Chapitre XV

Paige Wells.

  C'est ainsi que je me retrouve à l'hôpital.

Non pas pour moi, mais pour Grace que la police a emmené dans ce grand bâtiment moderne de New-York, ne ressemblant pas réellement à un hôpital aux premiers abords. J'attends patiemment dans la salle d'attente aux côtés de Hugo qui se prend la tête entre les mains. A vrai dire, on ne m'a encore rien dit et je vois le blond sur le point de craquer, alors je n'ose pas vraiment lui poser des questions sur le sujet. Alors je reste patiemment calée dans mon fauteuil en mousse en fixant un dessin fait par un enfant accroché au mur. Un soleil souriant, deux bonhommes aux airs heureux se tenant par la main, de l'herbe verte et même un oiseau. Le plus petit personnage lève le pouce et un inscription dit "Merci d'avoir guéri mon petit frère!". Je ne peux m'empêcher d'être attendrie à la vue de ce vulgaire dessin pourtant plein de sens pour celui qui l'a réalisé. J'essaye de me calmer suite aux événements récents, j'avoue que mon cœur bat encore si vite... Qui s'attendait donc à voir débarquer la police, à ce que Grace perde le contrôle et que David soit arrêté pour des raisons qui m'échappent? Je regarde Hugo du coin de l'œil, il fixe ses chaussure avant de croiser mon regard. Il est triste et désolé, peut-être va-t-il me parler et me révéler ce qu'il de passe et pourquoi, bon Dieu, je suis dans un hôpital escortée par la police.

"Tu ne sais même pas pourquoi tu es ici, pas vrai?"

Je hoche la tête sans oser sortir ne serais-ce qu'un "oui". Il soupire en se redressant pour se caler dans son siège et poser son regard sur le dessin, comme moi précédemment. Je l'imite sans vouloir affronter son air abattu plus longtemps.

"C'est un dessin rempli d'espoir venant d'un enfant si petit." dit-il en souriant. "Moi aussi j'ai le miens dans cet hôpital, ça doit faire sept ans je dirais. Ma maman a battu un cancer quand j'avais dix ans."

"Tu as dix-sept ans?"

Et oui, c'est tout ce que je trouve à dire, alors je tente en vain de me rattraper.

"C'est impressionnant, pour ta maman je veux dire."

Il hoche la tête en souriant tristement.

"Ouais, tu pensais que j'avais quel âge?"

"Dix-huit ans, comme moi."

"Tu es la première à me donner plus que mon âge." dit le blond en pouffant.

Mais son air amusé s'efface bien vite quand nous nous rappelons où nous sommes.

"Il faudrait que je te raconte mais ce n'est pas vraiment à moi de le faire."

Je comprends alors qu'il parle de Grace. Je hoche la tête, compréhensive.

"Mais quel est ton rôle dans toute cette histoire?"

"Il en est que Grace est une très bonne amie, je l'aurais bien appelée ma meilleure amie d'ailleurs. Vraiment, c'est une fille adorable. Je m'en veux d'avoir cru qu'elle n'était qu'une garce refoulée... Elle avait ses raisons. Elle m'a caché une chose durant toutes ces années où nous avons travaillés ensemble. Trois ans cette année."

Je le regardais en fronçant les sourcils, touchée par son histoire. Alors elle ne faisait que jouer un rôle avec moi? Mais pour quelles raisons?

"C'est à elle de me dire cette chose, pas vrai?"

Il hoche la tête et juste à ce moment là, une dame à la peau hâlée et aux longs cheveux noirs, magnifique pour son âge approche de nous avec une mine anéantie. Je présume qu'il s'agit de la mère de Grace, elle lui ressemble beaucoup, elles sont toutes les deux aussi jolies l'une que l'autre.

"Paige? Hugo? Grace est prête à vous recevoir. Elle a... Passé une osculation chez le médecin."

La dame nous prie d'entrer dans le cabinet alors que le médecin quitte les lieux pour nous laisser un petit temps d'intimité. Grace est assise sur la table d'osculation, balançant les pieds dans le vide en fixant la pointe de ses chaussettes noires vacillantes d'avant en arrière.

"Est-ce que ça va?" je demande à tout hasard.

Quelle idiote. Évidemment que ça ne va pas. Je sens le rouge me monter aux joues alors qu'elle ne répond pas immédiatement.

"Mieux maintenant que David est sous les barreaux."

Je hoche la tête en attendant la suite, ne me trouvant aucune contenance, debout au centre de la pièce. Hugo comprend mon malaise et m'indique de m'asseoir en face d'elle et avec lui sur un coffre blanc.

"Je suis désolée d'avoir été une véritable peste Paige, en réalité j'ai fais ça pour te mettre à bout jusqu'à ce que tu quittes ce travail." dit-elle d'une voix tremblante qui brise mon cœur.

"Je te pardonne, ce n'est rien. Mais... Pourquoi avoir voulu me faire partir?"

"David... Ce n'est qu'un salopard pervers. Il m'a engagé et... Il a abusé de moi." dit-elle en refoulant un violent sanglot. "Par la suite il a refusé tout poste, certainement que ces filles n'étaient pas à son gout... Puis il y a eu toi. Tu n'imagines même pas à à quel point j'ai eu peur qu'il te fasse vivre la même chose. Il fallait que je te fasses démissionner, je ne pouvais rien te dire directement sinon... Je n'ose pas imaginer ce qu'il m'aurait fait."

Je sens mon cœur plonger droit dans le bas de mon estomac et se briser en mille morceaux. Immédiatement, je me redresse et me place à ses côtés pour l'enlacer un long moment avec une sincérité qui m'était jusque là inconnue. Du coin de l'œil je vois Hugo verser une larme.

"Et moi, je n'ai rien vu..." murmure-t-il.

Je secoue ma tête,enfouie dans son cou en la serrant encore plus fort alors qu'elle sert ma taille comme pour relâcher enfin toute la douleur qui grandissait en elle chaque jour un peu plus.

"Tu ne dois pas t'en vouloir Hugo." dit-elle d'une voix si basse.

"Toi non plus tu ne dois pas t'en vouloir. Tu as été si courageuse, je suis admirative..." dis-je en frottant une main réconfortante dans son dos.

"Et toi donc! Tu as tenue bon malgré que j'ai été horrible avec toi."

Elle esquisse un sourire, ce qui m'impressionne encore plus; elle ne se laisse pas abattre.

"Ne baisse jamais les bras. Tu es une fille fantastique."

Elle se détache de moi en me souriant avec tendresse, sourire que je lui rends malgré cette sensation horrible qui s'est emparée de moi depuis que je suis dans cet hôpital.
L'infirmière passe la porte en nous regardant avec dureté.

"Mademoiselle, la police voudrait vous interroger. Ensuite il va falloir régler quelques papiers et vous pourrez rentrer chez vous."

Elle hoche la tête alors que, attendrie à son tour, l'infirmière sourit tristement. Elle referme la porte sur nous trois, Hugo se lève et entoure nos tailles de ses bras alors que nous nous blottissons les uns contres les autres comme si nous étions amis depuis toujours. Nous ne sommes que collèges depuis peu et pourtant, ensemble, nous avons vécu des drames qui nous ont rapprochés et ont créer des liens forts et indéniablement uniques. Parfois, ce sont grâce aux moments les plus difficiles à vivre que les Hommes s'unissent, car ils sont conscients qu'à plusieurs, ils sont plus forts et que leurs cœurs battront tous à l'unisson jusqu'à la fin.

***

Le téléphone à la main, j'attends sur le parking en serrant ma veste le plus près possible de mon corps. J'ai froid alors que le temps est correct. Enfin, la vieille voiture bleue foncée de Flash se distingue parmis les autres voitures et vient se garer juste devant moi. Cassidy ouvre la fenêtre du côté passager d'un air inquiet, je vois Flash au volant qui me lance le même regard tandis que la portière arrière s'ouvre sur Peter qui me laisse l'accès libre. J'entre en silence alors que rien ne bouge, le moteur continue de gronder et je soupire.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé?" demande Cassidy.

Alors je leur raconte l'histoire du début à la fin, depuis le jour où je me suis faites engagée en passant par l'histoire de Grace et de David. Et enfin, l'arrivée de la police.

"Waouh... Ça fait beaucoup." lance la rousse en se laissant fondre dans le siège avant.

Elle se tourne vers moi et me tend une main que je tiens volontiers.

"Tant que tu vas bien, c'est le principal."

Je lui souris en hochant la tête.

"Heureusement que vous êtes là pour moi, je n'aurais pas réussi à me calmer si vite sans vous." dis-je honnêtement.

Même Flash exprime un visage sincèrement touché suite à mon compliment, ce qui me met du baume au cœur. Cassidy me lâche alors que je sens la main de Peter se poser automatiquement sur ma jambe. Je sens le rouge mon monter aux joues alors que je lui lance un regard furtif. Flash allume le contact quand j'entends quelqu'un crier mon nom à l'extérieur. J'intime à Flash de rester à l'arrêt et ouvre la fenêtre de mon côté tandis que Hugo arrive au pas de course jusqu'à s'arrêter, essoufflé, en s'appuyant contre la portière. Tous le monde lui lance un regard étonné; j'avais oublié de le mentionner dans mon récit.

"Grace m'a demandé de te donner son numéro."

Je sors mon téléphone pour l'inscrire.

"Et le miens aussi, je ne veux surtout pas perdre le contact avec toi."

Je souris alors qu'il tape son numéro sur mon clavier. La main de Peter se retire immédiatement de ma jambe, un grand vide froid prend la place de ce doux contact tiède.

"À bientôt Hugo." dis-je en essayant de l'enlacer du mieux que je peux à travers la fenêtre.

Il me fait un signe de la main en s'éloignant alors que tous le monde se tourne vers moi pour avoir des explications.

"Tu as une touche ou quoi? On peut dire qu'il n'y a pas que du négatif dans cette histoire!" annonce Cassidy en riant.

"Non, je..."

Je regarde Peter du coin de l'œil alors qu'il est crispé et que ses yeux se perdent dans la vitre de son côté. Mon cœur se sert à l'idée qu'il se fasse des films entre Hugo et moi. Cherchant mes mots, il se trouve que je n'ai plus besoin de me justifier. Je leur demande de regarder à l'entrée de l'hôpital, ce qu'ils font.

Un jeune homme brun à l'air plus âgé arrive et enlace Hugo, mais pas de manière amicale. Il dépose un baiser sur les lèvres du blond qui répond avec aisance; je souris affectueusement. Je comprends alors le sens de la fausse menace de Grace envers Hugo:

"Tu voudrais que j'aille dire à Creg que la petite Sarah que tu prétends être ta petite amie est en réalité le petit Jammy, aussi masculin que possible?"

Alors cette ordure de David serait aussi homophobe et l'orientation sexuelle du blond aurait été fatale pour sa place dans le café? Si je l'avais en face de moi, je lui cracherais à la figure. Grace a été forte pour même se monter contre son meilleur ami en lui lançant des menaces sur un sujet sensible. Je ne pense pas que j'aurais eu moi-même cette force.

"Oh, d'accord, pas de touche." dit mon amie en souriant. "On y va?"

Tout le monde est pour s'éloigner de cet hôpital au plus vite alors qu'en tournant la tête vers Peter, je le vois sourire avec satisfaction. Alors ne m'aurait-il pas complètement oubliée? Je me sens euphorique sur le coup. Quand mes problèmes seront résolus, peut-être pourrais-je me lancer à l'eau avec lui. Car je sens que je suis prête.

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