3| Prix d'admission
Esther eut du mal à contenir sa joie à la vue du fameux Credence. Celui dont elle avait tant entendu parler. Celui autour duquel régnait un tel mystère. Mais surtout, celui qui était source de nombreuses rumeurs. Vraisemblablement toutes erronées, tant le jeune homme semblait être un parangon de normalité.
Cela en était presque décevant.
Credence était l'exemple typique d'une personne qu'Esther aurait pu croiser dans la rue et ne pas remarquer. Elle serait passée à côté de lui sans même le voir et sans réaliser ce qu'il était vraiment. C'était peut-être cela le plus effrayant : savoir que ce qu'il était se fondait dans le décor et que l'on pouvait, le plus facilement du monde, l'ignorer et lui tourner le dos. Ce qui était exactement ce qui s'était passé la nuit dernière.
Esther en frissonna. Si elle avait su que c'était lui, le jeune homme, qu'elle avait aperçu en plein milieu de la nuit, occupant le hamac en face du sien, elle aurait certainement eu plus de mal à trouver le sommeil. Elle se souvenait parfaitement du moment où elle avait pris conscience de sa présence : après avoir reçu un énième coup de bras d'Hector, son camarade de couchette, et s'être réveillée en sursaut. Elle s'était alors recroquevillée sur elle-même, à bout de nerf. Se cachant le visage entre les mains, elle avait entrepris de compter jusqu'à dix à voix basse, pour calmer sa douleur autant que sa colère. Ce fut quand elle arriva au bout de son décompte et qu'elle se découvrit le visage qu'elle distingua le fameux Credence dans la pénombre, tandis qu'il s'allongeait dans le hamac qui avait été inoccupé une bonne partie de la nuit. Éreintée, Esther lui avait alors tourné le dos et s'était rendormie.
Une sacrée erreur de parcours, mais qui n'entachait en rien son soulagement de l'avoir déjà trouvé.
— Si tu continues à le fixer ainsi, je vais me mettre à penser que Credence t'a tapé dans l'œil, la charria Borys en croquant dans son toast.
Esther leva un sourcil en sa direction.
— Peut-être est-ce bien le cas ?
— J'en doute.
La sorcière s'empêcha de lever les yeux au ciel.
— Oh, il ne serait pas assez bien pour moi ?
— Chacun ses goûts. Mais je pense plutôt qu'il y a autre chose.
Borys posa son toast pour mieux scruter Esther. La jeune femme plongea son regard d'un bleu glacier dans celui ténébreux de l'hypnotiseur. Elle ne comptait pas lui faire le plaisir de baisser les yeux, malgré l'inconfort croissant qui l'envahissait. Les yeux sombres de Borys étaient comme deux puits sans fond, morne et vide. Ils l'appâtaient par leur profondeur, l'emprisonnaient dans leur noirceur.
— Esther, coupa Harish en se raclant la gorge, ce qui eut le mérite de briser le duel de regard. Je peux proposer à Credence de se joindre à nous, si tu veux lui parler. Je ne pense pas qu'il acceptera, il est assez solitaire, mais on peut essayer.
L'interpellée se redressa, légèrement nauséeuse. Soit sa bouillie ne passait pas, soit... Elle dévisagea l'hypnotiseur quelques secondes. Son visage pâle arborait un sourire satisfait et hautain qui ne lui disait rien qui vaille.
— Non, pas la peine, s'empressa-t-elle de répondre avant d'accorder un sourire amical à Harish. Mais merci de la proposition.
La sorcière ramena son attention sur son bol. La cuillère à la main, elle ignora ses deux compagnons de table pour se concentrer sur son repas. Du moins en apparence, car son esprit divaguait et ses pensées se déversaient de tout côté.
Désormais qu'elle savait à quoi ressemblait réellement Credence, sa première, et seule réelle, priorité serait de trouver une manière de l'aborder loin des regards et des oreilles indiscrètes du cirque. Néanmoins, Esther se vit dans l'obligation de rajouter une deuxième priorité à sa liste : celle de garder un œil sur Borys.
Leur court échange l'avait remué bien plus qu'elle espérait le laisser paraître. Même si elle avait pensé, au début, qu'il était simplement un fauteur de trouble, elle se retrouvait désormais confrontée à une réalité bien plus désagréable. Elle avait vu dans son regard un éclat qu'elle ne connaissait que trop bien : celui de l'homme qui se savait puissant, qui avait tout vu, tout fait, sans jamais rien risquer. L'éclat d'une volonté totale de faire du mal et d'en savourer chaque seconde. Borys s'avérerait dangereux et elle allait devoir se méfier de lui.
Ce fut donc un soulagement quand Omar, le précédent guichetier du cirque, vint la chercher plusieurs minutes plus tard pour la former à son métier. L'homme, petit, mais musclé, dont le visage était barré par une longue cicatrice, n'accorda pas un regard aux hommes présents à la table. Il se contenta de se présenter à Esther d'un ton revêche, puis de lui demander de le suivre. La sorcière s'exécuta.
En sortant du réfectoire, comme mue par un instinct, elle se retourna. Elle repéra deux regards posés sur elle : celui de Harish, dont le pli soucieux sur son front indiqua qu'il était préoccupé, et celui plus mystérieux de Credence. Le jeune homme se trouvait plus loin et se tenait la tête baissée ; Esther ne put donc pas déchiffrer son expression. Elle distingua simplement ses yeux sombres tournés dans sa direction.
Elle se détourna sans un mot, gardant bien caché au fond d'elle ce qu'elle ressentait, et suivit Omar le long des couloirs tapissés de rouge. Quand ils atteignirent le sas d'entrée du chapiteau, le soleil jaillissait par l'ouverture de la toile de tente et illuminait le guichet en bois de ses rayons. Rien n'avait changé depuis l'arrivée d'Esther la veille : le petit espace n'était toujours composé que d'un guichet et d'une pancarte sur laquelle était inscrit le prix des billets en escudo.
Omar la fit passer derrière le guichet et lui montra les rudiments du métier : comment ouvrir la caisse, comptabiliser l'argent, rendre la monnaie, fournir les tickets... Comme Esther s'y était attendue, il n'y avait pas grand-chose à faire, et encore moins de choses difficiles à appréhender. Au grand dam de la sorcière, elle estima que c'était presque un travail de moldu.
Quand elle réussit sa troisième simulation de vente, Omar estima que la formation était terminée. Le visage fermé, il s'éloigna en grommelant.
Les premières représentations du cirque ne commençant qu'à dix-huit heures, Esther se retrouva démunie à s'interroger sur ce qu'elle était censée faire désormais. Hector, qui travaillait à l'extérieur, dû le voir, car il vint la chercher, à peine quelques minutes plus tard, pour qu'elle l'aide à installer les scènes extérieures. Les heures passèrent, les stands et les cages furent montés tandis que l'Esplanade Engloutie prenait vie autour d'eux.
Les sorciers de Lisbonne, la mine lugubre, sortirent de plus en plus nombreux de l'eau gelée pour faire des emplettes ou simplement se retrouver entre amis pour discuter. Quand la fin d'après-midi pointa le bout de son nez, l'esplanade vibrait de vie, à l'opposé de son double moldu qui se vidait progressivement de ses promeneurs. Les sorciers s'entassèrent autour du chapiteau, curieux et excités par l'arrivée du fameux cirque Arcanus.
Esther, qui s'était repositionnée au niveau du guichet, attendait le signal de Skender pour commencer à encaisser les clients. Le signal ne vint que quand le ciel commença à virer au noir et que, sortit de nulle part, une musique joyeuse s'éleva dans l'air.
Aussitôt, la troupe sortit du chapiteau et le cirque prit vie. Les draps qui recouvraient les cages s'envolèrent pour révéler diverses créatures exotiques ; les vendeurs des stands de barbe à papa et de lancer de boules entamèrent leur chant de ralliement et les jumeaux cracheurs de feu, qu'Esther avait aperçu le matin-même, se mirent à s'échanger des jets de flamme au-dessus des têtes des visiteurs.
Il y avait tant d'animation, tant de choses à voir que même Esther en était impressionnée. En un claquement de doigts, l'atmosphère avait radicalement changé. Des exclamations choquées, interpellées, amusées et excitées se firent entendre tout autour du chapiteau, à mesure que les Lisboètes se dispersaient pour observer les différentes bizarreries du cirque.
Esther resta à son poste tandis que Skender la dépassa pour se poster à l'entrée du chapiteau. Il observa le succès de sa soirée d'ouverture un instant avant de porter sa baguette à sa gorge et de s'exclamer, sa voix se répercutant sur toute l'esplanade :
— Sorcières et sorciers, bienvenue au Cirque Arcanus ! Êtes-vous prêts à passer la meilleure et la plus étrange nuit de votre vie ? (Des sorciers s'exclamèrent tandis que des enfants sautillèrent sur place.) Profitez des rafraîchissements et des spectacles extérieurs, mais n'oubliez pas que les curiosités vivantes les plus exceptionnelles ne sont visibles qu'à l'intérieur de notre majestueux cirque. L'enfant maléfique... Le bébé à deux têtes... Une Maledictus... Vous n'aurez que deux représentations pour les apercevoir. La première commence dans trente minutes, et... il n'y aura pas de place pour tout le monde alors ne la loupez pas !
Sur ces mots, un feu d'artifice éclata au-dessus de l'esplanade, nimbant les sorciers d'une lumière d'or et de rubis. Une vague d'exclamations enchantées parcourut le public lorsqu'une immense créature, ressemblant à un chat lumineux, naquit des feux d'artifices et se mit à voler harmonieusement au-dessus des têtes. La source d'inspiration de ce sort, le véritable Zouwu emprisonné dans une minuscule cage au milieu de la foule, ne recevait pas autant d'attention positive.
Skender se hâta de retourner sous le chapiteau, sans un regard pour Esther. Cette dernière n'avait pas besoin de lui pour savoir que c'était là le signe de départ. Et, en effet, presque aussitôt, de nombreux sorciers accoururent au guichet pour venir acheter leur billet. Esther avait reçu des ordres très précis sur le nombre de personnes qu'elle pouvait faire rentrer pour s'installer sur les gradins : pas plus de cinquante. Elle jaugea rapidement la file qui commençait déjà à s'étendre à l'extérieur et jugea qu'elle risquait de faire des déçus.
Vingt minutes plus tard, les gradins étaient pleins et Esther put prendre une pause bien méritée. Alors qu'une dizaine de personnes repartait penaude, marmonnant qu'elles seraient les premières dans la file pour la deuxième et dernière représentation de la soirée, Esther utilisa une petite chaînette pour relier les deux rideaux rouges de l'entrée du chapiteau ensemble. Sous la chaînette empêchant l'entrée était inscrit « Représentation en cours ».
La sorcière s'adossa au guichet pour souffler un grand coup. Encaisser cinquante personnes en aussi peu de temps s'avérait plus éreintant qu'elle ne l'avait anticipé, mais elle fut rassurée de voir qu'elle s'en était bien sortie. Skender s'était montré arrangeant avec elle, mais la dernière chose qu'elle souhaitait était de perdre ce poste, surtout après avoir vu, en aidant à installer les stands extérieurs dans l'après-midi, ce que le cirque pouvait réserver à d'autres employés. Il était hors de question qu'Esther nettoie des excréments ou récure des cages, comme Omar se retrouvait désormais à le faire. Elle s'était sentie coupable de la mauvaise fortune de l'homme pendant un moment, puis elle s'était souvenue que la situation était temporaire. Elle préféra donc porter son attention sur des choses plus divertissantes, comme les enfants qui volaient au-dessus de l'esplanade dans des bulles de savon géantes.
Elle les observa en silence, les yeux en l'air, perdue dans ses pensées. Les enfants gesticulaient dans tous les sens, faisaient la brasse, tournaient sur eux-mêmes, en riant et s'apostrophant. Esther ne put dire combien de temps elle resta distraite. Ce fut seulement quand les premiers sorciers sortirent du chapiteau et se heurtèrent à la fine chaînette qu'Esther revint à elle. D'un coup de baguette, elle leur ouvrit la voie et un flot continu d'hommes, de femmes et d'enfants évacua la piste et les gradins. Sur leur visage, de l'émerveillement, de la stupeur et, pour certains, du dégoût. Quand tout le monde fut sorti, la sorcière se remit derrière son guichet, prête à réceptionner les nouveaux spectateurs qui ne tardèrent pas à affluer en masse pour la dernière représentation qui aurait lieu trente minutes plus tard.
Esther réceptionna l'argent, offrant en échange de simples tickets en cartons abîmés. Malgré son incapacité à parler le portugais, la jeune femme n'avait aucun souci à se faire comprendre. Les prix étant indiqués sur la pancarte derrière elle, elle n'avait qu'à gesticuler avec les mains pour leur montrer, et quand certains sorciers avaient d'autres questions, un peu d'anglais suffisait à régler le problème.
Trente minutes plus tard, et alors que la représentation commençait, Esther avait encore une dizaine de tickets disponibles. Elle passa la tête dehors, sous le ciel étoilé : encore de nombreux sorciers se trouvaient sur l'Esplanade Engloutie, autour de la cage du Zouwu ou du Kappa ou bien en train de discuter, mais la plupart d'entre eux prenaient la direction de la Tage, plongeant dans l'eau glacée sans aucune hésitation.
Il fallait dire qu'il commençait à se faire tard.
Profitant du calme extérieur, la sorcière s'intéressa alors au spectacle qui se déroulait à l'intérieur. Elle se glissa entre les deux rideaux qui séparaient le sas d'entrée des gradins et croisa les bras.
De là, elle voyait Skender parader autour de la piste encagée, dans son long manteau rouge, enjoignant la foule à s'extasier devant ses monstres. Sa première exhibition fut l'étrange bébé à deux têtes. Esther fut aussi choquée que les spectateurs quand elle l'aperçut derrière la cage. Deux têtes, quatre bras et quatre jambes et un long torse reliant le tout. Elle grimaça et ne fut sereine que quand son tour fut passé. Skender présenta ensuite « l'incroyable diable japonais », un monstre haut de deux mètres, jaune et rouge, dont le visage était encadré par deux larges cornes qui pointaient vers le haut. La créature fit le tour de la piste en traînant ses larges pieds, poussée à ne jamais s'arrêter par les coups de canne de Skender contre la cage. La foule s'en donnait à cœur joie, entre exclamations horrifiées et choquées.
Esther retint un bâillement, sa journée commençait à lui peser. Le spectacle, aussi dérangeant qu'elle l'avait imaginé, n'accaparait pourtant pas son attention et elle perdit encore plus d'intérêt pour ce dernier quand elle vit Nigelle faire son apparition, suivie d'Harish quelques minutes plus tard. Elle les observa faire leur numéro d'un regard résigné : elle voyait leur visage morne, leurs gestes automatiques. Ils étaient totalement détachés de ce qu'ils faisaient, et, à entendre les commentaires autour d'elle, Esther comprenait pourquoi. Les sorciers n'avaient pas de filtre et disaient tout fort ce qu'ils pensaient, comme s'ils croyaient que les personnes dans la cage, et qui étaient paradées pour eux, ne pouvaient pas comprendre ce qu'ils disaient. La sorcière, jusque-là épargnée par un sentiment de trouble, fut cependant inquiète quand Skender appela sur scène l'enfant démoniaque. Aussitôt que Fredrick mit un pied sur scène, un homme d'une vingtaine d'années s'exclama que c'était une abomination et qu'il devrait être tué sur le champ. Il sortit même sa baguette et la pointa sur le jeune garçon, autant pour appuyer sa phrase que pour amuser la foule. Des rires fusèrent de toutes parts et le visage de Fredrick se décomposa. Esther, qui ne souhaitait normalement jamais de mal à ses camarades sorciers, eut tout d'un coup grandement envie de sortir sa baguette. Elle se retint quand Fredrick entama son numéro, habillant son visage d'un masque d'impassibilité, trahi seulement par son regard hanté. Il se mit patiemment à jongler avec des objets, utilisant aussi bien ses mains en forme de pinces que sa queue. La scène sembla s'éterniser sur de longues minutes avant que, finalement, Fredrick sorte de scène.
Skender fit alors le tour de la cage, regardant chaque spectateur individuellement jusqu'à ce que le calme revienne à l'intérieur du chapiteau. Quand il fut satisfait, il prit la parole, solennel :
— Prochaine attraction dans notre parade de monstres et de phénomènes, je vous présente... (Il se retourna vers l'intérieur de la cage, emmenant le regard des spectateurs avec lui.) Une Maledictus !
Esther inclina la tête, curieuse. Une Maledictus ? Elle observa une jeune femme au teint pâle et aux cheveux noirs entrer sur scène. Contrairement aux autres attractions qui avaient foulé la piste sableuse avant elle, elle paraissait étrangement normale. Pas de couleur de peau anormale, pas de parties du corps supplémentaires ou mal formées. Seulement une jeune femme seule, cernée par cinquante personnes attendant d'être époustouflées. Et derrière elle, tout au bout du tunnel permettant d'aller des coulisses à la piste, un homme statique. Esther plissa les yeux pour distinguer les contours de cette silhouette anonyme.
— Jadis prisonnière des jungles d'Indonésie..., continuait Skender.
— JE VEUX VOIR LA FEMME SERPENT !! Cria, en anglais, une petite voix dans le dos de la sorcière.
Esther se retourna brusquement. Derrière elle se trouvait une famille de quatre personnes, un homme, une femme et deux enfants. D'origine anglaise, ils semblaient être ici en vacances et furent quelque peu interpellés par l'apparence d'Esther quand cette dernière vint se placer derrière le guichet. La petite fille blonde, sûrement âgée de quatre ou cinq ans, la pointa du doigt, tout en tirant sur le manteau long de sa mère. Esther l'ignora pour se tourner vers le père qui lui parlait :
— Je voudrais quatre tickets.
Esther fit un rapide calcul mental dans sa tête et, alors qu'elle allait dire le prix attendu, elle fut distraite par une dizaine d'exclamations en provenance du chapiteau. La Maledictus avait dû faire son numéro. Esther se pencha distraitement par-dessus sa caisse pour essayer de voir en quoi la femme s'était transformée, mais l'homme l'en empêcha en claquant des doigts à quelques centimètres de son visage.
— Eh, bête de foire, nous aussi, on aimerait profiter du spectacle. (Il tendit la main.) Les tickets !
La sorcière au teint pâle regarda fixement la main tendue de l'homme, puis son visage hautain aux sourcils bruns rehaussés. Rien qu'en le regardant, elle était convaincue qu'il était un gratte-papier du Ministère de la Magie britannique ; effectuant un travail inutile, mais se donnant un air important. Elle dévisagea l'homme suffisamment longtemps pour que celui-ci fronce les sourcils.
Esther s'humecta les lèvres avant de dire d'une voix très basse et calme.
— Pardon ?
— Tu m'as très bien compris, rétorqua-t-il aussitôt, ne semblant pas remarquer l'effort surhumain que faisait Esther pour lui laisser une deuxième chance.
Lassée, elle afficha un sourire mauvais et se pencha vers l'homme, l'index pointé sur son torse.
— Répète ce que tu viens de dire et les bêtes de foire et moi te traquerons jusque chez toi, t'enfermerons dans ta maison et y mettrons le feu.
La femme du sorcier, dont le visage était encadré de longs cheveux roux, hoqueta de surprise. Elle cacha précipitamment ses deux enfants dans son dos, comme si Esther allait mettre ses menaces à exécution à l'instant même. La petite, curieuse, demanda à voix haute :
— Qu'est-ce qu'elle a dit la dame ? Pourquoi on ne va pas voir la femme serpent ?
L'homme lui intima de se taire, nerveux. Esther voyait de la sueur perler sous son chapeau. Elle se redressa, ramena ses longs cheveux dans son dos et dit :
— Quatre tickets donc. Cela fera quarante-cinq escudos.
Le sorcier s'étrangla.
— Quarante-cinq ? On ne devrait payer que seize ! En plus, le spectacle a déjà commencé !
— Prix spécial, rien que pour vous. À votre place, je n'hésiterais pas longtemps, vous risquez de beaucoup moins apprécier ma prochaine offre.
Esther posa sa baguette magique devant elle, bien en évidence, et l'homme sortit aussitôt son portefeuille en cuir. Il en sortit cinq pièces de dix escudos qu'Esther récupéra avec le plus grand des plaisirs. Elle lui donna les quatre tickets d'entrée avec un sourire.
— Profitez du spectacle.
— Mais ! Ma monnaie ! Protesta le sorcier.
Sa femme ne le laissa pas faire un esclandre, elle prit les tickets et poussa son mari et ses deux enfants en direction des gradins.
Sage décision, pensa Esther en mettant deux pièces dans la caisse et en glissant les trois autres dans une poche de son pantalon en toile.
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