Chapitre 13

>> Cut, Plumb

On se regarde, se dévisage, s'analyse, se détaille ...
Je ne trouve pas de verbe dans ce fichu dictionnaire, pour décrire notre lien à cet instant.

Il sait qu'il a marqué un point, a trouvé une porte sur mon âme. Mais je ne l'ouvrirai pas. Pas encore...

Il fait un mouvement de tête, me désignant la direction du salon, et s'éloigne de sa chambre.
Je prends ma béquille, et sors de la pièce.

En arrivant dans le séjour, je vois Will en train de s'activer dans la cuisine. Son regard croise le mien lorsque ma présence se faire ressentir dans la pièce.

- Je te prépare du thé, pour te réchauffer, ça te va ?

- Oui, c'est parfait, merci beaucoup, je lui réponds doucement.

A mon ton radoucit, je vois ses lèvres s'étirer, et un léger sourire en coin se dessiner sur le bas de son visage. Car ses yeux, eux, expriment autre chose. Quelque chose que je ne saisis pas.

Sous la tension, je détourne le regard et m'aventure dans le salon.
Je m'approche vers la fenêtre, écarte de mes doigts le rideau blanc, presque transparent, et admire la vue.

La pluie a repris, et de jolis dessins se créent sur la vitre. Les gouttes glissent, se rejoignent, s'assemblent, pour s'écouler le long de la paroi.

Je suis des yeux le mouvement de l'une d'entre elles, quand mon regard est attiré par autre chose. Je caresse avec délicatesse, du bout des doigts, la surface lisse et douce du bois du piano, qui se trouve devant moi.
Mon index descend jusqu'au couvercle qui protège les magnifiques touches blanches et noires.
Du pouce, je l'ouvre lentement. Je m'apprête à l'ouvrir entièrement, mais le repose aussitôt, quand je ressens la présence de Will derrière moi. Je sens également les effluves de thé se diffuser dans notre espace.

- Continue, me glisse-t-il.

J'obéis, et dévoile les touches. Ce piano est magnifique. Je touche avec soin le sombre et le clair.

- Tu sais jouer ? Me questionne-t-il, toujours dans mon dos.

Je souris, mes yeux s'embrument, heureusement il ne peut le voir. Oui, j'en jouais souvent avant. On jouait à deux. Mais cela n'est plus qu'un souvenir.

- Non, je lui réponds, le ton plus neutre possible.

Je l'entends poser les tasses sur la table du salon, puis je le vois à mes côtés.
Il s'assoit sur le petit fauteuil ancien en velours rouge, qui fait face à l'instrument. Il pose ses doigts sur les touches.

J'admire l'aisance avec laquelle il enchaîne les notes. Ses doigts sont en accord parfait avec le piano. Son corps fait partie de l'instrument, à cet instant .
Will est un musicien né. Je sais qu'il joue de la guitare même si je ne l'ai jamais entendu jouer, mais je ne lui connaissais pas un tel don.

Je le connais depuis peu, et la surprise est réelle, lorsque je prends conscience que je veux, moi aussi le connaître. Wahou, à croire que je ne suis pas une cause si perdue que ça, finalement.

Mes yeux remontent, le long de ses bras, de ses larges épaules, jusqu'à son visage.
Les yeux fermés, il semble emportait dans un autre monde. Une expression de tristesse passe un instant sur ses traits, et disparait instantanément quand ses paupières se relèvent.
Il referme le couvercle, et pose ses coudes dessus, la tête entre les mains.
Je comprends immédiatement qu'un lien particulier le relie à ce piano. L'émotion est palpable. Ne sachant que dire, je pose ma main sur son épaule. Il se raidit, puis se détend. Je respire profondément, n'étant pas habituée aux contacts, aussi faible soit-il.

- C'est la première fois que je joue depuis longtemps...

Sa voix est plus grave, brisée. Une chaleur se diffuse en moi, le sentiment que l'on se ressemble. Lui aussi paraît lutter contre son passé. Je ferme les yeux.

- Je suis désolée, je chuchote.

Il se tourne vers moi, j'ouvre les yeux.

L'expression que je lis dans son regard est indescriptible. J'avale ma salive.

- Pourquoi tu es désolée ?

Je souris tristement.

- Toi aussi, la vie n'a pas été tendre avec toi, j'ai l'impression.

Je fixe mes mains et joue avec les petites peaux de mes ongles

- C'est vrai, me confirme-t-il avec douceur. Mais ce n'est pas pour ça qu'on doit s'enfermer sur nous-mêmes, et arrêter de vivre, pas vrai ?

Un coup me parvient droit au cœur. Je me redresse, me raidis. Un léger sourire se dessine sur sa bouche.

- C'est pas ... Si facile.

- Je sais, oui, me répond-t-il avec sincérité.

J'expire lentement. Il perçoit mon trouble, et me prend alors, avec une infinie douceur, mes mains. Je tente de rester détendue sous ce geste. Puis, plante mon regard dans le sien, il fait de même.

- Nia, je sais que je n'ai aucun droit de te dire ça, parce qu'on ne se connait pas, et ce n'est pas ce stupide accord qui fera que je serai ton meilleur ami du jour au lendemain, mais... Il pince les lèvres, puis reprend. Mais quoiqu'il est pu t'arriver, ce que tu es, ou ton passé, je peux t'assurer que tu vas t'en sortir.
C'est dur, je sais, mais d'une façon ou d'une autre, tu iras mieux.
Peut être que tu y arriveras seule, mais tu peux aussi me faire confiance. Je sais de quoi je parle, crois moi ...
Ou tu peux continuer de te renfermer, et laisser ce qui te pourrie la vie, gagner.

Il me dit tout ça, sans détourner les yeux des miens. Même quand les premières larmes pointent le bout de leur nez.
Je me sens prise au piège, j'étouffe.
J'ai la gorge serrée, et je ne vais pas tarder à exploser.

- Nia, quelques soient mes motivations, pourquoi je veux te connaître, pourquoi je tiens à notre accord, ça n'a pas besoin d'être aussi compliqué que tu peux te l'imaginer. La vie n'est pas si tordue que ça, je ne suis pas aussi tordu que ça.

Il accentue la voix sur ces derniers mots. D'un geste vif, je libère mes mains tremblantes de son emprise, et me dirige, chancelante, vers la fenêtre. Je l'ouvre sur le champ, et suis surprise de sentir l'eau sur mon visage. Je respire à pleins poumons. J'ai besoin d'air. Impossible de me calmer. Je tremble de la tête aux pieds, et panique. Je tente de me maintenir à la barre de la fenêtre, mais mes jambes sont faibles. Je n'aurais pas dû venir ici, c'était une mauvaise idée. Mais comment aurais-je pu m'attendre à ça ? Will tentant de m'aider ? Il ne peut donc pas s'occuper de ses affaires ! Je n'ai vraiment pas besoin de ça. Vraiment...
Je manque de m' écrouler, quand Will apparaît et me soutient par la taille. Il me tourne face à lui. Puis, dégage avec douceur de mon visage mouillé, mes cheveux rebelles.

- Pourquoi tu fais ça ? Je hurle presque, de ma voix cassée par les sanglots.

- Nia...

- Non ! T'as pas le droit de faire ça ! Vouloir me connaître et me balancer des horreurs à la figure !

- Des horreurs ?

Il fronce les sourcils.

- Oui, exactement !

- C'est la vérité qui te dérange ?

Je ne remarque aucune méchanceté ou moquerie dans sa voix. Et ça me rend limite folle de voir à quel point il comprend, sans savoir.

- Arrête ! Je t'en prie Will, arrête de me mettre en vrac comme ça, je le suis déjà suffisamment !

Je suis en train de hurler, malgré les sanglots qui me serre la gorge. Je veux qu'il se taise ! Je veux m'en aller d'ici, ne plus jamais le voir. Je dois me protéger. Et son aide ne me sera d'aucun secours, alors il vaut mieux que je parte, que j'en finisse avec lui.

Ses bras remontent vers mes épaules, m'empêchant ainsi de quitter cet endroit.

- Nia, je ne te demanderai jamais de me raconter pourquoi tu es comme ça, mais juste garde en tête que tu n'es pas la seule à te sentir comme cela, pas forcément moi, mais c'est la vie, c'est ainsi. Et tu n'es pas seule.

- Will...

Ma gorge est si serrée que le mot peine à sortir, inaudible.

- Je sais pas pourquoi je veux t'aider, si tu veux le savoir, juste quand je t'ai vu à l'hôpital...

Je ferme les yeux, et tente de réfléchir à un échappatoire. Mais il n'y en a pas... Je me sens si mal que je ne peux à peine respirer. Pourquoi a-t-il fallu qu'il rentre dans ma vie ? J'ai envie de hurler. Je me mords la lèvre inférieure. Le gris de ses yeux étudie avec précision les traits de mon visage. Il soupire.

- Viens, me murmure-t-il.

- On va où ? Je demande tout bas, résignée, consciente qu'il ne me laissera pas m'en aller. Je ne suis même pas sûre qu'il m'est entendue.

- Nulle part, on va juste s'asseoir . Je vais te jouer un morceau, pour que tu puisses te calmer.

- Au piano ?

- Non, à la guitare.

Je hoche la tête. Il part dans le couloir. Je me retrouve seule. Mes pensées en ébullition, mon cœur à mille à l'heure. Les joues couvertes de larmes.
Toutes mes cellules sont en alerte. J'ai peur.

Mais ce que je ne savais pas à ce moment précis, la pluie dans le dos, le vent me caressant la peau et jouant avec mes cheveux, c'est que ce garçon réussirait là où j'ai échoué, tant et tant de fois. Il me fera oublier...



Hello !!!! J'espère que ce chapitre vous a plu, j'ai vraiment aimé l'écrire ! J'attends vos commentaires avec impatience, n'hésitez pas aussi à voter et vous abonner !
De plus j'ai une petite nouvelle pour vous ! Mon roman figure dans le recueil d'avis " Le répertoire de Mimi" ( allez voir ma liste de lecture) , l'auteur fait du bon boulot, et je suis ravie de son avis !
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