Chapitre 1

Maya me secoue légèrement l'épaule et j'ouvre les yeux. Je l'interroge du regard.

- Il faut te réveiller, Taylor. Tu as quelque chose de prévu aujourd'hui, me chuchote-t-elle en souriant.

Je regarde autour de moi. Je ne peux pas dire que les rayons du soleil filtrent par la fenêtre ou que la pièce est lumineuse.
Non. Il fait noir, et il y a une odeur rance de sang.
Je regarde Maya, ma meilleure amie depuis 6 ans.
Elle a une goutte de sang qui perle au coin de sa bouche et je lui enlève du revers de la main avant de l'essuyer sur mon pantalon.
Elle me remercie d'un sourire et jette un oeil à ma table de nuit.
Ma poche de O négatif d'hier soir y est encore posée.

- Je peux...?

Je hoche la tête et elle s'empresse d'attraper la poche et de l'ouvrir à l'aide de ses crocs, aussi rapidement qu'un lion attaque sa proie.
Je n'avais pas faim hier soir. Ce qui est extrêmement rare pour quelqu'un de mon espèce.
Les autres ne réfléchissent pas et mange tout ce qu'on leur propose.
Certains, qui ne sont pas civilisés, attaquent même les proies vivantes.
Nous, on s'attaque juste aux poches volées à l'hôpital.
C'est quand même un crime, mais le vol est moins grave que le meurtre.
Malgré tout, je continue à penser que c'est mal.
Alors contrairement aux autres, je mange uniquement quand je meurs de faim.
Eux, ils mangent plus par gourmandise que par besoin.
Mais je ne suis pas comme eux.
J'ai fait le choix de pencher vers le côté humain.
Ils ont fait le choix de pencher vers le côté... Sombre.
Je me lève et me dirige vers ma commode, cherche de bons vêtements à me mettre, et vais à la salle de bain miteuse que l'on se partage tous.
Par chance, il n'y a personne.
Après le passage de 16 autres adolescents, elle n'est plus très propre.
J'allume la lumière, qui m'éblouit, alors je mets ma main devant mon visage par réflexe.
J'attends que ma vue se soit habituée, sans grand succès. Je reste éblouie, mais tant pis.
Je regarde les vêtements que j'ai pris.
Un jean et un sweat.
Je ne suis jamais sortie de cet appartement.
Si, une fois, quand j'avais 11 ans, en pleine nuit.
Et depuis plus rien. Cela fait 5 ans que je suis cloîtrée entre ces murs, avec pour seule compagnie agréable Maya.
Je ne sais pas si les vêtements feront l'affaire.
Je ne sais pas l'effet que produit le soleil, ni même ce que ça fait de sentir la pluie ou la neige sur notre peau.
Peut-être qu'il fait froid aujourd'hui, peut-être qu'il fait une incroyable chaleur.
Je ne sais pas.
Ces vêtements et autres choses apparemment utiles comme le maquillage, c'est une femme d'une cinquantaine d'années au courant de notre existence qui nous en amène tous les ans. Nous n'en avons pas beaucoup, ce sont juste des vêtements "au cas où".
Mais aucun de nous n'en a besoin.
Sauf aujourd'hui. 
Je me regarde dans le miroir.
Il faut vraiment que je prenne une douche.
J'entre dans la douche et laisse couler l'eau sur ma peau.
J'espère que la pluie est aussi agréable que ce jet.
Je reste 20 longues minutes puis me décide enfin à sortir.
Je m'habille et me coiffe les cheveux.
Je décide de les laisser sécher à l'air libre, détachés.
Une fois, quand j'avais 14 ans, j'ai voulu essayer le maquillage que nous rapportait la dame. Et il s'avère que je suis plutôt douée.
Je prends de la poudre et m'en applique légèrement, et me mets du fard à paupière noir, ce qui me va très bien. En cherchant de l'eye-liner dans la trousse, je tombe sur un rouge à lèvres rouge mat.
Il est magnifique.
Je m'en mets sur les lèvres, qui deviennent instantanément pulpeuses.
Je laisse tomber l'eye-liner, ça ferait trop chargé, et sors de la salle de bain.
Quand je retourne dans la pièce commune, où se trouve tous nos lits, les 16 autres adolescents avec qui je vis se tournent vers moi, me regardant avec de grands yeux.
Je baisse la tête et presse le pas jusqu'à mon coin personnel.
Je tire le sac que j'ai caché sous mon lit et y range le peu de biens que je possède, sous les yeux de ma meilleure amie.
C'est à dire 2 ou 3 vêtements,  un peu d'argent que la dame m'a gentillement prêté, et la peluche que m'a offert ma mère à ma naissance avant de me laisser ici.
Je ne veux pas employer le terme "abandonner" même si c'est pourtant le cas.
Je préfère me dire qu'elle n'avait pas le choix, pour me protéger moi, et aussi pour protéger mon entourage.
Je soulève mon oreiller et y prends mon billet d'avion que je range immédiatement dans mon sac et mon précieux collier.
Du regard, je demande à Maya de me le mettre et elle me l'accroche tandis que je soulève mes cheveux.

- N'oublie pas, tu ne dois l'enlever sous aucun prétexte.

Je hoche la tête et soudain, j'ai une furieuse envie de la prendre dans mes bras.
Je l'attire contre moi et murmure au creux de son oreille en retenant mes larmes :

- Si je pouvais t'emmener je le ferai. Tu le sais.
- Je sais.. Mais il n'y avait qu'un seul collier. Et je sais aussi que c'est important pour toi.
- Tu vas me manquer. Énormément.
Je renifle et m'écarte d'elle.
- Toi aussi tu vas me manquer, Taylor.

Je souris faiblement, mets mon sac sur mon épaule, et me mets à courir jusqu'à la porte d'entrée, que je franchis pour la première fois depuis des années, sous les yeux ébahis de tous mes colocataires.

***

Je descends la volée de marche qui me sépare de la liberté en courant et ouvre la porte d'un coup.
Je me retrouve en pleine rue, avec les passants qui marchent comme si de rien n'était.
Ils ne savent pas qu'ils sont en présence d'un être surnaturel qui n'a pas vu le jour depuis sa naissance.
Je souris et lève la tête en plissant les yeux, éblouie comme jamais par le soleil, que je vois pour la première fois de ma vie.
Je commence à rire nerveusement et me mets à courir si vite que j'ai peur que les gens comprennent pour moi.
Je cours si vite que mes cuisses me brûlent déjà et que mes poumons hurlent.
Je cours comme jamais en zigzagant parmi la foule qui se presse sur les trottoirs.
C'est la première fois que je peux faire ça.
J'ai toujours dû faire les cent pas dans l'appartement, je n'ai jamais fait de sport.
Mon Dieu qu'est-ce que ça fait du bien de courir !
Même si je souffre physiquement, je n'ai jamais été aussi heureuse.
Je m'arrête finalement, essoufflée, mais toujours souriante, tandis que les gens me regardent bizarrement.
Je regarde autour de moi.
Merde. Je n'ai aucune idée d'où je me trouve.
J'interpelle un homme d'affaires d'une trentaine d'années.

- Excusez-moi, savez-vous où se trouve l'aéroport s'il vous plaît.
- Prenez un taxi, mademoiselle, c'est à 20 minutes.
- Merci.

Qu'est-ce qu'un... Taxi ?
Ça doit sûrement être un moyen de transport.
Je reste immobile en réfléchissant quand j'entends une dame à ma droite crier :

- Taxi !

Je tourne la tête et la vois agiter la main. 1 minute après, une voiture s'arrête devant elle et elle monte à l'intérieur.
Je vais faire la même chose qu'elle.
Je m'approche du bord de la route et reproduis les faits et gestes de la femme.
Une voiture s'arrête devant moi et je monte.

- Quelle adresse ? me demande le chauffeur.
- Euh.. L'aéroport s'il vous plaît.
Il hoche la tête et démarre.

***

Je donne mon billet à l'hôtesse et elle me fait signe d'entrer dans le couloir d'embarquement. Je suis les gens, un peu désorientée.
Arrivée devant l'avion, je reste figée devant sa grandeur.
Je n'en avais jamais vu, juste entendu parler, et je ne pensais pas que c'était aussi grand.
Maintenant qu'il faut monter, j'ai un peu peur.
Puis je me rappelle que même si on s'écrasait, je ne mourrais pas, et l'angoisse redescend aussi vite qu'elle est montée.
Je monte dans l'avion et cherche ma place.
Je la trouve enfin, m'installe et ferme les yeux jusqu'à ce que je sente qu'on prend de la hauteur.
Après quelques minutes pendant lesquelles on plane totalement, je regarde par le hublot. Wahou.
Je sens que je me rappellerai de cette journée toute ma vie.

***

Après 11h de vol, je descends enfin de l'avion et me dépêche d'aller chercher un taxi, maintenant que je sais comment m'y prendre.
Il y en a un garé juste devant les portes de l'aéroport et je monte dedans.

- Beacon Hills s'il vous plaît.
- Vous avez une adresse en particulier ? - Hmm... Oui attendez...

Je regarde le mot que m'avait donné la gentille dame et le lis :

- 2926 Moudview Court à Beacon Hills.

Il démarre la voiture et je pose ma tête contre la fenêtre.
Le trajet passe étonnamment vite.
Arrivés devant la maison, je paie le chauffeur et sors de la voiture avec mon sac.
Je lève la tête. C'est une belle maison.
Je m'approche du perron, un peu effrayée.
Devant la porte, je me dégonfle et m'apprête à faire demi-tour quand j'entends la porte s'ouvrir dans mon dos.

- Bonjour. Je peux vous aider ? me demande une voix de femme.

Des larmes me montent aux yeux et je les ravale, puis me retourne.
Je lui fais face.
C'est une très belle femme aux cheveux bouclés, on dirait qu'elle a des origines espagnoles. (Voir multimédia 👆)
Elle m'interroge du regard.
Évidemment qu'elle ne me reconnaît pas. On ne s'est pas vues depuis 16 ans, et je n'étais alors qu'un nouveau-né.
Je prends une grande inspiration et expire doucement avant de murmurer en essayant de contrôler ma voix qui tremble :

- Salut maman.

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