8
Lorsque la fin des cours a sonné, je l'ai ressentie comme une délivrance. J'étais heureux d'enfin pouvoir quitter cet établissement oppressant, la cause de mon malheur intérieur.
Je suis donc monté à grandes enjambées à l'arrêt de bus où plusieurs élèves attendaient déjà, dont Léonard, mon frère.
Ce dernier était en pleine conversation avec une fille et un garçon qui m'étaient inconnus mais je ne parvenais à décrypter aucune de leurs paroles.
Clara, elle n'était pas encore là mais je ne m'inquiétais pas réellement car elle est du genre à toujours arriver quelques secondes avant l'heure demandée.
Une fois le bus devant moi et ma soeur toujours pas dans mon champs de vision, j'ai décidé de rapidement envoyer un message à cette dernière auquel elle a répondu dans la seconde. Dans ce dernier, elle me demandait de faire ma route et qu'elle allait arriver quelques minutes plus tard.
Étant donné qu'elle a seize ans, je me suis dit qu'elle savait se débrouiller dans j'ai pris place dans le transport en commun.
Sans faire attention aux personnes assises autour de moi, j'ai fourré une paire d'écouteurs noirs dans mes oreilles et ai ouvert un bouquin inintéressant que je me devais d'avoir terminé pour la fin de semaine afin de savoir répondre aux questions que la professeur de français poserait.
Une dizaine de minutes plus tard, fatigué par les pages jaunes, j'ai levé la tête et ai un peu observé ce qu'il se passait autour de moi.
Justement, à ce moment-là, le bus s'est arrêté pour embarquer les quelques personnes qui attendaient dehors et délivrer les autres qui étaient étouffés par toutes les odeurs qu'on avait tous créés après une journée entière de travail.
Lorsque j'ai reconnu le visage familier de ma petite soeur, je me suis tenu un peu plus droit, afin de parvenir à voir avec qui elle discutait.
Malheureusement pour moi, elle discutait certainement avec quelqu'un à distance.
Lorsqu'elle a fait son entrée dans le transport, j'ai vu ses yeux bouffis et me suis alors posé de nombreuses questions à l'intérieur de moi-même.
La petite est directement venue près de moi. Je lui ai proposé de prendre ma place mais elle n'a pas accepté. Néanmoins, elle paraissait vraiment chagrinée.
-Qu'est-ce qu'il se passe, Clara?
-Rien, a-t-elle catégoriquement répondu à ma question qui se voulait être attentionnée.
Je n'étais pas vexé car je savais qu'elle n'était pas bien, que ce n'était rien contre moi mais croire que j'abandonnerais si facile, c'était mal me connaître.
Je lui ai attrapé le col et lui ai doucement fait baissé la tête, pour qu'elle soit en face de moi mais elle ne faisait aucun effort, donc je me suis résigné à me lever.
Une fois les yeux dans les yeux, je l'ai regardé durant un long moment avant de briser le petit silence qui s'était insinué entre nous.
-Tu peux me parler, Clara, je ne vais pas te frapper, ai-je calmement prononcé ces quelques mots.
Elle s'est retenue de ne pas exploser en sanglots, je le savais. Je l'ai encouragée à parler en lui attrapant la main. Elle avait certainement honte que j'accomplisse un geste si affectueux au milieu de tous ces élèves. Ou alors, c'était Léonard qui se sentait honteux face à nous, ses frères et soeurs.
Elle a approché son visage du mien et a chuchoté quelques mots au creux de mon oreille avant de poser sa tête sur mon épaule.
Lorsqu'elle m'a montré quelqu'un du doigt, mes esprits se sont un peu éclairés.
Son index avait pointé Léonard et un autre garçon aux cheveux châtains. Je savais très bien qu'elle ne parlait pas de Léonard car au sinon, elle ne se serait pas gênée à le dire ou même à aller lui dire sa façon de penser. Et surtout, notre frère avait un alibi étant donné qu'il était resté dans l'abribus pendant près de vingt minutes. Or, c'était maintenant que Clara était blessée.
Même si je n'avais aucune preuve, je savais que Léonard n'était pas le coupable des malheurs de ma petite soeur.
-Qu'est-ce qu'il t'a fait?, ai-je durement demandé.
Évidemment, elle n'avait aucune envie de me raconter la cause de sa peine. J'ai accepté son silence mais je me suis tout de même dirigé vers le jeune garçon que ma soeur m'avait montré. Lui et mon petit frère m'ont regardé dans les yeux, se demandant ce que je comptais leur dire.
-Hé gros, c'est quoi ton problème?, ai-je craché.
Je n'avais pas envie de me calmer, même si mon frère s'était approché de moi pour me demander de partir, même si Clara n'avait certainement pas envie que je me donne en spectacle devant les cinquante personnes du bus.
-Ça t'amuse de faire pleurer des filles plus jeunes que toi? Hein? Ça t'amuse?, ai-je continué ma tirade.
J'avais envie de m'approcher de lui, de l'attraper par le col pour que mes mots restent ancrés dans sa mémoire. Pour qu'il comprenne la haine que j'avais envers lui. Je savais qu'il n'avait pas peur de moi, que je paraissais minable à côté de sa carrure très imposante mais souvent, la haine donne beaucoup de courage.
-Tu vas te calmer, mon petit!, m'a-t-il dit d'une manière insolente. J'ai rien fait à ta petite soeur, t'inquiète pas, mon bébé.
Le regard de Léonard s'est enfin tourné vers notre soeur. J'étais content de le voir enfin réagir, se rendre compte des choses qu'il y a autour de lui au lieu de parler avec des abrutis de première catégorie.
Les paroles du jeune garçon ne m'ont pas désarçonné. Au contraire, elles ont rendu ma haine encore plus tenace et j'étais d'autant plus capable de répliquer.
-Arrête un peu de me prendre pour un con...
-Je ne te prends pas pour un con, m'a-t-il sèchement coupé. Je n'arrive juste pas à prendre un mec si ridicule que toi au sérieux. C'est vrai quoi. On est au vingt-et-unième siècle et il y a encore des pourritures dans ton genre qui viennent nous faire chier.
Je l'ai regardé d'un air étonné, voire excessivement surpris. Je lui ai demandé de fonder son discours afin de me laisser le comprendre. Il ne s'est pas fait prier pour continuer à me cracher les pires assanités au visage.
-Je veux dire que les gens comme toi ne devraient plus exister. On est en deux mille dix-neuf et il existe encore des gens s'habillant en femme alors qu'ils ont quelque chose entre les cuisses. Il faut arrêter deux minutes les longs ongles et les cheveux lissés. Il faut réagir et penser à se mettre la corde au cou.
Le grand châtain était fier de sa réplique, c'était une certitude. Et c'était normal car il avait réussi à me détruire totalement, à me faire passer un message excessivement clair et efficace.
Il m'avait eu, j'étais incapable de répliquer quoi que ce soit. Plus aucun son ne parvenait à sortir de ma bouche. C'était comme s'il m'avait jeté à terre et m'avait sauté dessus jusqu'à ce que mon coeur éclate dans ma poitrine ainsi que tous mes autres organes.
Le bus a eu le bonheur de s'arrêter quelques secondes plus tard et j'en suis directement descendu sans même regarder Léonard et Clara.
Cette dernière s'est approché du garçon et l'a asséné de coups dans la poitrine. Elle était énervée, dans une colère noire envers lui.
Quelques instants plus tard, j'ai reconnu la voix de mon petit frère et ai entendu, tout de suite après celui qui m'avait fait sortir crier. Léo l'avait certainement poussé contre la vitre.
J'ai commencé à marcher très vite le long de la route. Je savais que je n'avais aucune chance de rejoindre la maison en passant par ce petit chemin mais j'avais besoin de me retrouver dans le champs, de m'y asseoir et d'y extérioriser toute ma peine.
-Romuald, attends!, a crié ma soeur.
Cette dernière avait la voix qui tremblait mais je ne me suis nullement arrêté pour l'attendre comme elle l'aurait souhaité. Au contraire, je me suis mis à accélérer le pas.
Au bout de dix minutes, je suis arrivé en face du grand champs que je voulais rejoindre et m'y suis couché de tout mon long sans même réfléchir une seule seconde. Quelques instants plus tard, j'ai entendu deux respirations saccadées et ai reconnu le sac de ma soeur voler. Cette dernière a acouru vers moi et s'est installée à mes côtés.
Elle m'a attrapé la main et s'est couchée contre moi. J'étais content qu'elle soit venue tout près de moi car sa présence était exactement ce dont j'avais besoin à ce moment.
Je n'ai pas bougé pour autant, trop occupé à calmer mes sanglots.
-Ce mec est un connard fini, a alors prononcé Léonard en s'asseyant à son tour.
Il était à côté de l'unique fille de la fraterie et regardait je ne sais où. Il semblait perturbé aussi, comme s'il était autant touché par les paroles de l'abruti que je l'ai été.
-Je ne veux pas que tu changes moi, ou que tu écoutes des conneries pareilles, Romuald, a déclaré ma petite soeur.
J'ai pleuré.
J'ai énormément pleuré au souvenir de l'épisode du bus mais aussi de l'attention que me portait Clara.
-Moi non plus, je ne veux pas que tu l'écoutes, a ajouté mon frère.
J'ai simplement souri à ces paroles.
J'aime énormément Léonard mais nous n'avons jamais l'occasion de nous montrer ce sentiment. De nous faire comprendre qu'en fait, il n'y a pas que de la haine ou de la jalousie entre nous.
Nous étions tous les trois assis à terre dans le calme sans réellement parler jusqu'à ce que je remarque le regard de Léonard posé sur moi. En essayant de calmer mes larmes, je lui ai demandé pour quelle raison il semblait si concentré sur moi.
-C'est rien..., a-t-il commencé.
Comme un lâche, il a tourné la tête durant une minute entière. J'aurais aimé savoir ce qui le tracassait mais je n'avais pas non plus envie de me faire passer pour un tyran. Heureusement, il a très vite tourné la tête vers moi.
-En fait, Romuald, j'aimerais te dire quelque chose.
D'un hochement de tête, je lui ai fait comprendre que j'étais prêt à l'écouter même si je savais que ses paroles me feraient certainement pleurer à nouveau.
-J'ai longuement eu une rage énorme envers toi. En fait, je t'en voulais car tu me faisais honte. Pas un jour passait sans que je n'entente une remarque sur ton style androgyne ou ta façon de te comporter. Ça me tuait d'être ton frère. Puis, je me suis rendu compte que tu étais une grande partie de moi. Que même si je te déteste le trois-quart du temps, tu es une bonne personne et tu devrais emmerder toutes ces personnes.
Comme prévu, je me suis remis à pleurer. Ces paroles m'avaient fait l'effet d'un coup dans le coeur. D'un coup violent et doux à la fois.
Je me suis bêtement déplacé et ai atteri dans ses bras. Ça faisait une éternité que nous n'avions plus été si proches mais qu'est-ce que c'était bon! Ça me redonnait de la chaleur dans le coeur.
Clara est venue compléter le tableau en nous prenant dans ses petits bras fins.
Tous les deux, ils ont réussi à calmer ma peine et m'ont proposé de refaire le chemin inverse pour retourner à la maison.
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18/11/2016- #14 catégorie nouvelle.
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Merci mille fois.
J'espère que cette histoire n'est pas trop ridicule.
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