Chapitre I

Paige Wells.

Je cours sur les dalles du trottoir détrempé, il pleut si fort que j'ai l'impression de sentir chaque gouttelettes d'eau percer ma peau avec violence. En m'abritant sous une pile de fardes, je cours, ne voyant pas s'envoler mes feuilles d'études et disparaître à jamais, noyées par ce temps horrible. Enfin, j'arrive sur le pas de ma porte et je peux ôter ma capuche ainsi que poser mes affaires sur le banc devant la maison. Ici, je suis protégée par un petit toit, ma main se pose d'elle-même sur la poignée de la porte mais je ne me résous pas à la tourner. Non, je n'y arrive pas. Mon menton se froisse lentement et commence à trembler alors que mes yeux s'humidifient. Rapidement, je me sens à nouveau flancher alors que mes genoux se dérobent sous moi. Je me laisse tomber sur le sol en m'adossant à la porte en bois, laissant mon visage se perdre entre mes mains, secouée par d'incontrôlables sanglots. De toute évidence, personne ne me verra, cette fichue rue est déserte et mon père est certainement encore enfermé dans son laboratoire. Non, aujourd'hui comme hier je ne supporterai pas de rentrer et de trouver le salon vide, la cuisine calme et aucun bruit mis à part mes pas dans les escaliers alors que je rejoindrai ma chambre. Je ne supporterai pas de rentrer et de réaliser encore une fois que ma mère n'est plus là, que je ne la reverrai plus jamais. Je maudirai toujours la science, elle qui m'a arrachée ma mère et qui est montée à la tête de mon père.

C'était il y a neuf mois, nous étions tous les trois une famille unie et aimante, ma mère se rendait au travail et mon père me conduisait à l'école comme tous les jours. Sauf que cette fois-ci, quand je suis rentrée en bus, mon père m'attendait devant la porte et s'est jeté dans mes bras. Le laboratoire pour lequel ma mère travaillait avait pris feu et une bonne partie de son équipe n'avait pas survécu. Un mélange de substances ayant mal tourné... Ce sont les risques d'un métier passionné, m'a dit mon père. Je n'arrivais pas à y croire, je me voyais lui dire au revoir et lui souhaiter une bonne journée le matin même, c'était impossible, irréaliste. C'est pour cette raison que j'ai mis du temps à comprendre qu'elle était belle et bien partie, je m'en suis rendue compte un soir alors que j'attendais dans mon lit qu'elle vienne me souhaiter de faire de beaux rêves en embrassant tendrement mon front. Elle n'est jamais venue. C'est là que je suis tombée de haut, non, ce n'était pas une mascarade, je n'avais plus de mère.

Je relève la tête, les yeux brillants en scrutant la rue, la pluie s'est calmée et mes larmes ont séchées, je peux enfin me relever et aller affronter une nouvelle prise de conscience dont je me passerais bien. Si certaines personnes acceptent rapidement le décès d'un proche, je ne m'y ferais certainement jamais. Jamais. Comme prévu, aucune trace de mon père. Que voulez-vous que je vous dise? Depuis le départ de ma mère il s'est jeté corps et âme dans ses recherches scientifiques, ça en devient obsessionnel. Quand il en parle, il y a cette lueur de folie dans ses yeux qui me terrifie... Mon père n'est plus le même depuis ce terrible accident. La cuisine est déserte comme si personne n'était venu y préparer à manger depuis un bon moment, ce qui est certainement le cas; ces dernières semaine, je n'ai plus vu mon père des journées entières. Il ne sort même pas pour manger ou pour préparer le diner. Ou juste pour me voir. Il se trouve que j'habite seule et ça me fait mal, car j'aime mon père plus que tout au monde, il est la seule personne qui me reste. Je soupire, tout ça me coupe l'appétit. Alors je répète le même schéma que tous les jours depuis neuf mois, je monte dans ma chambre et prends un bouquin dans le but d'oublier tout ça.

Jettant mon sac et mes fardes dans un coin de la pièce, mon corps se laisse tomber de lui-même sur le lit et attrape un livre déjà entamé sur la table de nuit. J'ouvre les pages et tente de me concentrer sur les mots tant bien que mal, mais je ne peux aller plus loin que ces voix résonnent inlassablement dans ma tête.

Regardez là deux secondes, ce sont les mêmes vêtements depuis des semaines. Son père ne peut pas l'emmener en acheter des neufs.

Apparemment elle ne sort plus de chez elle et ça se voit. Regarde moi ces cernes!

Cette pauvre fille a tout perdu. J'ai pitié d'elle.

Elle est encore seule?

Évidemment! Elle est trop bizarre.

Un excès de colère me prend alors que je lance mon livre contre le mur en poussant un grognement rageur. L'objet atterrit contre une petite étagère murale où sont exposées pleins de babioles inutiles, des livres, des photos et des bijoux. Tout tombe avec une bruit monstre sur le sol, mais évidemment, il n'y a personne pour s'en rendre compte; je me retourne et enfonce ma tête dans l'oreiller en criant pour évacuer ma colère. C'est une technique absurde que j'utilise depuis toute petite et qui a toujours fonctionnée malgré tout. J'ai le coeur lourd et les traits tirés, je déteste cette sensation de malaise qui me ronge.

Ce que fait mon père?

Il est comme l'était ma mère, un célèbre herpétologiste, passionné des reptiles en tous genres. Je ne sais pas exactement ce qu'il cherche à prouver sur les serpents, mais apparement il ne s'arrête plus avec ses recherches. La dernière fois que je l'ai vu, il a dit avec le regard perdu, que les serpents et les hommes n'étaient pas si différents. Je ne l'ai pas compris, je le croyais encore parti dans un de ses délires hystériques... Et pourtant il était on ne peut plus sérieux. Il s'est assis en face de moi comme si j'étais une de ses collègue et m'a dit en croisant les mains sur la table.

"Si grâce à la science, on pouvait donner aux Hommes certaines capacités reptiliennes... On changerait le monde."

Je l'ai regardé avec méfiance sans comprendre. En quoi ça changerait le monde? J'ai réfléchis et j'en ai déduis qu'il était tant passionné par ces créatures qu'il voulait en devenir encore plus proche; quite à leur ressembler.

"Et c'est ça que tu fais en bas? Tu essayes de te transformer en serpent?" dis-je d'un air sarcastique en grimaçant.

Mais il n'a pas cillé.

"Ces termes ne sont pas très scientifiques mais c'est en quelque sorte ce que je fais. Je teste d'abord sur mes souris de laboratoire évidement..." grogna-t-il à part comme pour lui même en oubliant ma présence.

"Papa! Je suis là!"

Il s'est tourné vers moi en sursautant.

"Tu ne vas quand même pas te faire pousser des écailles?"

"Imagine un instant, si l'Homme possédait une thermosensibilité aussi performante que celle des serpents. Tu ne voudrais pas savoir ce que ça fait?"

"Absolument pas!" dis-je dégoûtée. "Papa, je t'en pris... Tu te rends malade avec ce projet. C'est impossible, tu délires complètement." dis-je, la voix tremblante.

"Paige, rien n'est impossible grâce à la science."

Il m'a fait grand sourire avant de se relever et s'éloigner à nouveau pour rejoindre son laboratoire dans la cave. Et pourtant, à l'heure d'aujourd'hui, je suis toujours persuadée que ses projets n'aboutissent à rien. Je me lève pour aller ramasser mon livre et remettre mon étagère correctement en place; soudain je sens quelque chose me piquer la paume de la main. Je peine à regarder ma main ensanglantée, le coeur battant, decouvrant plein de petits bouts de verre éparpillés sur le sol. Je retire un par un les cristaux incrustés dans ma peau en essuyant le tout d'un mouchoir et vais mettre la boule à neige brisée coupable de ce crime à la poubelle en jurant. Quand tout est au clair et que ma main est enveloppée d'un bandage, je me décide enfin à continuer ce livre en me mettant au lit. J'irai me coucher tôt aujourd'hui, tout simplement parce que tous ces événements m'épuisent plus que tout. Mes yeux buttent sur certains mots alors que je sens la fatigue s'emparer de moi petit à petit jusqu'à me faire lâcher prise sur le bouquin et me faire sombrer dans le sommeil.

***

Des cris.

Ce sont des cris qui me réveillent brusquement en me tirant de mon sommeil profond. Je regarde autour de moi, alarmée, ils résonnent toujours, étouffés par les murs. Mon réveil indique une heure et demie du matin. Que se passe-t-il? J'enfile précipitamment un gilet et sors en trombe de ma chambre, les cris sont plus clairs dans le couloir et je reconnais sans mal ceux de mon père. Le coeur battant et les jambes tremblantes je dévale les escaliers et m'avance dans la pénombre jusqu'à la porte de la cave. Je n'y vois rien et de plus, la porte est fermée. N'y tenant plus, je cris;

"PAPA!?"

Pas de réponse, juste des hurlements. Peu importe à présent, je cherche à taton l'interrupteur et attrape sur le mur un ancien gaufrier en metal noir et long qui servait avant de décoration et ayant l'avantage d'être extrêmement lourd. Avec le peu de force que j'ai, je frappe le plus fort possible dans la porte en criant. Encore une fois. Et encore une fois. Je vois apparaître des fissures et à bout de souffle, je porte le coup fatale. Une planche se dérobe et tombe du côté du laboratoire. Je peux alors déverrouiller la porte de l'intérieur et y entrer. Malheureusement une simple pression sur la porte la fait se déchausser de ses gonds et celle-ci tombe platement sur le matériel de mon père. Jamais je n'ai mis les pieds dans ce laboratoire, il me l'a toujours formellement interdit. Pourtant je le trouve sans mal, couché sur le sol en train de pousser ces terribles hurlements de désespoir. J'accours vers lui et remarque toutes ces bouteilles cassées au sol laissant s'éparpiller des bouts de verres un peu partout. Je vois le bras de celui-ci, saignant et empli d'égratignures profondes causées par le verre brisé. Décidément nous n'avons pas de chance avec le verre, au milieu de flacons cassés répandant leurs liquides étranges et odorants dans tous les recoins de la pièce et de son propre sang, mon père git là, une seringue à la main.

"Papa, papa je t'en supplie." dis-je en me laissant tomber à ses côtés, lui prenant la seringue et la jettant plus loin, "Qu'as-tu fais papa?"

Il cesse de hurler et son torse se soulève lentement alors qu'il respire bruyamment et difficilement.

"Papa, reste avec moi, dis moi quelque chose. Qu'est-ce que tu as fais?" dis-je en attrapant le col de sa chemise, le secouant avec hystérie, les yeux pleins de larmes.

Il ne répond pas et je prends immédiatement le réflexe d'appeler les secours pour leur donner ma position. Quand je raccroche je vois mes genoux dénudés à cause de mon short, flotter dans un bain de sang et de liquide verdâtre. Mon propre sang. Mes mains, mes jambes, mes pieds... Je suis écorchée comme mon père à cause de ces débris de verre qui donnent un aspect chaotique à la pièce. Je relève la tête de mon père pour le regarder, il respire de moins en moins et je l'appelle de façon de plus en plus désespéré en pleurant à en perdre le contrôle de moi-même.

"Papa..."

Il lève enfin les yeux vers moi et je sens mon coeur se serrer avec force, comme si il allait éclater dans ma poitrine d'un moment à l'autre.

"Rien n'est impossible grâce à la science." dit-il dans un souffle.

Je le regarde mais il est flou, les larmes me brouillent la vue et ma tête se secoue d'elle-même. Je n'y crois pas. Non. La science est en train de le tuer et ce sont ça, ses dernières paroles?

"Papa, la science t'as rendu fou." dis-je d'une voix inaudible en continuant de serrer mes mains sur son col.

Enfin je regarde le bras avec lequel il s'était piqué, une grosse enflure absolument répugnante se tient là et gonfle de plus en plus. Un liquide verdâtre, celui qu'il avait tenté de s'injecter en resort; son corps n'a pas accepté cette substance. Mais bon sang! Que lui était-il passé par la tête? Je lache son bras avec horreur et reprends son col de chemise entre mes doigts. Mon père est un bel homme, il a les cheveux poivre et sel, une légère barbe toujours impeccable et un visage carré. Mais ce sont ses yeux qui ont changés et qui me font réagir. Il a toujours ce regard hagard et psychotique, injecté de sang comme si il n'avait plus dormi depuis des lustres. Je le regarde avec le front plissé en laissant couler mes larmes de façon excessive jusqu'à ce qu'il pousse un soupire bruyant qui soulève violemment sa poitrine. Et puis plus rien. Il ne bouge plus. Il ne respire plus. Je suis seule dans ce laboratoire qui me fiche la chaire de poule au milieu d'une marre de substances chimiques avec mon défunt père dans les bras et je pleure à ne plus voir que du noir autour de moi. Ma tête vient heurter le torse de mon père alors que je sombre complètement.
Les secondes paraissent des minutes et les minutes paraissent des heures quand enfin je sens remuer autour de moi. On me soulève du sol et on m'emporte. Je n'ouvre les yeux que pour voir une dernière fois le carnage qu'est devenu le laboratoire de mon père et ressombre lentement en ne voulant pas en savoir plus. La dernière image que j'ai en tête sont ces hommes habillés de noir qui soulèvent mon père en examinant les lieux avec prudence.

***
NDA: Voilà le premier chapitre de ma nouvelle Fanfiction sur le thème de The Amazing Spider-Man. J'espère que cette petite introduction vous plaît! La suite à venir...
-Shay

Ps-; Merci à mon petit frère et à toutes ses bonnes idées pour m'avoir aidé à construire cette fiction!

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