Chapitre 6

>> Holocene, Bon Iver.



Il est plus de trois heures du matin, et je ne cesse de me retourner dans mon lit, cherchant en vain le sommeil. J'ai une boule, là, au creux de l'estomac. Je me repasse en boucle la scène, je lui ai dit mon nom, lui ai parlé. Depuis combien de temps n'avais-je pas parlé à quelqu'un, même si ce n'était que quelques mots ? Une éternité.

J'angoisse, je regrette, je n'aurais pas dû. Mais je dois reconnaître que je suis plutôt fière de moi, j'ai fait un pas en avant, et puis c'est lui qui m'a adressée la parole en premier, non ? C'est la première fois depuis longtemps que quelqu'un le fait ...
Je me lève en passant ma main dans mes cheveux, je m'assois sur le rebord du lit en prenant de grandes inspirations. Je détaille la pièce dans l'obscurité, je devine mon gilet sur la chaise près de la porte. Après m'être levée avec précaution, je le saisis et l'enfile. Je tourne la clé dans la serrure. Ai-je assez de force pour sortir ? J'ignore le signal d'alerte de mon cerveau ainsi que les battements désordonnés de mon cœur. Le couloir est plongé dans le noir, seul le bruit de certains appareils me parvient aux oreilles. Je commence à m'aventurer dans l'hôpital, évitant de faire le moindre bruit afin de ne pas alerter les infirmiers de nuit. Mes jambes sont de plus en plus fortes et me portent plus loin à chaque fois, mon dos lui, me fait toujours autant souffrir tout comme mes côtes, mais j'encaisse. Je ne sais ce que je cherche, mais une chose est sûre, il faut que je trouve.
Je passe à côté des chaises d'attente, du distributeur de boissons, de la télévision, des toilettes publiques, du service de radiologie, de cancérologie, ou bien de cardiologie. Je déambule dans les escaliers en m'aidant des murs et de la rampe.
Tout le monde dort, certains ne se réveilleront pas, et quand les infirmiers l'apprendront, ils préviendront les familles, comme pour moi, quand je me suis réveillée. Je pénètre dans une petite salle aménagée pour les patients, un canapé, des coussins y sont installés. Ne pouvant me déplacer davantage, je m'y allonge et ferme les yeux.


                                                                                 ***


Je crois que je délire, mais ... J'ai l'impression d'être en plein milieu d'un match de baseball, et je ne rigole pas, j'entends la foule autour de moi. J'ouvre lentement les yeux et réalise que je suis toujours dans la petite salle, la télévision est en marche, et bien sûr un match de baseball est diffusé sur le petit écran !
À côté de moi, sur l'autre sofa, quelqu'un suit la rencontre sportive dans un demi-sommeil. Je me soulève sur un coude pour identifier le dormeur. Mon cœur manque un battement, c'est le garçon d'hier soir. Will. Il est allongé de tout son long, avec le bras droit qui pend dans le vide. Ok Nia, respire, c'est un pur hasard. Oui, c'est ça, un pur hasard ... Saleté de karma ! Je me passe les mains sur le visage et mes cheveux en bataille alors que mon cœur bat à mille à l'heure. Une cafetière est posée sur la petite table avec plusieurs verres en plastique empilés les uns sur les autres, je me sers un verre, le café est encore chaud, et je lis sur l'horloge murale qu'il est un peu plus de sept heures du matin.
Je perçois du mouvement à mes côtés, Will se relève en se massant les tempes, puis le cou. Je n'ai pas bougé d'un pouce, de peur qu'il ne remarque ma présence, mais mes espoirs de passer incognito tombent à l'eau lorsque son regard croise le mien. Je lutte contre moi-même pour ne pas angoisser à nouveau en sa présence. 
Je lis de la surprise dans ses yeux, puis un sourire franc se dessine sur son visage.

- Salut, me dit-il le plus simplement du monde.

- Bonjour, je réponds en retour.

Il change de position. Il pose ses coudes sur ses genoux mais continue de me dévisager.

- Quand je suis arrivé, je t'ai pas vue au début. C'est que quand je me suis mis à chercher la télécommande que je t'ai remarquée. Tu dormais, j'ai pas voulu te réveiller. Et finalement, je me suis endormi aussi !

Il rit doucement puis reprend :

- J'espère que le match ne t' as pas réveillée !

Non tu penses ! Je rêve de baseball toutes les nuits, et j'adore me réveiller à côté du type qui a occupé mes pensées une bonne partie de la nuit ! D'ailleurs c'est pour ça que j'ai fini ici, et hop au réveil tu es là ! C'est pas possible, je rêve, c'est une blague !? La panique parle pour moi, et mes pensées fusent dans tous les sens. 
Il me fixe, comme je le fixe, il détaille ma chemise de nuit, mes cheveux emmêlés et semble à nouveau perdu dans ses songes.
Puis, je vois un éclair passer dans son regard gris.

- Pourquoi t'es là au fait ? Tu devrais pas être dans ta chambre ?

Aïe, maintenant monsieur se prend pour ma mère. Aucune réponse de ma part.

-Et tu parles toujours pas ...

Il souffle bruyamment, se verse du café dans son gobelet et me dévisage à nouveau.

- Ils sont au courant au moins que tu es ici ?

Nouveau silence.

- OK ... Toujours pas de réponse ... Tu devrais y retourner, ils vont s'inquiéter.

Il me désigne la porte d'un mouvement de tête, ce geste a le don de m'énerver. Pour qui il se prend sérieux ? Je ne suis plus une gamine ! Ça suffit, ce garçon m'insupporte, je m'en vais ! A cran, à cause de tout se stresse, je tente de me lever, mais c'est peine perdue, mes jambes cèdent sous mon poids, et mon dos m'envoie une décharge électrique, je tombe sous le choc.

- Ça va ? Me questionne Will, à un pas de moi, la main me serrant le coude, inquiet.
Tu veux que j'appelle quelqu'un ?

Je fais non de la tête et l'implore du regard, soudain paniquée.

- OK... Euh ... Tu as mal ?

Je le regarde droit dans les yeux. Non mais il est sérieux là ?

- Oui bon évidemment que tu as mal, je suis vraiment débile parfois ...

Je confirme !

- Bon, OK, tu vas t' appuyer sur moi, d'accord ?

- Même pas en rêve !

Je me mets immédiatement la main devant la bouche quand je me rends compte que je l'ai dit à voix haute. Il paraît blessé, et j'en ai presque de la peine pour lui. Je murmure :

- Excuse moi , je ...

- Nan t' inquiètes, je comprends, me coupe-t-il.

- Qu'est-ce que tu comprends ?

- Que ça ne doit pas être facile, de ne pas contrôler son corps, me répond-t- il le plus naturellement possible en baladant son regard sur moi.

Quoi ? J'ai envie de l'insulter, de lui hurler que je n'ai pas besoin de son aide, que je me débrouille très bien toute seule, mais il prend la parole en premier :

- Mais je comprends pas, comment tu as fait cette nuit pour venir ici ?

Énervée, je dégage mon bras de son étreinte et lui siffle entre mes dents :

- Je contrôle mon corps .

- OK, OK excuse moi si je t'ai blessée, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, je te le jure !

Il agite les mains et me regarde droit dans les yeux. Il m'énerve à toujours me regarder comme si j'allais m' effondrer d'une minute à l'autre. Je détourne les yeux et fixe la table basse.

- Laisse moi te reconduire à ta chambre s'il te plaît, il y a au moins trois escaliers et cinq couloirs ...

Têtue, je me mets debout mais retombe aussitôt en gémissant.

- Nia, stop ! Je vais te porter !

Aussitôt dit aussitôt fait, je me retrouve dans ses bras, contre son torse, une de ses mains sous mes genoux, et l'autre me soutenant le dos . Je ne sais ce qui me laisse sans voix, le fait qu'il me porte pour m'aider, ou le fait qu'il se souvienne de mon prénom ... ?

- Opération de l'appendicite, hein ?

- Exactement.



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Et voilà pour ce chapitre ! Qu'en pensez vous ? Will et Nia vont ils devenir amis ? Nia va-t-elle lui dire la véritable raison de son internat ? La suite au prochain chapitre de Don't forget how to breathe ! 💋😊

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