18| Nurmengard

22 mars 1927. Château de Nurmengard, Autriche.

Le calme régnait dans le salon privé de Grindelwald. La fenêtre grande ouverte, Esther observait les montagnes imposantes qui entouraient le château, le blanc de leur sommet reflétant le soleil levant.

L'air pur de la vallée en contrebas titillant ses narines, la sorcière avait le sourire aux lèvres. Le froid vivifiant des Alpes à cette période de l'année lui avait manqué.

— Ferme la fenêtre, ordonna une voix dans son dos.

Esther perdit son sourire. Les épaules tendues, elle s'exécuta puis se retourna vers Vinda Rosier. La femme était déjà assise dans un fauteuil en velours, les jambes croisées. Elle portait sa veste ceinturée et son pantalon Jodhpur du soir précédent, pourtant aucune fatigue ne se lisait sur ses traits. Une conversation importante avait dû avoir lieu durant la nuit, tandis qu'Esther et Credence avaient été séparés dans deux chambres distinctes dès leur arrivée au château. La sorcière avait dormi comme un loir, rassurée par la promesse de Grindelwald qu'elle retrouverait Credence le lendemain matin. Malgré une convocation à l'aube qui repoussait d'une durée indéterminée ces retrouvailles, Esther ne s'était pas inquiétée, mais la présence de Vinda avec elle la mit soudainement sur ses gardes.

— Est-ce qu'il y a un problème ? Demanda-t-elle, figée devant la fenêtre.

— Pourquoi penses-tu cela ? Questionna Vinda en plissant ses yeux verts.

Elle inclina la tête et passa en revue le corps entier d'Esther. Cette dernière ne connaissait ce regard que trop bien. Elle se redressa et lissa son chemisier de la main avant qu'une remarque désobligeante ne la percute de plein fouet. Vinda resta silencieuse, mais son regard resta figé de longues secondes sur les mains d'Esther.

La jeune femme sentit une sueur froide courir le long de son dos. Malgré les événements de la veille, elle se souvenait avec précision de la peur qui l'avait étreinte lorsque Vinda avait posé les yeux sur elle tandis qu'elle tenait la main de Credence, offrant à tout spectateur le témoignage de leur proximité. Si Esther pensait jusqu'alors avoir été discrète, elle changea d'avis dès l'instant où sa belle-sœur fit apparaître un sourire dédaigneux sur son visage sans défaut. Le corps d'Esther se tendit sous l'impact, tant et si bien que lorsqu'une explosion détonna dans son dos, ce fut comme si elle l'avait anticipé. La surprise se peignit sur les traits des deux femmes. Vinda se leva d'un bond tandis qu'Esther se retournait, les sourcils froncés.

À travers les carreaux de la fenêtre, un pan entier de montagne s'effondra, faisant trembler les fondations mêmes du château. La cascade de roche, dévalant vers la vallée, provoqua un chaos indescriptible qui hypnotisa les sorcières. Malgré les enchantements protecteurs qui entouraient la place forte de Nurmengard, les tremblements du sol ne cessèrent que lorsque la dernière avalanche prit fin.

— Impressionnant, n'est-ce pas ?

Ce fut la voix de Grindelwald qui poussa Esther à détacher son regard de la montagne pour s'ancrer de nouveau dans le salon privé.

— L'énergie brute d'Aurelius démontrée en un seul sort, fit-il en s'asseyant derrière le bureau en bois massif qui trônait au milieu de la pièce.

D'un geste du bras, il invita Esther à rejoindre Vinda sur les fauteuils.

— Qui est Aurelius ? Demanda-t-elle en s'asseyant.

Le sorcier sembla sourire de sa naïveté.

— Credence est Aurelius. Il est désormais au fait de sa véritable identité.

Le visage d'Esther se transforma, si rayonnant de joie qu'elle en oublia momentanément la présence de Vinda à ses côtés. Credence s'appelait Aurelius. Elle fit rouler le prénom sur sa langue, en silence, essayant de se l'approprier, sans succès. Elle avait énormément de questions, mais ne voulait les poser qu'à Credence. Elle voulait entendre son histoire de sa bouche, voir son visage s'illuminer lorsqu'il la racontera. Seule la présence de Grindelwald, en face d'elle, l'empêchait de partir en courant pour rejoindre son ami et en savoir plus.

— Esther ?

La jeune femme cligna des yeux. Vinda l'observait avec animosité, comme si elle venait de leur manquer de respect.

— Pardon, s'excusa-t-elle en baissant les yeux.

— Nous disions, reprit Grindelwald d'un ton poli, que ton rôle dans cette histoire n'est pas encore terminé.

Esther releva la tête. Elle ressentit, à cet instant, que tout son futur reposait sur les mots qui suivraient. Sans pouvoir les en empêcher, les visages de Credence et de Florien flottèrent dans son esprit.

— Vois-tu, Aurelius n'est pas persuadé d'avoir fait le bon choix. Il doute encore de sa présence ici. J'ai besoin de toi pour lui rendre son séjour parmi nous digne d'intérêt et le convaincre de rester. (Grindelwald posa ses yeux vairons sur elle.) Au vu du succès de ta mission précédente, je ne doute pas que tu sauras t'acquitter de celle-ci avec brio.

Esther acquiesça, le nez levé de fierté. Ainsi que de soulagement. Pouvoir continuer à côtoyer Credence était le plus beau cadeau qu'on puisse lui faire. Mais que l'ordre vienne de Grindelwald lui-même rendait toute la situation plus belle encore. Cela lui permettrait de tuer dans l'œuf les problèmes qu'elle voyait déjà émerger avec Florien.

Ses intérêts ne s'étaient pas toujours alignés sur ceux de ses pairs, mais pour une fois, c'était le cas.

— Vinda a eu une brillante idée en t'envoyant au cirque Arcanus. Sans elle et sans toi, nous aurions sûrement eu plus de difficulté à rallier Aurelius à notre cause. Surtout du fait de ma propre absence temporaire.

Vinda, assise bien droite dans son fauteuil, sourit poliment. Cependant, Esther savait qu'elle était profondément flattée par les mots de Grindelwald. Comme tous les autres sorciers du château, elle l'idolâtrait.

— Esther est la sorcière idéale pour amadouer notre nouvelle recrue. Je n'ai jamais douté qu'elle sache trouver les bons mots. Et gestes..., ponctua-t-elle de son fort accent français tout en arquant un sourcil en direction des mains de la jeune femme.

De nouveau, Esther se raidit. La bouche sèche, elle attendit que Vinda continue sur sa lancée, qu'elle témoigne de ce qu'elle avait vu dans l'amphithéâtre et qu'elle soumette Esther à un interrogatoire en bonne et due forme sur ses sentiments pour l'Obscurial. Mais elle n'en fit rien.

Grindelwald reprit la parole :

— Évidemment, nous ne pouvons te demander de privilégier Aurelius sans aborder ta situation personnelle. Il est impératif que la relation que tu entretiens avec Florien Rosier reste secrète. Aurelius est venu ici autant pour connaître la vérité sur son identité que parce que tu étais prête à l'y suivre. Maintenant qu'il possède une partie de ce qu'il désire, il serait malchanceux qu'il perde l'autre partie. Florien ne doit pas menacer la poursuite de notre plan, conclut-il en posant ses yeux sur Vinda.

— Je vais de ce pas le lui annoncer, répondit-elle en se levant.

Aucune émotion ne transparut sur son visage. Elle épousseta son pantalon et sortit de la pièce, sans argumenter en faveur de son frère. Esther connaissait la dévotion de la sorcière pour Grindelwald, mais elle était étonnée de la voir abandonner un membre de sa famille aussi facilement. Cela n'entacha pas son soulagement de savoir qu'elle n'aurait pas à avoir cette conversation elle-même avec Florien.

— Sa puissance est déjà phénoménale, reprit Grindelwald, qui s'était tourné vers le flanc de montagne déchiqueté. Avec de l'entraînement et de la maîtrise, ses dons surpasseront ceux de la plupart des sorciers.

— Nous avons beaucoup de chance de le voir rejoindre nos rangs.

Grindelwald acquiesça, mais ne renchérit pas. Esther laissa le silence s'éterniser entre eux pendant de longues secondes avant de comprendre le message implicite. Au moment où elle se levait pour quitter la pièce, le sorcier se tourna vers elle, le visage grave.

— Esther, lors des prochains jours, ton rôle sera crucial. Oublie tes anciennes affiliations. Seule celle-ci compte. Tu dois faire tout ce qui est en ta capacité pour rendre son séjour parmi nous le plus agréable possible.

Le regard intransigeant du sorcier la couvrit de gêne. Elle se contenta de hocher la tête, incapable de trouver une réponse appropriée à ce qui était demandé d'elle.

— Tu le trouveras dans la bibliothèque.

— Merci, chuchota-t-elle.

Sans perdre de temps, elle sortit de la pièce. Les paumes des mains moites, elle referma la porte derrière elle et inspira profondément.

Il était hors de question qu'elle déçoive Grindelwald. Elle ferait donc de son mieux pour convaincre Credence de rester avec elle. Mais était-elle capable de tout ?

Elle ressentait des sentiments très forts pour Credence, sentiments qui pourraient l'amener à faire toute sorte de choses, mais, depuis qu'elle était de retour au château, il devenait plus difficile d'effacer entièrement Florien de ses pensées.

Elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer la manière dont il réagirait s'il apercevait Esther et Credence dans les bras l'un de l'autre. Voire échangeant un baiser. Une bouffée de chaleur monta à son visage et fut refoulée tout aussi rapidement quand elle réalisa qu'il serait probablement impossible de cohabiter ainsi à trois.

Même contraint par Grindelwald, Esther ne voyait pas Florien laisser Credence la toucher.

Et là résidait tout le problème.

Car Esther ne souhaitait qu'une chose : courir à la recherche de Credence. Le simple fait qu'il ne soit pas présent à ses côtés, après des semaines à se côtoyer, créait en elle un manque affreux qu'elle se devait de combler, comme si son corps ne savait plus se réchauffer sans la présence de son compagnon à ses côtés.

Sa seule solution était que Florien s'amourache d'une autre sorcière, mais c'était un espoir qu'Esther avait longtemps cajolé et qui s'avérait déceptif.

De toute manière, pendant combien de temps encore pourrait-elle tenir cette mascarade ? Vinda et Grindelwald avaient-ils pensé à cela ? Esther cachait énormément d'aspects de sa vie à Credence, à travers des mensonges ou des omissions. Elle ne s'y était pas attardée, tant qu'elle était réfugiée au cirque ou qu'elle vagabondait dans les rues de Paris, mais désormais une question cruciale semblait prendre une place prépondérante dans son esprit : qu'adviendrait-il de leur plan et de leur futur lorsque Credence découvrirait la vérité ?

— On dirait que tu as croisé un troll, ricana une voix au fort accent autrichien, non loin d'elle.

Esther se tourna vers Eugen. Comme toujours, son ami était adossé contre quelque chose. Cette fois-ci, il avait jeté son dévolu sur une colonnade en pierre, qui rendait un couloir, autrement banal, imposant.

— C'est exactement ce que je me suis dit en te voyant, rétorqua-t-elle.

Eugen lui lança un sourire amusé avant de couler un regard en direction de la porte qu'Esther venait de fermer, non sans crisper sa mâchoire. Malgré les nombreuses années passées au château, Eugen n'avait jamais eu l'honneur d'être convoqué par Grindelwald pour une discussion en tête-à-tête. Il était pourtant évident que le jeune homme en rêvait, surtout qu'il ne manquait pas de faits d'armes le rendant digne d'un entretien. Il était l'un des sorciers les plus doués de la génération d'Esther et notamment l'un des plus prolifiques en éradication des moldus. Il avait même tué plus d'Aurors que quiconque dans le château. Néanmoins, inlassablement, Grindelwald l'ignorait. Esther soupçonnait que cela n'était qu'une manœuvre pour pousser Eugen à se montrer toujours plus hardi. Et cela fonctionnait. Au vu de tous les risques que son ami prenait au nom de la cause, le fait même qu'il soit encore en vie était la preuve la plus parlante de son talent.

— Comment s'est déroulée votre discussion ? Finit-il par demander, la curiosité plissant son front.

Esther lui fit un signe de tête et ils s'éloignèrent de la porte du salon privé de Grindelwald.

— Vinda a reçu plus de compliments que moi.

— Elle est plus âgée, elle a plus d'expérience.

— Je n'en doute pas, mais ce qu'ils font au lit ne devrait pas la mettre plus en avant.

Eugen lança un regard méfiant derrière eux avant de siffler à voix basse :

— Fais attention à ce que tu dis, tu n'es plus à Paris.

Esther haussa les épaules, comme pour dire qu'il en faisait trop. Elle était trop fière pour admettre à voix haute qu'il avait raison. Elle s'était relâchée à Lisbonne et à Paris, où elle avait pu dire et faire tout ce qu'elle voulait. Elle s'était habituée à cette liberté tant fantasmée, mais les règles étaient différentes à Nurmengard. La discrétion avait toujours été le mot d'ordre pour parler de sujets tabous. Elle allait devoir commencer à faire attention si elle ne voulait pas s'attirer des ennuis.

— Tu sais que c'est vrai, ajouta-t-elle à voix basse.

Eugen haussa les épaules à son tour. Il ne se prononcerait jamais sur un sujet comme celui-ci, préférant garder sa réputation de sorcier modèle.

— Changeons de sujet... Proposa-t-il en s'engouffrant dans le grand salon. Qu'est-ce qui se passe avec Florien ? Vinda l'a pris à part quelques minutes avant que tu ne sortes.

Le salon du troisième étage était le plus grand salon du château. Des deux côtés de la pièce, les cheminées brûlaient constamment d'un feu soutenu, contribuant à l'atmosphère apaisante et chaleureuse de ce lieu de rassemblement privilégié. Parmi la dizaine de canapés présents, Esther jeta son dévolu sur le plus proche et aplatit de son corps une rangée de coussins. Les elfes de maison, qui travaillaient avec acharnement à chaque étage du château, allant même jusqu'à redonner du gonflant à chaque coussin, auraient un peu plus de travail cette nuit.

— Je dois continuer ma mission avec Credence, répondit-elle en repliant ses jambes sur le canapé.

Eugen, assis bien droit, leva un sourcil :

— Et alors ?

— Alors, ma relation avec Florien ne doit pas entraver ma mission. Nous allons devoir faire profil bas plus longtemps.

— J'imagine que ça te brise le cœur.

Esther lui lança un regard courroucé.

— Il reste mon fiancé.

— Donc tu comptes aller lui parler ?

— Dès que Vinda en aura fini avec lui, oui.

— Et ce sera ton premier ou ton deuxième arrêt ? Demanda-t-il en s'amusant à faire voleter sa baguette au-dessus de sa main.

— Je pense qu'il est plus sage que je le vois avant de rejoindre Creden— Aurelius. Il ne vaut mieux pas qu'il se mette à me chercher.

— Tu as peur de ce à quoi il pourrait assister ?

Esther se renfrogna.

— Je crains surtout qu'il gâche tout ce sur quoi je travaille depuis des semaines.

Eugen s'esclaffa, une mèche de cheveux châtains lui tombant devant les yeux.

— Ah, Esther... Ton Obscurial doit être bien naïf s'il a pu se laisser embobiner aussi facilement par tes mensonges. Certaines fois, je me demande comment fait Florien pour ne rien voir... Tu ne mens pas aussi bien que tu aimerais le croire, même si j'admets que tu m'as fait douter, hier, dans la ruelle. (Il pencha la tête et dévisagea Esther.) Tu tiens à lui, à ce monstre de foire que Grindelwald tient tant à récupérer. Et non, pas la peine de le nier, fit-il en levant la main, coupant court à toute protestation de la part d'Esther. C'est écrit sur ton visage. Je te conseille d'ailleurs de faire plus attention, tu sais comme moi que, si Florien apprend la vérité, ça va dégénérer.

Esther se détourna, vrillant son regard sur les montagnes environnantes, visibles à travers la rangée de fenêtres qui ouvraient la pièce entière sur l'extérieur.

— Tu t'imagines des choses, Eugen.

— Je te préviens juste.

Esther s'enfonça dans le silence. Encore une fois, Eugen avait vu juste. Elle ne s'inquiéta pas outre mesure ; il ne parlerait pas tant qu'elle ne lui donnerait pas de raison de le faire.

Cependant, là où il faisait bien de lui remettre sa baguette dans son étui était de lui rappeler à quel point les crises de colère de Florien étaient légendaires. Esther n'avait jamais rencontré de sorcier au tempérament si fougueux et imprévisible. Il pouvait passer des mois entiers dans un calme olympien, puis s'emporter d'un coup, si la contrariété qui se trouvait sur son chemin s'avérait redoutable. Il devenait alors incontrôlable, inarrêtable. Une telle colère lancée contre Credence était sûre de provoquer des dégâts, mais Esther était incapable de définir un gagnant.

Dans le silence du château, elle se mit à regretter que d'autres personnes ne leur tiennent pas compagnie. En temps normal, une cinquantaine de partisans de Grindelwald vivaient avec eux, créant une présence constante qui empêchait bien souvent d'aborder de tels sujets à la lumière du jour.

— Où sont les autres ?

— Sûrement encore dans leur chambre. La nuit a été arrosée. De nombreux Aurors sont morts la nuit dernière.

— C'est une bonne nouvelle.

Esther avait voulu mettre de l'enthousiasme dans sa réponse, mais la conversation qu'elle venait d'avoir avec Eugen l'avait démoralisée. L'arrivée violente de Florien n'améliora pas son humeur. Elle sursauta quand il apparut dans l'encadrement de la porte.

— Tu es au courant ? Demanda-t-il en la rejoignant en quelques enjambées.

Son beau visage froissé par la colère, il s'assit à côté d'Esther et déposa sa main sur sa cuisse.

— Déjà qu'on m'a empêché de te rejoindre cette nuit, voilà que—

Un raclement de gorge s'éleva dans la pièce et tous les regards se tournèrent en direction de Vinda. La femme jeta un regard autoritaire à son frère, qui se leva en grommelant pour changer de canapé. Satisfaite, Vinda disparut, laissant le jeune homme, et ses doigts pianotant furieusement le canapé, derrière elle.

Eugen et Esther échangèrent un regard.

— Je suis désolée que tu te retrouves embarquée dans cette situation, dit-elle à voix basse.

Elle n'osa rien dire de plus, de peur que ses sentiments ne s'affichent de nouveau sur son visage.

— Tout ça à cause de ce monstre... siffla-t-il en passant une main rageuse dans ses cheveux, créant une bataille de mèches sombres.

— Ariana a entendu dire qu'il faisait partie d'une famille importante, tenta Eugen pour calmer son ami.

— Je me fiche de ses origines, cracha Florien avec véhémence.

Esther lança un regard en coin à Eugen. Ce dernier observait son ami de son regard vert intense, le même regard qui avait fait tomber tant de sorcières sous sa coupe. L'Autrichien était un jeune homme complexe. Il ne se souciait guère des inconnus, mais, bien caché derrière son allure dégingandée et ses cheveux châtains bien coiffés, il était une personne d'une grande empathie envers ses amis. En cas de souci, il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour les aider et, par chance, il était l'un des seuls à pouvoir calmer les ardeurs de Florien.

— Lève-toi, on s'en va ! S'exclama-t-il en se levant.

Il lança un coussin à Florien, qui le repoussa d'un bras, le regard sanguinaire. Pourtant, il se leva.

— Où va-t-on ?

— Même endroit que la dernière fois, répondit Eugen en ajustant son veston.

Florien eut un sourire qui n'augura rien de bon. Esther soupira. Même si ce départ l'arrangeait, elle était tout de même déçue que son arrivée soit aussitôt ponctuée par le départ de ses deux amis pour l'une de leurs expéditions chaotiques. Elle savait qu'ils ne reviendraient pas avant la nuit tombée, exténués et potentiellement couverts de coups.

Son fiancé jeta un coup d'œil rapide à l'entrée du salon avant de revenir s'asseoir à côté d'Esther. Eugen partit aussitôt faire le guet dans le couloir.

— Tu as toujours ta bague ?

Esther posa la main sur son sternum.

— Je la porte toujours sur moi.

Florien eut un sourire satisfait qui le poussa à déposer un baiser sur les lèvres d'Esther. Rapide et bref, il fut tout de même doux, contrastant avec le tempérament de feu qu'il avait pourtant démontré quelques secondes plus tôt. Il se releva, boutonna sa veste et ajouta :

— Je sais que tu dois faire ce qu'on te dit, mais c'est mon rôle, en tant que futur mari, de te protéger et si jamais ce monstre pose la main sur toi, je le tue.

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