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Paige Wells.

La seule chose à laquelle je pense depuis le début de la journée est de revoir Spider-Man. Je ne veux rien d'autre mis à part lui parler à nouveau, en connaitre un peu plus sur lui, détails par détails sans jamais le cerner réellement. Je veux encore m'imaginer son visage sous ce masque, me demander de quelles couleurs sont ses cheveux et ses yeux, connaitre ses aventures passées en trainant sur un toit. Alors je cours dans la rue et me change près de ma cage d'aération habituelle. Je rabas ma capuche sur ma tête, déterminée. En allant le voir je ne peux que me demander ce qu'il pense de moi, si il a réellement apprécié mon geste de la veille. Une boule d'excitation grandit à l'intérieur de mes entrailles, je me sens frissonner et j'en arrive à un point où je m'en fiche de qui il est sous ce foutu masque; je commence à m'attacher à lui et à sa personnalité plus que je ne l'aurais pensé. Ça me désole de penser à Peter mais cette vie que je mène, je ne pourrais jamais la partager avec lui; nous sommes bien trop différents. Tandis qu'avec Spider-Man, nous partageons le même secret, les mêmes joies et les mêmes peines des mutations que nous sommes. Alors j'approche à pas feutrés derrière la cheminée un peu plus loin. Je voudrais arriver en toute discrétion, ma souplesse en tant que Raven m'aide beaucoup à ne pas me faire repérer. Un sourire aux lèvres, je sors de ma cachette; il est un peu plus tôt que prévu, il ne s'attend certainement pas à me voir arriver. Je distingue une silhouette et souris de plus belle.

Je m'arrête subitement en m'accrochant à la cheminée. J'écarquille grand les yeux quand je le vois de dos, sans son masque. Il porte sa combinaison et dans sa main, il y a son masque rouge. Ses cheveux sont bruns, assez longs, dressés sur sa tête et en bataille. Je plisse les yeux, le coeur tambourinant dans ma poitrine; je n'ai pu que trop souvent voir l'arrière de ce crâne dans mon quotidien. Pourtant je reste sceptique, c'est complètement impossible, ça ne peut-être qu'une simple ressemblance. Je reste là, crispée contre la cheminée et j'attends. Alors il tourne la tête pour regarder ailleurs, dans la direction où je viens d'habitude par la rue.

Je plaque une main contre ma bouche pour éviter de hurler. Mes jambes tremblent et mes genoux s'entrechoquent subitement alors que je me penche en avant en tenant mon ventre pour éviter à mon corps paralysé de faire un quelconque bruit involontaire.

Peter.

C'est impossible, il doit y avoir une erreur ou alors une très forte ressemblance... Mais non; la courbe de son grand nez droit, ses sourcils froncés, son front plissé et ses lèvres. Peter. Il s'agit de Peter. Des larmes silencieuses coulent le long de mes joues alors que je recule lentement jusqu'à la cage d'escalier de secours où je m'engouffre, secouée d'incontrôlables et violents tremblements. J'arrive enfin en bas et je cours comme je peux en évitant de passer par là, pour rejoindre la bouche d'aération où j'ai laissé mes affaires, mes pieds s'emmêlent tout seuls, je trébuche plusieurs fois avant d'avoir atteind ma destination, le visage déformé par une expression horrible alors que je me retiens de déverser toutes les larmes de mon corps. Comment est-il possible que Peter Parker soit Spider-Man? Comment est-il possible qu'il ai eu la volonté d'être avec moi, tandis que je me disais que ce serait bien trop compliqué suivant ma double vie alors que la sienne est bien plus pesante? Comment ai-je pu tomber deux fois sous son charme? Comment avons-nous pu nous rencontrer deux fois sans pour autant nous reconnaître? C'est vrai que je change radicalement d'apparence en tant que Raven mais... Je n'ai même pas reconnu sa voix, sa façon de penser... Comment? Je m'écroule contre la bouche d'aération et me prend le visage entre les mains en arrachant mon bandeau et je pleure, je pleure comme une madeleine. J'ai aimé Peter, deux fois. Peter m'a aimé, deux fois. Et maintenant? Pourrais-je continuer de voir Spider-Man en connaissant la vérité? Et si mon esprit me jouait des tours?

Et si c'était l'occasion de repartir à zéro?

Je relève la tête en essuyant mon visage à l'aide de mes manches, toujours secouée de légers spasmes. Spider-Man, Peter... C'est comme si je n'arrivais pas à réaliser. En même temps, me direz-vous, cette coïncidence est tout simplement irréaliste. Qui pouvait se douter que ces deux là étaient la même personne? Je regarde autour de moi sans savoir quoi faire.

Je sais qui il est mais il n'est pas obligé de savoir qui je suis. Si seulement je pouvais lui rendre l'amour qu'il a perdu avec Paige en tant que Raven... De toute évidence, si je veux de la proximité avec lui, je n'ai d'autre option que d'utiliser Raven; il ne voudra plus de Paige. Je ne sais pas, j'hésite et j'ai ce sentiment que de toute évidence, un jour nos chemins se sépareront. J'ai envie de profiter de cette situation avant que tout soit terminé, comme il l'a si bien dit, je voudrais tiré du bon de cet affreux cauchemar. Il est peut-être temps d'appliquer ses conseils. Je me relève, toujours mal dans ma peau après cette révélation et me rhabille. Je sens mon visage picoter signe que je reprends mes traits naturels et mes écailles s'effacent lentement en chatouillant l'entièreté de mon corps. Je me sens un peu plus lourde qu'avant mais ça va mieux. Utiliser mes pouvoirs sans faire de mal à un innocent me fait me sentir mieux lors de mon passage de Raven à Paige. Je prends mon sac à dos caché au fond du conduit et descends du bâtiment avec lenteur. Même dans le métro, mon visage affiche une expression meurtrie et mes yeux rougis attirent le regard des autres. J'arrive chez moi en m'effondrant dans mon lit après avoir dit à ma grand-mère que j'avais besoin de me coucher car je ne me sentais pas bien. Je me mets au lit et fais mine de dormir quand elle m'apporte un plateau avec un médicament et de l'eau. Et ainsi je passe ma soirée et ma nuit à fixer le plafond en me demandant qu'elle est la meilleure solution, si je dois me défiler ou faire comme si de rien était. Si je m'enfonce encore plus loin dans le cauchemar ou si je le laisse derrière moi.

Malheureusement, je suis connue pour souvent prendre les mauvaises décisions.

***

Le lendemain quand je me rends à l'école, je ne peux que sentir la panique m'envahir quand j'aperçois Cassidy discuter avec Peter à notre casier. C'est ainsi que je renonce à aller chercher mon livre de math et me retrouve sans rien à assister au cours. Le professeur me réprimande, évidemment, mais je n'y prête pas attention; tout ce que je sens est le regard pesant de Peter sur moi.

Impossible de le regarder ou ne serais-ce que de tourner la tête dans sa direction. Je ne peux que penser au fait qu'il soit Spider-Man et moi Raven mais que ça, il n'en a pas la moindre idée. C'est de moi qu'il parlait l'autre jour, de cette fille qui ne partageait pas ses sentiments. Si seulement il savait... Si seulement il savait à quel point je suis perdue, tellement perdue que je ne sais comment l'exprimer. Je l'aime beaucoup, beaucoup trop. Pourtant je n'arrive pas à me résoudre à être avec lui, à répondre à ses approches. Par la suite il a laissé tomber, si j'étais à sa place j'aurais fais la même chose, j'en suis consciente. Et voilà où nous en sommes, à nous ignorer comme de vulgaires inconnus et à nous parler comme de vieux amis sous couverture de notre seconde identité.

***

C'est le moment de vérité; je m'approche de lui avec prudence. Je sais bien qu'il sentira mon malaise mais peu importe, il ne sait pas ce que je sais et c'est le plus important. Peter est là, comme à son habitude et je me tiens derrière lui sans un mot.

"Pourquoi tu n'es pas venue hier?" dit-il sans se retourner.

Je regarde mes chaussures en me mordant les lèvres; ne nous enfonçons pas plus loin.

"J'avais l'impression d'avoir fais une erreur la dernière fois. J'ai eu peur que tu m'en veuilles."

Il rit et tapote la place à ses côtés pour que j'y prennes place, ce que je fais.

"Je t'ai déjà dis d'arrêter de t'excuser et tu sais..."

Il tourne la tête vers moi.

"C'était très plaisant. Je n'avais jamais embrassé de fille à travers mon masque."

Je ris en rougissant.

"Je croyais que tu avais la tête dure, pas que tu étais une sentimentale!" dit-il sur le ton de la moquerie.

Je lui accorde un coup dans le bras en oubliant momentanément de qui il s'agit en réalité.

"Aïe! Mais je trouve ça mignon."

Je ferme les yeux et respire à fond.

"Je suis nulle en relation. Je ne sais jamais ce que je veux. Il faut que je te le dise, j'étais amoureuse d'un garçon. Je ne peux pas dire que je le suis encore... Ou même que je ne le suis plus, car il m'a certainement oublié à présent. Tu sais pourquoi? Parce que j'ai tellement paniqué, j'ai tellement eu peur de tout gâcher avec lui que je l'ai ignoré. Et tu sais quoi? Bingo, j'ai quand même tout gâché. J'ai eu peur que cette vie que je mène impact sur nous deux. Et indirectement, c'est ce qu'il s'est passé. Lui et moi, on est de purs étrangers maintenant."

Je le regarde et pose une main sur la sienne en suivant mon geste du regard alors qu'il reste silencieux.

"Peut-être qu'il a le cœur brisé, peut-être pas. Tout ce que je sais c'est que ça m'a rendue dingue de savoir à quel point je pouvais tout détruire et faire du mal aussi inconsciemment. Mettre fin à une si belle relation qui avait si bien commencée de la sorte est bien plus cruel que n'importe quelle forme de torture. Peut-être que je ne vaux pas mieux que Nedra et Fearless après tout. Je fais le mal à ma façon, sans le vouloir."

Et là, c'est comme si je m'envolais. Je me sens tout d'un coup si légère que j'ai envie de hurler de joie. Un poid s'efface de mon coeur et les nuages dans ma tête se dissipe. Je ferme les yeux et soupire de soulagement, le sourire aux lèvres. Je viens de tout dire à Peter de façon indirecte mais tout de même, je lui ai dis.

Il se lève et prend ma main, je la saisis et fais de même. Il ma lance une toile qui s'accroche à mon poignet et m'attire à lui d'un coup sec; je me retrouve rapidement dans ses bras.

"Toi et moi, il faut croire qu'on est des coeurs brisés."

Je souris légèrements avec une pointe de tristesse en levant la tête vers lui.

"Mais tu sais quoi? Ça fait notre force. Accroche-toi bien."

Je m'exécute sans trop chercher à comprendre quand il lance une toile sur le bâtiment d'en face et plonge dans le vide. Je reste dans son bras gauche et pousse un cri en fermant fortement les yeux alors qu'il nous balance de gauche à droite à travers la ville, de bâtiments en bâtiments. Au bout de deux minutes je me détends et arrête de crier en m'obligeant à lui faire confiance. Rien ne peux nous arriver en ce moment.

Il s'arrête enfin, j'ouvre les yeux sur un vieux bâtiment délabré et tagué de partout. On dirait une vieille scierie, des chaines rouillée pendent du plafond et il manque un mur et quelques bouts du toit donnant sur une cour. Il fait très lumineux et je remarque quelques installations de skateboard sans parler du skate de Peter qui traine dans un coin, mais je m'abstiens de dire quoi que ce soit. Je souris tout simplement et le suis. Il y a là une vieille voiture rouillée, il ouvre la portière et s'installe à la place conducteur, j'entre automatiquement du côté passager.

"Tu as la première à venir ici et surtout, dans cette voiture."

"Pourquoi on est là? Elle roule?"

"Elle ne roule pas mais j'ai passé du temps à rénover l'intérieur pour qu'il soit parfait. C'est ici que je vais pratiquement tous les jours ou encore quand je vais mal. C'est mon petit nid."

Il se tourne vers moi et je ne cesse de sourire en regardant l'intérieur qui en effet est tout neuf et rafistolé. Il tourne le bouton de la radio qui s'allume en projettant un vieille chanson lente.

"La batterie est comme neuve. Il n'y a que des chaines pourries mais crois-moi, je m'y suis attaché."

Je fixe le cadran griffé de la radio en écoutant la chanson. Quand je tourne la tête vers lui, il semble me regarder.

"Merci." dis-je en le regardant à mon tour.

"Merci pour?"

"Pour m'emmener ici, pour me faire confiance."

Il baisse la tête en se balançant nerveusement.

"Et merci à toi de me faire oublier le reste."

Et si il parlait de moi? J'avance une main vers lui et la pose sur sa jambe en la caressant avec douceur. Il me regarde encore, je sais que la dessous il y a Peter et le désir de l'embrasser est encore plus présent qu'avant.

"Je voudrais bien recommencer comme hier." dit-il en se penchant vers moi. "Mais... Le masque. Tu ne peux pas savoir à quel point ça me tue."

Je ris, je n'en ai plus rien à faire du masque. Je pose ma main sur sa joue avant de me contorsionner sur mon siège pour m'approcher de lui. J'ose des choses que Paige n'oserait jamais. Je m'assieds sur ses genoux, le dos contre le guidon, à califourchon sur lui. Nos corps sont collés l'un à l'autre dans cet espace confiné et j'avance mon visage vers le siens, embrassant sa joue à travers le masque. Mes mains viennent trouver l'ourlet du masque en question pour le soulever lentement. Il panique, je le sens, mais il se détend quand j'arrête de le soulever au niveau de son nez. J'observe ses lèvres, elles appartiennent bel et bien à Peter. Mes mains tiennent son visage alors que je sens les siennes se poser sur mes hanches. Ses joues sont rouges et il se mord nerveusement l'intérieur des lèvres quand alors je me penche vers lui et dépose mes lèvres sur les siennes. J'embrasse Peter. J'embrasse réellement Peter Parker. Il a fallut que je vive tout ça pour finalement l'embrasser. Ses lèvres s'accordent parfaitement avec les miennes quand elles se mouvent ensemble. J'ouvre légèrement la bouche pour laisser nos langues se croiser et entamer une danse devenant de plus en plus fougueuse au fil des secondes. Je presse mon corps au sien en sentant une vague de désir s'emparer de moi alors que je mordille sa lèvre en le faisant grogner. Ses mains descendent plus bas que ma taille en venant se déposer sur mon postérieur alors que mon bassin ondule légèrement contre le siens d'un geste automatique. Une de ses main vient se poser dans mon cou en approfondissant un peu plus le baiser. À bout de souffle, nous nous séparons, mes lèvres allant caresser son cou sur lequel je dépose plusieurs baisers chauds, le faisant soupirer. Je me prends au jeu, sentant cette émotion incroyable traverser mon corps comme une véritable décharge électrique.
On se regarde et je vois sur des lèvres un sourire se dessiner. Il se penche une nouvelle fois vers moi pour déposer rapidement ses lèvres sur les miennes et je me blottis contre lui, essoufflée mais heureuse.

Une pensée me heurte comme un coup de poing en me faisant mal bien plus que je ne l'aurais cru après ce merveilleux moment;

J'ai embrassé Peter mais lui, croyait en embrasser une autre.

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