Chapitre XXV
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Paige Wells.
Le lendemain, je ne perds pas une seconde et me mets en quête de l'habillement version clocharde parfait. Il me faudra pour aujourd'hui quelque chose que je n'aurais pas peur de salir, de tâcher ou d'abimer. Mon choix se porte sur une humble salopette de jean que je ne porterais de toute façon jamais à l'extérieur. J'assemble cette horreur en me demandant encore pourquoi je l'ai acheté avec un t-shirt blanc. Cassidy approuve mon choix tandis qu'elle se dégote elle-même un pantalon trois-quarts trop large pour elle et un vieux pull troué au niveau des bras. Nous ne pouvons que nous admirer dans la glace en riant, fagotées de la sorte.
La fête a lieu fin d'après-midi à partir de dix-sept heures trente, alors tandis que les parents de la rouquine partiront faire les courses nécessaires, nous seront chargés de la décoration de la salle de balle. En descendant pour préparer le déjeuner, mon moral baisse un peu et mon coeur se sert. Il y a des pancakes encore chaud au centre de la table et du jus de fruit fraichement pressé ainsi que du sirop d'érable à revendre. Mais pas un signe de ma grand-mère dans la maison. Je vois un petit mot posé sur une assiette à ma place habituelle;
"Je suis à la bibliothèque, c'est une séance de dédicace aujourd'hui, j'obtiendrai un petit supplément! Bonne journée ma belle."
Je pince mes lèvres tandis que Cassidy arrive dans l'encadrement de la porte face à l'escalier.
"Ta grand-mère n'est pas là?"
"Non, elle offre ses services à la bibliothèque de temps en temps."
J'essaye de lui sourire en ayant des airs sincères, c'est bien plus difficile que ce que je pensais.
"Ah! Elle n'est plus malade?"
"Ça va mieux, elle avait besoin de sortir je suppose."
Je me tourne dos à elle pour prendre des couverts et froisse le papier que j'enfonce dans la poche de mon gilet. Nous déjeunons en riant et discutant de ce qu'on pourrait bien faire quant à la décoration.
***
Sur le chemin vers chez elle, tandis que nous sommes à l'autre bout de la rue, elle regarde sur son portable les différents matériaux que nous aurons à disposition.
"Donc mon père m'a envoyé un mail qui dit que tout sera au fond de la salle entassé. Il y a de la peinture, des banderoles, des nappes, des guirlandes... Waouh! Regarde ça!"
Elle me colle pratiquement le téléphone sous le nez tandis que je le saisis dans mes propres mains pour mieux voir la pièce jointe. C'est un immense led en forme de 18 rose pastel.
"Énorme...! Où est-ce qu'il a trouvé ça?!"
"C'est surement de son entreprise..."
Il n'empêche qu'elle ne dit pas ces mots avec tristesse car un petit sourire s'illumine au coin de ses lèvres.
"Tu sais, c'est vrai que ça m'énerve que tout tourne autour de son entreprise et que la plupart du temps il la fait passer avant ma mère et moi. Mais cette fois, ça me rend heureuse qu'il ai pensé à moi. J'espère juste... Qu'il la réellement fait pour ma personne et non pas pour impressionner les invités..."
Je la sens se renfrogner à nouveau et la regarde tristement. D'un geste automatique je l'entoure d'un bras en souriant chaleureusement.
"Cass, je ne connais pas ton père, c'est vrai, mais ce mot est suffisant pour essayer de t'expliquer comment je vois les choses; c'est ton père. Et il t'aime, j'en suis persuadée."
Je pense avoir connu suffisamment de problèmes au niveau paternel pour lui dire ce genre de choses, même si les relations de chacun avec ses parents sont très différentes les unes des autres. Le mien, je l'aimais. Et il m'aimait. Même avec son travail qui l'obsédait, je pense que malgré tout, j'avais une place dans son coeur comme il avait la sienne dans le mien. J'essaye de ne pas laisser paraître la douleur liée au souvenir de mon père devant mon amie. Elle hausse les épaules l'air désintéressée, pourtant quand elle lève les yeux vers moi, je perçois une lueur différente dans ses yeux. Peut-être de l'espoir. L'espoir que son père l'aime réellement, comme un père est censé aimer sa fille. Nous arrivons chez elle quelques minutes plus tard alors que Flash et Peter sont assis sur les marches du perron et débattent sur un sujet avec entrain.
"Je te dis que c'est mieux de mettre un costard avec ta cravate bleue." dit Peter en levant les yeux au ciel.
"Tu me vois sérieusement porter une cravate, tête d'oeuf?"
"C'est la moindre des choses. Et c'est quoi cette idée de me comparer avec un oeuf, sérieusement?"
Cassidy glousse en ouvrant la porte d'entrée de sa clé pour nous laisser l'accès libre.
"Cass, dis lui qu'il devrait porte une cravate et un costard ce soir." dit Peter, excédé et pourtant amusé.
"Mais j'aurais l'air d'un crétin de pinguin!"
Cassidy se plante devant lui, les poings sur les hanches et le regarde avec un air variant entre le sévère et l'amusé.
"Estime toi heureux qu'on ne te demande pas de porter un noeud papillon. Là, on t'appellerait pinguin pour de bon. Alors oui, tu serais craquant en costard-cravate."
Elle ouvre grand le yeux, se figeant en fixant Flash comme si elle se rendait compte elle-même de ses paroles .
"Enfin, je veux dire que... Tu..."
Flash rit et pose une main sur son épaule; elle parait si petite et fragile par rapport à lui.
"Si tu penses ça, alors c'est certain, je vais mettre un costard et une cravate."
Il lui sourit chaleureusement tandis qu'elle reste pétrifiée devant lui. Enfin, elle ose ébaucher un sourire hésitant et au fond de moi, je sais que dans sa tête, c'est le feu d'artifice. J'échange un regard avec Peter qui arbore un sourire discret et m'éloigne avec lui pour faire mine que nous n'avons pas suivi cette conversation.
"J'ai hâte que ça se termine et qu'on les voit ensemble, ils se tournent autour depuis si longtemps..." dis-je en me dirigeant dans la grande salle où sont entassées des babioles en tout genre dans le fond.
Peter ramasse des paquets de banderoles encore emballées en me lançant un regard lourd de sous-entendus, souris et se retourne pour aller chercher les outils de travail. Je me rends alors compte de mes paroles et comprends que lui et moi, sommes dans la même situation. Je me pince les lèvres en scrutant le tas d'accessoires sans trop savoir quoi faire.
"Mais évidemment... C'est pas ce que tu crois, je..." je m'enfonce en me tournant vers lui, faisant de grands gestes avec mes bras.
Il rit en secouant la tête et se met debout sur une table.
"On ne devrait pas perdre de temps. Tu me passes les clous?"
Je soupire en laissant mes deux bras baller le long de mon tronc et m'exécute en lui passant un par un les clous pour qu'il accroche les banderoles, les joues écarlates.
"Qu'est-ce qu'ils font?" je grogne dans ma barbe alors que le silence s'éternise entre Peter et moi.
"Oh, je ne sais pas. Peut-être qu'eux ils arrêtent de se tourner autour." annonce le brun accompagné d'un rire sarcastique.
Le feu me monte aux joues tandis que j'arrête de lui donner des clous. Il se retourne vers moi et me toise de haut, debout sur la table, avec interrogation.
"Qu'est-ce que tu veux dire?"
"Rien, pourquoi?"
"Mais tu..."
Cassidy fait son entrée, accompagnée de Flash, les bras chargés de grands rouleaux blancs en gloussant. Elle les dépose avec fracas sur la grande table où se tient d'ailleurs Peter en faisant tout trembler. Il se retrouve à devoir s'appuyer au mur pour ne pas voler au dessus de nous.
"Paige, tu installes les nappes avec moi. Les garçons, vous vous occupez des stéréos."
J'aquiesce en m'éloignant de Peter qui continue de taper sur ses clous à l'aide de son marteau; je me sens toute pâteuse.
"Quelque chose de va pas?" remarque Cassidy.
"Ça va avec Flash?" dis-je tout bas en le scrutant du coin de l'oeil.
Elle fronce les sourcils en lissant la nappe sous ses paumes.
"Hm, absolument, oui. Mais pourquoi tu changes de sujet comme ça?"
"Ça me tracasse, toi et lui. J'ai presque envie d'aller lui en coller une pour secouer ses neurones et qu'il comprenne enfin tous les sous-entendus qui tournent autour de lui."
Elle rit et me jette un regard en biais.
"Ne t'inquiète pas pour ça. Je crois... Je crois qu'il a compris."
J'arrête brusquement ce que je suis en train de faire pour la détailler.
"Comment ça?"
"Tu verras ce soir. Je ne dirais rien avant."
En ronchonnant de frustration, je continue de m'atteler à ma tâche de nappes, pour enchaîner avec le dressage des tables et les décorations. Nous éclatons de rire en voyant Peter s'emmeler les pattes dans les cables et Flash s'amuser à lui infliger des petits coups d'électricité de temps en temps pour l'ennuyer. Enfin, le blond se met à trifouiller dans les prises alors que nous attendons tous les trois au centre de la pièce que nous avons plongée dans le noir pour voir le résultat. Dans un déclic et un cri de joie de la part de Flash, la salle commence à s'illuminer, ampoules par ampoules. Plusieurs guirlandes ruissellent sur les tables entre les chandeliers et les décorations en éclairant faiblement la salle d'une lumière jaune et chaleureuse. Des bouquets de branches feuillues entrelacées avec des lupiotes prennent vie en faisant luire de minuscules ampoules. Et enfin, l'immense 18 rosé s'illumine en nous faisant pousser des exclamations de surprises et d'admiration. Flash nous rejoint en sautillant comme un enfant et admire son travail, les poings sur les hanches, le torse bombé un immense sourire sur les lèvres. Nous échangeons des regards entendus après un temps d'admiration de notre travail; tout est parfait.
"C'est vraiment... Superbe." lance Cassidy, des étoiles dans les yeux.
J'entoure sa taille de mon bras en souriant pour lui faire comprendre que je partage sa joie avec tout autant d'entrain.
"On a fait du bon boulot." dit Peter, enthousiaste.
"Merci, merci mille fois!"
Elle sautille devant nous pour finalement se renfrogner et se tourner vers nous avec une expression déçue s'imprimant sur son si joli visage.
"Ça m'attriste tellement de savoir que ceux qui vont en profiter... Seront ces gens de ma famille que je connais à peine et qui viennent uniquement pour le buffet. Ils s'en fichent éperdument de mon anniversiare bon sang!"
"Cass!" s'entête Flash en secouant la tête. "C'était génial de préparer ça avec et pour toi. On s'en fiche des gens qui vont en profiter. Au moins, on a fait tout ça ensemble. Et c'est une réussite!"
Elle esquisse un sourire et écarte les bras en se jettant sur nous pour nous rassembler dans un immense câlin collectif.
"Ouais... On s'en fiche. Merci." souffle-t-elle.
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