C'est avec une petite secousse qu'elle fut réveillée. Aussitôt en alerte, elle ouvrit les yeux pour rencontrer ceux de Loki. Ils semblaient inquiets.

— Il est l'heure, murmura-t-il, avant de se diriger vers la cuisine.

Alleen se leva rapidement et prit le sac qu'elle avait préparé la veille, regroupant une grande partie de sa vie. Quelques vêtements de rechange, de quoi boire et manger et deux livres dont elle ne pouvait pas se séparer. Toute sa vie dans un simple sac. Essayant de ne pas se laisser envahir par la nostalgie et la peur, Alleen alla rejoindre Loki dans la cuisine, qui regardait une dernière fois le plan du centre-ville.

La jeune femme posa une main sur l'épaule de Loki, partageant un regard nerveux.

C'était le grand jour. Le dernier jour de l'ultimatum de Thanos. Mais le premier jour de leur liberté, de leur nouvelle vie.

La planète était constamment plongée dans le noir, et Loki ne s'y était jamais habitué. Malgré la pénombre, il savait qu'il était très tôt le matin, et qu'ainsi les rues étaient désertes. À pas feutrés, ils longèrent les murs, vêtus de pied-en-cape, telles des ombres, jusque dans le désert qui séparait la banlieue du centre-ville.

Il faisait froid et il était presque impossible de voir où ils mettaient les pieds. Alleen avait peur. Peur que Thanos les retrouve, peur de ne pas trouver la vie qu'elle attend, peur d'avoir pris la mauvaise décision. Elle avait passé tant d'années sur cette roche abandonnée, luttant chaque jour pour survivre. Toute sa maison n'était faite que de bric-à-brac, mais elle avait dû ruser, voler, se battre pour l'avoir. Elle avait construit une vie ici, certes peu convenable, mais elle l'avait fait toute seule. Le travail d'une vie. Et elle lui tournait le dos sans même se retourner. Elle avait le cœur lourd et Loki le sentit. Dans la pénombre, il vit ses traits soucieux et les doutes se bousculer en elle. Il prit alors sa main et, avec une pression rassurante, lui fit la promesse silencieuse que tout irait bien.

Une heure de marche, et la fatigue se faisait déjà sentir. Les pieds s'emmêlant dans le sable, ils luttèrent pour garder un rythme soutenu, car ils savaient que dans quelques heures, les habitants allaient se lever. Et que Thanos allait se rendre compte de leur absence...

— Alleen... Murmura Loki.

La jeune femme leva la tête, sortant de ses pensées et regarda l'homme à côté d'elle. Il avait un léger sourire sur le visage.

— Regarde, on y est.

Elle dirigea alors son regard sur l'horizon et vit, au loin, les lumières de la ville. Une petite lueur d'espoir se propagea en elle, et le sourire de Loki fit écho au sien. Ils étaient sur la bonne voie.

Avec une nouvelle ardeur, ils accélèrent le pas. En ville, il y avait du monde, l'agitation les rendait nerveux mais Loki savait qu'il fallait la tourner à leur avantage. Deux heures s'étaient écoulées depuis leur départ, ils devaient agir vite avant que Thanos ne se rende compte de leur absence. Toujours la main liée à celle d'Alleen, il se dirigea dans les rues, gardant la tête baissée, essayant de ne pas attirer l'attention. En temps normal, il se serait transformé en quelqu'un d'autre, mais Alleen n'était pas assez expérimentée pour maintenir une illusion aussi longtemps, et lui, n'avait pas la capacité de maintenir une illusion pour deux.

— Loki, c'est là, murmura Alleen.

Il tourna la tête et vit alors le casino qu'ils avaient visité au début de leur rencontre. Il était constamment ouvert et Loki, lors de son escapade la dernière fois, avait appris qu'un certain homme riche s'y trouvait constamment. Il avait également appris que cet homme avait l'un des plus grands vaisseaux de la ville et qu'il le confiait à un voiturier à chaque visite.

Loki avait expliqué à Alleen qu'un voiturier est facilement manipulable, qu'on peut l'acheter.

Ils se dirigèrent alors vers les hangars à l'arrière des bâtiments. Alleen resta caché derrière une poutre alors que Loki s'avançait vers le voiturier. Par chance, il était seul dans cette zone du hangar.

— Bonjour, mon cher, déclara Loki, avec un sourire charmeur.

— Bonjour, Monsieur, puis-je vous aider ? Répondit presque par réflexe le voiturier.

— Oui, voyez-vous, je cherche un vaisseau.

— Oh, oui, je vois. Ça arrive, les clients sont nombreux à ne plus se souvenir où ils se sont garés, sourit le jeune homme. Avez-vous un ticket de parking ?

— Non, pas la peine, répondit Loki, s'approchant du voiturier avec un sourire, les mains dans les poches. Je veux ce vaisseau, clarifia-t-il en pointant derrière lui.

Alleen se retint de rire en voyant le visage outré du voiturier. Il resta la bouche ouverte quelque instant, comme un poisson qu'on aurait laissé hors de l'eau, avant de trouver ce qu'il voulait dire.

— Je suis navré, Monsieur, mais ce vaisseau appartient à Lord Kleintosh.

— Oh, voyez-vous ça ? Fit semblant de contempler Loki. Mais c'est celui-là que je veux. C'est fort fâcheux. Je regretterais fortement de devoir en venir à des moyens de persuasion plus convaincants, dit-il en sortant un poignard de sa poche.

Alleen ne s'inquiéta pas, elle savait que l'intimidation faisait partit du plan. Loki ne ferait pas de mal à cet innocent, il le lui avait promis.

— Je suis sûr qu'on peut s'arranger.

Le jeune homme bégaya un moment, hésitant. Mais son regard se portant vers le poignard qui semblait très tranchant et la vision de son propre sang sur cette lame si brillante lui retourna l'estomac. Il hocha la tête et sortit lentement une clef de sa poche avec une main prise de violent tremblement.

Loki tendit la main, paume vers le haut, prêt à recevoir la clef avec un sourire satisfait. C'en était presque trop facile. Mais avant que le métal ne puisse toucher la peau du dieu, le voiturier se figea. Loki fronça les sourcils et regarda le jeune homme, se rendant compte trop tard, qu'on lui avait jeté un sort.

Avant qu'il ne puisse avertir Alleen, il entendit les portes s'ouvrirent avec fracas, le faisant sursauter. Il regarda frénétiquement autour de lui, toutes les issues étaient compromises.

Son sang se glaça alors lorsqu'il vit les silhouettes des sous-fifres de Thanos.

— Alleen ! Sauve-toi ! Hurla-t-il, s'apprêtant à courir.

Mais la jeune femme n'eut pas le temps de s'exécuter, une main immense s'abattit sur son épaule. Quelqu'un saisit la capuche de sa cape et la souleva du sol avec force. Alleen se débattit, essayant de défaire le bouton du col qui l'étouffait. Paniquée, elle usa de sa magie pour faire sauter la fermeture et dès l'instant où ses pieds touchèrent le sol, elle se mit à courir. Elle ne regarda pas en arrière, elle slaloma entre les vaisseaux et les robots d'entretien. Mais sa course se stoppa net lorsqu'elle entra en collision avec un homme au sourire malsain. Elle n'eut pas le temps de faire demi-tour, il la saisit fortement et la força à avancer, la ramenant à la case départ.

— Lâchez-moi ! Espèce de monstre ! Relâchez-moi ! Hurla-t-elle en se débattant de toutes ses forces.

L'homme qui la détenait la poussa fortement et elle tomba lourdement à genoux. Elle tenta de se relever mais une lame se posa juste sous son menton, l'empêchant de s'échapper.

Une minute à peine, c'est Loki qui se faisait jeter sur le sol. Alleen voulut s'approcher de lui, voir s'il allait bien, mais la lame sur son cou lui rappela de ne pas jouer avec le feu. Loki échangea un regard avec elle, voulant la rassurer mais elle pouvait lire la terreur dans ses orbes verts.

Des pas lourds se firent entendre au loin, tous deux relevèrent la tête et virent alors Thanos entrer dans le hangar.

— Je m'attendais à une forme de résistance, mais j'avoue que je suis déçu, déclara-t-il une fois devant Loki.

— Vraiment navré de décevoir, répondit sèchement Loki.

Thanos l'observa un moment avant de faire un signe de tête à ses hommes. Brusquement, Loki fut remis sur pied et face au titan.

— Je t'ai laissé cinq jours pour prendre ta décision, mais je croyais pourtant être clair, j'obtiens toujours ce que je veux. Tu vas voler le Tesseract pour moi.

— Je n'en ferais rien, déclara calmement mais fermement, Loki.

Thanos ne put empêcher son sourire ahurit. Puis son regard se posa sur la jeune femme.

— Pathétique... L'amour. Je te croyais quelqu'un de sensé, Loki. Je pensais que tu étais prêt à tout pour prendre ta revanche sur Odin. Mais il a suffi qu'elle te fasse les yeux doux pour que tu abandonnes.

— J'ai simplement trouvé un nouveau but.

— Ha ! S'exclama Thanos, amusé avant de reprendre son sérieux. Ce serait dommage que ta demoiselle se fasse mal...

Avec un signe de tête, il ordonna à l'homme qui tenait Alleen d'agir. Il brandit la lame au-dessus de sa tête, prête à l'abattre sur elle. Alleen tremblait mais tentait de rester courageuse.

Loki regarda la scène avec effroi et regarda Thanos, dégoûté par cet homme mais aussi le suppliant de ne pas la tuer. Thanos rit en voyant l'hésitation du jeune dieu.

Alleen croisa le regard de Loki et sut ce qu'il avait en tête. Il l'aimait et il était prêt à se rendre à l'esclavage si cela garantissait sa sécurité. Mais elle préférait mourir plutôt que de savoir qu'elle avait causé sa perte.

— Non ! Ne fais pas ça ! S'exclama-t-elle lorsqu'elle le vit se résigner. Il ne travaillera jamais pour vous, il n'est pas un monstre, lui ! Ajouta-t-elle en se tournant vers Thanos. 

 — Pas un monstre ? Oh mais bien sûr qu'il l'est. Et il m'écoutera au doigt et à l'œil.

Thanos brandit la main vers un côté de la pièce et un sceptre apparu dans sa poigne. C'était un sceptre doré avec une lame arrondie à son bout, sertie d'une pierre luisante bleue. Avant que quiconque ne puisse réagir, il la tendît en direction de Loki. Ce dernier recula d'un pas, s'attendant à recevoir un sort ou une décharge, mais c'est une vague de colère qui l'envahit brutalement. Il serra les poings et ferma les yeux, grognant alors que colère, jalousie et envie de vengeance se bousculaient en lui.

— Loki ! Appela Alleen, se demandant ce qu'il lui arrivait.

Mais sa voix était comme feutrée, comme si elle était à des kilomètres de là, avant de bientôt, disparaître. Loki vit des flashs d'images dans son esprit en ébullition, les moments où Thor lui vola la vedette, les moments où les valeureux guerriers d'Asgard se moquaient de lui et tous les moments où Odin la rabaissa.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il était essoufflé, comme si la colère qu'il ressentait l'avait écrasé. Son regard était vif et détenait une pointe de folie. Alleen observa avec effroi sa peau pâle, parsemé de segment bleu comme la pierre qui l'avait ensorcelé. Les cernes qu'il avait sous les yeux le vieillissaient mais, c'est la folie que détenaient ses yeux qui l'alarma. Ce n'était pas son Loki. Cet homme qui se tenait devant elle n'était pas celui qu'elle aimait.

Loki sourit, un sourire dérangé qui envoya des frissons à Alleen, avant de tendre la main pour prendre le sceptre.

Thanos sourit à son tour, satisfait que Loki se soit rangé de son côté grâce aux pouvoirs de la pierre. Maintenant, plus rien ne l'empêcherait d'avoir le Tesseract.

— Loki... Murmura Alleen essayant de retenir ses larmes.

Mais lorsque ses yeux se posèrent sur elle, elle ne ressentit plus aucune chaleur, simplement un immense vide. Il n'était plus là.

— Que faisons-nous d'elle ? Déclara Loki.

— Laissons-la ici. Elle ne pourra rien contre nous.

Dans un flash, ils avaient tous disparu, laissant Alleen seule dans le hangar. Elle resta à genoux, les mains tremblantes, le regard dans le vide, les larmes aux yeux. Sa respiration était courte mais elle résista pour ne pas pleurer. Elle était encore sous le choc de ce qu'il venait de se passer, si bien qu'elle n'entendit que trop tard les hommes entrer dans la pièce.

Lorsqu'elle leva la tête, elle vit trois hommes courir vers elle. Elle reconnut aussitôt l'uniforme de la police de cette planète. Son sang se glaça mais elle n'eut pas le temps de fuir. Elle n'avait plus la force de se débattre, même si elle savait que se faire arrêter ici, revenait à mourir.

Car la police d'ici est connue pour sa dureté et son manque de justice. Encore sous le choc de tout ce qu'il lui arrivait, Alleen n'entendit pas l'homme lui ordonner d'avancer. Elle prit un coup de poing dans le ventre qui lui coupa le souffle et fut violemment poussé dans un véhicule. Elle regarda les menottes à ses poignets et réalisa enfin tout ce qu'elle venait de vivre. Les larmes coulèrent silencieusement le long de ses joues avant de s'échouer au sol, comme ses espoirs d'un jour revoir l'amour de sa vie.

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