Chapitre VI

Paige Wells.

  New-York... Tout compte fait, ce n'est pas si mal. Il est vrai qu'en passant dans les différentes grandes avenues de cette célèbre ville américaine je me surprends de temps en temps à avoir le cœur battant tant tout ce qui m'entoure est impressionnant. Chaque bâtiment, chaque habitation, chaque route et sans parler de ces incontournables taxis jaunes... tout a sa propre description unique en son genre. Mon attention est captivée par le moindre détail de ces paysages qui me sont inconnus et si différents de ceux que je connaissais déjà. Entre Londres et New-York, il n'y a pas de comparaison possible, c'est impensable. Ces deux villes sont si différentes! Et pourtant, contrairement à Londres, New-York, ce n'est pas chez moi. Mes bagages sont dans le coffre du véhicule, mes meubles sont déjà chez ma grand-mère et pourtant j'ai oublié l'essentiel; mon cœur, lui, est bel et bien resté dans la capitale anglaise. Je regarde encore un instant les hauts buildings qui paraissent caresser les nuages de leur sommet en se penchant sur les habitants et les touristes de toute leur hauteur comme pour venir lentement s'effondrer sur eux. C'est impressionnant le nombre de personnes qui traversent les rues, qui inondent les trottoirs et qui envahissent les routes. On reconnaît les touristes qui ne sont là que le temps d'un voyage avec leurs appareils photos et leurs airs ahuris au habitués qui tracent, le téléphone à l'oreille en route pour le travail ou au contraire sur le chemin du retour rejoindre leur petit appartement et peut-être même leur famille. Cette pensée m'attriste un peu, sur le coup je baisse les yeux et cesse de regarder par la vitre; je n'écoute pas pour autant ma grand-mère déblatérer sur les bienfaits de la salade quand on s'en sert comme masque de nuit... Non, je cesse tous simplement de penser à ce qui m'entoure, au fait que j'ai tout perdu derrière moi. Une pensée positive me vient soudainement à l'esprit alors que je me refuse à sombrer dans la tristesse dès le premier jour; j'ai en effet tout perdu, mais alors j'ai tout effacé pour mieux recommencer. Je pourrais bien comparer ma vie à un dessin. Quand l'artiste débute il n'est pas forcément bon dès la première fois. C'est l'entrainement et sa volonté de réussir dans ce domaine qui l'amène à faire des prouesses; il aura fallut gommer et encore gommer les vilains traits de crayon pour pouvoir réaliser de véritables œuvres d'art. Et si ça se trouve, peut-être atteindrais-je ce stade d'œuvre d'art un jour moi aussi. Peut-être que ce nouveau départ est nécessaire à ma bonne continuation, peut-être qu'un jour je pourrais enfin laisser derrière moi ce passé qui m'a tant fait souffrir pour réaliser de grandes choses... A mon tour de voir le bon côté de la vie, il est temps! Mais voici la preuve irréfutable que je ne peux pas tourner la page en une fraction de secondes; dans un coin de ma tête se cache encore une part de mélancolie. Il va falloir du temps avant de m'adapter à cette nouvelle vie, pour le meilleur et pour le pire.

***

Quand enfin je lève à nouveau les yeux vers la vitre entre-ouverte, me posant des questions sur la durée du trajet, je remarque que le décor a totalement changé. Soudainement je me croirais au théâtre alors que cet instant passé dans mes pensées n'était que l'entracte et qu'à présent, les rideaux sont à nouveau levés, que le décor a été modifié. Sommes nous toujours bien à New-York? Je regarde de tous les côté, glisse à l'autre extrémité de la banquette pour voir la rue dans laquelle nous sommes sous un autre angle. Les bâtiments sont moins hauts, ils sont étroits, le rue est... Je dirais même qu'elle est crasseuse. Dehors il n'y a pas un chat, c'est désert, complètement vide. Il y a des bennes à ordure peu ragoutantes à chaque tournant, la voiture rebondit sur les pavés abimés et à l'extérieur tout est terne. On se croirait dans un film triste quand le héro rentre d'une mauvaise journée et que même le temps lui en veut alors qu'il se met subitement à pleuvoir. Je pose une main hésitante sur la vitre glacée de la voiture. Je n'arrive pas à croire que toute la vie qui il y a peu animait le centre ai pu disparaître en si peu de temps. Le moteur se coupe brusquement, je ne m'étais même pas rendue compte que nous nous étions arrêtées alors que déjà ma grand-mère vient m'ouvrir la porte en me regardant avec un grand sourire joyeux.

"Bienvenue dans ton nouveau chez-toi Paige!" dit-elle en écartant les bras avec un enthousiasme non dissimulé.

Je lui lance un sourire, crispé malgré moi, par politesse et sors avec difficulté du véhicule, les jambes flageolantes. Face à moi, une petite maison qui ne ressemble en aucun cas aux autres de la rue. Si les autres sont grises, noires, ternes et sans vie, celle de ma grand-mère est aussi colorée qu'une palette de peinture. Je reste figée à regarder le toit bleu, la façade rose, la porte verte, les centaines de fleurs qui ornent le jardin, les statues et les nains de jardins de diverses couleurs qui me saluent.

"Alors, ça te plait?"

J'ouvre la bouche mais aucun son n'en sort, me voilà à faire une imitation de poisson contre mon gré devant ma grand-mère qui de toute façon n'attendait pas de réponse. La voilà déjà en train de sortir mes valises du coffre de sa voiture et de les tirer derrière elle jusqu'à la porte d'entrée. Je me réveille de ma transe et ajuste sur mon épaule mon sac à dos pour suivre cette étrange dame qui est censée être la mère de mon père tête baissée jusqu'à l'intérieur.

Et bien je vais vous le dire, je ne suis même plus étonnée! Des chats, des chats partout. Des papiers peints de mauvais gouts au murs variants du vert à pois mauves jusqu'au petits cœurs roses et rouges sur un fond blanc. Il y a des cadres partout comportant des portraits de toutes tailles et de toutes sortes aux murs. Tout est si coloré! C'est à en vomir, j'en ai la tête qui tourne.

"Ta chambre est la première à droite sur le palier, à l'étage!" dit la dame en se retirant vers la cuisine. "Installe toi donc confortablement, tes meubles sont là, je vais préparer le diner."

Je monte donc à l'étage suite aux conseilles de ma grand-mère et prend la direction de ma chambre, essayant d'ignorer les tas de photos de matous accrochées au mur. Je soupire de soulagement en voyant les murs blancs et mes meubles intactes. Je ne pense pas décorer ma chambre et la personnaliser comme je le faisais avant; une pièce sobre me fera du bien en rentrant le soir après avoir seulement traversé le couloir de cette maison aux horreurs. Je ne prends pas la peine de repositionner les meubles comme bon me le semble aujourd'hui, la fatigue me tenaille et la seule chose dont j'ai besoin c'est d'une très longue sieste. Je vais souffler à la dame que je préfère aller me coucher plutôt que de diner avec elle ce soir tant je suis épuisée par le voyage en m'excusant platement. Elle comprend, évidemment, alors ni une, ni deux je lance mes valises dans un coin et me couche tout habillée sur mon matelas froid.

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