Chapitre 17
>> Photograph, Ed Sheeran.
13h02.
Mes yeux restent scotchés aux chiffres rouges diffusés par le réveil, posé sur la table de chevet. 13h02. 13h02.
Je me lève d'un bond, et cours dans la salle de bain me préparer.
En me retrouvant face au miroir, je tombe nez à nez avec mon reflet. Cheveux en bataille, et vêtements trop grands pour moi, m'accueillent. Je soupire lorsque la réalité me rattrape. Je suis chez Will. Nous sommes vendredi, et je viens de louper tous mes cours de la journée. Super...
Mes yeux témoignent des péripéties de la veille, et un anti-cerne ne serait pas de refus. Je fais peur. Je repense à cette nuit, à la bataille d'eau dans la baignoire, et la gentillesse de Will. Je souris. Puis une angoisse sourde me saisit le ventre. Je prends de grandes inspirations, comme à mon habitude, pour me calmer. Puis, après avoir démêlé mes cheveux à l'aide de mes doigts, j'ouvre le robinet.
L'eau qui coule m'hypnotise, et je la fixe pendant un moment.
En y passant la main, ma peau se contracte sous l'effet du froid. Pile ce dont j'ai besoin pour me sortir de la brume matinale, ou plutôt, du réveil, qui a envahi mon cerveau. Je passe de l'eau sur mon visage. Puis, les deux mains en appuie sur le lavabo, je réfléchis. Comment me sortir de cette situation ? Il était proche, trop proche de moi, et j'ai failli lui ouvrir une porte sur mon passé ... Ce n'est pas parce qu'il m'a confiée quelque chose sur lui, que je dois lui rendre la pareille, je lui ai même dit.
J'ai besoin de temps, beaucoup de temps, et de confiance. Ça ne fonctionne pas comme ça. On ne peut pas s'ouvrir aux autres du jour au lendemain. Même si un certain lien nous unit, et malgré le bien être que je ressens, je dois rester sur mes gardes...
N'ayant rien à me mettre de propre et à ma taille sur le dos, je fais demi-tour et m'aventure dans le salon. Mais comme dans le reste de la maison, il n'y a personne. Je suis seule. Ok...
Je décide de m'asseoir sur le canapé.
Au bout de quelques minutes, l'ennuie se fait ressentir dans le petit appartement. C'est alors que je suis attirée, malgré moi, par le piano. Presque inconsciemment, je m'y installe et ouvre le couvercle. Mon cœur manque un battement, et ma respiration se coupe.
J'expire profondément, vidant ainsi tout l'air enfermé dans mes poumons à cet instant, tout en posant lentement mes doigts sur les touches.
Du bout de l'index, je fais résonner le La, puis, petit à petit, je me lance. Mes doigts défilent sur les touches, les enfoncent les unes après les autres dans leur socle en bois, et la musique envahit la pièce.
Plus je joue, plus je respire, plus je me sens libre. Je crois même que quelques mots sont sortis de ma bouche pour accompagner la mélodie.
" So you can keep me, inside the pocket of your ripped jeans..."
J'ai toujours aimé jouer cette chanson, on l'aimait tant.
Tout semblait si facile à cette période de ma vie. Aucune goutte de sang n'avait touché le sol, et personne n'était brisé, écroulé.
On entendait que les rires, pas les pleurs, ni les cris. Tout allait bien. Pourtant, on faisait semblant. C'est pour cela que tout était si parfait. On le voulait.
Et un matin, tout a basculé. Et une nuit, tout a changé.
" We made these memories for ourseleves,
Where our eyes are never closing,
Hearts are never broken,
And time's forever frozen still..."
En laissant résonner ma voix, je repense à comment tout a changé dans ma vie. Pourtant, je suis la seule à le remarquer, parce que de l'extérieur, rien ne semble différent. C'est ça, le plus cruel. Tout semble... Normal. Mon cœur se serre quand je repense à la raison de mon isolement. Malgré tout ce qui s'est passé après ce fameux matin, j'espère qu'elle va bien. Malgré la nuit de l'accident, j'espère qu'elle sourit à nouveau. Cette partie de moi.
Une larme coule sur ma joue, et je cesse de jouer pour l'essuyer.
- Je croyais que tu ne savais pas jouer ?
Je sursaute et me retourne. Will est à deux pas du canapé, des sacs de courses dans les mains. La tête penchée sur le côté, un sourcil arqué, il semble me défier. Il s'avance, et pose les sacs sur la table du salon.
- Et tu chantes ?
Je ne dis rien. Même quand je le vois s'asseoir sur l'accoudoir du canapé, les bras croisés contre son torse, le regard rivé sur moi.
- Nia ?
Cette fois, sa voix se fait plus douce, et a un effet sur la mienne.
- Plus maintenant... Je lâche.
- Pourquoi ça ? Tu es vraiment douée !
Je ris doucement.
- Merci, mais... Ça n'est plus moi.
Il baisse la tête, et semble réfléchir.
- Tu sais, commence-t-il, ce piano... Il appartenait à ma mère. Elle l'a reçu le jour de ses dix ans, et, depuis, elle en jouait tous les jours, jusqu'à... Sa maladie. Elle m'a appris à jouer, puis moi aussi j'ai arrêté. Et j'ai recommencé... Une fois.
Il relève la tête, et croise mon regard.
La semaine dernière...
Je souris faiblement, touchée.
- Ce que je veux te dire Nia, c'est que... Je comprends. Mais pourquoi te priver de faire de la musique alors que tu dégages tellement quand tu joues ?
Je ne réponds rien, comme paralysée par ses paroles. Mon cœur se serre un peu plus. Il a raison, et ça me fait mal. Je pince les lèvres, tête baissée. Après quelques instants, je repose les yeux sur lui. Et ce que je vois me brise le coeur. Il est parti.
Je me lève, les bras serrés contre moi, désarmée.
- Will ? J'appelle.
Aucune réponse. C'est pas vrai, mais pourquoi est-ce que je dois toujours tourné tout au drame ? Je dois le désespérer, ou pire, l'agacer.
- Will ? Je retente.
- J'arrive !
Mon cœur s'allège instantanément quand je le vois apparaître dans le séjour, sa guitare sur le dos.
Je soupire, soulagée. En entendant mon souffle, il me jette un regard curieux, je souris.
- Viens, me glisse-t-il.
Je le suis jusqu'au canapé, et l'observe placer sa guitare sur ses genoux. Des doigts, il frappe doucement la caisse, tout en me guettant du coin de l'oeil.
- Il est hors de question que tu arrêtes la musique, Nia James !
Je glousse.
- Tu comptes m'apprendre à jouer de la guitare, William Stone ?
Je demande sur le même ton taquin.
- Bravo, Sherlock !
- Will...
Il rit sous ma menace.
- Viens, approche toi.
Je m'exécute.
Il place alors l'instrument sur mes cuisses. Je saisis le manche, et caresse le bois. Puis, je le regarde, un sourcil interrogateur.
- Je vais t'apprendre le morceau que tu étais en train de jouer tout à l'heure au piano, ça te va ?
- OK.
Will se déplace sur le canapé, et vient se mettre derrière moi. De sa main gauche, il place la mienne sur les cordes du manche.
- Tu appuies sur ces cordes, OK ? Oui, c'est ça... Ensuite l'accord qui suit, il place mes doigts, c'est celui là.
Pendant une dizaine de minutes, il m'explique, me fait répéter l'enchaînement d'accords. Il semble surpris par ma capacité et facilité à les mémoriser, et à les exécuter.
Puis, il me montre le rythme à jouer par la main droite. De la sienne, il place ma main sur les cordes, m'apprenant ainsi quelles cordes à pincer, à gratter.
Will joue le professeur pendant une heure, et je m'amuse comme une folle.
- Will ! Ça y'est, j'y arrive ! Écoute !
Son rire me parvient aux oreilles, si proche, que je sens son souffle sur ma joue.
- Oui je vois ça, Nia !
Je pose ma main sur la caisse, décidant alors d'arrêter de jouer. Je tourne mon visage vers le sien.
- Tu me joues un truc ?
Notre proximité est troublante, et je suis fascinée par son sourire.
- Bien sûr.
Il se place à mes côtés, laissant un vide derrière moi. Je lui confie sa guitare, les mains en feu. Je risque d'avoir des ampoules aux extrémités des doigts pendant un bout de temps.
***
Nous sommes dans sa voiture, direction chez moi . À cette heure-ci, mes parents ne sont pas à la maison, j'aurais alors tout le temps de prendre une douche et de m'habiller, comme si j'avais été allée en cours, ce que j'aurais dû faire.
Mais ce n'est pas le cas, à la place, je suis restée avec Will toute la journée.
Et, je lui suis reconnaissante de toute cette attention qu'il me porte. Je crois bien que je n'aurais plus besoin de ce pacte pour qu'il rentre définitivement dans ma vie. Je l'apprécie. Il est entré dans ma vie avec volonté et ténacité, et je l'admire pour ça. De plus, je sais qu'il ne me lachera pas.
Will me dépose devant chez moi, et avant que je n'ai pu finir de monter les escaliers menant au perron, je l'entends venir vers moi en courant. Mon sac de cours sur le dos.
- Tu allais oublier ça !
- Oh, merci beaucoup !
- Tes vêtements sont dedans.
- Merci, Will.
Il commence à descendre les marches quand je l'arrête, ma main sur son coude. Il se tourne vers moi, un regard protecteur fixé sur le visage.
- Merci pour tout... Pour hier soir, cette nuit, aujourd'hui ... Merci.
Il me sourit avec tendresse.
- Il y a pas de quoi, Nia. Je te l'ai dit, je suis là, point.
Je souris.
- Je dois y aller, je joue pour les enfants ce soir.
Je hoche la tête.
- Bien sûr, vas- y.
- On se voit lundi ? Me demande-t-il une main sur la mienne.
- Yep.
Il sourit, puis après une hésitation, me dépose un baiser dans les cheveux. J'inspire.
Alors qu'il descend les marches, et dévale l'allée, j'enfonce les clés dans la serrure de la porte d'entrée. Le coeur battant à mille à l'heure.
J'espère que ce chapitre vous a plu ! Je vous retrouve bientôt pour le chapitre 18 ! ❣
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top