☆꧁ 8. L'ART DE VOLER

C'était comme si la journée de la veille n'avait jamais eu lieu. Personne n'avait abordé le sujet de leur étrange dispute ni de leur soudaine réconciliation. C'était comme s'ils avaient implicitement passé l'accord de ne plus en parler, d'oublier ce qu'il s'était passé.

Après que Loki lui ai montré les aurores boréales, ils étaient chacun partit se coucher, mais aucun d'entre eux n'avait pu trouver le sommeil. Alleen ne cessait de réfléchir à la façon brutale dont il l'avait saisi par le col et plaqué sur la table. La férocité dans son regard la hantait encore. Elle était terrifiée. Complètement apeurée à l'idée que ce soit la vraie nature de l'homme qu'elle avait recueilli chez elle. Et même avec cette peur au ventre, elle savait qu'elle ne pouvait pas le laisser tomber. Il avait besoin de son aide, et elle allait lui apporter.

Loki, lui aussi, était hanté par son acte. Ce simple mot l'avait fait sortir de ses gonds, il avait perdu le contrôle l'espace d'un instant. Un instant de trop. Le regard terrifié de la jeune femme lui revint en tête à chaque fois qu'il fermait les yeux. Les pensées s'entremêlaient dans son esprit, entre le dégoût de soi, la colère et la crainte de devenir un véritable monstre. Puis, il se posa une simple question. Pourquoi cela l'affectait-il autant ? Elle n'était qu'une étrangère, un pion dans son plan pour conquérir Asgard. Et pourtant, il se trouvait toujours chez elle, malgré leur désaccord, malgré leur dispute. Loki aurait pu franchir le pas de cette porte dès l'instant où il avait été guéri. Il était sur le point de le faire mais la jeune femme l'avait retenu. Et il avait cédé.

Pourquoi restait-il ? Il chercha dans son esprit mais ne trouva pas la réponse.

Le lendemain, ils reprirent leurs habitudes. Loki se réveilla pour trouver la jeune femme dans la cuisine, préparant leur petit-déjeuner. Personne ne brisa le silence qui s'était installé dans la pièce. Le jeune homme s'installa à la table et attendit qu'elle le rejoigne avant d'entamer son repas. Alleen l'observa discrètement, alors qu'il mangeait son pain. Elle observa ses mains, délicates et agiles. Puis elle observa sa bouche, ses fines lèvres, avant de chercher son regard. Loki, sentant qu'on l'observait, leva les yeux vers la jeune femme.

— Que vas-tu faire maintenant ? Demanda-t-elle subitement.

Loki la regarda, perplexe, avala la bouchée de pain qu'il avait dans la bouche avant de répondre.

— Quoi ?

— Hier, tu as dit que notre voyage en ville n'avait rien donné. Alors que vas-tu faire maintenant ? Redemanda-t-elle.

— Je compte sur le bouche-à-oreille. J'espère que quelqu'un entendra mon offre et pourra me ramener chez moi. En attendant, je dois me rabattre sur un plan B.

— Un plan B ? Tu ne m'en as jamais parlé.

— C'est parce que je n'en ai pas...

Le silence tomba à nouveau entre eux.

— Le seul autre moyen de partir d'ici c'est en volant un vaisseau.

À cette idée, Loki se mit à réfléchir. Les gens de ce côté de la ville étaient trop pauvres pour posséder un vaisseau, mais il en avait vu plusieurs lorsqu'ils sont allés en ville. Il vit alors une solution s'offrir à lui.

— Dans ce cas, c'est ce que nous ferons, déclara-t-il.

Alleen manqua de s'étouffer avec son morceau de pain. Elle toussa fortement, les larmes lui montant aux yeux.

— Quoi ? Croassa-t-elle, essayant de reprendre son souffle. Non ! Je ne faisais qu'un constat, je n'étais pas en train de suggérer que nous le fassions.

— Et pourquoi pas ?  Tu es une voleuse et je m'y connais en ruse. En combinant nos talents, ce sera un jeu d'enfant.

Alleen se leva subitement, fronçant les sourcils.

— Oh là, on se calme. Moi, je ne suis qu'une voleuse de petite envergure. Je vole de petits objets à des cibles faciles. Le pain que tu manges les matins, c'est facile, un objet précieux, passe encore mais un vaisseau tout entier ? C'est trop pour moi.

— Je t'ai vu à l'œuvre et tu te sous-estimes. Tu es douée, tu as le pas aussi léger qu'une plume, les mains aussi rapides et silencieuses que le vent. Personne ne te verra venir.

— Non, Frey, déclara-t-elle, secouant la tête furieusement. C'est de la folie ! Les seuls vaisseaux se trouvent en ville, et ils ont le système de sécurité le plus puissant que je connaisse. C'est impossible, on va se faire tuer.

Sentant sa peur, Loki se leva et fit rapidement le tour de la table pour la rejoindre. Il posa ses mains sur ses épaules et se baissa un peu pour rencontrer son regard. Il pouvait voir qu'elle était terrifiée.

— Tu es douée et tu ne seras pas seule, je serai avec toi. Ensemble, on va y arriver. Mais j'ai besoin que tu m'aides encore une fois. J'ai besoin de toi pour rentrer chez moi.

Alleen le regarda dans les yeux, la bouche entre-ouverte, hésitant à répondre. Bien sûr qu'elle voulait l'aider à retourner dans son foyer, auprès des siens, mais elle ne pouvait s'empêcher de se sentir extrêmement égoïste. Car s'il partait, elle se retrouverait encore une fois seule. S'il partait, avec qui pourrait-elle partager ses nouveaux larcins ? Avec qui parlera-t-elle jusqu'à tard le soir ? Qui lui apprendra la magie ? S'il partait, elle serait laissée avec ses sombres pensées, avec ses démons, avec l'obscurité et la froideur de cette planète déserte. Laissée seule dans la nuit, essayant de survivre.

Après un long moment de silence, Loki craignait qu'elle ne refuse. Mais avant qu'il ne puisse réagir, elle lui donna enfin sa réponse.

— Je t'aiderais à retrouver ta famille. Tu as la chance d'avoir des gens qui t'aime et qui t'attendent, alors je t'aiderai à retourner auprès d'eux.

Avec un sourire forcé, la jeune femme se dégagea doucement des mains de Loki qui lui tenait toujours les épaules et entreprit de débarrasser son petit-déjeuner, qu'elle avait à peine touché. Loki resta exactement où il se trouvait, laissant ses bras retomber à ses côtés avec un sentiment de culpabilité. Il n'avait pas besoin de lui demander ce qui l'avait mis dans cette humeur maussade, il le savait déjà. Il savait qu'Alleen redoutait la solitude. Elle ne l'avait jamais exprimé clairement, mais son comportement, le fait qu'elle l'ait presque supplié de rester, le fait qu'elle s'occupe de lui ainsi, montrait bien qu'elle tenait à le garder avec elle. Sa phrase sur la chance d'avoir une famille ne fit que confirmer ses soupçons. Il ne savait pas grand-chose d'elle, il savait simplement qu'elle était seule depuis un long moment et qu'elle avait eu un passé difficile.

Un peu comme lui, pensa-t-il...

Finalement, peut-être qu'ils n'étaient pas si différents. Il repensa à toute l'aide qu'elle lui avait apportée, à toutes les fois où il lui avait mal parlé, où il s'était comporté comme un parfait imbécile et qu'à chaque fois, elle était restée à ses côtés, le pardonnant, le comprenant. Alleen comprenait ce qu'il ressentait et tentait de l'aider à traverser cette passe difficile depuis le début, et il n'avait fait que la repousser.

Un nouvel élan de culpabilité le traversa violemment et il regarda la jeune femme alors qu'elle lavait son assiette dans une bassine d'eau. Et soudain, il prit la parole avant qu'il ne puisse changer d'avis.

— Tu connais d'autres planètes à part celle-ci ?

La jeune femme s'arrêta dans ses mouvements et se tourna lentement vers lui, surprise par sa question. Lorsqu'elle croisa son regard, elle vit quelque chose qu'elle n'avait encore jamais vu chez lui. Du regret. Elle laissa alors tomber son assiette dans la bassine, espérant comprendre le sous-entendu que cachait cette question. Le cœur battant, elle lui fit face.

— Non, juste la planète où j'ai grandi mais je ne veux plus jamais y retourner.

Il hocha alors la tête, regarda un instant le sol avant de prendre une décision. La laisser ici, dans ce trou à rat, où elle devait se battre chaque seconde pour survivre, lui semblait hors de question. Mais la ramener sur Asgard avec lui alors qu'il comptait déclencher une guerre n'était pas envisageable non plus.

— Il y a plein de planètes dans cette galaxie, reprit-il calmement avant de la regarder. On en trouvera bien une qui te plaira.

Le souffle de la jeune femme se coinça dans sa gorge. D'abord choquée, elle ne sut pas comment réagir, avant qu'elle ne comprenne réellement ce qu'il venait de dire. La joie la submergea alors soudainement et les larmes lui montèrent aux yeux.

Avant qu'elle ne puisse se contrôler, elle jeta ses bras autour de son cou et l'étreignit fortement. Loki, d'abord surpris par cet assaut, se détendit et enroula ses bras autour de la taille frêle de la jeune femme, un sentiment de bonheur et de satisfaction se répandit en lui.

— Merci... Murmura-t-elle dans son cou.

Ce simple mot le réduisit au silence. Loki ne comprit pas complètement ce qu'il ressentit à ce moment, mais il appréciait la chaleur qui l'enveloppa. Et tout aussi soudainement qu'elle l'avait étreint, elle recula. Son sourire était grand et sincère et elle se retenait de ne pas bondir sur place, ce qui amusa le dieu. Il ne se souvenait pas l'avoir déjà vue plus rayonnante.

— Alors, qu'est-ce qu'on attend ? On a un vaisseau à voler !

Cette fois, il ne put retenir un petit rire amusé. Quelques minutes plus tard, ils étaient assis l'un à côté de l'autre, le plan de la ville étendu sur la table, réfléchissant, unissant leur stratégie pour convenir d'un plan. Loki regarda la jeune femme à côté de lui alors qu'elle énumérait les possibilités, se rendant compte pour la première fois de ces véritables dons de voleuse. Il savait que le chemin qui le séparait d'Asgard n'était plus long et pourtant, plus il se rapprochait de son but, moins il avait envie d'y parvenir...

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