11| L'évasion des Dragfeux
Les immeubles parisiens étaient nappés des derniers rayons de chaleur du soleil couchant. Teintés d'orangé, ils indiquaient le commencement d'une nouvelle soirée. D'ici à quelques minutes, la place regorgerait de vie de nouveau. Le cirque s'animera et les sorciers afflueront en masse.
À l'entrée du chapiteau, adossée à son pupitre, ses longs cheveux blancs tombant dans son dos en cascade, Esther profitait de ce moment de calme. De sérénité. Peut-être le dernier avant que tout ne bascule.
Encore.
Perdue dans sa contemplation du monde sorcier, Esther ne perçut la voix qui l'appelait que quand la personne ne fut qu'à quelques mètres derrière elle. Un sourire fleurit sur ses lèvres tandis qu'elle se tournait vers Credence.
Le jeune homme la rejoignit en trois longues enjambées, les joues rosies par sa course. Il avait encore la trace de son oreiller sur sa joue.
— J'ai quelque chose à te montrer, souffla-t-il dès qu'il fut à sa hauteur.
Il lui tendit aussitôt une petite feuille en papier, aux marques de pliage prononcées, indiquant qu'elle sortait tout juste d'une enveloppe. Sur cette feuille jaunie, un prénom et une adresse étaient écrits à l'encre noire.
— Je ne suis pas sûre de comprendre... répondit Esther en fronçant les sourcils. Qui est Irma Dugard et pourquoi as-tu son adresse ?
— Je pense... je pense que c'est ma mère, confia Credence en ne quittant pas des yeux le papier.
— Tu penses ? Demanda-t-elle doucement.
— Je n'ai jamais connu mes parents, avoua-t-il en se frottant la nuque.
Esther releva brusquement les yeux sur le visage de son interlocuteur. Voilà un détail de sa vie qu'elle n'avait jamais eu en sa possession.
— Je suis désolée d'apprendre ça, confia-t-elle en toute sincérité.
Elle posa le pouce sur le nom d'Irma Dugard, se demandant ce qu'elle-même ressentirait si elle avait l'opportunité de retrouver un membre perdu de sa famille.
Elle serait extatique. Soulagée. Heureuse. Et sûrement un peu méfiante. Elle joignit les lèvres en une fine ligne, réfléchissant à la meilleure manière de tourner sa prochaine phrase.
— Comment peux-tu être sûre que cette femme soit ta mère ?
— Je cherche à la retrouver depuis des mois, ça ne peut pas être une coïncidence.
Esther ne put camoufler sa surprise. Pourquoi n'avait-elle pas été informée de cet élément si important ?
Plus que quiconque, elle comprenait le besoin de rechercher sa famille, de renouer avec ses racines. Si elle avait su que cet élément les reliait depuis le début, aurait-elle pu précipiter plus encore leur rapprochement ?
— Que veux-tu faire ? Demanda-t-elle en lui rendant la lettre.
Du pouce, Credence caressa l'encre qui formait le prénom de sa prétendue mère, puis releva la tête et plongea son regard dans celui de la jeune femme.
— Il est temps que l'on parte. Je sais que tu penses qu'il faut qu'on reste encore un peu, à cause du Ministère, mais je ne peux pas attendre plus long--.
La sorcière ne le laissa pas terminer sa phrase.
— Tu n'as pas besoin de me convaincre, Credence. Partons.
La surprise rendit le jeune homme muet quelques secondes, puis avec un sourire débordant d'espoir, il indiqua :
— Je dois prévenir Nagini.
— Skender est toujours autant sur ses gardes auprès d'elle, tu ne préfères pas que j'y aille ?
Credence fit non de la tête.
— C'est quelque chose que je veux lui dire moi-même, souffla-t-il.
La sorcière baissa le regard, pour éviter que Credence ne puisse lire l'infime tristesse qui lui avait piqué le cœur pendant un court instant.
— D'accord, alors on suit le plan.
Credence acquiesça, trop obnubilé par le mot entre ses mains pour se rendre compte qu'Esther avait relevé la tête et détaillait maintenant chaque centimètre carré de son visage. Une nouvelle énergie semblait avoir pris possession du jeune homme et illuminait ses traits de l'intérieur. La possibilité de retrouver sa mère était une opportunité incroyable et Esther le jalousait presque.
Cependant, elle espérait surtout que l'information soit réellement tangible et non pas simplement un plan élaboré pour l'attirer hors du cirque. Dans tous les cas, le rôle de la sorcière était de l'emmener à cette adresse, que ce soit un piège ou non. Alors, elle garda ses doutes pour elle et laissa Credence s'éloigner pour retrouver l'amie qu'il n'avait pu revoir depuis des jours.
Aussitôt qu'il fut hors de vue, la sorcière entreprit de vérifier les poches de sa cape. Elle y trouva tout le bric-à-brac qu'elle y avait magiquement fourré à la suite de l'élaboration de leur fuite : tout le contenu de sa valise, ainsi que certains des effets personnels de Credence. Ils étaient prêts à partir.
Et à voir la foule qui commençait à s'amasser sur la place, l'heure de leur départ sonnerait bientôt. Esther allait donc pouvoir s'occuper d'une mission toute particulière et personnelle et qui nécessitait tout d'abord de trouver Borys.
La jeune femme se mit sur la pointe des pieds pour observer les visages, à la recherche d'un individu en particulier. Quand elle ne le trouva pas, elle s'enfonça dans le chapiteau. Elle n'eut pas à aller plus loin que le hall labyrinthique.
— Fredrick, j'ai besoin de toi, interpella-t-elle le jeune garçon qui sortait du couloir donnant sur les dortoirs.
Esther s'agenouilla face à lui.
— J'ai besoin que tu me dises où se trouvent les quartiers de Borys.
Fredrick hoqueta. D'un hochement frénétique de la tête, il scella ses lèvres.
— S'il te plaît.
— Tu ne dois pas y aller.
— Je ne risque rien. Je sais me défendre.
— Je suis sûre qu'elles pensaient ça aussi, marmonna-t-il en baissant la tête.
Esther déglutit. L'hypnotiseur ne faisait-il preuve d'aucune discrétion ni de retenue pour que même Fredrick soit au courant de ses dérives ?
— J'ai une arme secrète, murmura-t-elle en se rapprochant. Une petite potion qui me protégera.
— Vraiment ?
— Absolument. (Elle lui montra la petite fiole qu'elle avait récupéré le matin même et gardait désormais dans sa cape). Fais-moi confiance, je m'en sortirai.
Fredrick observa le liquide argenté de longues secondes avant d'indiquer, de sa pince, la toile rouge qui se trouvait entre deux couloirs.
— C'est derrière le rideau, murmura-t-il.
La sorcière n'avait même pas remarqué la présence d'un couloir à cet endroit. Pourtant, maintenant qu'elle y portait son attention, elle voyait bien le léger interstice qui trahissait une ouverture.
— Sa chambre est au bout du couloir. C'est la seule pièce, tu ne peux pas la manquer, chuchota Fredrick en baissant le regard.
Esther le remercia et, alors qu'elle se relevait, elle crut apercevoir des larmes s'accumuler dans les yeux du garçon.
— Tout va bien se passer, tenta-t-elle de le rassurer.
Elle lui ébouriffa les cheveux en souriant et, avant de s'éloigner, décida de déposer un léger baiser sur sa joue. La peau de Fredrick vira au rose.
— Tu es un garçon incroyable, Fredrick, et tu mérites mieux que ce cirque, lui confia-t-elle, dans un adieu sommaire.
La tête baissée, le garçon ne réagit pas, alors, sans un regard en arrière, Esther s'engouffra dans l'étroit couloir menant aux appartements de Borys.
Elle parcourut les premiers mètres dans un noir opaque. Les mains devant elle pour s'assurer de ne pas heurter d'obstacles, elle marchait précautionneusement. Les murs du couloir, composé d'un tissu rouge épais, comme partout dans le chapiteau, lui tombaient dessus et lui collaient à la peau, lui donnant le sentiment d'étouffer. Esther n'était pas claustrophobe, pourtant la situation dans laquelle elle se trouvait lui donnait des sueurs froides.
Elle tâtonna sur plusieurs mètres, se forçant à ne pas faire demi-tour, jusqu'à ce qu'elle débouche sur un couloir plus large, à la lumière tamisée et orné de riches tapis aux couleurs chaudes. Le contraste avec le reste du chapiteau était si flagrant qu'Esther sut immédiatement qu'elle était au bon endroit. Elle distingua alors la voix de Borys : légère, flottante et étouffée par des bruissements. Il semblait être en train de s'habiller ou plutôt de se préparer pour le spectacle à l'extérieur. Celui-ci allait sûrement bientôt commencer, ou bien, il avait déjà commencé. Borys avait l'habitude d'arriver en retard. Cela sortit Esther de son immobilité. Elle ne pouvait pas se permettre de louper la première représentation ; cela inquiéterait Credence et mettrait en danger tout leur plan.
Elle déboucha la potion et la but d'une traite. Son goût amer lui tira une grimace, mais l'effet fut immédiat. Un étau invisible se brisa dans son esprit. Elle releva la tête, comme soulagée d'un poids dont elle n'avait pas pris conscience. Apaisée, Esther pointa sa baguette magique sur ses oreilles pour la deuxième étape de son plan quand une autre voix se fit entendre. Celle-ci était plus fluette, clairement féminine.
Esther retint un juron et lança son sort. Un silence de plomb s'abattit aussitôt sur elle. Sa surdité serait son bouclier. Si elle ne pouvait pas entendre Borys, alors il ne pourrait pas l'hypnotiser de nouveau. Et s'il ne pouvait pas la remettre sous son joug, alors elle pourrait se débarrasser de lui. Et ainsi venger toutes les sorcières qu'il avait fait disparaître.
Elle se remit en marche, le bruit de ses pas étouffé par les tapis épais qui recouvraient le sol. Lorsqu'elle atteint le bout du couloir, une immense chambre se dévoila à elle. Les tapis continuèrent leur chemin jusqu'au milieu de la pièce. Tout autour, de grandes tapisseries couvraient les murs, camouflant le rouge du chapiteau. Un grand lit en baldaquin se trouvait au fond de la pièce, à côté d'une armoire et de plusieurs commodes. Une femme, aux longs cheveux roux, était allongée sur le lit, le regard vide. Au centre de la pièce, éclairé par un lustre en perles, deux chaises et une table sur laquelle trônait un jeu d'échec commencé. Borys se tenait en retrait, face à un miroir. Il ajustait son nœud papillon bleu marine et parlait à la femme. Du moins, c'était ce qu'Esther en déduisit en voyant ses lèvres bouger. Elle fit plusieurs pas, se rapprochant du centre de la pièce. L'inconnue sur le lit leva la tête dans sa direction, sans pour autant esquisser une quelconque réaction. Borys, lui, se retourna en écarquillant les yeux. Il dit quelque chose. Esther pencha la tête sur le côté et fit un geste en direction de son oreille.
Borys comprit aussitôt le subterfuge et une lueur de panique brilla dans son regard. Esther n'avait pas besoin de plus. Elle pointa sa baguette sur lui et l'attaqua.
Un éclair de lumière vert jaillit de sa baguette et vint percuter l'hypnotiseur en pleine poitrine. Son corps fut projeté contre le miroir et il tomba dans les débris de verre, comme une marionnette dont on venait de couper les fils.
Il ne se relèverait plus.
Sur le lit, la jeune femme se releva d'un bond, comme tirer par une main invisible. Les yeux écarquillés, elle se mit à parler à toute vitesse, mais Esther n'entendait toujours aucun son et cela était pour le mieux. Elle pointa sa baguette sur la femme et lança un second sort. L'inconnue se figea et son regard se fit vitreux.
Esther se libéra du sort qui l'entravait. Ce fut comme si un bouchon de cire était retiré de ses oreilles d'un coup sec. Elle entendit d'abord un bourdonnement constant puis petit à petit les bruits qui l'entouraient réapparurent. Le tic-tac d'une horloge sur la commode en acajou. La voix rauque d'un chanteur dont le morceau de jazz était joué à faible volume sur un tourne-disque et enfin la respiration calme de la femme, qui l'observait avec un regard empreint de curiosité et d'interrogation. D'un coup d'œil, Esther avisa la tenue légère de l'inconnue et fit voler jusqu'à elle une robe en velours bleu foncé qui reposait sur l'une des chaises.
La femme s'habilla en silence, son regard s'attardant parfois sur le corps sans vie de Borys, qui reposait toujours au pied du miroir, mais elle ne posa aucune question. Dès qu'elle fut habillée plus convenablement, Esther l'ensorcela pour qu'elle oublie les événements qui s'étaient déroulés dans cette pièce et qu'elle retourne chez elle. La femme aux longs cheveux roux disparut dans le couloir, laissant Esther seule, debout à côté du lit en baldaquin.
Elle jeta un regard circulaire à la pièce, ses traits trahissant son dégoût, avant de se tourner vers Borys. Vers son corps, malmené et transpercé d'éclats de verre. Vers l'expression de peur figée sur son visage.
Enfin, le règne de terreur du célèbre hypnotiseur du cirque Arcanus venait de toucher à son terme.
Esther sourit et sortit de la pièce, remettant sa baguette à sa place. Elle refit le chemin inverse, mais, cette fois-ci, l'entrée du couloir ne lui sembla plus aussi oppressante qu'auparavant.
À peine avait-elle mis un pied dans le hall qu'elle ressentit l'effervescence du cirque. La différence d'atmosphère était si forte qu'Esther fut momentanément troublée par le brouhaha incohérent qui provenait des gradins, où les spectateurs se massaient déjà. Elle reprit rapidement contenance et se précipita au guichet, se demandant qui elle trouverait à sa place. Elle y rencontra Harish, les sourcils froncés, et s'affairant à fournir aux clients ce qu'ils souhaitaient, sans réussir à comprendre un mot de français. Esther intervint juste à temps pour l'empêcher de rendre une poignée de Bézant en trop à un vieux sorcier qui pesta quand la jeune femme corrigea le montant du rendu. Harish lui lança un regard reconnaissant, tandis qu'Esther se plaçait derrière le guichet et passait au client suivant.
— Tout va bien ? Lui glissa-t-il. Nous t'avons cherché partout avant l'ouverture.
— Désolée, je réglais un problème... Merci de m'avoir remplacé.
— Pas de souci...
Harish aurait pu partir, mais il resta prostré à côté de la sorcière, les bras ballants. Il hésita longuement à rajouter quelque chose, puis finit par se désister et partir en direction des coulisses, sous les regards interloqués des spectateurs. La sorcière se demanda si elle n'aurait pas dû lui dire quelque chose, une sorte d'adieu, comme elle l'avait fait avec Fredrick, mais la file de clients qui grossissait devant elle l'empêcha de s'attarder sur cette pensée. Elle continua son travail, de manière automatique, jusqu'à ce que les gradins soient pleins et qu'elle puisse fermer l'entrée du chapiteau pour permettre à la représentation de commencer.
Elle souffla et s'adossa au guichet. En temps normal, elle préférait ignorer le spectacle qui se déroulait sous le chapiteau pour tourner son attention vers l'extérieur, en direction du ciel noir parsemé d'étoiles, des bâtiments en pierres et de l'animation de la place, plus joyeuse et bon enfant que ce qui passait à l'intérieur. Ce soir, cependant, elle souhaita observer une dernière fois ses compagnons de voyage, même si elle savait que cela lui tordrait le cœur.
Sous les commentaires cruels des visiteurs, elle observa Harish, Fredrick, Nigelle et bien d'autres faire leur numéro. Elle soutint leur regard, quand elle le croisait, et leur adressa des adieux silencieux. Malgré l'atmosphère malsaine du cirque Arcanus, qu'elle ne regretterait pas, Esther s'était attachée à bien plus de monde qu'elle ne l'avait pensé à son arrivée et certains d'en eux viendraient à lui manquer.
— Prochaine attraction dans notre parade de monstres et de phénomènes ! Reprit Skender d'une voix basse, mais puissante qui attirait l'attention. Je vous présente... une Maledictus !
Le clou du spectacle. Leur ticket de sortie.
L'arrivée de Nagini au centre de la cage provoqua des exclamations de stupeur, même si la jeune femme n'avait encore rien fait. Dans son regard brillait une détermination similaire à celle de Credence. Skender ne le remarqua pas ; il continua sa tirade de présentation, allant jusqu'à traiter Nagini de sous-être. L'interpellé resta immobile, digne ; son regard se posant fièrement sur les visages emplissant les gradins.
Derrière elle, au fond du passage donnant sur les coulisses, Credence se tenait en retrait, prêt à agir. L'adrénaline se mit à fuser dans les veines d'Esther tandis que Skender continuait :
— Mais regardez-la. Si belle. Si désirable, fit-il, coupé seulement par des murmures d'approbation. Mais bientôt, elle sera prisonnière d'un tout autre corps...
La voix de Skender se faisait plus forte, elle emplissait tout le chapiteau, pourtant certains spectateurs se penchaient en avant, se rapprochaient de la scène, comme pendus à ses lèvres. Nagini lança un regard à Esther avant de se retourner en direction des coulisses. La sorcière savait vers qui l'attention de la Maledictus se tournait désormais et elle en eut un pincement au cœur. Elle était, comme ce public, simple spectatrice de quelque chose de plus fort.
— Chaque nuit, dans son sommeil, mesdames et monsieur... entonna Skender en faisant face à son public, elle est forcée à devenir...
Il finit sa phrase en levant les bras en l'air, mais rien ne se passa. Nagini, les yeux toujours rivés sur Credence, ne se transforma pas. Les rires fusèrent, mais Skender ne se démonta pas, il répéta sa phrase. De nouveau, Nagini ne bougea pas. Cette fois-ci, l'agacement de Skender fut palpable. Il se retourna vers la cage et répéta une troisième fois, en frappant les barreaux de sa canne :
— ELLE EST FORCÉE À DEVENIR !
Lentement, le corps de Nagini se tourna vers les spectateurs et, sous les cris de surprise, il bascula en arrière. La tête de la Maledictus tomba à ses pieds et disparut, se transformant en nœuds d'écailles bleus, noirs puis finalement vert foncé.
— Avec le temps, elle ne pourra plus reprendre forme humaine, s'exclama Skender en observant la tête du serpent, propulsée par son corps gigantesque, s'élever à sa hauteur. Elle vivra pour toujours dans un corps de serpent.
Le public s'émerveilla de la transformation de Nagini jusqu'à ce que celle-ci frappe de sa mâchoire le torse de son tortionnaire à travers les barreaux. Les cris de surprise se transformèrent en hurlements de peur tandis que Skender s'effondrait sur le premier rang des gradins, écrasant au passage plusieurs sorciers.
La foule, hébétée, ne fit pas de geste immédiat. Ce ne fut que lorsqu'une dizaine de Dragfeux envahi le chapiteau, mettant le feu à la toile rouge qui les maintenait à l'abri, que la panique se propagea.
Esther se replia derrière son guichet tandis que les cris emplirent ses oreilles. Les spectateurs transplanèrent à tout-va, cherchant à tout prix à sortir du chapiteau qui s'enflammait. Les sorciers les plus proches de la sortie l'empruntèrent en courant, poursuivis par les dragons miniatures qui envoyaient des étincelles aux visages de tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin.
La sorcière attendit quelques secondes avant de transplaner à l'extérieur. Elle atterrit juste à côté d'une tente en feu et s'en éloigna avant que les flammes ne se mettent à lécher son pantalon en toile.
Il était impressionnant de voir la panique et le désordre que dix petits Dragfeux pouvaient causer, mais ce ne fut rien en comparaison de ce qui suivit.
Le Zouwu, comme revigoré par le chaos, feula derrière ses barreaux et, d'un coup de queue, fit voler en éclat sa cage. Des débris s'éparpillèrent sur la Place Cachée sous les grognements tonitruants de la créature. Esther, et bien d'autres, se figèrent sur place, mais l'immense chat se contenta d'un rugissement en direction du chapiteau en flamme. Ses pattes le firent se détourner de sa prison, et il s'échappa dans les rues de Paris, sous le regard de Skender et du reste de sa troupe qui s'extirpaient encore du tissu rouge carbonisé de leur maison.
Les flammes furent éteintes en un clignement d'yeux, mais le chaos, aussi bref eut-il été, eut raison des visiteurs. La Place Cachée s'était vidée, ne laissant dans son sillage que les malheureux employés du Cirque Arcanus.
— On remballe, grogna Skender en posant une main sur son torse. Paris, c'est fini pour nous.
Esther s'amusa de cet échec, qu'elle estimait bien mérité, et l'observa faire disparaître toute trace du cirque Arcanus de la Place Cachée. En quelques secondes, tout, sauf le chapiteau qui tournoyait en l'air en se rétrécissant, fut emballé dans un ensemble de caisses et déposé sur une charrette en bois tiré par un cheval noir. Esther regarda, avec un pincement au cœur, les membres du cirque Arcanus, et plus particulièrement Fredrick et Harish, disparaître dans l'une des plus grandes caisses en bois. Cependant, elle ne fit aucun geste pour les y rejoindre et il ne resta bientôt que la sorcière et Skender sur la place déserte. Esther se tourna vers le sorcier et déclara :
— Je démissionne.
Skender la toisa d'un regard froid.
— Nagini part-elle aussi avec toi ?
— Je crains bien qu'elle soit déjà partie.
Il serra le poing.
— C'est mon attraction phare !
— Vous en trouverez une autre.
— Ce n'est pas comme ça que c'est censé se passer ! Tu me dois une Maledictus, s'emporta Skender. Il me doit une Maledictus !
Esther lui décocha un sourire étincelant, chargé de menaces.
— Vous devoir ? Grindelwald ne doit rien à personne.
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