Chapitre 12
Traitement, part 5.
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« Pourquoi ? »
Pourquoi quoi ? Que veut-il savoir encore ? Pourquoi j'ai échoué ? À cause de lui. Pourquoi une étendue d'eau ? Par sa faute. Pourquoi voulais-je répéter cette « erreur » tant redoutée par les gens comme vous ? Je ne peux pas dire qu'il n'a pas accentué cette envie avec son discours et ses manières, mais il n'est pas le seul vecteur de mon malheur. Il n'est qu'un facteur superficiel qui a déclenché une nouvelle « crise de folie », « perte de conscience ».. Si seulement il était venu plus tard ! Un peu plus et ma descente aux enfers était décidée, ma sentence irrévocable. Mais non, il fallait qu'il me sauve.
Voyant que je ne suis pas décidée à lui accorder une réponse, il reprend. Cette fois son ton est plus doux, plus inquiet, plus sincère.. plus humain.. contrairement à vous tous qui vous en fichez bien du pourquoi. Vous voulez juste que cette folie passagère cesse. Mais la mienne promet de durer..
« Pourquoi avez-vous sauté dans ce lac ? Pourquoi avez-vous choisi cette voie au lieu de celle que je vous tendais en vous implorant de la saisir ? »
J'affiche un regard d'incompréhension. De quoi parle-t-il ? Ne m'offrait-il pas une chance d'en finir ?
Ah ! J'ai compris. Il doit s'inquiéter de l'insonorisation. Je m'explique : il doit avoir peur qu'on l'entende se réjouir de ma situation donc cache avec habilité ses intentions, les déguise sous les traits d'une inquiétude à mon égard. Mais il n'en est rien, ne pensez pas le contraire.
Il se rapproche de moi alors que je me recule déjà contre le mur sur lequel je m'adosse, mes bras entourant mes jambes cachées sous le drap. Oui, j'ai peur. Mais ma peur a un fondement : il ne vient sûrement pas pour m'ausculter, mais plutôt pour se rire de mon malheur et de son emprise sur moi de sorte que ses injures soient des secrets entre nous.
Il pose son derrière malhonnête sur la chaise en plastique à côté de moi, la rapproche puis m'observe silencieusement. J'ai envie de détaler mais les fils, ma condition et mon appareil respiratoire m'en empêchent alors je reste immobile, submergée par la peur..
« Pourquoi avez-vous eu cette idée absurde de vouloir mourir une seconde fois ?
- ...
- Et pourquoi dans un lac, entourée d'eau ?
- ...
- Pour me faire culpabiliser ? Par rapport à ce que je vous ai dit ?
- ...
- ..... Les mots cachent des secrets... ça je le sais.. vu son discours..
- ...
- Et cette eau évoquée ne l'était pas pour que vous vous y établissiez.. Oui, vu qu'il m'en a extirpée.. Je parlais de vos agresseurs, de ce mal qui vous entoure et qui devrait partir avec le temps. Mais bien sûr.. comme ses honoraires à payer ?
- ...
- Et il vous faudra du temps et des efforts pour surmonter les obstacles : il faudra monnayer vos actions et vos dires, il faudra que vous appreniez à aller mieux. Et je peux et veux vous aider. Sincèrement. »
Et moi sincèrement, je m'en fous. Il croit vraiment que de belles paroles improvisées vont me faire m'illusionner ? J'ai déjà été conne de le croire de mon côté. Il est comme vous autres : avide de douleur et d'argent. Il l'est tellement qu'il arrive à mentir et à jouer pour aboutir à sa fin. Je ne le laisserai pas jouer avec moi. Jamais.
J'arrache un des branchements ce qui me vaut une intense douleur dans le bras et le déclenchement de l'alarme par la machine y étant attachée. Une infirmière accourt et demande à mon invité forcé de « bien vouloir attendre dehors ». Comme si il allait être aussi patient pour le faire..
Il l'a été.. et il l'est depuis une heure trente... je commence à douter de mon jugement ou seulement à comprendre toute la volonté qu'il met dans l'aboutissement de cette action : mon désespoir.
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L'infirmière entre pour la troisième fois en deux heures. Elle m'examine toujours aussi minutieusement — ils ont peur que je réitère mon action — et en sortant me rappelle la présence de mon « sauveur » et l'absence de mon géniteur. Deux choses dont je me fous royalement.
Je pense dormir un peu, car j'ai sommeil et j'ai envie de rêver quelques instants, rêver d'un état meilleur, la fin de tout ça, d'être à nouveau libre de m'infliger tous les maux du monde.. d'exister comme je le sens, comme je le peux, autrement que comme vous le souhaitez.
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Je me réveille en sursaut, sortant de cet interminable cauchemar, de ce rappel de toutes les violences que mon corps a subi sans que le cerveau ne l'autorise. J'ai revécu l'horreur et tous les pores de ma peau s'en rappellent.. Je tremble mais me calme un peu, essaie du moins. Pour me détendre, je scrute ma salle d'hôpital, la lampe vacillante au plafond, les rideaux cachant une ouverture rebouchée par des pierres grises, les murs noirs de la pièce, le lit trop confortable de l'hôpital dont le matelas à présent usé gît sur le sol crasseux. Mes tremblements reprennent de plus belle, s'intensifiant : je ne suis pas à l'hôpital, je ne suis pas chez moi, je suis dans un environnement inconnu, hostile, suscitant davantage la peur que l'admiration. Je me lève difficilement et m'adosse au mur à quelques mètres de mon lit. Je ne remarque que maintenant que ces fils qui me maintenaient dans une vie artificielle non désirée manquent sur mon corps. Je relève lentement la main vers ma bouche pour découvrir un tuyaux plus étroit que le précédent mais qui m'oblige à la garder ouverte. Je ne sens plus ma mâchoire. Je n'ai pas mal..
Mais tout ne va pas bien.
En remontant vers mon nez, je ne peux pas percevoir le souffle irrégulier d'une quelconque respiration se répercuter sur mon épiderme. Je ne respire pas par le nez, seulement par la bouche et ce difficilement.
Une porte dont je n'avais pris connaissance lors de ma contemplation de cette prison s'ouvre à ma gauche. Je concentre mon attention sur la personne qui vient de l'ouvrir. Sa tête semble frôler l'encadrement de la porte, 1m95 ? — je n'ai aucune chance face à ce genre d'individu.. même mon maigre mètre quatre-vingt ne fera pas le poids.. Si je n'étais malade (dans tous les sens du terme), j'aurais pu m'échapper.. peut-être... —, je ne discerne pas grand chose de plus, l'ombre me semble imposante par sa musculature mais rien n'est sûr, à part le fait que ce soit un homme..
Il — admettons que ce soit le cas — se rapproche de moi lentement, un objet pointu dans la main qui brille sous l'effet de la lumière que laisse passer la fente entre le mur et la porte, refermée d'un simple mouvement. S'il veut l'utiliser sur moi, je m'y oppose fortement. S'il veut me voir mourir, qu'il me donne cet honneur ! Mais que je prenne l'arme et que je la plante dans mon corps, je déciderai quand je passerai à l'acte puis dans l'autre monde.
Et nous en serons tous les deux heureux.
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Des choses à dire ? Moi non.. je vais éviter de vous bassiner avec tous les sous-entendus de ce chapitre... ^^'
Comme dans tous les autres il y a des indices sur les personnages... mais si vous lisez juste, vous comprendrez plus tard. Pour ceux qui veulent des explications, je suis là. 😉
Au prochain... ;) ♥️
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