18. Les révolutionnaires
L'aveu de Luna a jeté un froid entre Esteban et moi et même si je fais tout pour le cacher, je sais qu'il s'en aperçoit. Nous sommes assis main dans la main, dans une sorte de salle d'attente, attendant que Michael sorte de sa réunion pour lui parler.
-Est-ce-que tout va bien? Me demande-t-il.
-Oui, bien-sûr. Je suis juste un peu fatiguée en ce moment. Dis-je sans le regarder.
Esteban lâche ma main et me force à le regarder en me relevant le menton. Il paraît inquiet.
-Tu es sûre? Ce n'est pas... par rapport à l'autre soir...? Tu regrettes ?
-Non! Bien-sûr que non! Je ne regrette rien du tout Esteban.
Il m'adresse un petit sourire rassuré. Il tend la main pour la poser sur ma joue et la caresse du bout des doigts. J'ai soudainement du mal à respirer.
-Tant mieux.
-Abby? Esteban?
Nous relevons la tête. Michael se tient devant nous, les mains dans les poches.
-Mon assistante vient de m'annoncer votre présence. Désolé de vous avoir fait attendre. J'avais une réunion.
Je me lève, suivie d'Esteban.
-Pas de souci. Merci de bien vouloir nous écouter.
-Je t'écouterai toujours Abby. Venez, allons dans mon bureau.
Nous le suivons et une fois installée, Michael m'observe d'un air curieux.
-Je suis sûre que tu as une idée du tonnerre. Je me trompe?
Je souris franchement.
-Ce n'est pas la mienne. C'est celle de Samuel et de Sean.
-Les grands esprits se rencontrent! S'exclame-t-il en souriant. Je t'écoute.
-On en a reparlé tous ensemble ce matin en essayant de tout mettre à plat et voilà ce qu'on a trouvé: Il faut faire une révolution mais quelque chose d'organisée. Pas une révolution comme il y en a eu par le passé, avant du sang et les têtes des dirigeants coupées. On pensait faire une sorte de propagande. Quelque chose qui pousserait le peuple à se rebeller.
-Et mettre en tête le visage d'Abby. Ajoute Esteban. Qu'elle soit le visage de la révolution.
-Voilà. Et le peuple se chargera seul de Clarks et de Robert. Mais avant que qui que ce soit prenne la tête du pouvoir, je serais là. Nous serons tous là. Comme j'incarnerai cette révolution, les gens me feront confiance. Mais je ne gouvernerai pas. Je ferais faire un vote. Qu'en pensez-vous?
Michael se frotte le menton d'un air penseur.
-Tout peut dégénérer et ne pas se passer comme prévu, j'espère que tu en as conscience.
Je hoche la tête.
-C'est pour ça qu'il faut être prêt à n'importe quelle situation. Il nous faut de entraînement et un peu de temps. Dis-je.
-Je ne pense pas que mettre ton visage en tête d'affiche est une bonne idée. Dit Michael au bout de quelques secondes de réflexion.
-Comment pourrait-on leur demander de nous faire confiance alors? Demandé-je.
-Il faut un mystère. Tu peux être à la tête de la révolution sans montrer ton visage. C'est trop dangereux pour toi. Mais on peut propager des rumeurs, ton nom, d'où tu viens. On peut distribuer des tracts secrets, faire en sorte que tu sois une ombre au-dessus de cette révolution. Mais sans jamais clamer haut et fort ton nom, ni divulguer ton visage.
-C'est une très bonne idée. Approuve Esteban à mes côtés.
-Vous allez donc aller sur les îles faire cette publicité? Nous demande Michael.
Je hoche la tête et explique:
-On voudrait aller chercher quelques personnes là-bas et les ramener ici. Derrière nous, on peut laisser ces informations. Une fois nos proches en sécurité ici, on y retourne. Et on met ce plan à exécution.
Il acquiesce et son petit sourire me fait penser que notre lui idée lui plait.
-Vous êtes avec nous?
-Absolument. Vous avez mon entier soutien. Il est temps que ça change.
Esteban me jette un regard et me sourit. Je le lui rends quand il nous interrompe de nouveau.
-Mais vous ne partirez pas d'ici sans entraînements. Et il vous faut des armes. Je vais demander à ce que les salles d'entraînements des gardiens des frontières vous soient prêtées. Peut-être que ma fille Shana peut vous superviser.
-Merci pour tout, Michael.
-Et appelez vos familles. Prévenez-les que vous arrivez bientôt. Revenez tous demain matin, j'ai ce qu'il faut pour les joindre.
Je regarde Esteban du coin de l'œil. Je sais qu'il rêve de pouvoir joindre sa famille depuis que nous sommes ici.
Il se lève, un large sourire sur le visage et tend une main à Michael qu'il s'empresse de serrer.
-Merci du fond du cœur. Nous vous devrons une faveur à vie.
Le président d'Everest balaie sa phrase d'un geste de la main.
-Allons. Vous ne me devez rien du tout. Quand vous aurez changé le monde, c'est moi qui vous remercierez.
C'est officiel: j'adore cet homme.
********
Le lendemain, je me retrouve campée devant une cible, un semi-automatique à la main. J'ai du mal à respirer. Cela fait bien trop longtemps que je n'ai pas tenu une arme dans mes mains. Je me souviens que j'adorais ça. J'adorais me sentir puissante et invincible. Je n'avais pas conscience des dégâts qu'une telle arme pouvait faire. Aujourd'hui, je suis bien plus prudente en la maniant.
Je soupire et me rappelle la position qu'on m'a apprise à l'armée. Je fixe la cible d'un air concentré. Mais quand je décide d'appuyer sur la gâchette, mon doigt ne m'obéis pas. Et je reste plantée là comme une débile sous le regard de mes amis.
J'entends Shana marmonner quelque chose avant de m'arracher le pistolet des mains.
-De toute évidence, tu ne sais pas t'en servir. Dit-elle hautainement.
-Je sais tirer.
-Ah oui? Et tu attendais quoi?
-Elle sait tirer. Renchérit Esteban.
Elle se tourne vers lui, attendant la suite.
-C'est vrai. Je l'ai vu de mes propres yeux. C'était la meilleure de son bateau. Elle passait toutes ses heures de libre à la salle de tir.
Shana me regarde à nouveau en fronçant les sourcils.
-Alors, pourquoi tu ne tires pas?
Je me mords la lèvre inférieure.
-Je ne sais pas.
Elle me rend l'arme.
-Ce n'est pas une raison. Recommences.
Je ravale ma frustration et me remet en position. Quand je lève les bras, je m'efforce de me rappeler comment je faisais sur le Triomphe. Je n'hésitais pas une seconde. Je tirais. 99% du temps, je touchais le cœur. À tel point que je faisais même des simulations où je devais tirer rapidement et plusieurs fois, sans réfléchir. Même à ce jeu-là, j'étais bonne. Qu'est-ce-qui m'arrives?
Je pose le doigt sur la gâchette et grimace. Allez, appuie. Mon cœur bat bien trop fort dans ma poitrine. J'inspire... et tire.
Quand je recule, la honte remplit mon corps. Je n'ai jamais tiré aussi mal. En fait, je n'ai même pas touché la cible.
Je retourne à ma place, sans oser croiser le regard des autres.
Je ne suis pas prête à entamer une révolution...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top