15
Trente petites minutes après avoir répondu, un ami de Charlie passe nous chercher au café.
Installée seule à l'arrière, j'observe les bâtiments de la ville défiler dans la nuit, jusqu'à ce que la voiture rejoigne l'autoroute, puis la départementale. Sur le chemin, nous faisons un stop à la station d'essence du coin. Le conducteur sort, et Charlie profite de son absence pour se retourner vers moi.
— Ça va ? demande-t-il.
— Oui... Est-ce que Lydia sera là, ce soir ?
— Pas à ma connaissance. Pourquoi ?
— Non, pour rien...
Je me retiens de pousser un soupir de déception, tandis qu'un sourire étire ses lèvres.
— On m'a dit que vous étiez devenues les meilleures copines du monde, ce week-end.
À moins que je ne me fasse des films, une touche d'amertume vient nuancer son ton a priori amusé.
— La connaissant, elle a dû prendre plaisir à me tailler... J'ai une idée de ce qu'elle a pu te raconter à mon sujet, poursuit-il, mais il faut savoir qu'elle a une assez mauvaise opinion de moi. Après, libre à toi d'écouter ses histoires.
Je m'apprête à prendre la défense de Lydia, quand son ami revient dans l'habitacle. Charlie se retourne, le moteur démarre, et nous repartons.
La voiture emprunte ensuite la Route du Bois du chêne, pleine de nids de poule, pour finir sa course dans l'Impasse du clos. Nous terminons le trajet à pied par un chemin de graviers qui nous mène devant les grilles d'une grande maison.
La terrasse est tout aussi bondée que le salon, et il y a tellement de brouhaha que la musique est à peine audible. Agrippée au bras de Charlie, je le suis à travers la foule et nous retrouvons ses copains installés en cercle sur des coussins au sol. Après avoir fait la bise à huit personnes, dont fait partie Anne-Sophie, nous nous joignons au groupe. Une bouteille de bière m'atterrit dans les mains, et les discussions reprennent.
Au bout d'une heure, je commence déjà à vouloir rentrer.
Je pourrais être à la maison, au chaud dans mon lit, devant une série, avec M. Pingouin et une tablette de chocolat... Mais je suis ici, entourée de gens trop bruyants et trop cools pour moi, à m'ennuyer autant que Charlie fume et boit.
Il est tellement agité et occupé à rire avec ses amis qu'il ne remarque même pas les regards d'Anne-Sophie dans sa direction. J'ai compté, et ses yeux se sont posés sur lui soixante-dix-neuf fois depuis que nous sommes arrivés.
Les deux heures du matin sont passées, mais les gens restent toujours aussi éveillés. Le volume du brouhaha ambiant et de la musique ont augmenté, et seuls les moins endurants sont rentrés chez eux.
Alors que je détaille l'étiquette de ma bière à peine entamée, Charlie glisse un bras autour de mes épaules et m'attire à lui. Sa bouche s'approche de mon oreille où il baragouine un truc que je ne comprends pas, puis il s'affaisse dans mon cou, ivre. Ça n'a rien de romantique, mais de l'extérieur on pourrait presque croire qu'il m'enlace.
C'est bien pour ça que sentir le regard d'Anne-Sophie sur nous satisfait grandement mon orgueil - même si m'afficher en public fait partie des choses que j'aime éviter.
Mais si je pouvais, je me ferais un plaisir d'aller la narguer en lui hurlant que c'est moi que Charlie préfère, que c'est mon copain à moi et que c'est lui le plus beau.
Au lieu de ça, je m'interdis de bouger, de crainte de réveiller l'épave qui s'est assoupie contre moi. Heureusement, il finit par émerger au bout d'une demi-heure.
— Je pense pas que mon pote rentrera ce soir, en ville, murmure-t-il d'une voix enrouée. Du coup, on va sans doute pioncer ici.
— Mais j'ai pas d'affaires de rechange.
— C'est pas bien grave. Tu peux survivre une nuit sans ton petit confort, non ?
De toute façon, je n'ai pas vraiment le choix, même si dormir en jean ne m'enchante pas.
Après avoir rassemblé son courage et ses forces, Charlie se lève et m'entraine à l'étage par la main. Les deux premières chambres que nous visitons sont déjà réquisitionnées et nous ne trouvons qu'une pièce ressemblant à un débarras équipé d'un clic-clac.
En attendant que Charlie s'occupe de récupérer des draps, je retire mon pull pour me mettre en t-shirt puis baisse le store.
Le lit prêt, j'ai à peine le temps de m'y allonger que Charlie me grimpe dessus.
Après onze jours privée de lui, son haleine alcoolisée et mélangée à l'odeur du tabac ne m'empêche pas de l'embrasser sans retenue. J'arrive même à accepter que ses mains effleurent ma poitrine ou s'attardent sur mes cuisses, tant qu'une ou deux épaisseurs de vêtement nous séparent. Mais je les écarte lorsqu'elles tentent de remonter mon t-shirt. Il n'insiste pas, et prend son temps pour m'enivrer avec ses baisers toujours plus langoureux.
Une fois certain que je n'attends que ça, il s'autorise à glisser vers mes seins qu'il couvre de bisous à travers le tissu. Et je n'oppose plus aucune résistance quand mon t-shirt se retrousse au-dessus de mon soutien-gorge. Sentir sa bouche contre mon ventre accentue les frissons qui me chatouillent jusque dans les reins, me rend encore plus folle.
Sauf qu'à me montrer aussi conciliante, j'aurais dû me douter que Charlie prendrait plus d'initiatives qu'à notre dernier bisous-câlinous innocent. Il finit par s'attaquer au bouton de mon pantalon. Je retrouve mes esprits en même temps que mon cœur s'affole quand mon jean commence à glisser sur mes jambes. D'un bond, je me redresse et l'arrête.
— Déstresse, je vais rien te faire de bien méchant.
Ses lèvres se pressent gentiment contre les miennes, et le poids de son corps qui bascule vers l'avant me rallonge sur le lit. Et tandis que ses baisers détournent mon attention, il termine de retirer mon pantalon.
Mais la fraicheur de l'air sur mes jambes nues me ramène vite à la réalité. Me savoir en culotte devant de lui, alors que sa tête est aussi bas, ne fait que tripler mon embarras. Je n'arrive plus à apprécier ses caresses et la douceur de sa bouche retournée sur mon ventre. Surtout quand celle-ci descend en dessous de mon nombril.
La lumière extérieure filtre à travers les interstices des stores et renvoie leur ombre au plafond, mais je suis trop nerveuse pour en compter le nombre. Encore plus quand les bisous de Charlie s'égarent sur ma cuisse, remontent jusqu'à mon genou, redescendent par l'intérieur.
Et c'est déjà trop pour moi.
Une nouvelle fois, ma pudeur l'emporte, et l'alarme finit par se déclencher quand ses mains entreprennent de baisser ma culotte. Sans prévenir, mes jambes se replient vers moi, mon genou heurte quelque chose, Charlie étouffe un râle de douleur.
— Oh, pardon !
Sa silhouette se dessine dans l'obscurité, et je le devine en train de se masser au niveau du menton.
Le brouhaha et la musique en provenance du rez-de-chaussée couvrent le silence pesant de la chambre. Suit un long, trop long, soupir de Charlie qui se laisse tomber à mes côtés sur le lit.
— Pauline... Qu'est-ce que je vais faire de toi ?
Comme je ne sais pas quoi lui répondre, je hausse les épaules, même s'il ne peut pas le voir.
— C'était quoi le souci ?
— Ben, rien...
— Si, dis-moi.
— Mais rien. J'avais juste pas envie.
Comment lui avouer que je ne suis qu'une trouillarde, qui a peur de se retrouver dans un lit avec lui, peur de sa propre nudité et de la sienne.
— Dommage pour toi. Tu sais pas ce que tu rates, lâche-t-il.
Heureusement que la pénombre l'empêche de remarquer la gêne empourprer mon visage.
— Rassure-moi, t'es pas frigide au moins ?
— Mais non ! m'offusqué-je.
Un gloussement lui échappe, et je suis soulagée de voir qu'il n'est pas assez fâché contre moi pour me faire la tête.
Consciente que je suis toujours à moitié nue, je me penche pour attraper mon jean jeté au pied du lit.
— C'est pas plus confortable de dormir sans ? lance Charlie.
— Je préfère avec...
Il pousse un énième soupir, et je peux sans mal l'imaginer lever les yeux au ciel.
Alors que je termine d'enfiler mon jean, il retire son sweat, son t-shirt et son pantalon avant de se glisser sous la couette. J'essaie d'ignorer le fait qu'il est seulement en caleçon quand je retourne me coucher.
— T'as l'intention de rester dans ton coin ?
Charlie m'ouvre ses bras et balaye mes dernières inquiétudes quant au maintien de notre relation après mon deuxième rejet doublé d'un coup de genou dans la mâchoire. Je me demande juste ce qu'il peut penser de moi en ce moment-même.
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