Chapitre XXXII
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Paige Wells.
Je ne sais pas quelle heure il est mais la nuit est totalement tombée sur New-York. Tout est sombre et calme dans les petites ruelles que nous avons l'habitude d'emprunter. Parfois, quand la rue n'est pas loin, nous distinguons les phares d'une voiture tardive ou parfois un groupe d'amis. Les rares lampes encore allumées dans les appartements illuminent faiblement le quartier ainsi que les quelques réverbères ci et là. Avant, cette ambiance me faisait froid dans le dos, maintenant ce n'est qu'un paysage auquel j'ai l'habitude. Je n'ai plus peur de me promener ainsi dans la rue à présent, car dans le passé j'aurais crains les agressions.
À présent je me sens invincible.
Ce n'est pas rien de pouvoir menacer un idiot de brigand avec ses griffes après tout... Je ne les vois plus que comme des moins que rien, ils ne font pas le poids avec leurs poings et leurs armes face à l'entièreté de mon corps qui me sert d'arme.
"Sors tes griffes, on va passer par cette ruelle et elle est très mal fréquentée en soirée." me dit Nedra tout bas alors que nous approchons d'un tournant.
C'est difficile à croire mes les ruelles sinueuses zigzaguant entre les bâtiments s'avèrent être un véritable labyrinthe quand on les connait bien. Alors elle approche, l'air déterminé et s'empare de ses sabres comme si passer par là et découper le premier venu était une habitude. Que dis-je... S'en est une. En effet un sifflement se fait entendre quelques secondes plus tard alors que nous sommes entièrement engouffrées sans la ruelle.
"Jolie..." dit une voix rocailleuse sur ma gauche.
Je détourne le regard pour observer mon interlocuteur, peut-être n'aurais-je pas dû lui accorder mon attention. Il joue avec un large couteau suisse en s'amusant à le plier et déplier entre ses doigts tandis qu'à ses côtés, un deuxième homme, plus rond, se tend.
"Mec, ta gueule..."
"T'as peur des jolies minettes?" dit-il dans un ricanement exécrable en lui donnant un coup de coude.
"Il ferait bien." ricanne Nedra.
"Et merde..." souffle le deuxième homme.
"J'capte pas mon vieux, c'est quoi le soucis? T'as peur des gonzesses, sérieusement?"
Et là, le voilà plaqué au mur en moins de deux secondes tandis que son arme tombe au sol en faisant retentir un bruit métallique.
"Sérieusement." souffle la blonde en le tenant fermement par les épaules alors que les pieds de l'hommes effleurent le sol. "T'aurais peut-être dû prendre exemple sur ton petit copain."
Elle envoie son poing valser dans sa figure et l'homme tombe au sol, le nez ensanglanté en gémissant alors que son ami déguerpi en moins de deux. La blonde s'accroupit près de lui et approche son visage à quelques centimètres du siens pour susurrer à son oreille;
"Ne regarde plus jamais une femme de travers." crache-t-elle.
Elle se lève, donne un coup dans le corps de sa victime à l'aide de ses épaisses semelles et me rejoint en soufflant une mèche de ses cheveux. Je hausse les épaules en la suivant, ce genre de scène est habituelle avec elle de toute évidence. Et puis, il l'a cherché cet imbécile.
Nous arrivons enfin à la dite usine, un immense entrepôt apparement délaissé au beau milieu de vieux appartement en ruines et également désertés. Je regarde autour de moi et ne vois que la mort et l'abandon. Cet environnement représente les états d'esprit des gens qui le fréquente si bien que je me demande si ils ne sont pas à l'origine d'un tel désastre. Nedra donne un coup d'épaule à une porte métallique et se faufile à l'intérieur alors qu'elle s'ouvre dans un grincement désagréable. Je ne voyais pas Nedra en tant que féministe, il est pourtant normal qu'une femme soutienne ses droits. Je la regarde alors qu'elle s'avance avec sa démarche gracieuse et allume les lampes en déclenchant une gros interrupteur. Un bruit sourd gronde à travers l'entrepôt qui s'illumine en le dévoilant bien plus grand que je ne l'aurais cru. Elle lâche un petit sourire satisfait.
"Dis... Parfois tu ne te sens pas comme... Incomprise? Je veux dire, comme si ces types ne te prenaient pas au sérieux." dis-je en faisant quelques pas qui résonnent à travers la large pièce.
Le plafond est extrêmement haut et dévoile deux étages au dessus de nous. Des chemins ornés de barrières métalliques font le tour le long des murs aux différents étages alors que de larges poutres rejoignent chaque extrémité du bâtiment à hauteur de plafond. C'est impressionnant, toutes ces caisses, ces coffres métalliques et même ces camions tout au fond.
"Oh, si. Tout le temps." à ma plus grande surprise elle lache un rire. "C'est comment ça quand t'es une des seules femmes du groupe, on est pas beaucoup. Mais de toute façon ils ne peuvent rien contre moi étant donné que je suis sous la protection de Fearless.
Je me retourne en l'interrogeant du regard et remarque ainsi du matériel sportif tel que des sacs de boxe et des poids.
"La protection de Fearless?"
"C'est une longue histoire."
"On a toute la nuit." dis-je en esquissant un demi sourire.
"C'est vrai. C'est quand j'ai eu mon incident, tu sais, on en a tous eu un. Il est la premier à m'avoir recueilli alors que je ne savais pas quoi faire. J'étais perdue, je ne savais plus qui j'étais en me regardant dans le miroir. Personne ne voulait de moi, ne voulait m'aider. Puis il m'a ouvert son coeur en me donnant une place primordiale dans son équipe..."
Elle lâche un rire et allant chercher le matériel et souleve non sans mal un immense poids.
"Il m'a ouvert son coeur..." soupire-t-elle.
Je fronce les sourcils en croisant les bras. Je ne comprends pas tout à fait son histoire ni si elle semble insinuer ou non une quelconque attirance pour Fearless, ce qui serait extrêmement étrange.
"Tu l'aimes, ou... Vous êtes ensemble?"
"Quoi?! Non!"
Elle m'accorde un regard affolé en lachant le poids qui s'ecrase au sol en fissurant le béton.
"Calme toi, tu portes à confusion."
"Non... Non. Non." elle se retourne et prend sa tête entre ses mains comme pour essayer de se calmer.
L'atmosphère se fait électrique alors que quelques poussières se soulèvent lentement du sol en me faisant reculer. Elle use de son pouvoir, je le sais, ce n'est pas la première fois. Et quand elle perd le contrôle, je n'ose pas imaginer...
"Non..."
Toutes les particules de poussière sans exception retombent lourdement au sol alors que les petits cailloux du tas rebondissent en harmonie sur le béton.
"Je ne savais pas que je touchais un sujet sensible." dis-je plus bas.
Elle se retourne vers moi en me lançant un regard si perçant qu'il me fige immédiatement. Heureusement qu'il se radoucit quelques secondes après alors que le blonde semble recouvrer ses esprits.
"L'amour est destructeur pour tout être vivant. Toi et moi nous ne sommes que des coeurs brisés, c'est évident."
Mes épaules tantôt crispées retombent le long de mon tronc alors que l'expression de mon visage s'adoucit tout autant que la sienne.
"Ça se voit tant que ça?" dis-je dans un murmure.
À cet instant précis, je me sens si vulnérable que j'ai peur de reprendre mon apparence humaine sans crier gare. Car oui, là, je me sens Paige et non Raven.
C'est alors que les projecteurs s'allument aux étages supérieurs. Nedra et moi relevons la tête en même temps alors qu'une silouhette se faufile entre les couloirs en faisant résonner ses pas lourds sur le sol.
"Qui est là?!" crit la voix.
Nedra fronce les sourcils et grogne de rage.
"Et merde."
D'un coup de pied elle fait rouler le poids tantôt tombé au sol sur le côté pour qu'il rejoigne le reste du matériel. La porte metallique la plus proche retentit et une large carrure d'homme nous fait face. C'est un homme basané au visage carré qui nous dévisage avec une expression surprise mais ferme à la fois.
"Vous n'avez pas le droit de circuler. C'est un accès interdit et une propriété privée." dit-il fermement.
Nedra lève les yeux au ciel, agacée et sort un de ses sabres en le faisant tourner du bout des doigts.
"Laissez moi rire, je traîne ici depuis des années, c'est maintenant qu'on remarque ma présence? J'suis pourtant pas connue pour ma discrétion!" dit-elle sarcastiquement en riant.
L'homme devient livide en voyant son arme et tâte sa poche pour en ressortir un pistolet; mon coeur ne fait qu'un tour. Inutile de préciser que j'ai horreur des armes à feu.
"Poser... Votre arme." dit-il doucement.
Alors qu'il fait preuve de douceur et de patience comme pour convaincre un criminel de se rendre -ce qui n'est pas qu'une comparaison après tout- Nedra, elle, ricanne et fait quelques pas ferme vers l'avant non sans craindre le canon qui la menace. Quand à ma personne, je reste en retrait sans savoir si je me dois d'agir ou si comme à son habitude elle saura se débrouiller.
"Mon arme? Tu parles de ça chéri?"
D'une main agile elle fait tourner sa larme autour de son corps presque totalement dévêtu à l'exception de ses sous-vêtements métalliques tout en sortant le deuxième.
"Cherches pas Tata Nedra mon grand, elle est déjà sur les nerfs." dit-elle pour elle-même.
En portant une deuxième main à sa poche, la tension monte alors que l'expression de la blonde n'a plus rien de sarcastique. Je vois dans ses yeux une haine profonde et un besoin de se défouler sur le premier venu. Il en sort un appareil carré et presse un bouton se trouvant en son centre.
"On a une urgence, une tarée et sa copine qui s'amusent à dans l'entrepôt B."
"Une tarée?" dit-elle avec fureur, "UNE TARÉE?!" finit-elle par hurler.
Alors elle s'avance vers l'homme qui semble totalement déstabilisé par son comportement et d'un coup de talon agile, lui ôte l'arme des main alors que le pistolet glisse au sol comme un palet de hockey et que la détente s'enchlance en lançant une balle à tout hasard qui s'en va se planter dans un carton. Je sursaute en même temps que le garde pourtant pas résignée à bouger. Essayer de calmer Nedra dans es excès de colère ne peut que la rendre plus furieuse encore.
"Tu choisis le mauvais moment pour te pointer."
Le garde se voit plaquer à quelques centimètres du sol sur le mur, me rappelant la scène d'il y a peu de temps avec l'inconnu dans la ruelle.
"C'est le jour des connard où ça se passe comment?"
Elle envoie valser son poing dans la figure de l'homme qui ne daigne même pas riposter.
"Trop de salauds comme toi qui essayent de me défier en une soirée. Y a de quoi me foutre mes boules nan?"
Un deuxième coup des plus violent dans le menton. Le poing de Nedra ruisselle du sang provenant du nez de sa victime. Il geint alors qu'un bleu est déjà en train de prendre de la couleur au dessus de sa pommette droite. Je n'ose pas imaginer la puissance que contient un seul poing de cette femme.
"C'est con que ce soit tombé sur toi."
Dans un cri de rage hors du commun, la blonde lui assène un dernier coup au visage qui le fait hurler de douleur et enchaine avec un coup de genoux dans l'estomac. Le garde tombe à terre, il a certainement, tout comme moi, l'espoir que cette raclée lui suffise et qu'elle s'en aille sans demander son reste.
"Alors, tu ne te bats pas?!" hurle-t-elle.
Cette lueur déchaînée qui brille habituellement dans son regard prend encore plus d'ampleur à présent, ses yeux sont devenus plus fous que jamais.
"Lève toi!" continue-t-elle de crier en lui donnant un coup dans la hanche.
L'homme se redresse difficilement et elle lui envoie sans aucune pitié sa semelle dans le torse. L'homme se retrouve projeté contre le mur et pousse un gémissement étouffé, à bout de souffle. Il respire mal, son nez saigne et il cherche son souffle avec désespoir. Je pousse un cri en plaquant ma main contre ma bouche et accours vers le garde. Elle va beaucoup trop loin.
"Nedra! Arrête! Tu vas trop loin!"
"Je ne vais jamais trop loin. Je n'ai pas de limite." grogne-t-elle en me poussant avec violence de sa trajectoire.
"NEDRA!"
J'ai à peine le temps de hurler son nom que le sang s'écoule à ses chaussure de façon à ce qu'elle patauge dedans avec satisfaction. Les deux sabres de la blonde son enfoncés dans le corps de l'homme au regard vitreux, son bras tombe au sol pour tomber dans son propre sang; c'est le dernier geste qu'il fera jamais.
Je recule, les mains devant la bouche, les larmes perlant aux yeux; jamais elle n'a tué qui que ce soit devant mes yeux. Je ne peux quitter le corps inerte et livide de ce pauvre garde des yeux alors que la blonde récupère ses sabres en tremblant; elle soupire de soulagement et se tourne vers moi. Je quitte enfin le cadavre du regard et le dérive vers les lames s'écoulant de sang encore tiède. Pendant ce qui me semble une éternité, nous nous dévisageons. Le silence prend le dessus et mon coeur rate encore d'innombrables battements, je pense ne plus jamais m'en remettre.
"Pourquoi tu as fais ça?" dis-je d'une tremblante et aiguë.
"Il m'a cherché."
Je secoue la tête négativement, me la prend entre les mains, tourne sur moi-même pour essayer de me calmer et sers les poings.
"Il était innocent." dis-je plus fermement.
"Innocent? Et nous on est quoi Raven?"
Elle s'approche de moi en pointant son sabre sur mon être d'un air accusateur.
"On est pas innocents nous? On a demandé à devenir... Ça?" elle se désigne d'un geste encore furieux.
Je secoue négativement la tête et sens les larmes me monter aux yeux alors que je me mords la lèvre avec violence pour éviter de les laisser couler.
"Où sont tes valeurs humaines...?"
Il est vrai que nous avons accompli nos propres méfaits, lancés nos poings et entaillé innocemment mais toujours dans le but de faire peur, pour faire fuir ces gens. Jamais des blessures qui laisseront des sequelles à nos pauvres victimes. Jamais des blessures qui allaient mettre en deuil une famille. Je lance un autre regard au corps comme si j'espérais qu'il allait se relever.
"Chérie, nous sommes des monstres," dit-elle en reprenant sa voix mielleuse, "et je préférais être considérée comme une créature à part entière plutôt que d'avoir quoi que ce soit en commun avec les hommes."
Je pousse un gémissement de douleur, non pas physique mais belle et bien mentale. Je ne supporte pas ce genre de prise de conscience. Pourtant c'est une fatalité, la réalité pure et dure.
"Tu l'as tué, tu lui as ôté la vie..."
J'essaye de m'exprimer tant bien que mal, tente de la faire réfléchir mais ses arguments dépassent de loin les miens. Les larmes ruissellent le long de mes joues sans que je puisse y faire quoi que ce soit. Mon coeur bat si fort, ma poitrine me fair souffrir comme si les sabres de la blonde la transperçait. Un mal-être indescriptible s'empare de moi.
"ILS ONT ÔTÉ LA MIENNE. ILS M'ONT TOUT PRIS. TOI ET MOI, NOUS SOMMES MORTES."
Elle jette ses sabres dans le pièce avec fureur tout en hurlant, tant de rage me donne envie de me recroqueviller sur moi-même.
"C'est leur faute. Regarde nous..."
Elle s'approche de moi et prend mon visage à deux mains en plongeant son regard transparent emprunt de rage ainsi qu'une pointe de tristesse de tristesse dans le miens.
"Des monstres, c'est ce qu'on est."
J'évite son regard en detournant la tête et gémissant, elle me fait mal à me tenir si fort...
"Et si tu nous suis, nous ne serons plus les fléaux de la société."
Je croise enfin ses yeux transparent qui me transpercent avec son sourir si large, si fou et si forcé qu'il s'apprête à lui déchirer les joues. Son souffle se heurte sur mon visage alors que nos nez se frôlent et son haleine étrangement mentholée me chatoille les narines.
"On a un plan. C'est pour bientôt, Raven."
Mon genoux part tout seul en la surprenant. Elle recule en lachant prise son mon visage alors que je frotte mon menton endoloris.
"Cette vie là n'est pas faite pour moi. Je ne suis pas un monstre Nedra, j'ai un don. C'est différent."
En lui lançant un dernier regard frigide l'invitant à me laisser partir sans encombre, je tourne les talons en direction de la sortie en rangeant mes griffes.
"Laisse tomber ce contrat. Adieu."
"Ne me fais pas tes adieux si vite, on se retrouvera de toute évidence."
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