Pris de panique, Jude se mit à se tordre le cou ainsi que sa lampe torche dans tous les sens en espérant apercevoir la tignasse épaisse de la jeune fille. Il commença à ventiler. Que se passait-il ? Intérieurement, il voulait crier. EDEN ! Il savait qu'ils n'auraient jamais dû venir, une zone délimitée comme celle-ci l'est pour une raison. EDEN ! En parallèle à ses plaintes intérieures, Mahé hurlait réellement le prénom de leur amie.

Aucune réponse n'était parvenue jusqu'à eux.

Sans un mot mais les pupilles pleines d'émotions, les deux jeunes hommes se rapprochèrent l'un de l'autre en espérant trouver dans l'ombre de l'autre un semblant de protection. S'ils ne parvenaient pas à retrouver Eden, leurs vies seraient fichues : une portée disparue (voire pire) sur la conscience, une amitié déchirée à jamais.

D'un pas lent, ils décidèrent d'avancer à l'unisson dans une direction au hasard en espérant entendre quelque chose. L'autre couloir vers lequel ils se dirigeaient semblait les emmener en direction de diverses salles d'opération, d'après le petit panneau encore relativement en bon état qui se trouvait sur le mur à leur gauche.

— BOUH !

Les cris qui sortirent des entrailles des garçons auraient pu s'apparenter à de nombreuses choses sans que le cri humain ne soit nécessairement reconnu. À côté de leurs mines effarées, Eden était pliée en deux et se tenait le ventre. Elle riait aux larmes, contrairement aux garçons qui eux, se contenaient pour ne pas pleurer de peur (ou de rage).

— Ça a l'air de te faire bien rire.

Le regard noir que lui lançait Jude l'aida à reprendre son sérieux. Elle n'avait pas été très sympa, elle devait le reconnaître. Mais ça avait été si tentant ! Par-dessus tout, les yeux emplis de peur de Mahé l'avaient satisfaite. Elle leva les mains en l'air en signe de défense.

— D'accord, je m'excuse. C'est vrai que c'était un coup bas, mais vous auriez dû voir vos têtes ! Au moins Jude, tu vois, le seul danger ici, c'est moi.

Elle lança un clin d'œil malicieux au principal concerné qui lui répondit en levant les yeux au ciel. Elle se reprit et leur désigna une grande porte à double battants au bout du couloir.

— Venez, il me semble que c'est la salle d'opération principale de l'hôpital. C'est là que se passaient les plus grosses opérations à cœur ouvert, je crois. En tout cas, c'est là que tout se jouait : est-ce que la personne allait pouvoir être sauvée et recommencer une vie normale, ou allait-elle au contraire périr à tout jamais dans la désolation ?

La jeune fille avait pris une grosse voix théâtrale pour réciter son monologue. Elle rit quelques courtes secondes de sa propre performance puis se dirigea vers la pièce. Elle posa ses fines mains sur le battant gauche, tandis que Jude attrapait la poignée du battant droit. À eux deux, ils ouvrirent sans difficultés la lourde porte, traçant un chemin pour Mahé qui se trouvait entre eux.

Ce qu'ils trouvèrent à l'intérieur leur glaça le sang. Eden plaça sa main devant sa bouche pour empêcher le cri d'effroi qui lui titillait la gorge de s'échapper.

— Merde alors.

Pourquoi y avait-il encore un homme sur la table d'opération centrale ?

Malgré l'absence totale d'ouverture vers l'extérieur, le vent claqua dans la pièce de toutes parts et semblait crier des au secours dans leurs oreilles. Le sifflement du souffle hivernal, mélangé au crissement des battants de la porte les firent frissonner. Les cris de détresse que semblait leur envoyer le bâtiment calmèrent les trois amis. Contre toute attente, le plus audacieux des trois pour s'avancer fut Jude.

D'un geste tout de même mal assuré, il vint se poster devant le corps couché et à moitié recouvert d'un drap blanc. Il était impossible de donner un âge exact à l'homme qui se trouvait face à lui tant son corps était squelettique. Ses yeux étaient grands ouverts et semblaient contenir toute la peine et la douleur du monde. Sa bouche, entr'ouverte, tentait vainement d'appeler à l'aide.

L'angoisse même.

— Il est mort.

Mahé se retint de lever les yeux au ciel. Inutile d'en rajouter une couche en disant que l'inverse aurait été étonnant. Accompagné par Eden, il rejoignit son ami blond aux côtés du cadavre sans oser poser ses yeux dessus. Le brouhaha dans la pièce ne cessait d'augmenter, saturant l'ouïe de chacun. Ils ne pouvaient désormais communiquer qu'à travers le regard, les émotions.

Que pouvaient-ils faire maintenant ? L'homme avait-il été victime d'un meurtre, puis amené ici pour plus de discrétion ? Était-il ici depuis longtemps ?

Au fond d'eux, et en entendant les lamentations du bâtiment qui les accueillait tous, ils surent.

Fébrilement, Eden approcha sa main des yeux du cadavre, puis abaissa les paupières de l'individu jusqu'à que seule l'obscurité puisse atteindre les pupilles de l'homme. Mahé, comprenant les intentions bienveillantes de la jeune fille, amena sa main tremblante jusqu'au menton du corps puis lui referma la bouche.

L'homme avait l'air serein, enfin.

Il attrapa doucement la main d'Eden pour l'attirer quelques pas en arrière. Ils plongèrent leurs yeux dans ceux de Jude. Comme par automatisme, il recouvra le corps longiligne du cadavre du long drap immaculé, de la pointe des orteils jusqu'à la pointe des cheveux. Rejoignant ses amis, il posa sa main sur l'épaule du brun et, tous trois, observèrent le calme revenir sur les lieux. Le vent avait semblé se calmer, l'atmosphère était à nouveau détendue.

L'homme, face à eux, disparu.

**

Après leur escapade, en ce-jour d'hiver, les trois amis avaient, d'un commun accord, décidé de ne plus retenter l'expérience. Non pas par peur de revivre une chose pareille, bien au contraire, ils avaient le sentiment qu'une expérience comme celle-ci n'arrivait qu'une fois dans une vie, et qu'elle était sacrée.

Beaucoup les prendraient pour des fous, ils avaient donc décidé de ne pas en parler à leur entourage.

Quelques minutes de silence et d'émerveillement après que le corps de l'homme ait disparût, ils avaient quitté les lieux sans jamais y revenir. Suite à ça, le dossier pour la reconstruction de l'hôpital avait miraculeusement été réouvert. D'ici quelques jours, la cérémonie de l'ouverture officielle du nouvel hôpital aurait lieu, rendant à la ville sa grandeur et sa fierté d'antan, ayant offert au bâtiment une nouvelle jeunesse.

Lorsque Jude, Eden et Mahé avaient discuté de tout ça, de leur histoire, ils en étaient venus à la conclusion que, au travers de cet homme, ils étaient parvenus à offrir à l'hôpital abandonné une nouvelle vie, une renaissance.

E.N.D.

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Bien le bonjour ! Alors, que pensez-vous de cette petite nouvelle ?

Les personnages ? :)

Et surtout

Cet homme o.o (je suis assez fière j'avoue)

C. ♥