Chapitre 42
« Il paraît que mon meilleur ami est de retour en ville ! »
Lorsque je reconnus les deux silhouettes devant moi, je crus que j'allais m'évanouir. Je n'avais pas vu ma sœur et Kyle depuis une éternité, et je me rendis soudain compte à quelle point ils m'avaient manqué. De son côté, Alex semblait vraiment sur le point de faire un malaise, mais contrairement à moi ce n'était pas sous l'effet de l'excitation. Je n'y prêtai pas plus attention et sautai dans les bras de ma sœur.
« Je suis tellement contente de te revoir Sarah ! m'exclamai-je. Qu'est-ce que vous faites ici ?! »
Je me séparai d'elle pour aller prendre à son tour Kyle dans mes bras.
« Quand Sarah m'a raconté, je n'arrivais pas à y croire. Il fallait absolument que je vienne vérifier par moi-même. »
Kyle observa longuement Alex qui était resté comme paralysé. Il fixait Kyle et Sarah tour à tour, avec des yeux dans lesquels semblaient passer les imagines de milliers de souvenirs passés. Il ne reprit conscience de la réalité que lorsque le regard furieux de Sarah se tourna vers lui et qu'elle se précipita dans sa direction. Sans qu'aucun de nous s'y attende, elle lui flanqua une gifle qui sembla résonner dans toute la maison.
« Ça c'est pour toute les larmes que Madison a versé a cause de toi. »
Il encaissa le coup sans rien dire, son visage avait revêtit toute son impassibilité et ses yeux ne reflétaient plus que du vide. Sarah continuait à lui donner des coups de poing sur le torse sous notre regard, à Kyle et moi. Aucun de nous n'osait intervenir.
« Ça c'est pour toute l'inquiétude qu'on a ressenti pour toi. »
Et puis soudain, sans qu'aucun de nous ne s'y attende, elle sauta dans ses bras tandis que lui, aussi choqué que nous restait de marbre.
« Et ça c'est parce que tu m'as terriblement manqué à moi aussi. »
Elle se sépara de lui sans qu'il ai bougé d'un millimètre. Il semblait complètement ailleurs. Je ressentis malgré moi une pointe de jalousie envers Sarah: elle avait le droit de le prendre dans ses bras, elle pouvait se le permettre. J'en mourrais d'envie mais je n'en avais pas le droit, et je ressentais ce qu'elle venait de faire comme une sorte de trahison. Elle avait passé son temps à l'insulter, me dire qu'à ma place elle l'aurait tué à l'instant où elle l'aurait aperçu. Malgré la gifle du départ, elle était comme chacun de nous, elle ne pouvait pas nier qu'il lui avait manqué. À son tour, Kyle se planta devant Alex, toujours sonné par son altercation avec Sarah.
« T'es un putain de connard, tu le sais ça ? »
Alex ne répondit pas, mais j'arrivai très bien à discerner dans son regard que lui aussi trouvait cet adjectif très correspondant.
« Faut qu'on aille discuter. On va en ville. »
Kyle ne lui laissa pas le temps de donner sa réponse, il l'avait déjà entraîner à l'extérieur, ne manquant pas par la même occasion de m'ébouriffer les cheveux.
« Tu m'as manqué toi aussi ma petite. »
Je lui donnai une petite frappe dans l'épaule tout en lui souriant. Sa bonne humeur m'avait énormément manqué.
Une fois qu'ils furent parti, j'entraînai ma sœur vers le salon. Nous avions également beaucoup de choses à nous dire. Nous nous installâmes toutes les deux sur le même fauteuil et je fus celle qui pris la parole la première.
« Alors, Los Angeles ?
-C'est géniale. Cette ville est faite pour moi. Enfin pour nous.
-Et avec Kyle ? »
Elle sembla songeuse pendant un instant. Lorsque tous les deux avaient décidé de faire leurs études à Los Angeles, je n'avais pas suivi, préférant une ville plus petite et plus calme comme Portland. Ils passaient ainsi le plus clair de leur temps ensemble et c'était énormément rapproché. Même si Sarah s'obstinait à me dire qu'ils n'étaient qu'amis, je savais bien que c'était bien plus que ça. Je le voyais à la manière qu'il avait de la regarder, on dirait presque que ses yeux se mettait à scintiller. J'étais persuadée que même si ma sœur arrivait beaucoup mieux à le cacher, elle n'en ressentait pas moins que lui.
« C'est compliqué. Je ne sais plus quoi penser. Il ne s'est rien passé, s'empressa-t-elle d'ajouter. Mais nous deux... elle semblait chercher ses mots. On ressemble de moins en moins à des amis. »
Je ne lisais peut être pas dans les pensées de ma sœur, mais je savais exactement ce qu'elle ressentait. Elle était morte de trouille.
« Arrête de t'inquiéter pour ça. Si quelque chose doit se passer, ça viendra naturellement. Ne presse pas les choses. »
Elle sembla soudain se ressaisir et chassa toutes les idées qu'elle avait plus tôt dans la tête et se redressa.
« Je ne suis pas venu pour qu'on parle de moi. Raconte moi tout ce qui s'est passé. »
Je lui expliquai ainsi toute l'histoire de A à Z, en omettant aucun détails. Ses expressions varièrent au fur et à mesurée de mon récit, au fur et à mesure que j'avançais, passant de Jonathan à Johnson, suivi de tous les détails avec Alex.
« Wow. Et tout ça en une semaine ? Ta vie est digne d'un film hollywoodien, c'est toi qui devrait te rendre à LA ! »
Je posai ma tête sur son épaule, tout en soupirant.
« J'échangerai bien ma vie pour quelque chose de plus simple.
-Je suis certaine que non. Tout ça, c'est ce qui te fais toi. Et puis, sinon tu t'ennuierai beaucoup trop. »
Je rigolai tout en me demandant si il ne vaudrait pas mieux s'ennuyer, vivre une vie tout ce qu'il y a de plus normale, plutôt que de se demander tous les jours si ce que l'on fait est juste. Non, vraiment pas.
« Qu'est-ce que tu penses qu'ils font ? lui demandai-je.
-Kyle est sûrement en train d'essayer de lui soutirer des infos sur la raison de son départ. Tu sais, quand je lui ai dit qu'il était de retour, il a failli faire un arrêt cardiaque. Le lendemain, il avait déjà réservé les billets de train et nous voilà !
-C'était son meilleur ami...
-Et il l'a planté comme nous tous.
-Tu sais quand j'y penses, je n'ai jamais vu Kyle l'air triste, j'ai toujours eu l'impression qu'il prenait la chose plutôt... bien.
-Pourtant il a sûrement été le plus abattu par son départ. Après toi bien sûr... Cinq ans m'ont permis de le cerner bien mieux que durant tout le lycée, il cache bien ses sentiments. Il essaie de nous remonter le moral en espérant améliorer le sien.
-Depuis quand ma sœur est devenu psychologue ? Ou du moins, depuis quand tu parles comme si t'avais quarante ans de plus ? T'as de la fièvre ? »
Elle me frappa l'épaule et nous nous remîmes à discuter, comme au bon vieux temps.
***
La porte s'ouvrit, deux heures plus tard, laissant apparaître les deux garçons qui nous avaient quitté quelques heures plus tôt. Nous entendions leurs éclats de rire deux pièces plus loin. Une seule pensée me vint à l'esprit : je devais être en train de rêver. Pourtant, lorsque nous les rejoignîmes dans le salon, la réalité me frappa. On aurait dit que j'étais revenu cinq ans en arrière.
Alex, cheveux châtains en bataille, yeux miel rieurs et sourire insouciant scotché sur les lèvres. Comme si rien n'avait changé. En face de lui, Kyle, le blond platine de mes souvenirs, ses grands yeux bleus et son sourire malicieux. Comme si nous étions toujours adolescents.
« On m'explique ? »
À peine ces mots furent sorti de ma bouche que les yeux d'Alex s'obscurcirent, son visage redevenant vide d'émotions. À croire qu'il s'était programmé pour ne plus rien ressentir en ma présence.
« J'ai discuté avec Alex.
-Et ? continuai-je en fixant toujours Alex.
-Et on a réglé nos différents. Il m'a expliqué ce qu'il fallait que je sache, je le comprends, je n'ai plus de raison pour être en colère contre lui. Point final. »
Cette fois je bondis presque devant eux, furieuse.
« Dites moi que c'est une blague. Alex dit moi que tu te fous de ma gueule ?
-Qu'est-ce que t'as encore ?
-Qu'est-ce que j'ai ? Putain mais tu comprends rien ? Depuis que t'es arrivé j'essaie de comprendre, de te faire parler. Tu crois que je n'ai pas envie moi aussi de me dire que peut-être tu avais tes raisons ? Que je peux enfin te pardonner ? Vivre ma vie sans être toujours coincé dans le passé ? Mais toujours, tu refuses. Toujours, tu trouves une excuse. Il n'est là que depuis quelques heures et il sait déjà tout ? Et je suppose que bien-sûr il ne m'en parlera pas. Parce qu'il l'a promis à son cher meilleur ami. Vous savez quoi ? J'ai besoin d'air. »
Sur ces mots, je me précipitai vers la porte d'entrée, la claquant sur mon passage. Je ne reparlerai à aucun d'entre eux tant que je n'aurais pas eu de réponses.
Même si cela devait signifier que je ne lui reparlerais plus jamais.
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