1. Dure réalité

J'ouvre les yeux et baille. Je grimace quand je me redresse. J'ai mal partout. 

En plus, je tangue.

Une soudaine nausée me fait réaliser que j'ai envie de vomir. Je regarde autour de moi et constate que je suis dans une pièce seulement faite de bois.

Le plafond est très bas, et le sol s'incline lentement d'un côté puis de l'autre. Où suis-je?

On dirait... La cale d'un bateau. Je suis couchée à même le plancher et porte toujours ma robe du gala déchirée et tâchée de sang. Une bandelette entoure mon poignet qui me lance plus fort que le reste de mon corps. Il doit être cassé.

Je sors du lit et réprime mes haut-le-cœur. Il faut que je prenne l'air. Je traverse la pièce d'un pas titubant et pousse la petite porte. 

L'air frais me frappe de plein fouet mais je ne me sens pas mieux pour autant. Je suis bien sur un petit bateau, plus précisément un voilier. Le cœur au bord des lèvres, je me précipite jusqu'à la rambarde pour vomir le faible contenu de mon estomac.

Je suis en train de reprendre ma respiration quand une main se pose dans mon dos.

-Hey.

Je me redresse et tombe face à Sean. Un pansement est posé sur son arcade et son bras est en écharpe.

-Salut. Dis-je d'une voix pâteuse.

-Bon, je suppose que c'est inutile de te demander si tu vas bien.

Je parviens à hocher la tête en m'accrochant à la rambarde. Sean s'accoude avec son bras valide. Je regarde derrière lui et constate avec soulagement que nous ne sommes pas en pleine mer. Nous sommes dans un port, pas le grand à l'entrée de Neworld, non. Celui-ci, je ne le connais pas, il est petit et la plupart des bateaux sont de simples bateaux de pêcheurs.

-Tu te souviens de ce qui s'est passé? Me demande Sean.

La soirée. Le collier. Harry et Clarks qui rentrent. La fuite. Tom. Un sanglot m'obstrue la gorge mais je parviens à hocher la tête.

-Bien. Nous sommes au Nord de Neworld. Demain matin, on prend la mer pour trouver cette fameuse île.

Je me frotte les yeux, tentant de me réveiller.

-Désolée. Je suis vraiment patraque.

-Tu as reçu un coup sur la tête hier. Tu es tombée de plusieurs mètres en voulant descendre d'un bâtiment. Explique-t-il.

-Je ne m'en souviens plus.

-C'était après... Enfin une fois que tu as réussie à joindre Samuel.

Je hoche la tête. Cette partie-là était floue. Après la mort de Tom, j'étais passée dans un état second.

-Donc tu disais, on part demain. Avec qui? Demandé-je.

-Sam et Luna.

Je fronce les sourcils à l'entente de ce dernier prénom.

-Et Esteban?

Sean détourne son regard du mien.

-On ne le trouve pas. J'ai passée toute la matinée à le chercher et je vais continuer cet après-midi mais si on ne le trouve pas, on sera obligés de partir.

Je secoue la tête.

-Non! On ne peut pas le laisser ici!

-Je sais Abby. Mais on risque notre vie chaque seconde qu'on passe de plus ici.

- Laisse-moi deux jours.

-Abby...

-Deux jours Sean. Après, on part.

Il soupire.

-Je vais voir avec Sam.

Je ne l'écoute même plus, perdue dans mes pensées.

-Tu as été voir chez sa famille? Demandé-je.

-Ouais. D'ailleurs, ils n'habiteront bientôt plus au même endroit. Ce matin, avec Samuel, on leur a créé de nouvelles identités et on est en train de les faire déménager. On ne peut pas les laisser comme ça et partir, Clarks va lâcher une bombe sur leur maison. Donc normalement, ils sont tirés d'affaire, du moins jusqu'à ce qu'on revienne.

-OK, parfait. Je vais le trouver, j'en suis sûre. Et pour Sam et Luna? Pourquoi viennent-ils?

Sean me regarde comme si j'étais bête.

-Ils viennent de nous aider pour rentrer dans la Tour et voler un objet du président. Tu crois vraiment qu'ils peuvent rentrer chez eux et reprendre une vie normale?

Je hoche la tête. 

Arrêtes d'être égoïste.

-Oui, bien-sûr. Désolée.

Sean hausse les épaules en souriant, et ma gêne s'évapore.

-Ne pars pas seule. Je viens avec toi.

-Je dois aussi aller voir ma grand-mère. Je dois lui expliquer ce qui s'est passé.

Il fronce les sourcils et je continue, sachant déjà ce qu'il va dire:

-Je sais que c'est dangereux. Mais je dois aller la voir.

Sean soupire et acquiesce. Il comprend.

-Mange quelque chose et on y va.

******

Après m'avoir expliqué que le voilier appartient à son père qui est pêcheur et avoir mangé un morceau, nous nous retrouvons dans le tramway, à destination de la maison de ma grand-mère. Une casquette vissée sur la tête, un sweat noir et les yeux sur mes baskets, je m'efforce d'être invisible. 

Si je suis reconnue, je ne donne pas cher de ma peau.

Une fois devant la porte de ma grand-mère, j'hésite. Et si, au lieu de faire bien, je ne faisais qu'empirer les choses? Et si, en voulant raconter mon histoire égoïstement, je mettais ma grand-mère en danger?

-Abby? Tu ne tapes pas? Me demande Sean, me sortant de mes pensées.

Je me tourne vers lui, incertaine.

-Je... Je ne sais pas.

-Tu es venue ici pour ça. Fais-le.

-Mais je risque de la mettre en danger.

-Elle l'est déjà. Et je suis sûr qu'elle préfère te savoir en vie plutôt qu'être protégée sans nouvelle.

Je regarde à nouveau la porte. Il a raison. Je prends une grande inspiration et tape deux coups. Mais au lieu de faire les tocs tocs habituels, la porte s'ouvre sous mes coups. Je jette un regard à l'intérieur sans oser entrer. 

J'ai un mauvais pressentiment. Mon Dieu, un terrible mauvais pressentiment.

Sean passe devant moi et ouvre la porte en grand. Il rentre et je le suis, le cœur battant à tout rompre. 

Ce n'est pas ce que je crois. Calmes toi Abby, ce n'est pas ce que tu crois.

Je secoue la tête en voyant que tout est sens dessus dessous. Les meubles renversés, la vaisselle cassée au sol, les livre ouverts et jetés par terre. Je marche sur les débris sans oser émettre un son.

Soudain Sean s'arrête devant moi. Il tend le bras pour m'empêcher d'avancer à ses côtés et je me fige, la peur au ventre.

-Ne regarde pas.

-Quoi?!

-Ne regarde pas, j'ai dit. Demi-tour. On sort d'ici.

Je n'obéis pas, non. Je n'écoute pas. Et je fais ce que je n'aurais jamais dû faire. Je me hisse sur la pointe des pieds et regarde par-dessus l'épaule de Sean.

Et je vois ma grand-mère allongée au sol, les yeux écarquillés, un trou rouge au niveau de sa poitrine.

Je pose ma main sur ma bouche et étouffe mon cri. 

Non, non, non. Tout est de ma faute.

Cette fois, je n'ai vraiment plus de famille. 

Je suis seule.

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