Chapitre IV

Paige wells.

  Je n'ose pas bouger de mon lit.
La nuit fut plus que désastreuse, ne sachant pas fermer l'oeil à cause de cette discussion que j'ai... "Malencontreusement" entendue par "pur hasard", je me suis tournée et retournée dans mon lit sans savoir trouver le sommeil et sans pouvoir attendre que le sommeil ne me trouve. J'ai trouvé un court instant refuge dans mon livre du moment avant de vite me lasser, n'arrivant pas à me concentrer sur l'histoire. Alors c'est sur mon téléphone que je me suis rabattue mais la luminosité m'a rapidement agressé les yeux. C'est donc la musique qui a su bercer ma nuit avec plus de confort, j'ai donc réussi à m'endormir mais seulement pour quelques heures.
Actuellement je suis assise sur le bord de mon lit en fixant mon reflet dans le miroir.
Mes cheveux pratiquement noirs, mes yeux injectés de sang et ces cernes sombres causées par un évident manque de sommeil ne me rendent pas des plus attirante. Les courbatures sont revenues ce matin-là, mon dos est endolori comme jamais et je me gratte à nouveau sans cesses sans même m'en rendre compte. Alors que vous lisez ces lignes, j'ai presque envie de me ronger le bras pour cesser ces picotements attroces. On toque trois coups à ma porte. Je ne bouge pas et dévie le regard vers l'entrée de ma chambre en sentant mes sens s'affoler. La poignée tourne et la tête brune de Melinda Wagner passe dans l'encadrement en me souriant chaleureusement.

"Bonjour Paige. Bien dormi?"

Je hausse les épaules pour toute réponse, ma bouche est pâteuse et je n'ai pas forcément envie de dire quoi que ce soit par peur de me trahir.
Au fond, je ne suis pas censée savoir ce que je sais.

"Hm, écoute, le petit déjeuné t'attend dans la cuisine. Tu... Tu ne vas pas au lycée aujourd'hui, d'accord?"

Ah, vraiment? Je la regarde d'abord sans exprimer quoi que ce soit et me dit qu'il est temps de jouer aux ignorantes. J'essaye donc de m'imaginer que je ne sais rien de ce qu'ils ont à me dire et improvise les réactions que j'aurais eues si je n'étais pas au courant.
L'expression de mon visage se transforme en expression de surprise, du moins, autant que mes sublimes talents d'actrice me le permettent. Notez l'ironie.

"Quoi? Pourquoi?" dis-je en me penchant vers l'avant.

Melinda baisse les yeux et soupire.

"Habille toi et viens donc manger avec nous."

La porte se referme sur elle en me laissant à nouveau seule dans ma chambre et je n'insiste pas. Vêtue d'un pantalon noir, d'un t-shirt gris unis ainsi qu'un gilet bordeaux je descends les marches de l'escalier pour rejoindre ma famille d'accueil dans la cuisine; ils sont tous là, même Jason. D'un geste nerveux je replace mes longs cheveux qui m'arrivent maintenant dans le milieu du dos derrière mes épaules et m'assieds à ma place habituelle en les dévisageant tous tour à tour.

"Bonjour." dis-je finalement après un moment de silence où seuls les grésillements de la poêle à frire perturbent le calme profond.

On me répond d'un ton neutre et peu naturel, un filet de sueur coule dans mon dos alors que je sens mes mains devenir moites. Madame Wagner vient me servir un pancake que je tartine de confiture sans grand appétit. Ce que je veux, ce sont des réponses. Ça m'obsède, je n'attends que ça! Au bout d'un moment alors que je perds l'espoir qu'on me dise spontanément quoi que ce soit, je me racle la gorge et lance ces mots;

"Alors, pourquoi je ne dois pas aller au lycée aujourd'hui?" dis-je d'une voix mal assurée que je voulais pourtant confiante.

La chaise de Jason racle le sol alors qu'il s'apprête à quitter les lieux.

"D'ailleurs, j'dois y aller." dit-il précipitamment.

Et il s'en va.

Le couple s'échange un regard préoccupé ce qui ne fait qu'accentuer mon agacement et mon impatience qui frôle l'hystérie. Melinda laisse tomber la cuisson de son plat et vient s'asseoir sur la chaise à mes côtés en me prenant ma main, ce qui donne des airs dramatiques à la scène que je vis en ce moment.

"Paige, ma belle..." mais son menton se froisse et elle ressert sa poigne autour de ma main sans savoir continuer. "Patrick..."

Le père de famille qui baissait jusque là les yeux me regarde enfin.

"Je crois qu'il est temps pour toi de voir autre chose." dit-il simplement.

Si je ne savais pas que je devais partir pour New-York, je serais en état de stresse encore plus furieux qu'en ce moment même.

"Quoi?" dis-je d'une voix tremblotante qui passe crème dans mon jeu d'actrice. Je ne dois pas tant me forcer, la nouvelle est toujours très difficile à avaler et je n'ai toujours aucune idée de ce qui m'attend réellement

"Le juge, nous avions rendez-vous avec lui hier. Il... Il nous a appris l'existence de ta grand-mère Jody qui vit à New-York. Et, officiellement, elle est ton seul parent encore reconnu vivant." dit enfin le père.

"Nous avons l'obligation de te laisser à elle." dit madame Wagner à contrecœur.

Bien, le choc est autant plus dure à encaisser que si je n'étais au courant de rien. Je le fixe, la bouche légèrement ouverte. Une grand-mère en vie dont je n'ai jamais entendue parler? Laissez moi rire... Il n'empêche qu'à part les parents de ma mère, on je m'a jamais parlé de ceux de mon père et j'ai toujours trouvé ça normal. Jamais je ne me suis demandée qui ils étaient. Peut-être aurais-je dû me poser des questions, comme le font tous les autres enfants.

"Je pars à New-York? Chez une inconnue? Dans une immense ville que je ne connais absolument pas à des heures de chez-moi?"

"Paige, je t'en pris." dit Melinda en baissant la tête.

En la regardant j'aperçois deux larmes venant s'écraser sur le bois de la table à manger. Au fond, je culpabilise comme jamais d'enfoncer le couteau dans la plaie, mais je trouve ça totalement fou et ne suis pas forcément d'accord avec cette décision hâtive de me lâcher en Amérique, pays qui m'est totalement inconnu. Chez une dame que je ne connais pas le moins du monde et qui s'avère avoir le même sang que moi.

"Maintenant, ton véritable chez-toi sera à New-York Paige. Si nous le pouvions nous te garderions chez nous, tu le sais bien. Tu es une jeune fille fantastique."

"Je suis certaine que tu t'entendras à merveille avec ta grand-mère Jody." dit Melinda en caressant mes cheveux.

"Comment est-elle?" dis-je dans un souffle sans cesser de fixer la table.

Le couple ne répond pas. Je le savais, ils ne savent rien du tout. Ce que je vais devenir est un grand mystère, ils s'en fichent et n'ont même pas pris la peine de se renseigner.

"Je vois, lâchez-moi donc chez une dame qui peut-être une vieille folle psychotique sans vous soucier de ce qui adviendra de moi. Si ça se trouve elle me trouvera un coin confortable dans sa cave."

Et je me lève en essayant de faire une sortie tonitruante mais madame Wagner me retient par le poignet.

"Paige, je t'interdis. Tu ne sais pas à quel point c'est difficile pour nous de te l'annoncer et de... De te voir partir."

"Je pars quand?"

"Dans trois heures." dit Patrick sur un ton neutre comme si il essayait de masquer ses émotions.

Bien, parfait. Je me dégage de son emprise d'un coup sec et monte les escaliers avec fureur et peut-être même avec tristesse. Je m'enferme dans ma chambre; j'ai trois heures pour faire mes bagages. Trois petites heures avant d'être embarquée pour New-York. Du jour au lendemain, je suis arrachée à tout ce que j'ai toujours connu.
Très bien, si tout doit changer, alors je m'adapterai. Je regarde mes cheveux longs et noirs avec dégoût en tirant dessus. Pourquoi? Je sais très bien que ce n'est absolument pas normal et ça me hante; je prends le temps de me calmer et de réfléchir. Bien, si mon corps à voulu que mes cheveux changent, si ma famille d'accueil et le juge ont décidé que je devais déménager, alors autant en profiter pour tout laisser derrière moi. Littéralement. Et même Paige Wells.

Je m'empare de ma trousse et prends mes vieux ciseaux à papier que je lève triomphalement devant mes yeux, je me place devant mon miroir et je chuchote;

"Bye, bye, Paige."

Et je coupe en plein de cette masse de cheveux qui pousse à tout venant sur mon crâne, de façon aléatoire et irrégulière.

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