Chapitre 26

>> Need You Now, acoustic, Dean Lewis


Je fixe le mur de ma chambre, le regard vide. Les bras serrés autour de mes genoux, en équilibre sur ma chaise de bureau, je fais de mon mieux pour me contenir.

" C'est bientôt Noël, comme tu le sais..."

La voix de mon père continue de résonner dans ma tête.

Le regard coupable de ma mère, sa manie de jouer avec ses ongles, ces images ne me quittent pas.
Je serre plus fort la mâchoire, et ferme avec force mes paupières.

" Ils seront tous là "

Une boule se forme au fond de ma gorge.
Je ne peux pas. Non. Je ne peux pas. Pas après ce qu'il s'est passé. Après ce qu' elle
m'a fait.

Je serre un peu plus mes paupières sur mes yeux quand je sens mes cils commencer à devenir humide.

Je ne veux pas. Je ne veux pas.

Je rouvre les yeux, et dirige mon regard vers le plafond. J'entrouve les lèvres, puis les pince lorsque mes larmes salées rentrent en contact avec la peau rosée de celles-ci.

" Je suis désolée Nia, mais il va bien falloir que tu l'affrontes un jour ou l'autre."

Je me lève brusquement, et les bras le long du corps, je serre fermement les poings, à m'en faire mal.
J'ai envie de hurler. Je suis en ébullition et je ne vais pas tarder à exploser.
Pourquoi ? Pourquoi me faire ça ? Ce n'était donc pas suffisant ?

Affronter ? Sérieusement ? Ils ne savent rien ! Ils croient donc vraiment que ce qui lui est arrivée m'a traumatisée ?
Je ris, d'un rire mauvais. Mais merde !

Je tombe à genoux, et vaincue, je fond en larmes.

                                3 ans plus tôt

J'ouvre ma fenêtre en grand, et le ciel m'accueille. Une légère brise me chatouille le visage et je souris.
Je me détourne et installe la couverture et les oreillers sur le sol.

- J'ai les bonbons ! S'écrie-t-elle en rentrant en trombe dans ma chambre.

- Chut ! Je m'exclame.

Elle s'immobilise et plaque une main sur sa bouche. Je sais qu'elle rit. Je reconnais son expression dans ses yeux, il s'agit de la même que la mienne.
Les poings sur les hanches, je m'énerve :

- Kiara !

Elle retrouve son sérieux et me rejoint.
On s'allonge toutes les deux sur la couverture, et chacune appuyée contre un oreiller, on observe le ciel étoilé. Elle ouvre le paquet de mashmallows et je me jette dessus.

- Hmm, on fait quoi demain ? Me demande-t-elle, la bouche pleine.

- Piano ? Je propose illico.

Elle me regarde, et je sais qu'elle est d'accord.
On avale encore quelques bonbons quand elle se redresse d'un coup.

- Il faut que je te raconte !

J'écarquille les yeux.

- Chut !

Elle glousse.

- C'est bon, je les connais tes parents, ta mère elle est comme la mienne, elle dort comme un castor.

Je ne peux m'empêcher de glousser à mon tour face à cette comparaison. C'est vrai que nos mères ne partagent pas que leur physique.

- Vas-y, je t'écoute, je finis par chuchoter.

Elle se rallonge.

- Que penses tu de Billy ? Me questionne-t-elle, les yeux brillants.

Je ris aux éclats. C'est toujours la même chose avec elle. Il faut toujours qu'elle parle de garçons, et ça m'amuse.

- Il est gentil, je lui confie.

- Et mignon, complète-elle.

- Et mignon, je confirme.

Elle rit aussi.

- Nia ?

Je tourne le visage vers elle, et capte son regard. Elle fronce les sourcils. J'arque un des miens.

- Tu ne me le piques pas, hein ?

Je glousse.

- Promis, Kiara, promis.

Ce souvenir  m'envahit et m'étreint le coeur. Je sèche mes larmes d'un geste rageur, me remets sur pieds et attrape mon sweat à capuche accroché à ma porte. Je l'enfile, et je remarque que je tremble.
Puis, j'attrape ma béquille, que je regarde d'un oeil mauvais, et m'en vais dans le couloir.
Je descends avec précaution les marches de l'escalier, et m'enfonce par la suite, dans la cuisine. Là, je bois un grand verre d'eau pour tenter de me calmer. Mais ce n'est pas suffisant.
Je retourne alors sur mes pas, et sors de chez moi par la porte d'entrée.

Capuche sur la tête, les mains dans les poches, enfin, une de mes mains. Je laisse mes pieds fouler le sol, et m'appuie machinalement sur ma béquille.

Le soleil est en train de se coucher, et je m'imprègne de sa beauté. Mes cheveux me collent aux joues, imbibés de mes larmes.
Quant à mon esprit, il est en vrac, de nouveau...
Je commençais tout juste à retrouver un équilibre, et voilà qu'une simple conversation chamboule tout.
Je venais d'accepter ma proximité avec Will, et voilà que je me renferme. Encore. Elle aura donc voulu ce qu'elle souhaitait. Me mettre en miettes. Après tout, elle me l'avait promis, cette garce.

                                        ***

J'éteins le contact, et pose mes mains sur le volant. Le bruit des élèves du lycée St-Peter m'entoure. J'observe des joueurs de l'équipe de foot, ils se font des passes, se bousculent, rient, sur la pelouse. Je m'enfonce un peu plus dans mon siège et ferme les yeux.

Nous sommes mardi, et j'ai perdu toute motivation. Ce week-end et la veille m'ont vidée de toute forme d'énergie. Je rouvre brusquement les paupières quand j'entends quelqu'un frapper à ma vitre. Je ressens un réel soulagement quand je constate qu'il s'agit de Tomy. Ses yeux verts me scrutent. Je détache alors ma ceinture, saisis mon sac et ma béquille, et sors du véhicule.

- Hé, salut !

La voix de Tomy est chaleureuse et je me surprends à sourire faiblement.

- Salut, je dis à mon tour.

Il pose une main sur mon épaule et commence à marcher vers la sortie du parking. Je suis donc encouragée à le suivre.

- Alors, tu vas bien ? Me demande-t-il.

Je serre un peu plus mon sac contre moi, et continue à fixer le sol quand je lui réponds :

- Ça va.

Mensonge. Mais on s'en moque, pas vrai ? Je le vois jetter un regard à ma béquille, mais il ne dit rien et je lui en suis reconnaissante.

- Euh... Et toi ? Je tente.

Il ralentit son allure et ricane.

- Depuis samedi soir, tu veux dire ?

Je n'ai pas le temps de confirmer ou de nier, qu'il enchaîne.

- Bah écoutes, je fais au mieux, en tout cas merci d'être restée avec moi ce soir là. Et toi, avec Will ?

Je déteste la pression que je ressens dans ma cage thoracique quand quelqu'un l'évoque.

- Ça va, on a discuté...

Je l'observe du coin de l'oeil.

- Oh... ?

J'ignore sa question muette, et pousse les portes du lycée. Une drôle d'atmosphère y règne, comme chargée d'électricité, pesante.

- Salut, Tomy !

- Hey Ashley !

Plusieurs personnes saluent Tomy en s'éloignant au plus vite du hall.
Ce qui paraît des plus étranges, étant donné que la sonnerie ne sonnera pas avant un bon quart d'heure, et que les étudiants de ce lycée ne sont pas très ponctuels...
Pourtant, au contraire, certains font mine d'être occupés autour de leurs casiers, tout en gardant le silence.
Des chuchotements résonnent contre les murs. Tomy me lance un coup d'oeil, et je sais qu'il pense la même chose que moi. Quelque chose cloche. C'est alors que des voix brisent le silence, ainsi que le bruit violent de quelque chose heurtant les casiers, ou plutôt, le bruit de quelqu'un.
Tomy me regarde, écarquille les yeux. Il me fait un signe de tête, et j'acquiesce. Nous jouons des coudes pour traverser la foule. Des insultes retentissent et les voix se font de plus en plus fortes, à en glacer le sang.

- Putain de menteur ! Tu pourras pas cacher ta merde longtemps !

Un autre bruit retentit, celui d'un nouvel impact.

- Ce ne sont pas tes affaires ! S'écrie l'autre voix.

- Oh vraiment ? T'es vraiment un lâche Stone !

Stone. Ce nom me donne la chaire de poule. Je lève les yeux vers Tomy, mais il n'est plus là. Il est à trois mètres de moi, poussant les gens sur son passage.

- T'as intérêt à rien lui dire, compris ?!

De là où je suis, je peux voir Will, coincé contre un casier, respirant fort et défiant Jason du regard. Oh merde...
Jason, les poings contractés, le jauge de toute sa hauteur. Ses larges épaules bougent en rythme avec sa respiration, et j'appréhende la suite. Et elle ne tarde pas.

Je ne pourrais même pas dire lequel  des deux s'est jeté sur l'autre, mais je n'entends plus que le bruit de leurs corps s'entrechoquer et ne vois que des poings voler, ainsi que du sang. Du sang. Celui-ci s'échappe de la bouche de Will, et aussi du nez de Jason. Je plaque une main sur ma bouche.

- Oh !

Tomy vient de les rejoindre et saisit Jason par le bras, puis l'encercle des siens afin de le retenir.

- On se calme ! S'exlame-t-il pour les deux. Ça suffit maintenant !

Will passe une main sur sa mâchoire, douloureuse, et essuie le sang qui coule sur sa peau.

- Il n'y a rien à voir, dégagez tout le monde !

Tomy jette un regard vers la foule, et personne ne bronche, tous vont rejoindre leurs salles de cours. Étant délégué et admis au bureau des élèves du St Peter High-School, Tomy est un garçon respecté dans cet établissement, ainsi personne n'a du mal à lui obéir. Je reste tout de même subjuguée par son autorité.

Il relâche Jason, qui est vite rejoint par Sarah. Celle ci lui lance des éclairs. Cependant, son regard s'adoucit instantanément à la vue du sang. Tomy les rejoint à son tour, et j'observe leur échange. En effet, Sarah ignore Tomy, et est concentrée sur son frère, avec lequel elle chuchote.
Elle finit par se tourner vers Tomy et l'enlace. Je sourirai presque si la situation n'était pas aussi inappropriée. Puis, tous les trois s'éloignent d'un pas décidé.

C'est à ce moment précis, que je me rends compte que le couloir s'est entièrement vidé, et que je me retrouve seule, avec Will.
Il est toujours adossé aux casiers, et m'observe silencieusement.
Je ne sais pas quoi faire.
J'aimerais venir vers lui, lui demander ce qu'il s'est passé, s'il va bien. Mais quelque chose m'en empêche.  Le ton de sa voix, d'il y a quelques minutes, ne me quitte pas. J'ai presque envie de reculer.

Finalement, je finis par avancer vers lui.
Arrivée à un mètre de lui, je lui demande :

- Ça te fait mal ?

Ma voix me paraît si faible et aiguë que j'en grimace. Il expire.

- Ça va.

Je pose une main sur sa mâchoire, et ce contact me fait frémir. Je tousse, pour cacher mon trouble. Je tourne sa tête sur le côté, et pince les lèvres.

- Aïe, c'est pas beau tout ça ...

Je lève les yeux vers les siens et les détourne aussitôt face à leur intensité. Je m'éclaircis de nouveau la voix, et lui annonce :

- Viens, on va nettoyer ça.

Je m'éloigne de Will et fais quelques pas vers les toilettes, le regard toujours braqué sur lui. Il finit par se décoller des casiers et avance vers moi. Je me détourne alors de lui et marche vers notre destination.

Lorsque Will arrive dans les toilettes, il ferme la porte derrière lui, et me rejoint au lavabo. En silence, il s'assoit sur le rebord et j'allume l'eau. Ce bruit paraît beaucoup trop bruyant, étant donné qu'aucun de nous deux ne parle. Je détache quelques feuilles de papier du distributeur et les imbibe d'eau. Ensuite, je porte la compresse improvisée à sa lèvre abimée.
Tout en tapotant, je fais de mon mieux pour garder mes questions pour moi. Pourquoi se sont ils battus ? Pour quelle raison ?

- Pourquoi tu fronces les sourcils ?

Je sursaute presque en entendant sa voix grave.

- Euh... Je me concentre, je balbutie.

- Hmm...

Il arbore un air sérieux, mais son regard est si doux que je dois faire appel à toute ma volonté pour ne pas le prendre dans mes bras, comme avec un enfant qui vient de se blesser.

Je sursaute encore une fois, quand je sens son pouce appuyer sur les plis entre mes deux sourcils.

- Arrêtes, on dirait que tu es fâchée, me souffle-t-il.

Je prends une inspiration, c'est simple, depuis ce week-end, je ne réagis plus du tout de la même façon face à lui.
Je détend alors mon visage, et vais rincer le papier. Puis, je reviens vers lui.
Sa lèvre inférieure est toute gonflée et une vilaine coupure la fend en deux.
Le côté droit de sa mâchoire est également enflé, et il y a une chance sur deux qu'elle devienne violette d'ici demain. Je serre mon poing libre.

- Ça va mieux, ta cheville ? 

Je hoche la tête, comme par réflexe, mais ma cheville n'est pas ce qui me préoccupe.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé, Will ?

Ça y est, je l'ai dit. Je le défie du regard de me dire la vérité, car pour une raison qui m'échappe, il reste toujours flou en ce qui concerne Jason Lawrence.
Il se tend, et fuie mon regard. Il glisse ses mains le long du lavabo, comme pour chercher une échappatoire.

- Écoutes Nia... Commence-t-il.

Je serre un peu plus le poing, je sais qu'il va encore me barratiner. Je finis de le nettoyer et vais jeter la compresse à la poubelle. Il se tourne dans ma direction et continue :

- Avec Jason, on a eu une sale histoire il y a quelques mois, et depuis... S'est tendu entre nous deux...

Dos à lui, je tente :

- Vous étiez amis ?

La réponse m'arrive aussitôt :

- Oui.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ce matin ?

Là, je lui fais face. Et cette fois, il me regarde dans les yeux.

- Il a évoqué cette histoire.

- C'est tout ?

Il passe une main dans ses cheveux, et se tourne face au lavabo. Il inspecte son visage enflé dans le miroir.

- En partie... Finit-il par lâcher.

Je passe à mon tour ma main dans mes cheveux, un peu déçue qu'il ne se confie pas plus à moi. Mais c'est déjà un début. Je viens me planter à côté de lui, et on se contemple dans le miroir.

                                          ***

La sonnerie retentit et je ferme mon bouquin de littérature.
Thaïs s'étire à mes côtés :

- Quelle journée ! Heureusement vendredi,c'est les vacances !

À ce mot, je devrais sourire, exploser de joie, mais à la place, une angoisse sourde vient étreindre mon ventre. Ce prochain Noël ne m'enchante guère.

Nous sortons toutes les deux de la classe et marchons dans le couloir en direction de nos casiers respectifs. Soudain, Thaïs s'arrête. Je suis son regard et mes yeux tombent sur une affiche, " Bal du nouvel an".

- Tu y vas, pas vrai ? Me questionne-t-elle tout excitée.

Je hausse les épaules. Elle écarquille les yeux.

- Oh Nia ! Dis moi que tu viendras !

Je glousse, en voyant son expression dévastée.

- Il faut que tu viennes ! Reprend-t-elle de plus belle.

Je capitule en levant les mains en l'air.

- Bien ! Je vais voir ça !

Elle saute sur place, et je ne peux m'empêcher de rire.

Voilà pour ce chapitre ! J'espère qu'il vous a plu, s'il vous a plu, voter !

Je pars en vacances, je publierai donc le chapitre 27 d ici deux semaines !

Bisous ❤

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