☆꧁ 5. AU-DELÀ DES APPARENCES

Elle aurait pu croire que dormir sur le sol ne serait plus un problème. Elle avait vécu des années dans les rues, essayant de survivre avec ce qu'elle trouvait avant de parvenir à construire cette petite cabane. Pourtant, ce soir, le sol de sa maison lui parut très inconfortable.

Alleen se retourna pour la énième fois sans pour autant trouver de position qui lui convenait. Le manque de sommeil commençait à l'énerver et elle se mit à maudire l'inconnu dans son lit. Pourquoi fallait-il qu'elle soit trop gentille ? Pourquoi avait-elle ressenti le besoin de lui laisser son lit ? Puis, elle soupira. Parce qu'elle n'était pas comme les gens de cette ville. Elle n'était pas égoïste, ni malhonnête. Elle ne voulait pas laisser un homme blessé endurer le sol froid et dur alors qu'il se rétablissait. Dire qu'elle avait essayé de le voler, quelques heures plus tôt. Elle ne le faisait pas pour le plaisir, mais simplement parce que sans ça, elle serait déjà morte depuis longtemps. Elle devait voler aux autres pour survivre. Peut-être qu'elle était un peu égoïste finalement, et qu'aider cet homme était un moyen de faire taire sa culpabilité.

Soudain, elle entendit du bruit. Elle se retourna encore une fois sur le sol et regarda en direction du lit. Il y avait du mouvement sous la couverture et elle pouvait clairement entendre parler.

— Je suis un monstre... Gémissait Loki, se débattant avec la couverture. Vous m'avez menti.

Curieuse et un peu inquiète, Alleen se mit assise sur le sol et observa.

— Frey ?

— Un monstre...

Lorsqu'elle n'eut pas de réponse et que la respiration du jeune homme se fit plus laborieuse, elle se leva et alla le voir. Elle fut un peu surprise de le voir encore endormi, mais se débâtant contre des cauchemars. Ou peut-être étaient-ce des souvenirs ? Ne voulant pas le laisser ainsi, elle décida de le réveiller.

— Frey ! Chuchota-t-elle, fortement.

Il ne réagit pas, alors elle le secoua un peu. La chaleur émanant de son corps la frappa, elle posa alors une main sur son front.

— Tu es brûlant, s'exclama-t-elle.

Alors qu'il se débattait toujours, elle évita ses gestes brusques pour regarder sous son bandage. La blessure avait pris un aspect bleu noir qu'elle n'aimait pas du tout. Elle s'était infectée et la fièvre le faisait délirer. Elle devait le soigner avant qu'il ne succombe.

Cherchant frénétiquement dans ses placards, elle trouva des plantes médicinales. Elle trempa un linge propre dans de l'eau froide et le posa sur son front. Avec un autre, elle entreprit de rafraîchir son visage son cou et son torse, essayant de faire baisser la température de son corps. Éclairée uniquement par la lueur d'une bougie, elle prépara en vitesse un nectar qui avait pour propriété de faire baisser les fièvres.

— Frey, réveille-toi, demanda-t-elle, le secouant de temps à autre, essayant de faire cesser son cauchemar.

Elle le mit en position assise en l'appuyant contre son torse et lui fit boire la potion. Alleen le recoucha et continua de rafraîchir son front. Au bout de quelques minutes, il cessa de s'agiter, et ses propos incohérents cessèrent.

Alleen savait qu'elle ne dormirait pas cette nuit, mais elle n'avait pas imaginé que ce serait pour veiller sur lui et non pas à cause du sol. Silencieusement, elle le regarda dormir, la lueur de la bougie dansant sur son visage pâle.

Il ouvrit les yeux et se sentit un peu nauséeux. Il regarda autour de lui, reconnaissant la cabane de la jeune femme qui l'avait volé puis aidé. Il vit par la fenêtre qu'il faisait encore nuit et se demanda combien de temps il avait dormi. Il tenta de s'asseoir mais fut vite interrompu.

— Non, non, non ! S'exclama Alleen qui sortait d'une pièce.

Elle se précipita vers lui et le força gentiment à se recoucher.

— Tu as passé la nuit à te débattre avec des fantômes et à délirer. Alors il est hors de question que tu fasses le moindre effort aujourd'hui.

— J'ai quoi ? Demanda-t-il, surpris.

— Tu avais de la fièvre, tu étais complètement ailleurs et pas moyen de te ramener à la réalité. Ta blessure s'est infectée, il faut que je la soigne alors rallonge-toi s'il te plaît.

Sans un mot, il obéit et la laissa défaire son bandage. Il n'avait pas le souvenir d'avoir passé une nuit agité, mais cela pouvait expliquer son mal de tête et ses nausées. Il regarda les mains fragiles de la jeune femme nettoyer sa plaie qui avait pris une étrange couleur, puis il observa son visage. Elle était concentrée et sa frange lui tombait dans les yeux. Il réalisa soudain que si elle n'avait pas été là, il aurait peut-être succombé à cette fièvre.

Alors qu'elle travaillait soigneusement, elle sentait le regard du jeune homme sur elle. Et elle repensa à la nuit dernière, aux paroles qu'il avait prononcées. Il avait eu l'air tellement effrayé, tellement troublé. Elle ignorait ce qu'il avait vécu, mais elle savait que cela le hantait encore. Tout comme elle avait été hanté par son passé. Elle avait reconnu la détresse dans sa voix, et elle s'était revue quelques années en arrière, perdue, effrayée et brisée.

Elle savait ce que ces sentiments pouvaient faire à une personne. Elle refusait qu'il passe par le même chemin qu'elle. Elle voulait l'aider.

— Dans ton sommeil, tu as dit que tu étais un monstre, déclara-t-elle, soudainement, sa voix à peine plus forte qu'un murmure. Pourquoi ?

Lorsqu'il ne répondit pas, elle leva les yeux vers lui, mais il avait tourné la tête vers le mur. Il était clair qu'il voulait éviter le sujet. Mais encore une fois, elle vit cette douleur sourde dans son regard.

Alleen n'insista pas et termina son bandage sans un autre mot. Lorsqu'elle eut fini, il la regarda enfin.

— Je te remercie pour tes soins, mais je dois m'en aller à présent.

Il se leva avant qu'elle ne puisse l'en empêcher, mais il ne pouvait pas arrêter ses protestations.

— Quoi ? Non ! Hors de question. Tu es blessé et encore affaibli. Et puis, où comptes-tu aller ?

— Dans le centre.

— Rejoindre les malfrats et les voleurs ? S'indigna-t-elle.

Il la regarda de la tête aux pieds avant de lui lancer un regard entendu.

— Ça ne me changera pas d'ici.

Vexée, elle ouvrit la bouche pour répliquer mais ne trouva rien à dire pour se défendre. Elle était une voleuse après tout. Elle croisa les bras sur sa poitrine, comme un enfant boudeur. Cela l'amusa un peu. Mais lorsqu'il se dirigea vers la porte, elle retrouva son expression affolée. Elle courut pour lui barrer la route.

— Ne t'en va pas, supplia-t-elle.

— Pourquoi ?

Elle remarqua pour la première fois qu'il était beaucoup plus grand qu'elle. La première fois, il était appuyé sur son épaule pour marcher, alors elle n'avait pas vraiment fait attention. Mais là, sous son regard insistant, sa tête baissée vers elle pour mieux la regarder, elle se sentit toute petite.

— Premièrement parce que tu es blessé. Que feras-tu si la fièvre revient ? Deuxièmement, parce qu'aux yeux de la population, tu es recherché pour avoir attaqué une jeune femme. Et la justice de cette banlieue n'est pas tendre, crois-moi.

— Ce point est uniquement ta faute, fit-il remarquer

— Je sais, désolé, répondit-elle à la hâte. Et...

Elle hésita. La troisième raison qui faisait qu'elle ne voulait qu'il parte était tout à fait simple. Elle se sentait seule. Elle vivait seule et n'avait pas parlé à quelqu'un depuis des lustres. Même si sa compagnie la mettait souvent mal à l'aise, il était mieux que le silence assourdissant qui régnait constamment dans sa maison.

Mais ça, elle n'était pas prête à l'avouer.

— Et ? Répéta-t-il, impatient.

— Et je trouve que ces deux points sont suffisants pour te faire rester, finit-elle en croisant les bras sur sa poitrine.

Il la regarda un moment, ne montrant qu'un léger amusement. Elle ne savait pas si c'était sincère ou s'il se moquait simplement d'elle. Mais avant qu'elle ne puisse s'en inquiéter davantage, il avait pris sa décision.

— Très bien, je reste. Mais uniquement jusqu'à ce que je sois rétabli.

Alleen était sur le point de se réjouir de cette nouvelle, un grand sourire sur le visage.

— Et sous plusieurs conditions.

Son sourire s'effaça presque immédiatement.

— Lesquelles ? Demanda-t-elle avec appréhension.

— Tu vas m'aider à trouver un moyen de me rendre dans le centre-ville et d'y trouver les plus grands noms des casinos. Et tu ne poseras aucune question sur ce sujet ni sur mon passé ou encore sur ma véritable identité.

Elle resta un moment la bouche entre-ouverte, hésitante.

— Je t'aide à te rendre en ville et à côtoyer les mafieux et je ne pose aucune question, résuma-t-elle. Je sens que je vais le regretter mais j'accepte.

— Bien, alors commençons.

La jeune femme resta un peu pantoise, elle ne s'attendait pas à ce qu'il veuille trouver un moyen de se rendre en ville aussi rapidement. Mais elle obtempéra et alla chercher une vieille carte qu'elle avait dérobée. Pendant qu'elle fouille dans ses affaires, Loki regarde d'un peu plus près l'endroit où il se trouve. Il n'avait pas eu l'occasion de s'intéresser à la cabane d'Alleen. Et même si elle était faite de bric-à-brac, il remarquait une certaine organisation et un certain sens de la décoration. Elle faisait de son mieux avec ce qu'elle avait pour se sentir chez elle.

Il remarqua alors sa collection de livres et chacun des titres appelait Loki, car tous parlaient de la magie.

— Voilà, j'ai ce qu'il nous faut. Elle est un peu vieille, mais cette carte reste assez fidèle. Oh...

Elle s'arrêta lorsqu'elle le vit en train de feuilleter ses livres.

— Je me suis toujours intéressée à la magie, ces livres ont une grande valeur pour moi... Expliqua-t-elle, en le lui prenant gentiment des mains pour le ranger. Cela t'intéresse aussi ?

Soudain, il s'évanouit dans les airs. Il venait de disparaître devant elle. Alleen n'en revenait pas, elle regarda à droite et à gauche, essayant de comprendre ce qu'il venait de se passer.

— Disons que je me débrouille, répondit-t-il.

Alleen se retourna et le vit alors assis sur le lit derrière elle. Elle resta immobile un moment, abasourdie par le tour qu'il venait d'accomplir.

— Tu sais faire de la magie ?! Finit-elle par s'exclamer.

Loki la regarda avec un sourcil levé. Il pouvait clairement voir qu'elle se retenait de ne pas sauter d'excitation sur place. Il était surpris par une telle extase, amusé mais surtout flatté. Sur Asgard, personne, à part sa mère, ne savait apprécier sa magie. Ils en avaient peur et s'en méfiaient. Mais pas Alleen. Elle, elle l'admirait.

— Depuis que je suis tout petit, expliqua-t-il.

— Oh, c'est génial !

Soudain, elle redevint sérieuse et tendit une main vers lui.

— Attends, attends, attends. Nouveau deal. Je te dis tout ce que tu veux savoir sans poser la moindre question, si tu m'apprends à faire de la magie.

Il hésita un moment. La magie n'était pas si simple à apprendre. Il fallait avoir un certain don et il doutait qu'une vulgaire voleuse soit dotée de quelques pouvoirs. Pourtant, il avait besoin d'elle et de toutes les informations qu'elle pouvait lui apporter. Alors, il accepta.

— Marché conclu, dit-il avec un sourire narquois.

Don ou pas, il apprendrait la magie à cette drôle de jeune femme. Il n'était pas le dieu de la malice pour rien.

•••

Soutenez Loki avec un vote et/ou un commentaire

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top