurs. Expliqué-je.

Esteban acquiesce.

-Des rumeurs qui sont sur le point de se réaliser. Dit-il.

La femme paraît mal à l'aise en encaissant nos articles.

-Dois-je garder cela pour moi?

Esteban lui sourit.

-Non. Si le monde est sur le point de changer, il vaut mieux que les gens le sachent.

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