Chapitre XIII

Paige Wells.

  "Paige? Qu'est-ce qu'il se passe?" dit Peter en ouvrant la portière de la voiture de Flash depuis l'intérieur pour me laisser entrer.

Je ne me fais pas prier et entre dans la voiture sans rien dire aux premiers abords. Peter attend que je boucle ma ceinture sans pour autant démarrer une fois ça de fait; il me regarde en attendant des réponses à ses questions. Réponse que je n'ai pas envie de lui donner, du moins pas en passant par le chemin de la vérité. Son regard est insistant, trop insistant. Je me retiens d'éclater en sanglots devant lui pour ne pas alimenter sa curiosité et ses soupçons sur le fait que je ne vais pas bien. Mais si je continue de garder le silence trop longtemps, le résultat serait le même qui si je lui disais la vérité.

"Je n'avais pas le courage de prendre le métro pour vous rejoindre. Je suis désolée de t'avoir fait perdre ton temps... On peut aller au Midnight Restaurant si tu veux."

"Je n'en crois pas un mot." dit-il avec inquiétude d'un ton ferme.

"Peter... Démarre, s'il te plait."

"Si tu me racontes la vérité."

"Démarre et je te raconterai."

Cette discussion est puéril, sans nul doute. Mais je n'avais pas du tout envie de rester devant ce café plus longtemps. Pourtant le brun tourne la clé de sa voiture et le moteur vrombit; nous voilà en route vers le Midnight Restaurant.

"J'ai pris le métro pour venir ici et ça me terrorise. Tous ces gens, aussi bizarres les uns que les autres... Je n'aime pas ça du tout."

Bon, ce n'est pas la vérité à proprement parler, je ne suis pas terrorisée par le métro, certainement pas! Mais ça ne me plait pas du tout.

"Et la vérité maintenant?" continue-t-il.

"Mais enfin! C'est totalement vrai!" dis-je en croisant les bras sur ma poitrine comme une enfant mécontente.

"Ta soudaine peur pour le métro n'explique pas pourquoi tu es ici ce soir."

"Ce sont mes affaires, depuis quand tu t'intéresses à ce que je fais en dehors des cours?"

"Depuis que tu comptes pour moi. C'est le rôle des gens qui t'aiment non? De s'inquiéter pour toi."

Sa remarque me va droit au coeur, mes joues rosissent mais cette prise de couleur est imperceptible dans la pénombre et j'en suis bien contente. Malgré tout je ne crois pas à ce qu'il dit. Non, pas tous les gens qui nous aiment se soucient de nous. Du moins, ceux qui prétendent nous aimer.

"Je n'en suis pas persuadée."

"Ne fais pas ta bornée, tu sais très bien que tu peux tout me dire, Paige."

Je tourne un instant la tête vers lui, ses doigts pianotent sur le volant en signe de nervosité, il a le regard concentré sur la route et de temps en temps, la lumière des lampadaires dévoile quelques parcelles de son visage. Je sais. Je sais que je peux tous lui dire. Mais en ai-je envie?

"Bon, très bien. Je cherchais un travail."

Son visage se tourne vers moi pendant un instant avant de revenir vers la route pour nous éviter un potentiel accident.

"Un job? Tu... Tu veux arrêter d'aller à l'école?"

"Non! Pas du tout. Je voudrais... Je voudrais me faire un peu d'argent de poche. Je voudrais offrir un cadeau à ma grand-mère pour son anniversaire et il est hors de prix. Et puis ça me permettra de me fondre un peu plus dans New-York."

Il plisse le front en haussant ses sourcils alors qu'un filet de sueur coule le long de ma nuque de peur qu'il n'avale pas ce mensonge.

"Pourquoi tu me cachais ça? Ce n'est pas grave..."

"Je ne sais pas... La fille qui travaille là n'est pas sympathique et puis... Oh laisse tomber, je m'emporte parce que je ne suis pas de bonne humeur."

Il laisse s'échapper un rire alors que je me ramollis sur le siège passager.

"Tu es embauchée au moins?"

"Oui... Je commence Samedi." fis-je avec un semi-sourire naissant.

"Alors allons fêter ça!"

Et le moteur retentît dans un bruit du tonnerre alors que mon ami s'élance sur la route peu fréquentée à toute vitesse.

***

Voici venu le temps de commencer mon service. J'entre dans le Creg's Coffee Club, un peu nerveuse pour mon premier jour en espérant faire bonne impression et me faire apprécier de Grace. Celle-ci me regarde d'ailleurs de travers dès mes premiers pas dans le café; je lui souris pour lui montrer que son attitude ne m'atteind pas le moins du monde. Elle me fait un signe pour que je la suive en cuisine. Brièvement, Grace me montre tous ce que je peux faire dans cette même cuisine, les cafés, le frigo avec les gâteaux et le congélateur avec les glaces, les boissons, les snacks etc... Jusqu'au vestiaire où je pouvais garder mes affaires. Là elle me lance la casquette noire imprimée du logo du café dans les bras ainsi qu'un tablier semblable avec mon nom inscrit sur un badge. Je regarde le tas de vêtements dans mes bras en me disant qu'à partir d'aujourd'hui, c'est la fin de la petit vie sociale que j'entretenais avec mes nouveaux amis le week-end.
J'enfile le tout et rejoint Grace au comptoir en croisant un jeune garçon blond apparement employé ici aussi vu son tablier et sa casquette.

"Hugo, occupe toi de débarrasser la trois et la cinq. Toi..." dit-elle en plissant les yeux et en me désignant. "Tu ferais bien d'aller faire la vaisselle. Le lave-vaisselle est en panne."

Je hoche la tête et grimace en lui tournant le dos pour retourner en cuisine. Ce n'est pas le moment de lui sauter dessus Paige, tu pourrais avoir des ennuis. Fais donc cette foutue vaisselle pour qu'elle la ferme. Ça ne doit donc pas être si terrible...

"Oh, merde."

Bon... Je ne suis pas une bonne voyante alors. Car le tas de vaisselle se tenant devant moi est juste aussi haut que l'Himalaya. Je m'approche et mets à mes mains les gants en caoutchouc -qui se trouvent être troués par dessus le marché!- et attrape une assiette après l'autre. L'eau et le savon coulent à flot lors de cette heure que je passe à faire la vaisselle, les mains moites à cause du produit et de l'eau chaude et le visage transpirant. Je retire les gants en les jetant sur le plan de travail avant de me rendre compte qu'il m'en reste une dernière de l'autre côté de l'évier. Mes mains trop moites et le destin se jouant de moi font que cette stupide assiette me glisse des mains pour aller se fracasser au sol. Je panique en me baissant pour ramasser précautionneusement les bouts de verre blancs avec un gout amère en bouche. Cette scène me rappelle bien trop ce soir où j'ai cassé ma boule à neige. Malgré mes efforts, le bruit fait par l'assiettes se cassant contre le carrelage fait intervenir une Grace en colère. Elle me pointe du doigt dans l'encadrement de la porte, du haut des deux petites marches reliant la cuisine à la salle et me siffle;

"Ça, ce sera retiré de ta paye!"

Ah. Bien, comme si aucun employé mis à la plonge n'avait jamais cassé une vulgaire assiette parmis une centaine d'autres. Elle s'en va alors que je me remets à ma tâche en grommelant. Avec cette fille, je ne vais pas pouvoir rester calme bien longtemps. Autant tout faire correctement pour montrer à David qu'il peut avoir confiance en moi et puis pouvoir enfoncer correctement cette petite garce comme il le faut. Elle peut bien avoir un physique de mannequin, un aspect de gentille fille, ça ne change rien à la pourriture qu'elle est intérieurement. Grace me charge ensuite d'aller servir la table sept de deux crêpes au sucre, ce que je me presse de faire pour enfin quitter cette cuisine. Je souris chaleureusement au couple âgé en déposant les plats devant eux.

"Bon appétit!" dis-je avec joie même si au fond je me sens complètement ramolie.

En me retournant, je croise le certain Hugo qui me regarde en essuyant une table libre. Je m'approche de lui pour me présenter; c'est la moindre des choses étant donné qu'à présent nous sommes collègues.

"Salut. Tu es Hugo, c'est ça?"

Il hoche la tête en me souriant. Il a des cheveux blonds dorés et tout frisés ainsi qu'un visage angélique et radieux. Ses deux yeux bleus claires lui font ressembler à un petit angelot. Il doit être moins âgé que moi, voir avoir le même âge.

"C'est bien moi. Tu as l'air de bien te débrouiller."

"Merci! Au fond, les clients n'attendent que des serveurs et des vendeurs de bonne humeur. Ça manque dans le coin. Moi, c'est Paige."

"Ravis de pouvoir travailler à tes côtés, tu as bien raison."

"Paige! Arrête de gêner ceux qui essayent de travailler correctement." me souffle Grace en s'arrêtant devant nous, parlant à voix basse pour que personne ne nous entende.

Je serre les dents en tournant les talons pour retourner vers le comptoir, suivie de la brune qui n'a pas l'air d'avoir envie de me lâcher.

"Comme en salle tu n'as pas l'air de faire des prouesses et que au lieu de servir simplement les gens comme demandé, tu préfères discuter, tu es assignée aux toilettes jusqu'à la fin de ta journée."

Je plante mon regard dans le sien en me contrôlant pour ne pas craquer et lui sauter dessus devant toute la clientèle. Je me contente donc de lui adresser un grand sourire hypocrite.

"Bien, de toute évidence la compagnie des cuvettes est bien plus agréable que la tienne." dis-je avant de me diriger vers la porte des WC.

Je ne vous raconte pas l'horreur dans les toilettes des hommes. De l'urine, de l'urine partout. J'ai dû me faire violence pour ne pas recracher mes tripes. Ces toilettes n'ont donc pas été récurées depuis l'âge de pierre, je ne vois pas d'autre possibilité!

À la fin de mon service, l'horloge indique vingt-trois heure tappante. Je retourne vers le comptoir en croisant Hugo et Grace qui remettent les chaises sur les tables pour pouvoir fermer boutique. Je vois rouge en croisant le regard sarcastique de ma meilleure amie. Alors je me dis qu'elle doit se charger de Hugo et moi et qu'elle n'a tout de même pas le pouvoir de nous renvoyer. Une remarque cinglante ou un petit geste de travers ne me coûtera rien de plus qu'un poid de moins sur l'estomac.
Alors qu'elle s'approche de moi, je retire mon tablier et ma casquette pour lui lancer dessus comme elle l'avait fait quand je suis arrivée.

"Range bien ça, Grace. Oh et attention, il reste des traces d'urine sur le tablier."

Ce qui est absolument faux mais ça, elle n'est pas obligée de le savoir. Je lui souris de façon assez moqueuse en remettant ma veste.

"C'était un véritable plaisir de t'avoir rencontrée. À demain!" dis-je avec enthousiasme avant de quitter les lieux suivie de Hugo.

Le blond ricanne à mes côtés alors que je lui dis au revoir mais il ne s'en va pas et suis le même chemin que moi.

"Qu'est-ce qu'elle a cette Grace?"

"Absolument rien! C'est une fille sympa d'habitude mais je dois dire que là... Elle a vraiment été horrible avec toi."

Je hoche la tête en recalant mon sac sur mon épaule.

"C'est vrai... Elle a peut-être peur que je lui vole sa place. Elle a bien tord, je veux juste mon salaire, moi."

Hugo rit à nouveau en allumant une cigarette. Je le regarde recracher la fumée un instant alors que nous continuons de traverser le trottoir en croisant de temps en temps un passant.

"C'est possible. Mon avis sur elle a complètement plongé. Elle peut s'avérer être une véritable peste."

"Ne dis pas ça, ça s'arrangera peut-être avec le temps..." dis-je sans trop le croire. Et voilà que je défendais celle que j'avais passé mon temps à maudire il y a un moment.

"Tu ne penses pas ce que tu dis." dit-il sans quitter son éternel sourire.

"Ce n'est pas faux..."

Je lui souris sincèrement, heureuse de pouvoir travailler avec lui qui me remontait le moral par rapport à cette peste de Grace.
Une voiture klaxonne sur ma gauche et je tourne immédiatement la tête, interpellée. Suprise, je constate qu'il s'agit de la voiture de Flash Thompson. J'en déduis qu'il faut que j'y aille.

"C'est pour moi. Je dois y aller, à demain!"

Il me fait un signe de la main avec laquelle il tient sa cigarette encore fumante tandis que je m'éloigne pour aller ouvrire la porte de la voiture.

"Peter? Qu'est-ce que..."

"Je suis venu te chercher, étant donné que tu es métrophobe."

Je fronce les sourcils en riant et monte dans la voiture, le trajet se déroule tandis que le brun me pose des tas de questions sur ma journée. Je réponds en omettant de parler de Grace, je ne voudrais pas qu'il s'inquiète avec ça. La musique dans les oreilles, je rentre chez moi, épuisée mais le coeur léger grâce à Peter.

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